Citations de Jean-Jacques Rousseau

304 Citations

On dira que le despote assure à ses sujets la tranquillité civile; soit: mais qu'y gagnent-ils, si les guerres que son ambition leur attire, si son insatiable avidité, si les vexations de son ministère les désolent plus que ne feraient leurs dissensions? Qu'y gagnent-ils, si cette tranquillité même est une de leurs misères? On vit tranquille aussi dans les cachots: en est-ce assez pour s'y trouver bien?


Par: Jean-Jacques Rousseau

Ajoutée par Savinien le 18/11/2020

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En achevant de relire ce recueil, je crois voir pourquoi l'intérêt, tout faible qu'il est, m'en est si agréable, et le sera, je pense, à tout lecteur d'un bon naturel: c'est qu'au moins ce faible intérêt est pur et sans mélange de peine; qu'il n'est point excité par des noirceurs, par des crimes, ni mêlé du tourment de haïr. Je ne saurais concevoir quel plaisir on peut prendre à imaginer et composer le personnage d'un scélérat, à se mettre à sa place tandis qu'on le représente, à lui prêter l'éclat le plus imposant. Je plains beaucoup les auteurs de tant de tragédies pleines d'horreurs, lesquels passent leur vie à faire agir et parler des gens qu'on ne peut écouter ni voir sans souffrir. Il me semble qu'on devrait gémir d'être condamné à un travail si cruel: ceux qui s'en font un amusement doivent être bien dévorés du zèle de l'utilité publique. Pour moi, j'admire de bon coeur leurs talents et leurs beaux génies; mais je remercie Dieu de ne me les avoir pas donnés.


Par: Jean-Jacques Rousseau

Ajoutée par Savinien le 10/02/2017

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Les gueux sont malheureux parce qu'ils sont toujours gueux; les rois sont malheureux parce qu'ils sont toujours rois. Les états moyens, dont on sort plus aisément, offrent des plaisirs au-dessus et au-dessous de soi; ils étendent aussi les lumières de ceux qui les remplissent, en leur donnant plus de préjugés à connaître, et plus de degrés à comparer. Voilà, ce me semble, la principale raison pourquoi c'est généralement dans les conditions médiocres qu'on trouve les hommes les plus heureux et du meilleur sens.


Par: Jean-Jacques Rousseau

Ajoutée par Savinien le 10/02/2017

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Tout prince qui aspire au despotisme aspire à l'honneur de mourir d'ennui. Dans tous les royaumes du monde, cherchez-vous l'homme le plus ennuyé du pays? Allez toujours directement au souverain; surtout s'il est très absolu. C'est bien la peine de faire tant de misérables! Ne saurait-il s'ennuyer à moindres frais?


Par: Jean-Jacques Rousseau

Ajoutée par Savinien le 10/02/2017

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Adieu, adieu, mon doux ami... Hélas! J'achève de vivre comme j'ai commencé. J'en dis trop peut-être en ce moment où le coeur ne déguise plus rien... Eh! Pourquoi craindrais-je d'exprimer tout ce que je sens? Ce n'est plus moi qui te parle; je suis déjà dans les bras de la mort. Quand tu verras cette lettre, les vers rongeront le visage de ton amante, et son coeur où tu ne seras plus. Mais mon âme existerait-elle sans toi? Sans toi quelle félicité goûterais-je? Non, je ne te quitte pas, je vais t'attendre. La vertu qui nous sépara sur la terre nous unira dans le séjour éternel. Je meurs dans cette douce attente: trop heureuse d'acheter au prix de ma vie le droit de t'aimer toujours sans crime, et de te le dire encore une fois!


Par: Jean-Jacques Rousseau

Ajoutée par Savinien le 21/02/2016

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Je me disais: « Cette petite chambre contient tout ce qui est cher à mon coeur, et peut-être tout ce qu'il y a de meilleur sur la terre; je suis environnée de tout ce qui m'intéresse; tout l'univers est ici pour moi; je jouis à la fois de l'attachement que j'ai pour mes amis, de celui qu'ils me rendent, de celui qu'ils ont l'un pour l'autre; leur bienveillance mutuelle ou vient de moi ou s'y rapporte; je ne vois rien qui n'étende mon être, et rien qui le divise; il est dans tout ce qui m'environne, il n'en reste aucune portion loin de moi; mon imagination n'a plus rien à faire, je n'ai rien à désirer; sentir et jouir sont pour moi la même chose; je vis à la fois dans tout ce que j'aime, je me rassasie de bonheur et de vie. O mort! Viens quand tu voudras, je ne te crains plus, j'ai vécu, je t'ai prévenue; je n'ai plus de nouveaux sentiments à connaître, tu n'as plus rien à me dérober. »


Par: Jean-Jacques Rousseau

Ajoutée par Savinien le 21/02/2016

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Sans vouloir entrer avec vous dans de nouvelles discussions sur l'ordre de l'univers et sur la direction des êtres qui le composent, je me contenterai de vous dire que, sur des questions si fort au-dessus de l'homme, il ne peut juger des choses qu'il ne voit pas, que par induction sur celles qu'il voit, et que toutes les analogies sont pour ces lois générales que vous semblez rejeter. La raison même, et les plus saines idées que nous pouvons nous former de l'Être suprême, sont très favorables à cette opinion ; car bien que sa puissance n'ait pas besoin de méthode pour abréger le travail, il est digne de sa sagesse de préférer pourtant les voies les plus simples, afin qu'il n'y ait rien d'inutile dans les moyens non plus que dans les effets. En créant l'homme, il l'a doué de toutes les facultés nécessaires pour accomplir ce qu'il exigeait de lui; et quand nous lui demandons le pouvoir de bien faire, nous ne lui demandons rien qu'il ne nous ait déjà donné. Il nous a donné la raison pour connaître ce qui est bien, la conscience pour l'aimer, et la liberté pour le choisir. C'est dans ces dons sublimes que consiste la grâce divine; et comme nous les avons tous reçus, nous en sommes tous comptables.


Par: Jean-Jacques Rousseau

Ajoutée par Savinien le 21/02/2016

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Vous avez vu ce qui s'est passé durant trois mois à Clarens; vous avez vu deux hommes pleins d'estime et de respect l'un pour l'autre, éloignés par leur état et par leur goût des pointilleries de collège, passer un hiver entier à chercher dans des disputes sages et paisibles, mais vives et profondes, à s'éclairer mutuellement, s'attaquer, se défendre se saisir par toutes les prises que peut avoir l'entendement humain, et sur une matière où tous deux, n'ayant que le même intérêt, ne demandaient pas mieux que d'être d'accord.
Qu'est-il arrivé? Ils ont redoublé d'estime l'un pour l'autre, mais chacun est resté dans son sentiment. Si cet exemple ne guérit pas à jamais un homme sage de la dispute, l'amour de la vérité ne le touche guère; il cherche à briller.


Par: Jean-Jacques Rousseau

Ajoutée par Savinien le 21/01/2016

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Les grandes passions usées dégoûtent des autres; la paix de l'âme qui leur succède est le seul sentiment qui s'accroît par la jouissance. Un coeur sensible craint le repos qu'il ne connaît pas: qu'il le sente une fois, il ne voudra plus le perdre. En comparant deux états si contraires, on apprend à préférer le meilleur; mais pour les comparer il les faut connaître.


Par: Jean-Jacques Rousseau

Ajoutée par Savinien le 21/01/2016

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Nul n'est juge du danger qui vient de vous que vous-même. Réfléchissez-y bien, puis dites-moi qu'il n'existe pas, et je n'y pense plus: car je connais votre droiture, et ce n'est pas de vos intentions que je me défie. Si votre coeur est capable d'une faute imprévue, très sûrement le mal prémédité n'en approcha jamais. C'est ce qui distingue l'homme fragile du méchant homme.


Par: Jean-Jacques Rousseau

Ajoutée par Savinien le 21/01/2016

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Chère amie, ne savez-vous pas que la vertu est un état de guerre, et que, pour y vivre, on a toujours quelque combat à rendre contre soi? Occupons-nous moins des dangers que de nous, afin de tenir notre âme prête à tout événement. Si chercher les occasions c'est mériter d'y succomber, les fuir avec trop de soin, c'est souvent nous refuser à de grands devoirs; et il n'est pas bon de songer sans cesse aux tentations, même pour les éviter.


Par: Jean-Jacques Rousseau

Ajoutée par Savinien le 14/01/2016

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L'art d'interroger n'est pas si facile qu'on pense. C'est bien plus l'art des maîtres que des disciples; il faut avoir déjà beaucoup appris de choses pour savoir demander ce qu'on ne sait pas. Le savant sait et s'enquiert, dit un proverbe indien; mais l'ignorant ne sait pas même de quoi s'enquérir.


Par: Jean-Jacques Rousseau

Ajoutée par Savinien le 14/01/2016

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La manière dont on passe ici le temps est trop simple et trop uniforme pour tenter beaucoup de gens; mais, c'est par la disposition du coeur de ceux qui l'ont adoptée qu'elle leur est intéressante. Avec une âme saine peut-on s'ennuyer à remplir les plus chers et les plus charmants devoirs de l'humanité, et à se rendre mutuellement la vie heureuse? Tous les soirs, Julie, contente de sa journée, n'en désire point une différente pour le lendemain, et tous les matins elle demande au ciel un jour semblable à celui de la veille; elle fait toujours les mêmes choses parce qu'elles sont bien, et qu'elle ne connaît rien de mieux à faire. Sans doute elle jouit ainsi de toute la félicité permise à l'homme. Se plaire dans la durée de son état, n'est-ce pas un signe assuré qu'on y vit heureux?


Par: Jean-Jacques Rousseau

Ajoutée par Savinien le 14/01/2016

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Je défie aucun homme sensé de contempler une heure durant le palais d'un prince et le faste qu'on y voit briller, sans tomber dans la mélancolie et déplorer le sort de l'humanité.


Par: Jean-Jacques Rousseau

Ajoutée par Savinien le 12/01/2016

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Quand je vois qu'on a voulu faire un grand palais, je me demande aussitôt pourquoi ce palais n'est pas plus grand. Pourquoi celui qui a cinquante domestiques n'en a-t-il pas cent? Cette belle vaisselle d'argent, pourquoi n'est-elle pas d'or? Cet homme qui dore son carrosse, pourquoi ne dore-t-il pas ses lambris? Si ses lambris sont dorés, pourquoi son toit ne l'est-il pas? Celui qui voulut bâtir une haute tour faisait bien de la vouloir porter jusqu'au ciel; autrement il eût eu beau l'élever, le point où il se fût arrêté n'eût servi qu'à donner de plus loin la preuve de son impuissance. O homme petit et vain! Montre-moi ton pouvoir, je te montrerai ta misère.


Par: Jean-Jacques Rousseau

Ajoutée par Savinien le 12/01/2016

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Comme le premier pas vers le bien est de ne point faire de mal, le premier pas vers le bonheur est de ne point souffrir.


Par: Jean-Jacques Rousseau

Ajoutée par Savinien le 12/01/2016

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Il n'y a point de richesse absolue. Ce mot ne signifie qu'un rapport de surabondance entre les désirs et les facultés de l'homme riche. Tel est riche avec un arpent de terre, tel est gueux au milieu de ses monceaux d'or. Le désordre et les fantaisies n'ont point de bornes, et font plus de pauvres que les vrais besoins.


Par: Jean-Jacques Rousseau

Ajoutée par Savinien le 11/01/2016

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Il faut une âme saine pour sentir les charmes de la retraite; on ne voit guère que des gens de bien se plaire au sein de leur famille et s'y renfermer volontairement; s'il est au monde une vie heureuse, c'est sans doute celle qu'ils y passent. Mais les instruments du bonheur ne sont rien pour qui ne sait pas les mettre en oeuvre, et l'on ne sent en quoi le vrai bonheur consiste qu'autant qu'on est propre à le goûter.


