Citations de Alfred de Vigny

51 Citations

Ne pas espérer qu'un grand oeuvre soit contemplé, qu'un livre soit lu, comme ils ont été faits.
Si votre livre est écrit dans la solitude, l'étude et le recueillement, je souhaite qu'il soit lu dans le recueillement, l'étude et la solitude; mais soyez à peu près certain qu'il sera lu à la promenade, au café, en calèche, entre les causeries, les disputes, les verres, les jeux et les éclats de rire, ou pas du tout.
Et s'il est original, Dieu vous puisse garder des pâles imitateurs, troupe nuisible et innombrable de singes salissants et maladroits.
Et après tout cela, vous aurez mis au jour quelque volume qui, pareil à toutes les oeuvres des hommes, lesquelles n'ont jamais exprimé qu'une question et un soupir, pourra se résumer infailliblement par les deux mots qui ne cesseront jamais d'exprimer notre destinée de doute et de douleur:
POURQUOI ? Et HELAS !


Par: Alfred de Vigny

Extrait de: Stello (1832)

Ajoutée par Savinien le 20/03/2023

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Peut-être que le temps, invisible comme l'air, et qui se pèse et se mesure comme lui, comme lui aussi apporte aux hommes des influences inévitables. Il y a des heures néfastes. Telle est pour moi celle de l'aube humide, tant célébrée, qui m'amène que l'affliction et l'ennui, parce qu'elle éveille tous les cris de la foule pour toute la démesurée longueur du jour, dont le terme me semble inespéré.


Par: Alfred de Vigny

Extrait de: Stello (1832)

Ajoutée par Savinien le 20/03/2023

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C'est un spectacle curieux que de voir et mesurer le peu de chaque connaissance que contient chaque cerveau: l'un renferme d'une Science le pied seulement, et n'en a jamais aperçu le corps; l'autre cerveau contient d'elle une main tronquée; un troisième la garde, l'adore, la tourne, la retourne en lui-même, la montre et la démontre quelquefois dans l'état précisément du fameux Torse, sans la tête, les bras et les jambes; de sorte que, tout admirable qu'elle est, sa pauvre Science n'a ni but, ni action, ni progrès; les plus nombreux sont ceux qui n'en conservent que la peau, la surface de la peau, la plus mince pellicule imaginable, et passent pour avoir le tout en eux bien complet. Ce sont là les plus fiers. Mais, quant à ceux qui, de chaque chose dont ils parleraient, posséderaient le tout, intérieur et extérieur, corps et âme, ensemble et détail, ayant tout cela également présent à la pensée pour en faire usage sur-le-champ, comme un ouvrier de tous ses outils, lorsque vous les rencontrerez, vous me ferez plaisir de me donner leur carte de visite, afin que je passe chez eux leur rendre mes devoirs très humbles. Depuis que je voyage, étudiant les sommités intellectuelles de tous les pays, je n'ai pas trouvé l'espèce que je viens de vous décrire.


Par: Alfred de Vigny

Extrait de: Stello (1832)

Ajoutée par Savinien le 20/03/2023

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Vous savez que jamais un homme ne voit ou ne croit voir le bonheur d'un autre homme auprès d'une femme sans le trouver haïssable, n'eût-il nulle prétention pour lui-même.


Par: Alfred de Vigny

Extrait de: Stello (1832)

Ajoutée par Savinien le 20/03/2023

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Je l'ai souvent remarqué, entre la pensée et l'oeil il y a un rapport direct et si immédiat, que l'un agit sur l'autre avec une égale puissance. S'il est vrai qu'une idée arrête le regard, le regard, en se détournant, détourne aussi l'idée.


Par: Alfred de Vigny

Extrait de: Stello (1832)

Ajoutée par Savinien le 20/03/2023

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Je veux dire ce que je souffre afin que vous m'en parliez, car c'est toujours un grand plaisir pour un malade que de parler de soi et d'en faire parler les autres: la moitié de la guérison gît là-dedans.


