Le More de Venise, Othello
Année de parution : 1829 Il y a précisément dix ans que je fis monter le More de Venise sur la scène française. Dix ans! Les faits de ce temps sont presque de l'histoire. Dix ans! Ce fut la durée d'un empire et de quelques constitutions; ce qu'il y a de plus ou de moins dans le chiffre ne vaut pas la peine qu'on le discute. [...] Cette traduction est la seule qui ait jamais été représentée sur la scène française. [...] Comme rien ne se perd en France, j'ai la confiance que peu à peu s'y construira un monument pareil à celui que possède l'Allemagne, une traduction en vers, et propre à la scène, de toutes les oeuvres de Shakspeare. La première pierre en fut posée avec effort par Othello; elle restera où elle est. Ce sera, j'espère, le théâtre lui-même qui achèvera cet ouvrage. Déjà, et depuis longtemps sont prêts, parmi nous, plusieurs chefs-d'oeuvre de Shakspeare, traduits en vers, et préparés par des poètes qui unissent à leurs beaux talents un amour de l'art assez généreux pour faire abnégation, pour un jour, de leur propre renommée. [...] Sans, doute nos grands maîtres nous ont laissé un magnifique trésor national; mais enfin, il n'est pas inépuisable, et l'on sentira de plus en plus la nécessité d'ajouter des tableaux aux nôtres, comme à l'École française nos musées ont joint les chefs-d'oeuvre des Écoles italiennes, flamandes et espagnoles. Les exclusions étroites ne sont pas dans le génie de noire glorieuse nation, et lorsque, aux applaudissemens universels, on a construit une salle, j'ai presque dit une sainte chapelle, pour une copie de Michel-Ange, on saura bien ouvrir les salles anciennes aux copies de Shakspeare, de Calderon, de Lope de Vega, de Goëthe, de Shiller, ou de tel autre poète adoré par les nations civilisées. |