Par: Jean-Jacques Rousseau

Ajoutée par Savinien le 11/01/2016

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Je ne crains pas les passions qui, nous faisant une guerre ouverte, nous avertissent de nous mettre en défense, nous laissent, quoi qu'elles fassent, la conscience de toutes nos fautes, et auxquelles on ne cède qu'autant qu'on leur veut céder. Je crains leur illusion qui trompe au lieu de contraindre, et nous fait faire, sans le savoir, autre chose que ce que nous voulons. On n'a besoin que de soi pour réprimer ses penchants, on a quelquefois besoin d'autrui pour discerner ceux qu'il est permis de suivre; et c'est à quoi sert l'amitié d'un homme sage, qui voit pour nous sous un autre point de vue les objets que nous avons intérêt à bien connaître. Songez donc à vous examiner, et dites-vous si, toujours en proie à de vains regrets, vous serez à jamais inutile à vous et aux autres, ou si, reprenant enfin l'empire de vous-même, vous voulez mettre une fois votre âme en état d'éclairer celle de votre ami.


Par: Jean-Jacques Rousseau

Ajoutée par Savinien le 11/01/2016

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Il n'y a qu'un homme de bien qui sache l'art d'en former d'autres. Un hypocrite a beau vouloir prendre le ton de la vertu, il n'en peut inspirer le goût à personne; et, s'il savait la rendre aimable, il l'aimerait lui-même.


Par: Jean-Jacques Rousseau

Ajoutée par Savinien le 05/01/2016

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Richesse ne fait pas riche, dit le Roman de la Rose. Les biens d'un homme ne sont point dans ses coffres, mais dans l'usage de ce qu'il en tire; car on ne s'approprie les choses qu'on possède que par leur emploi, et les abus sont toujours plus inépuisables que les richesses: ce qui fait qu'on ne jouit pas à proportion de sa dépense, mais à proportion qu'on la sait mieux ordonner.


Par: Jean-Jacques Rousseau

Ajoutée par Savinien le 05/01/2016

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J'ai passé dans l'Élysée deux heures auxquelles je ne préfère aucun temps de ma vie. En voyant avec quel charme et quelle rapidité elles s'étaient écoulées, j'ai trouvé qu'il y a dans la méditation des pensées honnêtes une sorte de bien-être que les méchants n'ont jamais connu; c'est celui de se plaire avec soi-même. Si l'on y songeait sans prévention, je ne sais quel autre plaisir on pourrait égaler à celui-là. Je sens au moins que quiconque aime autant que moi la solitude doit craindre de s'y préparer des tourments. Peut-être tirerait-on des mêmes principes la clef des faux jugements des hommes sur les avantages du vice et sur ceux de la vertu. Car la jouissance de la vertu est tout intérieure, et ne s'aperçoit que par celui qui la sent; mais tous les avantages du vice frappent les yeux d'autrui, et il n'y a que celui qui les a qui sache ce qu'ils lui coûtent.


Par: Jean-Jacques Rousseau

Ajoutée par Savinien le 05/01/2016

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Tu reçus du ciel cet heureux penchant à tout ce qui est bon et honnête: n'écoute que tes propres désirs, ne suis que tes inclinations naturelles; songe surtout à nos premières amours: tant que ces moments purs et délicieux reviendront à ta mémoire, il n'est pas possible que tu cesses d'aimer ce qui te les rendit si doux, que le charme du beau moral s'efface dans ton âme, ni que tu veuilles jamais obtenir ta Julie par des moyens indignes de toi. Comment jouir d'un bien dont on aurait perdu le goût? Non, pour pouvoir posséder ce qu'on aime, il faut garder le même coeur qui l'a aimé.


Par: Jean-Jacques Rousseau

Ajoutée par Savinien le 04/01/2016

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Écoute-moi, jeune insensé: tu m'es cher, j'ai pitié de tes erreurs. S'il te reste au fond du coeur le moindre sentiment de vertu, viens, que je t'apprenne à aimer la vie. Chaque fois que tu seras tenté d'en sortir, dis en toi-même: « Que je fasse encore une bonne action avant que de mourir. » Puis va chercher quelque indigent à secourir, quelque infortuné à consoler, quelque opprimé à défendre. Rapproche de moi les malheureux que mon abord intimide; ne crains d'abuser ni de ma bourse ni de mon crédit; prends, épuise mes biens, fais-moi riche. Si cette considération te retient aujourd'hui, elle te retiendra encore demain, après-demain, toute ta vie. Si elle ne te retient pas, meurs: tu n'es qu'un méchant.


Par: Jean-Jacques Rousseau

Ajoutée par Savinien le 04/01/2016

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Le crime assiège sans cesse l'homme le plus vertueux; chaque instant qu'il vit, il est prêt à devenir la proie du méchant ou méchant lui-même. Combattre et souffrir, voilà son sort dans ce monde; mal faire et souffrir, voilà celui du malhonnête homme. Dans tout le reste ils diffèrent entre eux, ils n'ont rien en commun que les misères de la vie. S'il vous fallait des autorités et des faits, je vous citerais des oracles, des réponses de sages, des actes de vertu récompensés par la mort. Laissons tout cela, milord; c'est à vous que je parle, et je vous demande quelle est ici-bas la principale occupation du sage, si ce n'est de se concentrer, pour ainsi dire, au fond de son âme, et de s'efforcer d'être mort durant sa vie. Le seul moyen qu'ait trouvé la raison pour nous soustraire aux maux de l'humanité n'est-il pas de nous détacher des objets terrestres et de tout ce qu'il y a de mortel en nous, de nous recueillir au dedans de nous-mêmes, de nous élever aux sublimes contemplations, et si nos passions et nos erreurs font nos infortunes, avec quelle ardeur devons-nous soupirer après un état qui nous délivre des unes et des autres? Que font ces hommes sensuels qui multiplient si indiscrètement leurs douleurs par leurs voluptés? Ils anéantissent, pour ainsi dire, leur existence à force de l'étendre sur la terre; ils aggravent le poids de leurs chaînes par le nombre de leurs attachements; ils n'ont point de jouissances qui ne leur préparent mille amères privations: plus ils sentent, et plus ils souffrent; plus ils s'enfoncent dans la vie, et plus ils sont malheureux.


Par: Jean-Jacques Rousseau

Ajoutée par Savinien le 10/12/2015

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Il n'y a point de passion qui nous fasse une si forte illusion que l'amour: on prend sa violence pour un signe de sa durée; le coeur surchargé d'un sentiment si doux l'étend pour ainsi dire sur l'avenir, et tant que cet amour dure on croit qu'il ne finira point. Mais, au contraire, c'est son ardeur même qui le consume; il s'use avec la jeunesse, il s'efface avec la beauté, il s'éteint sous les glaces de l'âge; et depuis que le monde existe on n'a jamais vu deux amants en cheveux blancs soupirer l'un pour l'autre.


Par: Jean-Jacques Rousseau

Ajoutée par Savinien le 10/12/2015

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Votre amante vous fut ôtée au moment que vous n'aviez plus de sentiments nouveaux à goûter auprès d'elle; comme si le sort eût voulu garantir votre coeur d'un épuisement inévitable, et vous laisser dans le souvenir de vos plaisirs passés un plaisir plus doux que tous ceux dont vous pourriez jouir encore.
Consolez-vous donc de la perte d'un bien qui vous eût toujours échappé, et vous eût ravi de plus celui qui vous reste. Le bonheur et l'amour se seraient évanouis à la fois; vous avez au moins conservé le sentiment: on n'est point sans plaisirs quand on aime encore. L'image de l'amour éteint effraye plus un coeur tendre que celle de l'amour malheureux, et le dégoût de ce qu'on possède est un état cent fois pire que le regret de ce qu'on a perdu.


Par: Jean-Jacques Rousseau

Ajoutée par Savinien le 10/12/2015

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Je crois que le véritable amour a cet avantage aussi bien que la vertu, qu'il dédommage de tout ce qu'on lui sacrifie, et qu'on jouit en quelque sorte des privations qu'on s'impose par le sentiment même de ce qu'il en coûte, et du motif qui nous y porte. Vous vous témoignerez que Julie a été aimée de vous comme elle méritait de l'être, et vous l'en aimerez davantage, et vous en serez plus heureux. Cet amour-propre exquis qui sait payer toutes les vertus pénibles mêlera son charme à celui de l'amour. Vous vous direz: « Je sais aimer », avec un plaisir plus durable et plus délicat que vous n'en goûteriez à dire: « Je possède ce que j'aime », car celui-ci s'use à force d'en jouir; mais l'autre demeure toujours, et vous en jouiriez encore quand même vous n'aimeriez plus.


Par: Jean-Jacques Rousseau

Ajoutée par Savinien le 09/12/2015

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Pénétré d'une douleur qui doit durer autant que moi, je me jette à vos pieds, Madame, non pour vous marquer un repentir qui ne dépend pas de mon coeur, mais pour expier un crime involontaire en renonçant à tout ce qui pouvait faire la douceur de ma vie. Comme jamais sentiments humains n'approchèrent de ceux que m'inspira votre adorable fille, il n'y eut jamais de sacrifice égal à celui que je viens faire à la plus respectable des mères; mais Julie m'a trop appris comment il faut immoler le bonheur au devoir; elle m'en a trop courageusement donné l'exemple, pour qu'au moins une fois je ne sache pas l'imiter. Si mon sang suffisait pour guérir vos peines, je le verserais en silence et me plaindrais de ne vous donner qu'une si faible preuve de mon zèle; mais briser le plus doux, le plus pur, le plus sacré lien qui jamais ait uni deux coeurs, ah! C'est un effort que l'univers entier ne m'eût pas fait faire, et qu'il n'appartenait qu'à vous d'obtenir.


Par: Jean-Jacques Rousseau

Ajoutée par Savinien le 09/12/2015

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Je vous devais toute la franchise de l'amitié dans la situation critique où vous me paraissez être, de peur qu'un second pas vers le désordre ne vous y plongeât enfin sans retour, avant que vous eussiez le temps de vous reconnaître. Maintenant, je ne puis vous cacher, mon ami, combien votre prompte et sincère confession m'a touchée; car je sens combien vous a coûté la honte de cet aveu, et par conséquent combien celle de votre faute vous pesait sur le coeur. Une erreur involontaire se pardonne et s'oublie aisément. Quant à l'avenir, retenez bien cette maxime dont je ne me départirai point: qui peut s'abuser deux fois en pareil cas ne s'est pas même abusé la première.


Par: Jean-Jacques Rousseau

Ajoutée par Savinien le 09/12/2015

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Vous voulûtes, dites-vous, mettre à profit cette soirée pour votre fonction d'observateur. Quel soin! Quel emploi! Que vos excuses me font rougir de vous! Ne serez-vous point aussi curieux d'observer un jour les voleurs dans leurs cavernes, et de voir comment ils s'y prennent pour dévaliser les passants? Ignorez-vous qu'il y a des objets si odieux qu'il n'est pas même permis à l'homme d'honneur de les voir, et que l'indignation de la vertu ne peut supporter le spectacle du vice? Le sage observe le désordre public qu'il ne peut arrêter; il l'observe, et montre sur son visage attristé la douleur qu'il lui cause. Mais quant aux désordres particuliers, il s'y oppose, ou détourne les yeux de peur qu'ils ne s'autorisent de sa présence. D'ailleurs, était-il besoin de voir de pareilles sociétés pour juger de ce qui s'y passe et des discours qu'on y tient? Pour moi, sur leur seul objet plus que sur le peu que vous m'en avez dit, je devine aisément tout le reste; et l'idée des plaisirs qu'on y trouve me fait connaître assez les gens qui les cherchent.


Par: Jean-Jacques Rousseau

Ajoutée par Savinien le 08/12/2015

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Il n'est pas moins essentiel à la galanterie française de mépriser les femmes que de les servir. Ce mépris est une sorte de titre qui leur en impose: c'est un témoignage qu'on a vécu assez avec elles pour les connaître. Quiconque les respecterait passerait à leurs yeux pour un novice, un paladin, un homme qui n'a connu les femmes que dans les romans. Elles se jugent avec tant d'équité que les honorer serait être indigne de leur plaire; et la première qualité de l'homme à bonnes fortunes est d'être souverainement impertinent.