Par: Alfred de Vigny

Extrait de: Stello (1832)

Ajoutée par Savinien le 20/03/2023

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Il est atteint d'une maladie toute morale et presque incurable, et quelquefois contagieuse: maladie terrible qui se saisit surtout des âmes jeunes, ardentes et toutes neuves à la vie, éprises de l'amour du juste et du beau, et venant dans le monde pour y rencontrer, à chaque pas, toutes les iniquités et toutes les laideurs d'une société mal construite. Ce mal, c'est la haine de la vie et l'amour de la mort: c'est l'obstiné Suicide.


Par: Alfred de Vigny

Extrait de: Chatterton (1835)

Ajoutée par Savinien le 14/03/2023

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Selon ton coeur, tu prends en bienveillante pitié ceux qui te disent: « Sois un autre homme que celui que tu es »; moi, selon ma tête, je les ai en mépris, parce qu'ils veulent dire: « Retire-toi de notre soleil; il n'y a pas de place pour toi. » Les guérira qui pourra.


Par: Alfred de Vigny

Extrait de: Chatterton (1835)

Ajoutée par Savinien le 14/03/2023

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je trouverais toujours entre moi et mon ouvrage l'ennemie fatale née avec moi: la fée malfaisante trouvée sans doute dans mon berceau, la Distraction, la Poésie! - Elle se met partout; elle me donne et m'ôte tout; elle charme et détruit toute chose pour moi; elle m'a sauvé... Elle m'a perdu!


Par: Alfred de Vigny

Extrait de: Chatterton (1835)

Ajoutée par Savinien le 14/03/2023

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Je t'aime, parce que je devine que tout le monde te hait. Une âme contemplative est à charge à tous les désoeuvrés remuants qui couvrent la terre: l'imagination et le recueillement sont deux maladies dont personne n'a pitié!


Par: Alfred de Vigny

Extrait de: Chatterton (1835)

Ajoutée par Savinien le 14/03/2023

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La bonté d'un homme ne le rend victime que jusqu'où il le veut bien, et l'affranchissement est dans sa main.


Par: Alfred de Vigny

Extrait de: Chatterton (1835)

Ajoutée par Savinien le 14/03/2023

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Acte III, Scène 9


Tout est vrai, je le vois, tout s'explique pour nous.
Yago, regarde-moi? - C'est ainsi que s'exhale
De cet amour d'enfant la démence fatale;
Il est bien loin de moi. - Levez-vous à présent,
Haine, vengeance, horreur d'un amour malfaisant;
Dédain juste et profond, légitimes colères,
Venez gonfler mon coeur du poison des vipères.


Par: Alfred de Vigny

Ajoutée par Savinien le 13/02/2021

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Acte III, Scène 3


Ah! Gardez-vous, seigneur, d'un énorme défaut;
La jalousie. Hélas! C'est un monstre qui ronge
Le coeur infortuné dans lequel il se plonge.
Tel mari sans amour, bien certain de son sort,
Près de son infidèle en souriant s'endort;
Mais quel tourment d'enfer! Quel chagrin empoisonne
Celui dont l'âme ardente idolâtre et soupçonne!


Par: Alfred de Vigny

Ajoutée par Savinien le 13/02/2021

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Acte II, scène 5


Ma femme! Ô ma jeune beauté!
O délice et repos de mon coeur tourmenté!
Que le son de ta voix est doux à mon oreille!
Aux sifflements des airs que la mort se réveille,
Que ma barque se livre encore aux flots puissants,
Si mon jour doit venir, qu'il vienne, j'y consens;
Car jamais, quel que soit ton cours, Ô destinée!
Une telle heure encor ne me sera donnée.


Par: Alfred de Vigny

Ajoutée par Savinien le 13/02/2021

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Acte II, Scène 4


Il lui prend les mains. Bon! Et lui parle bas! Bien,
Le papillon s'attrape au plus faible lien;
Dans celui-ci, Cassio, je te prends avec elle!
C'est cela. Parle-lui, souris bien à ta belle.
Tu seras dégradé pour ces fadaises-là.
Un baiser sur tes doigts, bien, bravo! C'est cela!
Pour que ta main le rende à sa main qu'elle touche,
Puissent tous ces baisers empoisonner ta bouche!