Par: Jean-Jacques Rousseau

Ajoutée par Savinien le 08/12/2015

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C'est en cela, ma Julie, que la vérité qui blâme est plus honorable que la vérité qui loue; car la louange ne sert qu'à corrompre ceux qui la goûtent, et les plus indignes en sont toujours les plus affamés; mais la censure est utile, et le mérite seul sait la supporter.


Par: Jean-Jacques Rousseau

Ajoutée par Savinien le 08/12/2015

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Les vertus privées sont souvent d'autant plus sublimes qu'elles n'aspirent point à l'approbation d'autrui, mais seulement au bon témoignage de soi-même; et la conscience du juste lui tient lieu des louanges de l'univers. Tu sentiras donc que la grandeur de l'homme appartient à tous les états, et que nul ne peut être heureux s'il ne jouit de sa propre estime; car si la véritable jouissance de l'âme est dans la contemplation du beau, comment le méchant peut-il l'aimer dans autrui sans être forcé de se haïr lui-même?


Par: Jean-Jacques Rousseau

Ajoutée par Savinien le 27/10/2015

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Quels hommes contemplais-tu donc avec le plus de plaisir? Desquels adorais-tu les exemples? Auxquels aurais-tu mieux aimé ressembler? Charme inconcevable de la beauté qui ne périt point! C'était l'Athénien buvant la ciguë, c'était Brutus mourant pour son pays, c'était Régulus au milieu des tourments, c'était Caton déchirant ses entrailles, c'étaient tous ces vertueux infortunés qui te faisaient envie, et tu sentais au fond de ton coeur la félicité réelle que couvraient leurs maux apparents. Ne crois pas que ce sentiment fût particulier à toi seul, il est celui de tous les hommes, et souvent même en dépit d'eux. Ce divin modèle que chacun de nous porte avec lui nous enchante malgré que nous en ayons; sitôt que la passion nous permet de le voir, nous lui voulons ressembler; et si le plus méchant des hommes pouvait être un autre que lui-même, il voudrait être un homme de bien.


Par: Jean-Jacques Rousseau

Ajoutée par Savinien le 27/10/2015

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Vous qui savez si bien votre Épictète, lui dis-je, voici le cas ou jamais de l'employer utilement. Distinguez avec soin les biens apparents des biens réels, ceux qui sont en nous de ceux qui sont hors de nous. Dans un moment où l'épreuve se prépare au dehors, prouvez-lui qu'on ne reçoit jamais de mal que de soi-même, et que le sage, se portant partout avec lui, porte aussi partout son bonheur.


Par: Jean-Jacques Rousseau

Ajoutée par Savinien le 27/10/2015

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Quoi! Milord, dit-il, un homme d'honneur comme vous peut-il seulement penser que le dernier rejeton d'une famille illustre aille éteindre ou dégrader son nom dans celui d'un quidam sans asile et réduit à vivre d'aumônes?... - Arrêtez, interrompit Édouard; vous parlez de mon ami, songez que je prends pour moi tous les outrages qui lui sont faits en ma présence, et que les noms injurieux à un homme d'honneur le sont encore plus à celui qui les prononce.


Par: Jean-Jacques Rousseau

Ajoutée par Savinien le 24/10/2015

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Mais je veux que la valeur se montre dans les occasions légitimes, et qu'on ne se hâte pas d'en faire hors de propos une vaine parade comme si l'on avait peur de ne la pas retrouver au besoin. Tel fait un effort et se présente une fois pour avoir droit de se cacher le reste de sa vie. Le vrai courage a plus de constance et moins d'empressement; il est toujours ce qu'il doit être; il ne faut ni l'exciter ni le retenir: l'homme de bien le porte partout avec lui, au combat contre l'ennemi, dans un cercle en faveur des absents et de la vérité, dans son lit contre les attaques de la douleur et de la mort. La force de l'âme qui l'inspire est d'usage dans tous les temps; elle met toujours la vertu au-dessus des événements, et ne consiste pas à se battre, mais à ne rien craindre. Telle est, mon ami, la sorte de courage que j'ai souvent louée, et que j'aime à trouver en vous. Tout le reste n'est qu'étourderie, extravagance, férocité; c'est une lâcheté de s'y soumettre, et je ne méprise pas moins celui qui cherche un péril inutile, que celui qui fuit un péril qu'il doit affronter.


Par: Jean-Jacques Rousseau

Ajoutée par Savinien le 24/10/2015

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Je veux jouir, et tu veux aimer; j'ai des transports, et toi de la passion; tous mes emportements ne valent pas ta délicieuse langueur, et le sentiment dont ton coeur se nourrit est la seule félicité suprême. Ce n'est que d'hier seulement que j'ai goûté cette volupté si pure. Tu m'as laissé quelque chose de ce charme inconcevable qui est en toi, et je crois qu'avec ta douce haleine tu m'inspirais une âme nouvelle. Hâte-toi, je t'en conjure, d'achever ton ouvrage. Prends de la mienne tout ce qui m'en reste, et mets tout à fait la tienne à la place. Non, beauté d'ange, âme céleste, il n'y a que des sentiments comme les tiens qui puissent honorer tes attraits: toi seule es digne d'inspirer un parfait amour, toi seul es propre à le sentir. Ah! Donne-moi ton coeur, ma Julie, pour t'aimer comme tu le mérites.


Par: Jean-Jacques Rousseau

Ajoutée par Savinien le 24/10/2015

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Mon ami, mon digne ami, un rendez-vous manqué peut revenir mille fois, quelques heures agréables s'éclipsent comme un éclair et ne sont plus; mais, si le bonheur d'un couple honnête est dans tes mains, songe à l'avenir que tu vas te préparer. Crois-moi; l'occasion de faire des heureux est plus rare qu'on ne pense; la punition de l'avoir manquée est de ne plus la retrouver; et l'usage que nous ferons de celle-ci nous va laisser un sentiment éternel de contentement ou de repentir. Pardonne à mon zèle ces discours superflus; j'en dis trop à un honnête homme, et cent fois trop à mon ami. Je sais combien tu hais cette volupté cruelle qui nous endurcit aux maux d'autrui. Tu l'as dit mille fois toi-même: malheur à qui ne sait pas sacrifier un jour de plaisir aux devoirs de l'humanité!


Par: Jean-Jacques Rousseau

Ajoutée par Savinien le 13/10/2015

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J'avais promis de prendre soin de cette pauvre enfant; je la protégeais auprès de ma mère; je la tenais en quelque manière sous ma garde; et, pour n'avoir su me garder moi-même, je l'abandonne sans me souvenir d'elle, et l'expose à des dangers pires que ceux où j'ai succombé. Je frémis en songeant que deux jours plus tard c'en était fait peut-être de mon dépôt, et que l'indigence et la séduction perdaient une fille modeste et sage, qui peut faire un jour une excellente mère de famille. O mon ami! Comment y a-t-il dans le monde des hommes assez vils pour acheter de la misère un prix que le coeur seul doit payer, et recevoir d'une bouche affamée les tendres baisers de l'amour!


Par: Jean-Jacques Rousseau

Ajoutée par Savinien le 13/10/2015

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Non, garde tes baisers, je ne les saurais supporter... Ils sont trop âcres, trop pénétrants; ils percent, ils brûlent jusqu'à la moelle... Ils me rendraient furieux. Un seul, un seul m'a jeté dans un égarement dont je ne puis plus revenir. Je ne suis plus le même, et ne te vois plus la même. Je ne te vois plus comme autrefois réprimante et sévère; mais je te sens et te touche sans cesse unie à mon sein comme tu fus un instant. O Julie! Quelque sort que m'annonce un transport dont je ne suis plus maître, quelque traitement que ta rigueur me destine, je ne puis plus vivre dans l'état où je suis, et je sens qu'il faut enfin que j'expire à tes pieds... Ou dans tes bras.


Par: Jean-Jacques Rousseau

Ajoutée par Savinien le 13/10/2015

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Sitôt qu'on veut rentrer en soi-même, chacun sent ce qui est bien, chacun discerne ce qui est beau; nous n'avons pas besoin qu'on nous apprenne à connaître ni l'un ni l'autre, et l'on ne s'en impose là-dessus qu'autant qu'on s'en veut imposer. Mais les exemples du très bon et du très beau sont plus rares et moins connus; il les faut aller chercher loin de nous. La vanité, mesurant les forces de la nature sur notre faiblesse, nous fait regarder comme chimériques les qualités que nous ne sentons pas en nous-mêmes; la paresse et le vice s'appuient sur cette prétendue impossibilité; et ce qu'on ne voit pas tous les jours, l'homme faible prétend qu'on ne le voit jamais. C'est cette erreur qu'il faut détruire, ce sont ces grands objets qu'il faut s'accoutumer à sentir et à voir, afin de s'ôter tout prétexte de ne les pas imiter. L'âme s'élève, le coeur s'enflamme à la contemplation de ces divins modèles; à force de les considérer, on cherche à leur devenir semblable, et l'on ne souffre plus rien de médiocre sans un dégoût mortel.


Par: Jean-Jacques Rousseau

Ajoutée par Savinien le 12/10/2015

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O pureté que je respecte en murmurant, que ne puis-je ou vous rabaisser ou m'élever jusqu'à vous! Mais non, je ramperai toujours sur la terre, et vous verrai toujours briller dans les cieux. Ah! Soyez heureuse aux dépens de mon repos; jouissez de toutes vos vertus; périsse le vil mortel qui tentera jamais d'en souiller une! Soyez heureuse; je tâcherai d'oublier combien je suis à plaindre, et je tirerai de votre bonheur même la consolation de mes maux. Oui, chère amante, il me semble que mon amour est aussi parfait que son adorable objet; tous les désirs enflammés par vos charmes s'éteignent dans les perfections de votre âme; je la vois si paisible, que je n'ose en troubler la tranquillité. Chaque fois que je suis tenté de vous dérober la moindre caresse, si le danger de vous offenser me retient, mon coeur me retient encore plus par la crainte d'altérer une félicité si pure; dans le prix des biens où j'aspire, je ne vois plus que ce qu'ils vous peuvent coûter; et, ne pouvant accorder mon bonheur avec le vôtre, jugez comment j'aime, c'est au mien que j'ai renoncé.


Par: Jean-Jacques Rousseau

Ajoutée par Savinien le 12/10/2015

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Je vous le dis sérieusement: comptez sur vous, ou chassez-moi, c'est-à-dire ôtez-moi la vie. J'ai pris un engagement téméraire. J'admire comment je l'ai pu tenir si longtemps; je sais que je le dois toujours; mais je sens qu'il m'est impossible. On mérite de succomber quand on s'impose de si périlleux devoirs. Croyez-moi, chère et tendre Julie, croyez-en ce coeur sensible qui ne vit que pour vous; vous serez toujours respectée: mais je puis un instant manquer de raison, et l'ivresse des sens peut dicter un crime dont on aurait horreur de sang-froid. Heureux de n'avoir point trompé votre espoir, j'ai vaincu deux mois, et vous me devez le prix de deux siècles de souffrances.


Par: Jean-Jacques Rousseau

Ajoutée par Savinien le 12/10/2015

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Mon amie est absente, mon frère n'est plus; je ne trouve aucun protecteur au monde contre l'ennemi qui me poursuit; j'implore en vain le ciel, le ciel est sourd aux prières des faibles. Tout fomente l'ardeur qui me dévore; tout m'abandonne à moi-même, ou plutôt tout me livre à toi; la nature entière semble être ta complice; tous mes efforts sont vains, je t'adore en dépit de moi-même. Comment mon coeur, qui n'a pu résister dans toute sa force, céderait-il maintenant à demi? Comment ce coeur, qui ne sait rien dissimuler, te cacherait-il le reste de sa faiblesse? Ah! Le premier pas, qui coûte le plus; était celui qu'il ne fallait pas faire; comment m'arrêterais-je aux autres? Non; de ce premier pas je me sens entraîner dans l'abîme, et tu peux me rendre aussi malheureuse qu'il te plaira.


Par: Jean-Jacques Rousseau

Ajoutée par Savinien le 09/10/2015

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Que ne pouvez-vous connaître combien cette froideur m'est cruelle! Vous me trouveriez trop puni. Avec quelle ardeur ne voudrais-je pas revenir sur le passé, et faire que vous n'eussiez point vu cette fatale lettre! Non, dans la crainte de vous offenser encore, je n'écrirais point celle-ci, si je n'eusse écrit la première, et je ne veux pas redoubler ma faute, mais la réparer. Faut-il, pour vous apaiser, dire que je m'abusais moi-même? Faut-il protester que ce n'était pas de l'amour que j'avais pour vous?... Moi, je prononcerais cet odieux parjure! Le vil mensonge est-il digne d'un coeur où vous régnez? Ah! Que je sois malheureux, s'il faut l'être ; pour avoir été téméraire, je ne serai ni menteur ni lâche, et le crime que mon coeur a commis, ma plume ne peut le désavouer.


Par: Jean-Jacques Rousseau

Ajoutée par Savinien le 09/10/2015

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Qui ne peut se rendre heureux peut au moins mériter de l'être, et je saurai vous forcer d'estimer un homme à qui vous n'avez pas daigné faire la moindre réponse. Je suis jeune et peux mériter un jour la considération dont je ne suis pas maintenant digne. En attendant, il faut vous rendre le repos que j'ai perdu pour toujours, et que je vous ôte ici malgré moi. Il est juste que je porte seul la peine du crime dont je suis seul coupable. Adieu, trop belle Julie; vivez tranquille, et reprenez votre enjouement; dès demain vous ne me verrez plus. Mais soyez sûre que l'amour ardent et pur dont j'ai brûlé pour vous ne s'éteindra de ma vie, que mon coeur, plein d'un si digne objet, ne saurait plus s'avilir, qu'il partagera désormais ses uniques hommages entre vous et la vertu, et qu'on ne verra jamais profaner par d'autres feux l'autel où Julie fut adorée.


Par: Jean-Jacques Rousseau

Ajoutée par Savinien le 09/10/2015

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En achevant de relire ce recueil, je crois voir pourquoi l'intérêt, tout faible qu'il est, m'en est si agréable, et le sera, je pense, à tout lecteur d'un bon naturel: c'est qu'au moins ce faible intérêt est pur et sans mélange de peine ; qu'il n'est point excité par des noirceurs, par des crimes, ni mêlé du tourment de haïr. Je ne saurais concevoir quel plaisir on peut prendre à imaginer et composer le personnage d'un scélérat, à se mettre à sa place tandis qu'on le représente, à lui prêter l'éclat le plus imposant. Je plains beaucoup les auteurs de tant de tragédies pleines d'horreurs, lesquels passent leur vie à faire agir et parler des gens qu'on ne peut écouter ni voir sans souffrir. Il me semble qu'on devrait gémir d'être condamné à un travail si cruel: ceux qui s'en font un amusement doivent être bien dévorés du zèle de l'utilité publique. Pour moi, j'admire de bon coeur leurs talents et leurs beaux génies; mais je remercie Dieu de ne me les avoir pas donnés.


Par: Jean-Jacques Rousseau

Ajoutée par Savinien le 04/09/2015

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Malheureusement, ce qui nous est précisément le moins connu est ce qu'il nous importe le plus de connaître: savoir l'homme. Nous ne voyons ni l'âme d'autrui, parce qu'elle se cache, ni la nôtre, parce que nous n'avons point de miroir intellectuel. Nous sommes de tout point aveugles-nés qui n'imaginons pas ce que c'est que la vue, et ne croyant manquer d'aucune faculté, nous voulons mesurer les extrémités du monde, tandis que nos courtes lumières n'atteignent, comme nos mains, qu'à deux pieds de nous.


Par: Jean-Jacques Rousseau

Ajoutée par Savinien le 08/05/2014

 

De quel prix sont ces voluptés cruelles qu'achète le petit nombre aux dépens de la multitude? Le luxe des villes porte dans les campagnes la misère, la faim, le désespoir: si quelques hommes sont plus heureux, le genre humain n'en est que plus à plaindre. En multipliant les commodités de la vie pour quelques riches, on n'a fait que forcer la plupart des hommes de s'estimer misérables. Quel est ce barbare bonheur qu'on ne sent qu'au dépens des autres? Ames sensibles, dites-le moi: qu'est-ce qu'un bonheur qui s'achète à prix d'argent?


Par: Jean-Jacques Rousseau

Ajoutée par Savinien le 08/05/2014

 

Nos langues sont l'ouvrage des hommes, et les hommes sont bornés. Nos langues sont l'ouvrage des hommes, et les hommes sont menteurs. Comme il n'y a point de vérité si clairement énoncée où l'on ne puisse trouver quelque chicane à faire, il n'y a point de si grossier mensonge qu'on ne puisse étayer de quelque fausse raison.


Par: Jean-Jacques Rousseau

Ajoutée par Savinien le 05/05/2014

 

En écoutant les gens à qui l'on permet de parler en public, j'ai compris qu'ils n'osent ou ne veulent dire que ce qui convient à ceux qui commandent, et que, payés par le fort pour prêcher le faible, ils ne savent parler au dernier que de ses devoirs, et à l'autre que de ses droits. Toute l'instruction publique tendra toujours au mensonge, tant que ceux qui la dirigent trouveront leur intérêt à mentir; et c'est pour eux seulement que la vérité n'est pas bonne à dire.


Par: Jean-Jacques Rousseau

Ajoutée par Savinien le 05/05/2014

 

Tels sont les hommes: ils changent de langage comme d'habits; ils ne disent la vérité qu'en robe de chambre; en habit de parade ils ne savent plus que mentir; et non seulement ils sont trompeurs et fourbes à la face du genre humain, mais ils n'ont pas honte de punir, contre leur conscience, quiconque ose n'être pas fourbe et trompeur public comme eux.


Par: Jean-Jacques Rousseau

Ajoutée par Savinien le 05/05/2014

 

Une preuve que tant de malheurs sont la plupart imaginaires, c'est que la même condition qui fait le désespoir de celui qui s'y trouve ferait, telle qu'elle est, le bonheur de cent autres. On ne compare point ce qu'on est, ni à ses besoins, ni à l'état d'autrui, mais à ce qu'on était, ou à ce qu'on voulait être; l'ambition compte toujours pour rien ce qu'elle acquiert et pour tout ce qui lui échappe.


Par: Jean-Jacques Rousseau

Ajoutée par Savinien le 02/05/2014

 

A force de se cacher comme si l'on était coupable, on est tenté de le devenir. L'innocente joie aime à s'évaporer au grand jour, mais le vice est ami des ténèbres, et jamais l'innocence et le mystère n'habitèrent longtemps ensemble.


Par: Jean-Jacques Rousseau

Ajoutée par Savinien le 30/04/2014

 

Si nos habitudes naissent de nos propres sentiments dans la retraite, elles naissent de l'opinion d'autrui dans la société. Quand on ne vit pas en soi mais dans les autres, ce sont leurs jugements qui règlent tout; rien ne paraît bon ni désirable aux particuliers que ce que le public a jugé tel, et le seul bonheur que la plupart des hommes connaissent est d'être estimés heureux.


Par: Jean-Jacques Rousseau

Ajoutée par Savinien le 29/04/2014

 

J'observe que ces gens si paisibles sur les injustices publiques sont toujours ceux qui font le plus de bruit au moindre tort qu'on leur fait, et qu'ils ne gardent leur philosophie qu'aussi longtemps qu'ils n'en ont pas besoin pour eux-mêmes. Tous ressemblent à cet Irlandais qui ne voulait pas sortir de son lit, quoique le feu fût à la maison. La maison brûle, lui criait-on. Que m'importe? Répondait-il, je n'en suis que le locataire. A la fin le feu pénétra jusqu'à lui. Aussitôt, il s'élance, il court, il crie, il s'agite; il commence à comprendre qu'il faut quelquefois prendre intérêt à la maison qu'on habite, quoiqu'elle ne nous appartienne pas.


Par: Jean-Jacques Rousseau

Ajoutée par Savinien le 29/04/2014

 

Je ne connais point de plus grand ennemi des hommes que l'ami de tout le monde, qui, toujours charmé de tout, encourage incessamment les méchants, et flatte, par sa coupable complaisance, les vices d'où naissent tous les désordres de la société.


Par: Jean-Jacques Rousseau

Ajoutée par Savinien le 29/04/2014

 

En général, je suis l'ami de toute religion paisible, où l'on sert l'Être éternel selon la raison qu'il nous a donnée. Quand un homme ne peut croire ce qu'il trouve absurde, ce n'est pas de sa faute, c'est celle de sa raison: et comment concevrai-je que Dieu le punisse de ne s'être pas fait un entendement contraire à celui qu'il a reçu de lui?


Par: Jean-Jacques Rousseau

Ajoutée par Savinien le 28/04/2014

 

Les maux du corps épuisent l'âme: à force de souffrir elle perd son ressort. Un instant de fermentation passagère produisit en moi quelque lueur de talent: il s'est montré tard, il s'est éteint de bonne heure. En reprenant mon état naturel, je suis rentré dans le néant. Je n'eus qu'un moment; il s'est passé; j'ai la honte de me survivre. Lecteur, si vous recevez ce dernier ouvrage avec indulgence, vous accueillerez mon ombre; car, pour moi, je ne suis plus.


Par: Jean-Jacques Rousseau

Ajoutée par Savinien le 28/04/2014

 

La solitude calme l'âme et apaise les passions que le désordre du monde a fait naître. Loin des vices qui nous irritent, on en parle avec moins d'indignation; loin des maux qui nous touchent, le coeur en est moins ému. Depuis que je ne vois plus les hommes, j'ai presque cessé de haïr les méchants. D'ailleurs le mal qu'ils m'ont fait à moi-même m'ôte le droit d'en dire d'eux. Il faut désormais que je leur pardonne, pour ne pas leur ressembler. Sans y songer, je substituerais l'amour de la vengeance à celui de la justice: il vaut mieux tout oublier.


Par: Jean-Jacques Rousseau

Ajoutée par Savinien le 28/04/2014

 

230, Rousseau à François Mussard


Quiconque se résout à dire des vérités utiles, ne doit pas attendre sa récompense des hommes.


Par: Jean-Jacques Rousseau

Ajoutée par Savinien le 16/10/2012

 

258, Rousseau au pasteur Jean Perdriau


Si le détachement d'un coeur qui ne tient ni à la gloire, ni à la fortune, ni même à la vie peut le rendre digne d'annoncer la vérité, j'ose me croire appelé à cette vocation sublime: c'est pour faire aux hommes du bien selon mon pouvoir que je m'abstiens d'en recevoir d'eux et que je chéris ma pauvreté et mon indépendance.


Par: Jean-Jacques Rousseau

Ajoutée par Savinien le 16/10/2012

 

Tout animal a des idées puisqu'il a des sens, il combine même ses idées jusqu'à un certain point, et l'homme ne diffère à cet égard de la bête que du plus au moins: quelques philosophes ont même avancé qu'il y a plus de différence de tel homme à tel homme que de tel homme à telle bête.


Par: Jean-Jacques Rousseau

 

Les sauvages de l'Amérique qui vont tous nus et qui ne vivent que du produit de leur chasse, n'ont jamais pu être domptés. En effet, quel joug imposerait-on à des hommes qui n'ont besoin de rien?


Par: Jean-Jacques Rousseau

Ajoutée par Savinien le 09/07/2012

 

L'esprit a ses besoins, ainsi que le corps. Ceux-ci font les fondements de la société, les autres en font l'agrément.


Par: Jean-Jacques Rousseau

Ajoutée par Savinien le 09/07/2012

 

Apprenez à tirer de vous-même vos premiers biens; ce sont les seuls qui ne dépendent point de la fortune et peuvent suppléer aux autres. Voila toute ma philosophie et je crois tout l'art d'être heureux qui soit pratiquable à l'homme.


Par: Jean-Jacques Rousseau

Ajoutée par Savinien le 17/06/2012

 

C'est en vain qu'on cherche au loin son bonheur quand on néglige de le cultiver en soi-même; car il a beau venir du dehors, il ne peut se rendre sensible qu'autant qu'il trouve au dedans une âme propre à le goûter.