Par: Alfred de Vigny

Ajoutée par Savinien le 13/02/2021

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Acte I, scène 9


Les orages du sort que j'ai couru chercher
Ont bien assez prouvé qu'Othello m'était cher.
Mais qu'ai-je aimé dans lui? Sa grandeur valeureuse,
Sa gloire; aussi, seigneurs, je serai moins heureuse
Si l'on doit me ravir l'aspect victorieux
Des honneurs dont l'éclat est l'amour de mes yeux;
Etant vouée à lui, je le suis à la guerre;
Je me sens courageuse autant qu'il me rend fière,
Et rester c'est languir dans un pesant ennui;
Seigneurs, permettez-moi de partir avec lui.


Par: Alfred de Vigny

Ajoutée par Savinien le 13/02/2021

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Acte I, Scène 6


Tout beau, messieurs, rentrez vos brillantes épées;
Du brouillard de la nuit elles seront trempées,
Cela peut les ternir. - Seigneur, vos cheveux blancs
Commandent mieux ici que ces moyens sanglants.


Par: Alfred de Vigny

Ajoutée par Savinien le 13/02/2021

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Acte I, Scène 2


Mais je quitte ce lieu. L'air me devient malsain;
Car s'il me voit ici, je manque à mon dessein.
L'heure n'est pas venue; et mon rôle est encore
De paraître en tout point créature du More.
Paraître seulement; car, ma foi! Je le hais
Dix fois plus que l'enfer, où peut être je vais.


Par: Alfred de Vigny

Ajoutée par Savinien le 13/02/2021

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Il y a dans les actions honteuses quelque chose d'empoisonné qui se fait sentir aux lèvres d'un homme de coeur sitôt qu'il touche les bords du vase de perdition. Il ne peut même pas y goûter sans être prêt à en mourir.


Par: Alfred de Vigny

Ajoutée par Savinien le 07/02/2012

 

Bien souvent j'ai souri de pitié sur moi-même en voyant avec quelle force une idée s'empare de nous, comme elle nous fait sa dupe, et combien il faut de temps pour l'user.


Par: Alfred de Vigny

Ajoutée par Savinien le 06/02/2012

 

Quand on parle de soi, la meilleure muse est la Franchise. Je ne saurais me parer de bonne grâce de la plume des paons; toute belle qu'elle est, je crois que chacun doit lui préférer la sienne.


Par: Alfred de Vigny

Ajoutée par Savinien le 06/02/2012

 

L'age d'or de l'avenir


Il est donc vrai que l'homme est monté par lui-même
Jusqu'aux sommets glacés de sa vaste raison,
Qu'il y peut vivre en paix sans plainte et sans blasphème,
Et mesurer le monde et sonder l'horizon.
Il sait que l'univers l'écrase et le dévore;
Plus grand que l'univers qu'il juge et qui l'ignore,
Le Berger a lui-même éclairé sa maison.


Par: Alfred de Vigny

Ajoutée par Savinien le 24/08/2010

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Satan


Sur ce globe imparfait, oeuvre des sept journées,
De l'espoir au regret balançant ses années,
L'homme en pleurant achève et commence son sort,
Et son berceau souvent est le lit de sa mort.


Par: Alfred de Vigny

Ajoutée par Savinien le 24/08/2010

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Wanda


Là, j'aurai soin d'user ma vie avec la sienne,
Je soutiendrai ses bras quand il prendra l'épieu,
Je briserai mon corps pour que rien ne retienne
Mon âme quand son âme aura monté vers Dieu;
Et bientôt, nous tirant des glaces éternelles,
L'ange de mort viendra nous prendre sous ses ailes
Pour nous porter ensemble aux chaleurs du ciel bleu.