Par: Jean-Jacques Rousseau

Ajoutée par Savinien le 17/06/2012

 

Tout ce que nous possédons ne sert qu'à nous montrer ce qui nous manque.


Par: Jean-Jacques Rousseau

Ajoutée par Savinien le 17/06/2012

 

L'objet de la vie humaine est la félicité de l'homme, mais qui de nous sait comment on y parvient? Sans principe, sans but assuré, nous errons de désirs en désirs et ceux que nous venons à bout de satisfaire nous laissent aussi loin du bonheur qu'avant d'avoir rien obtenu.


Par: Jean-Jacques Rousseau

Ajoutée par Savinien le 17/06/2012

 

Lettre à Voltaire


Si quelque chose pouvait me prouver l'existence du Diable ce serait le dogme affreux de l'intolérance parce que rien ne ressemble mieux à une production de l'enfer que toute violence qui se fait en l'honneur du ciel [...] Je n'ignore pas que quiconque voudrait persécuter pour la religion n'en a point lui-même ou que si par bonheur il est un dévot cela n'empêche pas qu'il ne soit un scélérat.


Par: Jean-Jacques Rousseau

 

Ajoutée par Savinien le 10/06/2012

 

Le premier pas vers le vice est le seul pénible; on poursuit sans même y songer.


Par: Jean-Jacques Rousseau

Ajoutée par Savinien le 10/06/2012

 

Il est des crimes qu'il faut abandonner aux remords des coupables; c'est presque les autoriser que les punir.


Par: Jean-Jacques Rousseau

Ajoutée par Savinien le 10/06/2012

 

Les grandes plaies du corps et de l'âme ne saignent pas à l'instant qu'elles sont faites; elles n'impriment pas sitôt leurs plus vives douleurs. La nature se recueille pour en soutenir toute la violence, et souvent le coup mortel est porté longtemps avant que la blessure se fasse sentir.


Par: Jean-Jacques Rousseau

Ajoutée par Savinien le 09/06/2012

 

Mémoire à M. de Mably


Les vrais savants sont polis parce qu'ils savent ce qu'on se doit  réciproquement, et ils sont modestes parce que la connaissance de ce qui leur manque les empêche de tirer vanité de ce qu'ils ont.


Par: Jean-Jacques Rousseau

 

Ajoutée par Savinien le 09/06/2012

 

Mémoire à M. de Mably


La timidité est rarement le défaut des sots, cependant elle est revêtue de tous les ridicules de la sottise, et qui pis est, c'est que de tous les défauts qu'on peut apporter dans la société elle est le plus difficile à guérir et le seul qui n'est bon à rien.


Par: Jean-Jacques Rousseau

 

Ajoutée par Savinien le 09/06/2012

 

Mémoire à M. de Mably


Les actions les plus droites en apparence n'ont pas toujours les motifs les plus louables.


Par: Jean-Jacques Rousseau

 

Ajoutée par Savinien le 09/06/2012

 

Mémoire à M. De Mably


Je conçois deux manières d'arriver à la félicité. L'une en satisfaisant ses passions et l'autre en les modérant: par la première on jouit, par la seconde on ne désire point, et l'on serait heureux par toutes deux s'il ne manquait à l'une cette durée et à l'autre cette vivacité qui constituent le vrai bonheur.


Par: Jean-Jacques Rousseau

 

Ajoutée par Savinien le 09/06/2012

 

Plus on a de passions, moins on est libre. Elles font naître les besoins, et ceux-ci ne sont jamais sans le désir de les satisfaire.


Par: Jean-Jacques Rousseau

 

Ajoutée par Savinien le 06/06/2012

 

La base la plus solide du repos et du bonheur, c'est de ne pas les faire dépendre de ce qui ne dépend pas de nous. Ce serait une folie que d'entreprendre de corriger les vices d'autrui, et de s'en affecter trop vivement: il faut se borner à n'en point avoir soi-même, et du reste à prendre le temps comme il vient, et les hommes pour ce qu'ils valent.


Par: Jean-Jacques Rousseau

 

Ajoutée par Savinien le 06/06/2012

 

Quand on examine la manière dont les hommes et les femmes vivent les uns avec les autres, on est tenté de penser qu'ils ne sont créés que pour se tourmenter et se détruire réciproquement.


Par: Jean-Jacques Rousseau

 

Ajoutée par Savinien le 06/06/2012

 

Il n'y a point d'esclave qui ait plus de peine à contenter son maître qu'un honnête homme trouve à s'en contenter lui même.


Par: Jean-Jacques Rousseau

 

Ajoutée par Savinien le 06/06/2012

 

Ah, croyez que si je mettais un prix à la vie, c'était pour la passer avec vous! Ces mots prononcés avec tendresse m'émurent au point qu'en portant fréquemment à ma bouche ses mains que je tenais dans les miennes, je les sentis se mouiller de mes pleurs. Je ne croyais pas mes yeux faits pour en répandre. Ce furent les premiers depuis ma naissance; ce seront les derniers jusqu'à ma mort. Après en avoir versé pour Julie, il n'en faut plus verser pour rien.


Par: Jean-Jacques Rousseau

Ajoutée par Savinien le 22/05/2012

 

L'inconstance et l'amour sont incompatibles: l'amant qui change, ne change pas; il commence ou finit d'aimer.


Par: Jean-Jacques Rousseau

Ajoutée par Savinien le 21/05/2012

 

Je vous remercie de vos livres; mais je ne lis plus ceux que j'entends, et il est trop tard pour apprendre à lire ceux que je n'entends pas. Je suis pourtant moins ignorant que vous ne m'accusez de l'être. Le vrai livre de la nature est pour moi le coeur des hommes, et la preuve que j'y sais lire est dans mon amitié pour vous.


Par: Jean-Jacques Rousseau

Ajoutée par Savinien le 21/05/2012

 

L'amour veut faire tout son progrès lui-même, il n'aime point que l'amitié lui épargne la moitié du chemin. Enfin, je l'ai dit autrefois, et j'ai lieu de le croire encore; on ne prend guère de baisers coupables sur la même bouche où l'on en prit d'innocents.


Par: Jean-Jacques Rousseau

Ajoutée par Savinien le 21/05/2012

 

L'art d'interroger n'est pas si facile qu'on pense. C'est bien plus l'art des maîtres que des disciples; il faut déjà avoir beaucoup appris de choses pour savoir demander ce qu'on ne sait pas. Le savant sait et s'enquiert, dit un proverbe indien; mais l'ignorant ne sait pas même de quoi s'enquérir.


Par: Jean-Jacques Rousseau

Ajoutée par Savinien le 20/05/2012

 

La vanité de l'homme est la source de ses plus grandes peines, et il n'y a personne de si parfait et si fêté, à qui elle ne donne encore plus de chagrins que de plaisirs.


Par: Jean-Jacques Rousseau

Ajoutée par Savinien le 20/05/2012

 

Il y a une grande différence entre le prix que l'opinion donne aux choses et celui qu'elles ont réellement.


Par: Jean-Jacques Rousseau

Ajoutée par Savinien le 20/05/2012

 

Elle prétend que tout ce qui tient au sens et n'est pas nécessaire à la vie change de nature aussitôt qu'il tourne en habitude, qu'il cesse d'être un plaisir en devenant un besoin, que c'est à la fois une chaîne qu'on se donne et une jouissance dont on se prive, et que prévenir toujours les désirs n'est pas l'art de les contenter mais de les éteindre.


Par: Jean-Jacques Rousseau

Ajoutée par Savinien le 20/05/2012

 

Le premier pas vers le vice est de mettre du mystère aux actions innocentes, et quiconque aime à se cacher a tôt ou tard raison de se cacher.


Par: Jean-Jacques Rousseau

Ajoutée par Savinien le 02/05/2012

 

La tristesse, l'ennui, les regrets, le désespoir sont des douleurs peu durables, qui ne s'enracinent jamais dans l'âme, et l'expérience dément toujours ce sentiment d'amertume qui nous fait regarder nos peines comme éternelles.


Par: Jean-Jacques Rousseau

Ajoutée par Savinien le 02/05/2012

 

Laissons les maximes générales, dont on fait souvent beaucoup de bruit sans jamais en suivre aucune; car il se trouve toujours dans l'application quelque condition particulière, qui change tellement l'état des choses que chacun se croit dispensé d'obéir à la règle qu'il prescrit aux autres, et l'on sait bien que tout homme qui pose des maximes générales, entend qu'elles obligent tout le monde, excepté lui.


Par: Jean-Jacques Rousseau

Ajoutée par Savinien le 02/05/2012

 

On n'aime point si l'on n'est aimé; du moins on n'aime pas longtemps. Ces passions sans retour qui font, dit-on, tant de malheureux ne sont fondées que sur les sens, si quelques unes pénètrent jusqu'à l'âme c'est par des rapports faux dont on est bientôt détrompé. L'amour sensuel ne peut se passer de la possession, et s'éteint par elle. Le véritable amour ne peut se passer du coeur, et dure autant que les rapports qui l'ont fait naître.


Par: Jean-Jacques Rousseau

Ajoutée par Savinien le 02/05/2012

 

L'image de l'amour éteint effraie plus un coeur tendre que celle de l'amour malheureux, et le dégoût de ce qu'on possède est un état cent fois pire que le regret de ce qu'on a perdu.


Par: Jean-Jacques Rousseau

Ajoutée par Savinien le 01/05/2012

 

Quand le bonheur commun devient impossible, chercher le sien dans celui de ce qu'on aime, n'est-ce pas tout ce qui reste à faire à l'amour sans espoir?


Par: Jean-Jacques Rousseau

Ajoutée par Savinien le 01/05/2012

 

Il y a comme cela une poignée d'impertinents qui ne comptent qu'eux dans tout l'univers et ne valent guère la peine qu'on les compte, si ce n'est pour le mal qu'ils font.


Par: Jean-Jacques Rousseau

Ajoutée par Savinien le 01/05/2012

 

Il n'est point nécessaire de connaître le caractère des gens, mais seulement leurs intérêts, pour deviner à peu près ce qu'ils diront de chaque chose. Quand un homme parle, c'est pour ainsi dire, son habit et non pas lui qui a un sentiment, et il en changera sans façon tout aussi souvent que d'état. [...] Ainsi nul ne dit jamais ce qu'il pense, mais ce qu'il lui convient de faire penser à autrui, et le zèle apparent de la vérité n'est jamais en eux que le masque de l'intérêt.


Par: Jean-Jacques Rousseau

Ajoutée par Savinien le 01/05/2012

 

Le lieu de la terre où je suis le plus loin de toi est celui où je ne puis rien faire qui m'en rapproche.


Par: Jean-Jacques Rousseau

Ajoutée par Savinien le 30/04/2012

 

Oui, mon ami, nous serons unis malgré notre éloignement; nous serons heureux en dépit du sort. C'est l'union des coeurs qui fait leur véritable félicité; leur attraction ne connaît point la loi des distances, et les nôtres se toucheraient aux deux bouts du monde.


Par: Jean-Jacques Rousseau

Ajoutée par Savinien le 30/04/2012

 

J'ai grand peur que celui qui dès la première vue me traite comme un ami de vingt ans, ne me traitât au bout de vingt ans comme un inconnu si j'avais quelque important service à lui demander; et quand je vois des hommes si dissipés prendre un intérêt si tendre à tant de gens, je présumerais volontiers qu'ils n'en prennent à personne.


Par: Jean-Jacques Rousseau

Ajoutée par Savinien le 30/04/2012

 

Heureux dans ta disgrâce, tu trouves le plus précieux dédommagement qui soit connu des âmes sensibles. Le ciel, dans ton malheur te donne un ami, et te laisse à douter si ce qu'il te rend ne vaut pas mieux que ce qu'il t'ôte.


Par: Jean-Jacques Rousseau

Ajoutée par Savinien le 23/04/2012

 

Ne manque pas au rendez-vous de demain. Jamais je n'eus si grand besoin de te voir, ni si peu d'espoir de te voir longtemps. Adieu, mon cher et unique ami. Tu n'as pas bien dit, ce me semble: vivons pour nous aimer. Ah! Il fallait dire: aimons-nous pour vivre.


Par: Jean-Jacques Rousseau

Ajoutée par Savinien le 23/04/2012

 

On peut résister à tout, hors à la bienveillance, et il n'y a point de moyen plus sûr d'acquérir l'affection des autres que de leur donner la sienne.


Par: Jean-Jacques Rousseau

Ajoutée par Savinien le 23/04/2012

 

Je n'ajouterai qu'une réflexion, qui l'emporte, à mon avis, sur la fausse raison du vice, sur les fières erreurs des insensés, et qui doit suffire pour diriger au bien la vie de l'homme sage; c'est que la source du bonheur n'est toute entière ni dans l'objet désiré ni dans le coeur qui le possède, mais dans le rapport de l'un et de l'autre; et que, comme tous les objets de nos désirs ne sont pas propres à produire la félicité, tous les états du coeur ne sont pas propres à la sentir. Si l'âme la plus pure ne suffit pas seule à son propre bonheur, il est plus sûr encore que toutes les délices de la terre ne sauraient faire celui d'un coeur dépravé.


Par: Jean-Jacques Rousseau

Ajoutée par Savinien le 23/04/2012

Catégories:

Tel est, mon ami, l'effet assuré des sacrifices qu'on fait à la vertu: s'ils coûtent souvent à faire, il est toujours doux de les avoir faits, et l'on n'a jamais vu personne se repentir d'une bonne action.


Par: Jean-Jacques Rousseau

Ajoutée par Savinien le 17/04/2012

 

Cent fois en lisant des romans, j'ai ri des froides plaintes des amants sur l'absence. Ah, je ne savais pas alors à quel point la votre un jour me serait insupportable! Je sens aujourd'hui combien une âme paisible est peu propre à juger des passions, et combien il est insensé de rire des sentiments qu'on n'a point éprouvés.


Par: Jean-Jacques Rousseau

Ajoutée par Savinien le 03/04/2012

 

Consumé d'un mal incurable qui m'entraîne à pas lents au tombeau, je tourne souvent un oeil d'intérêt vers la carrière que je quitte et sans gémir d'en trouver le terme je la recommencerais volontiers. Cependant qu'ai-je éprouvé durant cet espace qui méritât mon attachement? Dépendance, erreurs, vains désirs, indigence, infirmités de toute espèce, de courts plaisirs et de longues douleurs, beaucoup de maux réels, et quelques biens en fumée. Ah sans doute vivre est une douce chose, puisqu'une vie aussi peu fortunée me laisse pourtant des regrets.


Par: Jean-Jacques Rousseau

Ajoutée par Savinien le 22/03/2012

 

Ne cherchons point de vrais plaisirs sur la terre; car ils n'y sont pas; n'y cherchons point ces délices de l'âme dont elle a le désir, et le besoin; car elles n'y sont pas. Nous n'avons un sourd instinct de la plénitude du bonheur que pour sentir le vide du nôtre.


Par: Jean-Jacques Rousseau

Ajoutée par Savinien le 22/03/2012

 

Qu'on est puissant, qu'on est fort quand on n'espère plus rien des hommes. Je ris de la folle ineptie des méchants, quand je songe que trente ans de soins, de travaux, de soucis, de peines ne leur ont servi qu'à me mettre pleinement au-dessus d'eux.


Par: Jean-Jacques Rousseau

Ajoutée par Savinien le 22/03/2012

 

Le bonheur est un état trop constant et l'homme un être trop muable pour que l'un convienne à l'autre.


Par: Jean-Jacques Rousseau

Ajoutée par Savinien le 22/03/2012

 

Ebauches des confessions


J'ai remarqué souvent que, même parmi ceux qui se piquent le plus de connaître les hommes, chacun ne connaît guère que soi, s'il est vrai même que quelqu'un se connaisse. [...] J'ai résolu de faire faire à mes lecteurs un pas de plus dans la connaissance des hommes, en les tirant s'il est possible de cette règle unique et fautive de juger toujours du coeur d'autrui par le sien; tandis qu'au contraire il faudrait souvent pour connaître le sien même, commencer par lire dans celui d'autrui.


Par: Jean-Jacques Rousseau

Ajoutée par Savinien le 20/03/2012

 

Lettre a Malesherbes


Je hais les grands, je hais leur état, leur dureté, leurs préjugés, leur petitesse, et tous leurs vices, et je les haïrais bien davantage si je les méprisais moins.


Par: Jean-Jacques Rousseau

Ajoutée par Savinien le 20/03/2012

 

Lettre a Malesherbes


Tant que mes forces me l'ont permis, en travaillant pour moi, j'ai fait selon ma portée tout ce que j'ai pu pour la société; si j'ai peu fait pour elle, j'en ai encore moins exigé, et je me crois si bien quitte avec elle dans l'état où je suis, que si je pouvais désormais me reposer tout à fait et vivre pour moi seul je le ferais sans scrupule. J'écarterai du moins de moi de toutes mes forces l'importunité du bruit public. Quand je vivrais encore cent ans je n'écrirais pas une ligne pour la presse, et ne croirais vraiment recommencer à vivre que quand je serais tout à fait oublié.


Par: Jean-Jacques Rousseau

Ajoutée par Savinien le 20/03/2012

 

Lettre a Malesherbes


Je vous ai montré, monsieur, dans le secret de mon coeur les vrais motifs de ma retraite et de toute ma conduite; motifs bien moins nobles sans doute que vous ne les avez supposés, mais tels pourtant qu'ils me rendent content de moi-même, et m'inspirent la fierté d'âme d'un homme qui se sent bien ordonné, et qui ayant eu le courage de faire ce qu'il fallait pour l'être, croit pouvoir s'en imputer le mérite. Il dépendait de moi, non de me faire un autre tempérament ni un autre caractère, mais de tirer parti du mien, pour me rendre bon à moi-même et nullement méchant aux autres. C'est beaucoup que cela monsieur et peu d'hommes en peuvent dire autant.


Par: Jean-Jacques Rousseau

Ajoutée par Savinien le 20/03/2012

 

Lettre à Malesherbes


Quoiqu'on en puisse dire j'ai été sage, puisque j'ai été heureux autant que ma nature m'a permis de l'être: je n'ai point été chercher ma félicité au loin, je l'ai cherchée auprès de moi et l'y ai trouvée. Spartien dit que Similis, courtisan de Trajan, ayant sans aucun mécontentement personnel quitté la cour et tous ses emplois pour aller vivre paisiblement à la campagne fit mettre ces mots sur sa tombe: « j'ai demeuré soixante et seize ans sur la terre, et j'en ai vécu sept. »


Par: Jean-Jacques Rousseau

Ajoutée par Savinien le 20/03/2012

 

Je crois qu'il n'y a point d'homme sur la vertu duquel on puisse moins conter que celui qui recherche le plus l'approbation des autres; il est aisé, je l'avoue, de dire qu'on ne s'en soucie pas; mais là dessus il faut moins en rapporter à ce que dit un homme qu'à ce qu'il fait.


Par: Jean-Jacques Rousseau

Ajoutée par Savinien le 05/03/2012

 

L'enfer du méchant est d'être réduit à vivre seul avec lui-même, mais c'est le paradis de l'homme de bien, et il n'y a point pour lui de spectacle plus agréable que celui de sa propre conscience.


Par: Jean-Jacques Rousseau

Ajoutée par Savinien le 05/03/2012

 

Le seul qui fait sa volonté est celui qui n'a pas besoin, pour la faire, de mettre les bras d'un autre au bout des siens: d'où il suit que le premier de tous les biens n'est pas l'autorité, mais la liberté. L'homme vraiment libre ne veut que ce qu'il peut, et fait ce qu'il lui plaît.


Par: Jean-Jacques Rousseau

Ajoutée par Savinien le 29/01/2012

 

Malheur à qui n'a plus rien à désirer! Il perd pour ainsi dire tout ce qu'il possède. On jouit moins de ce qu'on obtient que de ce qu'on espère, et l'on n'est heureux qu'avant d'être heureux.


Par: Jean-Jacques Rousseau

Ajoutée par Savinien le 29/01/2012

 

Qu'on lui doive ou non de ne pas le trahir, tout homme d'honneur ne se doit-il pas à lui-même de n'être un traître envers personne? Nos devoirs envers les autres auraient beau varier selon les temps, les gens, les occasions, ceux envers nous-mêmes ne varient point; et je ne puis penser que celui qui ne se croit pas obligé d'être honnête homme avec tout le monde le soit jamais avec qui que ce soit.


Par: Jean-Jacques Rousseau

Ajoutée par Savinien le 23/01/2012

 

Dès qu'un homme a eu le malheur de se distinguer à certain point, à moins qu'il ne se fasse craindre ou qu'il ne tienne à quelque parti, il ne doit plus compter sur l'équité des autres à son égard, et ce sera beaucoup si ceux-mêmes qui sont plus célèbres que lui lui pardonnent la petite portion qu'il a du bruit qu'ils voudraient faire tous seuls.


Par: Jean-Jacques Rousseau

Ajoutée par Savinien le 23/01/2012

 

Le plus grand mal et la plus grande honte de l'état social est que le crime y fasse des liens plus indissolubles que n'en fait la vertu.


Par: Jean-Jacques Rousseau

Ajoutée par Savinien le 23/01/2012

 

Leurs amours avaient commencé presque avec leur vie: dès l'âge de huit à neuf ans ils se promenaient ensemble tous les soirs sur la Treille; à dix ans ils ne pouvaient plus se quitter. La sympathie, l'accord des âmes affermit en eux le sentiment qu'avait produit l'habitude. Tous deux, nés tendres et sensibles, n'attendaient que le moment de trouver dans un autre la même disposition, ou plutôt ce moment les attendait eux-mêmes, et chacun d'eux jeta son coeur dans le premier qui s'ouvrit pour le recevoir.


Par: Jean-Jacques Rousseau

Ajoutée par Savinien le 23/01/2012

 

Tant qu'on désire, on peut se passer d'être heureux; on s'attend à le devenir: si le bonheur ne vient point, l'espoir se prolonge, et le charme de l'illusion dure autant que la passion qui le cause.


Par: Jean-Jacques Rousseau

Ajoutée par Savinien le 17/09/2011

 

A mesure qu'on avance en âge, tous les sentiments se concentrent. On perd tous les jours quelque chose de ce qui nous fut cher, et l'on ne le remplace plus. On meurt ainsi par degrés, jusqu'à ce que, n'aimant enfin que soi-même, on ait cessé de sentir et de vivre avant de cesser d'exister.


Par: Jean-Jacques Rousseau

Ajoutée par Savinien le 06/07/2011

 

Tout homme peut graver des tables de pierre, ou acheter un oracle, ou feindre un secret commerce avec quelque divinité, ou dresser un oiseau pour lui parler à l'oreille, ou trouver d'autres moyens grossiers d'en imposer au peuple. Celui qui ne saura que cela pourra même assembler par hasard une troupe d'insensés, mais il ne fondera jamais un empire, et son extravagant ouvrage périra bientôt avec lui. De vains prestiges forment un lien passager; il n'y a que la sagesse qui le rende durable.


Par: Jean-Jacques Rousseau

Ajoutée par Savinien le 06/01/2011

Catégories:

Si celui qui commande aux hommes ne doit pas commander aux lois, celui qui commande aux lois ne doit pas non plus commander aux hommes; autrement, ses lois, ministres de ses passions, ne feraient souvent que perpétuer ses injustices, et jamais il ne pourrait éviter que des vues particulières n'altérassent la sainteté de son ouvrage.


Par: Jean-Jacques Rousseau

Ajoutée par Savinien le 06/01/2011

Catégories:

Pour découvrir les meilleures règles de société qui conviennent aux nations, il faudrait une intelligence supérieure qui vît toutes les passions et qui n'en éprouvât aucune; qui n'eût aucun rapport avec notre nature et qui la connût à fond; dont le bonheur fût indépendant de nous, et qui pourtant voulût bien s'occuper du nôtre; enfin qui, dans le progrès des temps, se ménageant une gloire éloignée, pût travailler dans un siècle et jouir dans un autre. Il faudrait des dieux pour donner des lois aux hommes.