Par: Alfred de Vigny

Ajoutée par Savinien le 24/08/2010

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Wanda


En ce temps-là, ma soeur, sur le seuil de sa porte,
Nous dit: Vivez en paix, je vais garder ma foi,
Gardez ces vanités; au monde je suis morte,
Puisque le seul que j'aime est mort devant la loi.
Des splendeurs de mon front conservez les ruines,
Je le suivrai partout, jusques au fond des mines:
Vous qui savez aimer, vous feriez comme moi.


Par: Alfred de Vigny

Ajoutée par Savinien le 24/08/2010

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Le mont des oliviers


Et si j'ai mis le pied sur ce globe incomplet
Dont le gémissement sans repos m'appelait,
C'était pour y laisser deux anges à ma place
De qui la race humaine aurait baisé la trace,
La Certitude heureuse et l'Espoir confiant
Qui dans le paradis marchent en souriant.
Mais je vais la quitter, cette indigente terre,
N'ayant que soulevé ce manteau de misère
Qui l'entoure à grands plis, drap lugubre et fatal,
Que d'un bout tient le Doute et de l'autre le Mal.


Par: Alfred de Vigny

Ajoutée par Savinien le 24/08/2010

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Le mont des oliviers


Jésus disait: O Père, encore laisse-moi vivre!
Avant le dernier mot ne ferme pas mon livre!
Ne sens-tu pas le monde et tout le genre humain
Qui souffre avec ma chair et frémit dans ta main?
C'est que la terre a peur de rester seule et veuve,
Quand meurt celui qui dit une parole neuve;
Et que tu n'as laissé dans son sein desséché
Tomber qu'un mot du ciel par ma bouche épanché.
Mais ce mot est si pur, et sa douceur est telle,
Qu'il a comme enivré la famille mortelle
D'une goutte de vie et de divinité,
Lorsqu'en ouvrant les bras j'ai dit: Fraternité!


Par: Alfred de Vigny

Ajoutée par Savinien le 24/08/2010

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La flûte


Pour moi qui ne sais rien et vais du doute au rêve,
Je crois qu'après la mort, quand l'union s'achève,
L'âme retrouve alors la vue et la clarté,
Et que, jugeant son oeuvre avec sérénité,
Comprenant sans obstacle et s'expliquant sans peine,
Comme ses soeurs du ciel elle est puissante et reine,
Se mesure au vrai poids, connaît visiblement
Que son souffle était faux par le faux instrument,
N'était ni glorieux ni vil, n'étant pas libre;
Que le corps seulement empêchait l'équilibre;
Et, calme, elle reprend, dans l'idéal bonheur,
La sainte égalité des esprits du Seigneur.


Par: Alfred de Vigny

Ajoutée par Savinien le 24/08/2010

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La flûte


Si, plus haut parvenus, de glorieux esprits
Vous dédaignent jamais, méprisez leur mépris;
Car ce sommet de tout, dominant toute gloire,
Ils n'y sont pas, ainsi que l'oeil pourrait le croire.
On n'est jamais en haut. Les forts, devant leurs pas,
Trouvent un nouveau mont inaperçu d'en bas.
Tel que l'on croit complet et maître en toute chose
Ne dit pas les savoirs qu'à tort on lui suppose,
Et qu'il est tel grand but qu'en vain il entreprit.
Tout homme a vu le mur qui borne son esprit.


Par: Alfred de Vigny

Ajoutée par Savinien le 24/08/2010

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La mort du loup


A voir ce que l'on fut sur terre et ce qu'on laisse,
Seul le silence est grand; tout le reste est faiblesse.
...
Gémir, pleurer, prier est également lâche.
Fais énergiquement ta longue et lourde tâche
Dans la voie où le sort a voulu t'appeler,
Puis après, comme moi, souffre et meurs sans parler.


Par: Alfred de Vigny

Ajoutée par Savinien le 24/08/2010

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La colère de Samson


Donc, ce que j'ai voulu, Seigneur, n'existe pas.
Celle à qui va l'amour et de qui vient la vie,
Celle-là, par orgueil, se fait notre ennemie.
La Femme est à présent pire que dans ces temps
Où voyant les humains Dieu dit: Je me repens!
Bientôt, se retirant dans un hideux royaume,
La Femme aura Gomorrhe et l'Homme aura Sodome,
Et, se jetant, de loin, un regard irrité,
Les deux sexes mourront chacun de son côté.