Par: Jean-Jacques Rousseau

Ajoutée par Savinien le 06/01/2011

Catégories:

Il n'est pas de mon sujet de montrer comment d'une telle disposition naît tant d'indifférence pour le bien et le mal, avec de si beaux discours de morale; comment, tout se réduisant aux apparences, tout devient factice et joué; honneur, amitié, vertu, et souvent jusqu'aux vices mêmes, dont on trouve enfin le secret de se glorifier; comment, en un mot, demandant toujours aux autres ce que nous sommes et n'osant jamais nous interroger là-dessus nous-mêmes, au milieu de tant de philosophie, d'humanité, de politesse et de maximes sublimes, nous n'avons qu'un extérieur trompeur et frivole, de l'honneur sans vertu, de la raison sans sagesse, et du plaisir sans bonheur. Il me suffit d'avoir prouvé que ce n'est point là l'état originel de l'homme et que c'est le seul esprit de la société et l'inégalité qu'elle engendre qui changent et altèrent ainsi toutes nos inclinations naturelles.


Par: Jean-Jacques Rousseau

Catégories:

Le sauvage vit en lui-même; l'homme sociable toujours hors de lui ne sait vivre que dans l'opinion des autres, et c'est, pour ainsi dire, de leur seul jugement qu'il tire le sentiment de sa propre existence.


Par: Jean-Jacques Rousseau

Catégories:

Partout où règne le despotisme, il ne souffre aucun autre maître; sitôt qu'il parle, il n'y a ni probité ni devoir à consulter, et la plus aveugle obéissance est la seule vertu qui reste aux esclaves.


Par: Jean-Jacques Rousseau

Catégories:

C'est à cette ardeur de faire parler de soi, à cette fureur de se distinguer qui nous tient presque toujours hors de nous-mêmes, que nous devons ce qu'il y a de meilleur et de pire parmi les hommes, nos vertus et nos vices, nos sciences et nos erreurs, nos conquérants et nos philosophes, c'est-à-dire une multitude de mauvaises choses sur un petit nombre de bonnes.


Par: Jean-Jacques Rousseau

Catégories:

Si l'on voit une poignée de puissants et de riches au faîte des grandeurs et de la fortune, tandis que la foule rampe dans l'obscurité et dans la misère, c'est que les premiers n'estiment les choses dont ils jouissent qu'autant que les autres en sont privés, et que, sans changer d'état, ils cesseraient d'être heureux, si le peuple cessait d'être misérable.


Par: Jean-Jacques Rousseau

Catégories:

Les citoyens ne se laissent opprimer qu'autant qu'entraînés par une aveugle ambition et regardant plus au-dessous qu'au-dessus d'eux, la domination leur devient plus chère que l'indépendance, et qu'ils consentent à porter des fers pour en pouvoir donner à leur tour. Il est très difficile de réduire à l'obéissance celui qui ne cherche point à commander et le politique le plus adroit ne viendrait pas à bout d'assujettir des hommes qui ne voudraient qu'être libres; mais l'inégalité s'étend sans peine parmi des âmes ambitieuses et lâches, toujours prêtes à courir les risques de la fortune et à dominer ou servir presque indifféremment selon qu'elle leur devient favorable ou contraire.


Par: Jean-Jacques Rousseau

Catégories:

Il serait aisé de prouver que tout gouvernement qui, sans se corrompre ni s'altérer, marcherait toujours exactement selon la fin de son institution, aurait été institué sans nécessité, et qu'un pays où personne n'éluderait les lois et n'abuserait de la magistrature, n'aurait besoin ni de magistrats ni de lois.


Par: Jean-Jacques Rousseau

Catégories:

Il est donc incontestable, et c'est la maxime fondamentale de tout le droit politique, que les peuples se sont donné des chefs pour défendre leur liberté et non pour les asservir. Si nous avons un prince, disait Pline à Trajan, c'est afin qu'il nous préserve d'avoir un maître.


Par: Jean-Jacques Rousseau

Catégories:

Tous coururent au-devant de leurs fers croyant assurer leur liberté; car avec assez de raison pour sentir les avantages d'un établissement politique, ils n'avaient pas assez d'expérience pour en prévoir les dangers; les plus capables de pressentir les abus étaient précisément ceux qui comptaient d'en profiter, et les sages mêmes virent qu'il fallait se résoudre à sacrifier une partie de leur liberté à la conservation de l'autre, comme un blessé se fait couper le bras pour sauver le reste du corps. Telle fut, ou dut être, l'origine de la société et des lois, qui donnèrent de nouvelles entraves au faible et de nouvelles forces au riche, détruisirent sans retour la liberté naturelle, fixèrent pour jamais la loi de la propriété et de l'inégalité, d'une adroite usurpation firent un droit irrévocable, et pour le profit de quelques ambitieux assujettirent désormais tout le genre humain au travail, à la servitude et à la misère.


Par: Jean-Jacques Rousseau

Catégories:

De libre et indépendant qu'était auparavant l'homme, le voilà par une multitude de nouveaux besoins assujetti, pour ainsi dire, à toute la nature, et surtout à ses semblables dont il devient l'esclave en un sens, même en devenant leur maître; riche, il a besoin de leurs services; pauvre, il a besoin de leur secours, et la médiocrité ne le met point en état de se passer d'eux. Il faut donc qu'il cherche sans cesse à les intéresser à son sort, et à leur faire trouver en effet ou en apparence leur profit à travailler pour le sien: ce qui le rend fourbe et artificieux avec les uns, impérieux et dur avec les autres, et le met dans la nécessité d'abuser tous ceux dont il a besoin, quand il ne peut s'en faire craindre, et qu'il ne trouve pas son intérêt à les servir utilement.


Par: Jean-Jacques Rousseau

Catégories:

Le premier qui, ayant enclos un terrain, s'avisa de dire: ceci est à moi, et trouva des gens assez simples pour le croire, fut le vrai fondateur de la société civile. Que de crimes, de guerres, de meurtres, que de misères et d'horreurs n'eût point épargnés au genre humain celui qui, arrachant les pieux ou comblant le fossé, eût crié à ses semblables: gardez-vous d'écouter cet imposteur; vous êtes perdus, si vous oubliez que les fruits sont à tous, et que la terre n'est à personne.


Par: Jean-Jacques Rousseau

Catégories:

Fais à autrui comme tu veux qu'on te fasse, inspire à tous les hommes cette autre maxime de bonté naturelle bien moins parfaite, mais plus utile peut-être que la précédente: fais ton bien avec le moindre mal d'autrui qu'il est possible.


Par: Jean-Jacques Rousseau

Catégories:

Quoi qu'en disent les moralistes, l'entendement humain doit beaucoup aux passions, qui, d'un commun aveu, lui doivent beaucoup aussi: c'est par leur activité que notre raison se perfectionne; nous ne cherchons à connaître que parce que nous désirons de jouir, et il n'est pas possible de concevoir pourquoi celui qui n'aurait ni désirs ni craintes se donnerait la peine de raisonner.


Par: Jean-Jacques Rousseau

Catégories:

La nature commande à tout animal, et la bête obéit. L'homme éprouve la même impression, mais il se reconnaît libre d'acquiescer, ou de résister; et c'est surtout dans la conscience de cette liberté que se montre la spiritualité de son âme.


Par: Jean-Jacques Rousseau

Catégories:

Je ne vois dans tout animal qu'une machine ingénieuse, à qui la nature a donné des sens pour se remonter elle-même, et pour se garantir, jusqu'à un certain point, de tout ce qui tend à la détruire, ou à la déranger. J'aperçois précisément les mêmes choses dans la machine humaine, avec cette différence que la nature seule fait tout dans les opérations de la bête, au lieu que l'homme concourt aux siennes, en qualité d'agent libre. L'un choisit ou rejette par instinct, et l'autre par un acte de liberté; ce qui fait que la bête ne peut s'écarter de la règle qui lui est prescrite, même quand il lui serait avantageux de le faire, et que l'homme s'en écarte souvent à son préjudice.


Par: Jean-Jacques Rousseau

Catégories:

Celui que sa puissance met au-dessus de l'homme doit être au-dessus des faiblesses de l'humanité, sans quoi cet excès de force ne servira qu'à le mettre en effet au-dessous des autres et de ce qu'il eût été lui-même s'il fût resté leur égal.


Par: Jean-Jacques Rousseau

Ajoutée par Savinien le 14/12/2010

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Je n'ai jamais cru que la liberté de l'homme consistât à faire ce qu'il veut, mais bien à ne jamais faire ce qu'il ne veut pas.


Par: Jean-Jacques Rousseau

Ajoutée par Savinien le 14/12/2010

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Maître de contenter mes désirs, pouvant tout sans pouvoir être trompé par personne, qu'aurais-je pu désirer avec quelque suite? Une seule chose: c'eût été de voir tous les coeurs contents. L'aspect de la félicité publique eût pu seul toucher mon coeur d'un sentiment permanent, et l'ardent désir d'y concourir eût été ma plus constante passion. Toujours juste sans partialité et toujours bon sans faiblesse, je me serais également garanti des méfiances aveugles et des haines implacables; parce que, voyant les hommes tels qu'ils sont et lisant aisément au fond de leurs coeurs, j'en aurais peu trouvé d'assez aimables pour mériter toutes mes affections, peu d'assez odieux pour mériter toute ma haine, et que leur méchanceté même m'eût disposé à les plaindre par la connaissance certaine du mal qu'ils se font à eux-mêmes en voulant en faire à autrui.


Par: Jean-Jacques Rousseau

Ajoutée par Savinien le 14/12/2010

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Si j'étais resté libre, obscur, isolé, comme j'étais fait pour l'être, je n'aurais fait que du bien: car je n'ai dans le coeur le germe d'aucune passion nuisible. Si j'eusse été invisible et tout-puissant comme Dieu, j'aurais été bienfaisant et bon comme lui. C'est la force et la liberté qui font les excellents hommes. La faiblesse et l'esclavage n'ont jamais fait que des méchants.


Par: Jean-Jacques Rousseau

Ajoutée par Savinien le 14/12/2010

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Tout est dans un flux continuel sur la terre: rien n'y garde une forme constante et arrêtée, et nos affections qui s'attachent aux choses extérieures passent et changent nécessairement comme elles. Toujours en avant ou en arrière de nous, elles rappellent le passé qui n'est plus ou préviennent l'avenir qui souvent ne doit point être: il n'y a rien là de solide à quoi le coeur se puisse attacher. Aussi n'a-t-on guère ici-bas que du plaisir qui passe; pour le bonheur qui dure je doute qu'il y soit connu. À peine est-il dans nos plus vives jouissances un instant où le coeur puisse véritablement nous dire: je voudrais que cet instant durât toujours. Et comment peut-on appeler bonheur un état fugitif qui nous laisse encore le coeur inquiet et vide, qui nous fait regretter quelque chose avant, ou désirer encore quelque chose après?


Par: Jean-Jacques Rousseau

Ajoutée par Savinien le 14/12/2010

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La patience, la douceur, la résignation, l'intégrité, la justice impartiale, sont un bien qu'on emporte avec soi, et dont on peut s'enrichir sans cesse, sans craindre que la mort même nous en fasse perdre le prix. C'est à cette unique et utile étude que je consacre le reste de ma vieillesse. Heureux si par mes progrès sur moi-même j'apprends à sortir de la vie, non meilleur, car cela n'est pas possible, mais plus vertueux que je n'y suis entré!


Par: Jean-Jacques Rousseau

Ajoutée par Savinien le 13/12/2010

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Lorsque ma destinée me rejeta dans le torrent du monde, je n'y retrouvai plus rien qui pût flatter un moment mon coeur. Le regret de mes doux loisirs me suivit partout, et jeta l'indifférence et le dégoût sur tout ce qui pouvait se trouver à ma portée, propre à mener à la fortune et aux honneurs. Incertain dans mes inquiets désirs, j'espérais peu, j'obtins moins, et je sentis dans des lueurs même de prospérité que quand j'aurais obtenu tout ce que je croyais chercher, je n'y aurais point trouvé ce bonheur dont mon coeur était avide sans en savoir démêler l'objet.