Par: Alfred de Vigny

Ajoutée par Savinien le 24/08/2010

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La colère de Samson


Il ira dans la ville, et là les vierges folles
Le prendront dans leurs lacs aux premières paroles.
Plus fort il sera né, mieux il sera vaincu,
Car plus le fleuve est grand et plus il est ému.
Quand le combat que Dieu fit pour la créature
Et contre son semblable et contre la Nature
Force l'Homme à chercher un sein où reposer,
Quand ses yeux sont en pleurs, il lui faut un baiser.
Mais il n'a pas encore fini toute sa tâche.
Vient un autre combat plus secret, traître et lâche;
Sous son bras, sous son coeur se livre celui-là,
Et, plus ou moins, le Femme est toujours Dalila.


Par: Alfred de Vigny

Ajoutée par Savinien le 24/08/2010

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La colère de Samson


L'homme a toujours besoin de caresses et d'amour,
Sa mère l'en abreuve alors qu'il vient au jour,
Et ce bras le premier l'engourdit, le balance
Et lui donne un désir d'amour et d'indolence.
Troublé dans l'action, troublé dans le dessein,
Il rêvera partout à la chaleur du sein,
Aux chansons de la nuit, aux baisers de l'aurore,
A la lèvre de feu que sa lèvre dévore,
Aux cheveux dénoués qui roulent sur son front,
Et les regrets du lit, en marchant, le suivront.


Par: Alfred de Vigny

Ajoutée par Savinien le 24/08/2010

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Les oracles


S'agiter et blesser est l'instinct des vipères;
L'Homme ainsi contre l'Homme a son instinct fatal:
Il retourne ses dards et nourrit ses colères
Au réservoir caché de son poison natal.
Dans quelque cercle obscur qu'on les ait vu descendre,
Homme ou serpent, blottis sous le verre et la cendre,
Mordront le diamant ou mordront le cristal.


Par: Alfred de Vigny

Ajoutée par Savinien le 24/08/2010

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La maison du berger


Nous marcherons ainsi, ne laissant que notre ombre
Sur cette terre ingrate où les morts ont passé;
Nous nous parlerons d'eux à l'heure où tout est sombre,
Où tu te plais à suivre un chemin effacé,
A rêver, appuyée aux branches incertaines,
Pleurant, comme Diane au bord de ses fontaines,
Ton amour taciturne et toujours menacé.


Par: Alfred de Vigny

Ajoutée par Savinien le 24/08/2010

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La maison du berger


Vivez, froide Nature, et revivez sans cesse
Sous nos pieds, sur nos fronts, puisque c'est votre loi;
Vivez, et dédaignez, si vous êtes déesse,
L'homme, humble passager, qui dut vous être un roi;
Plus que tout votre règne et que ses splendeurs vaines,
J'aime la majesté des souffrances humaines,
Vous ne recevrez pas un cri d'amour de moi.


Par: Alfred de Vigny

Ajoutée par Savinien le 24/08/2010

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La maison du berger


Viens donc, le ciel pour moi n'est plus qu'une auréole
Qui t'entoure d'azur, t'éclaire et te défend;
La montagne est ton temple et le bois sa coupole;
L'oiseau n'est sur la fleur balancé par le vent,
Et la fleur ne parfume et l'oiseau ne soupire
Que pour mieux enchanter l'air que ton sein respire;
La terre est le tapis de tes beaux pieds d'enfants.

Eva, j'aimerai tout dans les choses créées,
Je les contemplerai dans ton regard rêveur
Qui partout répandra ses flammes colorées,
Son repos gracieux, sa magique saveur:
Sur mon coeur déchiré viens poser ta main pure,
Ne me laisse jamais seul avec la Nature;
Car je la connais trop pour n'en pas avoir peur.


Par: Alfred de Vigny

Ajoutée par Savinien le 24/08/2010

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La prison


Je déchirais mon sein par mes gémissements,
J'effrayais mes geôliers de mes longs hurlements;
Des nuits, par mes soupirs, je mesurais l'espace;
Aux hiboux des créneaux je disputais leur place,
Et, pendant aux barreaux où s'arrêtaient mes pas,
Je vivais hors des murs d'où je ne sortais pas.


Par: Alfred de Vigny

Ajoutée par Savinien le 24/08/2010

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La prison


L'agonisant du lit se soulève et lui dit:
Vieillard, vous abaissez votre front interdit,
Je n'entends plus le bruit de vos conseils frivoles,
L'aspect de mon malheur arrête vos paroles.
Oui, regardez-moi bien, et puis dites, après,
Qu'un Dieu de l'innocent défend les intérêts;
Des péchés tant proscrits, où toujours l'on succombe,
Aucun n'a séparé mon berceau de ma tombe;
Seul, toujours seul, par l'âge et la douleur vaincu,
Je meurs tout chargé d'ans, et je n'ai pas vécu.


Par: Alfred de Vigny

Ajoutée par Savinien le 24/08/2010

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Le malheur


Où fuir? Sur le seuil de ma porte
Le Malheur, un jour, s'est assis;
Et depuis ce jour je l'emporte
A travers mes jours obscurcis.
Au soleil et dans les ténèbres,
En tous lieux ses ailes funèbres
Me couvrent comme un noir manteau;
De mes douleurs ses bras avides
M'enlacent; et ses mains livides
Sur mon coeur tiennent le couteau.


Par: Alfred de Vigny

Ajoutée par Savinien le 24/08/2010

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La Dryade


Vois-tu ce vieux tronc d'arbre aux immenses racines?
Jadis il s'anima de paroles divines;
Mais par les noirs hivers le chêne fut vaincu,
Et la Dryade aussi, comme l'arbre, a vécu.
Car tu le sais, berger, ces Déesses fragiles,
Envieuses des jeux et des danses agiles,
Sous l'écorce d'un bois où les fixa le sort,
Reçoivent avec lui la naissance et la mort.


Par: Alfred de Vigny

Ajoutée par Savinien le 24/08/2010

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La femme adultère


Et, la pierre à la main, la foule sanguinaire
S'appelait, la montrait: C'est la femme adultère!
Lapidez-la: déjà le séducteur est mort!
Et la femme pleura. - Mais le juge d'abord:
Qu'un homme d'entre vous, dit-il, jette une pierre
S'il se croit sans péché, qu'il jette la première.
Il dit, et s'écartant des mobiles Hébreux,
Apaisés par ces mots et déjà moins nombreux,
Son doigt mystérieux, sur l'arène légère,
Écrivait une langue aux hommes étrangère,
En caractères saints dans le ciel retracés...
Quand il se releva, tous s'étaient dispersés.


Par: Alfred de Vigny

Ajoutée par Savinien le 24/08/2010

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Eloa


Où me conduisez-vous, bel Ange? - Viens toujours.
- Que votre voix est triste, et quel sombre discours!
N'est-ce pas Eloa qui soulève ta chaîne?
J'ai cru t'avoir sauvé. - Non, c'est moi qui t'entraîne.
- Si nous sommes unis, peu m'importe en quel lieu!
Nomme-moi donc encore ou ta Soeur ou ton Dieu!
- J'enlève mon esclave et je tiens ma victime.
- Tu paraissais si bon! Oh! Qu'ai-je fait? - Un crime.
- Seras-tu plus heureux, du moins, es-tu content?
- Plus triste que jamais. - Qui donc es-tu? - Satan.


Par: Alfred de Vigny

Ajoutée par Savinien le 24/08/2010

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Eloa


Et comme, tous nourris de l'essence première,
Les anges ont au coeur des sources de lumière,
Tandis qu'elle parlait, ses ailes à l'entour,
Et son sein et son bras répandirent le jour:
Ainsi le diamant luit au milieu des ombres.
L'Archange s'en effraie, et sous ses cheveux sombres
Cherche un épais refuge à ses yeux éblouis;
Il pense qu'à la fin des temps évanouis,
Il lui faudra de même envisager son Maître,
Et qu'un regard de Dieu le brisera peut-être.


Par: Alfred de Vigny

Ajoutée par Savinien le 24/08/2010

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Eloa


Toi seule m'apparus comme une jeune étoile
Qui de la vaste nuit perce à l'écart le voile;
Toi seule me parus ce qu'on cherche toujours,
Ce que l'homme poursuit dans l'ombre de ses jours,
Le Dieu qui du bonheur connait seul le mystère,
Et la Reine qu'attend mon trône solitaire.
Enfin, par ta présence habile à me charmer,
Il me fut révélé que je pouvais aimer.


Par: Alfred de Vigny

Ajoutée par Savinien le 24/08/2010

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Le Mont des Oliviers


S'il est vrai qu'au jardin sacré des écritures,
Le fils de l'homme ait dit ce qu'on voit rapporté;
Muet, aveugle et sourd au cri des créatures,
Si le Ciel nous laissa comme un monde avorté,
Le juste opposera le dédain à l'absence
Et ne répondra plus que par un froid silence
Au silence éternel de la divinité.


Par: Alfred de Vigny

Ajoutée par Savinien le 25/07/2010

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Le cor


Turpin, n'as tu rien vu dans le fond du torrent?

J'y vois deux chevaliers: l'un mort, l'autre expirant
Tous deux sont écrasés sous une roche noire;
Le plus fort, dans sa main, élève un cor d'ivoire,
Son âme en s'exhalant nous appela deux fois.

Dieu! Que le son du cor est triste au fond des bois!


Par: Alfred de Vigny

Ajoutée par Savinien le 25/07/2010

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Le cor


Âmes des chevaliers, revenez-vous encore?
Est-ce vous qui parlez avec la voix du cor?
Roncevaux! Roncevaux! Dans ta sombre vallée
L'ombre du grand Roland n'est donc pas consolée!


Par: Alfred de Vigny

Ajoutée par Savinien le 25/07/2010

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Eloa


Je le laisse, orgueilleux des bruits du jour vermeil
Cacher des astres d'or sous l'éclat d'un soleil;
Moi, j'ai l'ombre muette, et je donne à la terre
La volupté des soirs et les biens du mystère.


Par: Alfred de Vigny

Ajoutée par Savinien le 25/07/2010

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Eloa


Je suis celui qu'on aime et qu'on ne connaît pas.
Sur l'homme j'ai fondé mon empire de flamme
Dans les désirs du coeur, dans les rêves de l'âme,
Dans les liens des corps, attraits mystérieux,
Dans les trésors du sang, dans les regards des yeux.
C'est moi qui fait parler l'épouse dans ses songes;
La jeune fille heureuse apprend d'heureux mensonges;
Je leur donne des nuits qui consolent des jours,
Je suis le roi secret des secrètes amours.


Par: Alfred de Vigny

Ajoutée par Savinien le 25/07/2010

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Eloa


Eloa, disaient-ils, oh! Veillez bien sur vous:
Un ange peut tomber; le plus beau de nous tous
N'est plus ici: pourtant dans sa vertu première
On le nommait 'celui qui porte la lumière';
Car il portait l'amour et la vie en tout lieu,
Aux astres il portait tous les ordres de Dieu;
La terre consacrait sa beauté sans égale,
Appelant Lucifer l'étoile matinale,
Diamant radieux que sur son front vermeil
Parmi ses cheveux d'or a posé le soleil.
Mais on dit qu'à présent il est sans diadème,
Qu'il gémit, qu'il est seul, que personne ne l'aime,
Que la noirceur d'un crime appesantit ses yeux,
Qu'il ne sait plus parler le langage des cieux;
La mort est dans les mots que prononce sa bouche;
Il brûle ce qu'il voit, il flétrit ce qu'il touche;
Il ne peut plus sentir le mal ni les bienfaits;
Il est même sans joie aux malheurs qu'il a faits.


Par: Alfred de Vigny

Ajoutée par Savinien le 25/07/2010

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