Par: Jean-Jacques Rousseau

Ajoutée par Savinien le 13/12/2010

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La méditation dans la retraite, l'étude de la nature, la contemplation de l'univers forcent un solitaire à s'élancer incessamment vers l'Auteur des choses, et à chercher avec une douce inquiétude la fin de tout ce qu'il voit et la cause de tout ce qu'il sent.


Par: Jean-Jacques Rousseau

Ajoutée par Savinien le 13/12/2010

Catégories:

Pour moi quand j'ai désiré d'apprendre, c'était pour savoir moi-même et non pas pour enseigner; j'ai toujours cru qu'avant d'instruire les autres il fallait commencer par savoir assez pour soi, et de toutes les études que j'ai tâché de faire en ma vie au milieu des hommes, il n'y en a guère que je n'eusse faite également seul dans une île déserte où j'aurais été confiné pour le reste de mes jours. Ce qu'on doit faire dépend beaucoup de ce qu'on doit croire, et dans tout ce qui ne tient pas aux premiers besoins de la nature, nos opinions sont la règle de nos actions. Dans ce principe qui fut toujours le mien, j'ai cherché souvent et longtemps pour diriger l'emploi de ma vie, à connaître sa véritable fin, et je me suis bientôt consolé de mon peu d'aptitude à me conduire habilement dans ce monde, en sentant qu'il n'y fallait pas chercher cette fin.


Par: Jean-Jacques Rousseau

Ajoutée par Savinien le 13/12/2010

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Nous entrons en lice à notre naissance, nous en sortons à la mort. Que sert d'apprendre à mieux conduire son char quand on est au bout de la carrière? Il ne reste plus à penser alors que comment on en sortira. L'étude d'un vieillard, s'il lui en reste encore à faire, est uniquement l'apprendre à mourir, et c'est précisément celle qu'on fait le moins à mon âge; on y pense à tout, hormis à cela. Tous les vieillards tiennent plus à la vie que les enfants, et en sortent de plus mauvaise grâce que les jeunes gens. C'est que tous leurs travaux ayant été pour cette vie, ils voient à sa fin qu'ils ont perdu leurs peines. Tous leurs soins, tous leurs biens, tous les fruits de leurs laborieuses veilles, ils quittent tout quand ils s'en vont. Ils n'ont songé à rien acquérir durant leur vie qu'ils pussent emporter à leur mort.


Par: Jean-Jacques Rousseau

Ajoutée par Savinien le 13/12/2010

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L'adversité sans doute est un grand maître; mais ce maître fait payer cher ses leçons, et souvent le profit qu'on en retire ne vaut pas le prix qu'elles ont coûté. D'ailleurs avant qu'on ait obtenu tout cet acquis par des leçons si tardives, l'à-propos d'en user se passe. La jeunesse est le temps d'étudier la sagesse; la vieillesse est le temps de la pratiquer.


Par: Jean-Jacques Rousseau

Ajoutée par Savinien le 13/12/2010

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La droiture et la franchise en toute chose, sont des crimes affreux dans le monde, et je paraîtrais à mes contemporains méchant et féroce, quand je n'aurais à leurs yeux d'autre crime que de n'être pas faux et perfide comme eux.


Par: Jean-Jacques Rousseau

Ajoutée par Savinien le 13/12/2010

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L'habitude de rentrer en moi-même me fit perdre enfin le sentiment et presque le souvenir de mes maux, j'appris ainsi par ma propre expérience que la source du vrai bonheur est en nous, et qu'il ne dépend pas des hommes de rendre vraiment misérable celui qui sait vouloir être heureux.


Par: Jean-Jacques Rousseau

Ajoutée par Savinien le 13/12/2010

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Ayant donc formé le projet de décrire l'état habituel de mon âme dans la plus étrange position où se puisse jamais trouver un mortel, je n'ai vu nulle manière plus simple et plus sûre d'exécuter cette entreprise, que de tenir un registre fidèle de mes promenades solitaires et des rêveries qui les remplissent, quand je laisse ma tête entièrement libre, et mes idées suivre leur pente sans résistance et sans gêne. Ces heures de solitude et de méditation sont les seules de la journée, où je sois pleinement moi, et à moi sans diversion, sans obstacle, et où je puisse véritablement dire être ce que la nature a voulu.


Par: Jean-Jacques Rousseau

Ajoutée par Savinien le 13/12/2010

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Je fais la même entreprise que Montaigne, mais avec un but tout contraire au sien: car il n'écrivait ses Essais que pour les autres, et je n'écris mes rêveries que pour moi. Si dans mes plus vieux jours, aux approches du départ, je reste, comme je l'espère, dans la même disposition où je suis, leur lecture me rappellera la douceur que je goûte à les écrire, et faisant renaître ainsi pour moi le temps passé, doublera pour ainsi dire mon existence. En dépit des hommes je saurai goûter encore le charme de la société, et je vivrai décrépit avec moi dans un autre âge, comme je vivrais avec un moins vieux ami.


Par: Jean-Jacques Rousseau

Ajoutée par Savinien le 13/12/2010

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Tout est fini pour moi sur la terre. On ne peut plus m'y faire ni bien ni mal. Il ne me reste plus rien à espérer ni à craindre en ce monde, et m'y voilà tranquille au fond de l'abîme, pauvre mortel infortuné, mais impassible comme Dieu même.


Par: Jean-Jacques Rousseau

Ajoutée par Savinien le 13/12/2010

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Trouver une forme d'association qui défende et protège de toute la force commune la personne et les biens de chaque associé, et par laquelle chacun, s'unissant à tous, n'obéisse pourtant qu'à lui-même, et reste aussi libre qu'auparavant. Tel est le problème fondamental dont le Contrat Social donne la solution.


Par: Jean-Jacques Rousseau

Ajoutée par Savinien le 13/12/2010

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Renoncer à sa liberté, c'est renoncer à sa qualité d'homme, aux droits de l'humanité, même à ses devoirs. Il n'y a nul dédommagement possible pour quiconque renonce à tout. Une telle renonciation est incompatible avec la nature de l'homme, et c'est ôter toute moralité à ses actions que d'ôter toute liberté à sa volonté.


Par: Jean-Jacques Rousseau

Ajoutée par Savinien le 13/12/2010

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Sitôt que c'est la force qui fait le droit, l'effet change avec la cause: toute force qui surmonte la première succède à son droit. Sitôt qu'on peut désobéir impunément, on le peut légitimement.


Par: Jean-Jacques Rousseau

Ajoutée par Savinien le 13/12/2010

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Le plus fort n'est jamais assez fort pour être toujours le maître, s'il ne transforme sa force en droit et l'obéissance en devoir.


Par: Jean-Jacques Rousseau

Ajoutée par Savinien le 13/12/2010

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La famille est donc si l'on veut le premier modèle des sociétés politiques; le chef est l'image du père, le peuple est l'image des enfants, et tous étant nés égaux et libres n'aliènent leur liberté que pour leur utilité. Toute la différence est que dans la famille l'amour du père pour ses enfants le paye des soins qu'il leur rend, et que dans l'état le plaisir de commander supplée à cet amour que le chef n'a pas pour ses peuples.


Par: Jean-Jacques Rousseau

Ajoutée par Savinien le 13/12/2010

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L'homme est né libre, et partout il est dans les fers. Tel se croit le maître des autres, qui ne laisse pas d'être plus esclave qu'eux.


Par: Jean-Jacques Rousseau

Ajoutée par Savinien le 12/12/2010

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La liberté n'est dans aucune forme de gouvernement, elle est dans le coeur de l'homme libre, il la porte partout avec lui. L'homme vil porte partout la servitude. L'un serait esclave à Genève, et l'autre libre à Paris.


Par: Jean-Jacques Rousseau

Ajoutée par Savinien le 12/12/2010

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Que m'importe ma condition sur la terre? Que m'importe où que je sois? Partout où il y a des hommes, je suis chez mes frères; partout où il n'y en a pas, je suis chez moi. Tant que je pourrai rester indépendant et riche, j'ai du bien pour vivre, et je vivrai. Quand mon bien m'assujettira, je l'abandonnerai sans peine: j'ai des bras pour travailler, et je vivrai. Quand mes bras me manqueront, je vivrai si l'on me nourrit, je mourrai si l'on m'abandonne; je mourrai bien aussi quoiqu'on ne m'abandonne pas; car la mort n'est pas une peine de la pauvreté, mais une loi de la nature. Dans quelque temps que la mort vienne, je la défie, elle ne me surprendra jamais faisant des préparatifs pour vivre; elle ne m'empêchera jamais d'avoir vécu.


Par: Jean-Jacques Rousseau

Ajoutée par Savinien le 12/12/2010

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Plus j'examine l'ouvrage des hommes dans leurs institutions, plus je vois qu'à force de vouloir être indépendants ils se font esclaves, et qu'il usent leur liberté même en vains efforts pour l'assurer. Pour ne pas céder au torrent des choses, ils se font mille attachements; puis, sitôt qu'ils veulent faire un pas, ils ne peuvent, et sont étonnés de tenir à tout. Il me semble que pour se rendre libre on n'a rien à faire; il suffit de ne pas vouloir cesser de l'être.


Par: Jean-Jacques Rousseau

Ajoutée par Savinien le 12/12/2010

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On ne sait jamais bien commander que ce qu'on sait exécuter soi-même.


Par: Jean-Jacques Rousseau

Ajoutée par Savinien le 12/12/2010

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On a du plaisir quand on veut en avoir: c'est l'opinion seule qui rend tout difficile, qui chasse le bonheur devant nous; et il est cent fois plus aisé d'être heureux que de le paraître. L'homme de goût et vraiment voluptueux n'a que faire de richesses; il lui suffit d'être libre et maître de lui. Quiconque jouit de la santé et ne manque pas du nécessaire, s'il arrache de son coeur les biens de l'opinion, est assez riche.


Par: Jean-Jacques Rousseau

Ajoutée par Savinien le 12/12/2010

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Le démon de la propriété infecte tout ce qu'il touche. Un riche veut être partout le maître et ne se trouve bien qu'où il n'est pas: il est forcé de se fuir toujours.


Par: Jean-Jacques Rousseau

Ajoutée par Savinien le 12/12/2010

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Les bienséances, les modes, les usages qui dérivent du luxe et du bon air, renferment le cours de la vie dans la plus maussade uniformité. Le plaisir qu'on veut avoir aux yeux des autres est perdu pour tout le monde: on ne l'a ni pour eux, ni pour soi.


Par: Jean-Jacques Rousseau

Ajoutée par Savinien le 12/12/2010

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On n'achète ni son ami, ni sa maîtresse, et vouloir obtenir l'amour autrement qu'avec de la figure, du mérite et des sentiments, c'est se couvrir à la fois de honte et de ridicule.


Par: Jean-Jacques Rousseau

Ajoutée par Savinien le 09/12/2010

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Je n'aurai ni galerie ni bibliothèque, surtout si j'aimais la lecture et que je me connusse en tableaux. Je saurais alors que de telles collections ne sont jamais complètes, et que le défaut de ce qui leur manque donne plus de chagrin que de n'avoir rien. En ceci l'abondance fait la misère; il n'y a pas un faiseur de collections qui ne l'ait éprouvé.


Par: Jean-Jacques Rousseau

Ajoutée par Savinien le 09/12/2010

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Si nul ne nous sert jamais si bien que nous-mêmes, fût-on plus puissant qu'Alexandre et plus riche que Crésus, on ne doit recevoir des autres que les services qu'on ne peut tirer de soi.


Par: Jean-Jacques Rousseau

Ajoutée par Savinien le 09/12/2010

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Couvrir sa cheminée au mois de janvier de végétations forcées, de fleurs pâles et sans odeur, c'est moins parer l'hiver que déparer le printemps: c'est s'ôter le plaisir d'aller dans les bois chercher la première violette, épier le premier bourgeon, et s'écrier dans un saisissement de joie: mortels, vous n'êtes pas abandonnés, la nature vit encore.


Par: Jean-Jacques Rousseau

Ajoutée par Savinien le 09/12/2010

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Le méchant se craint et se fuit; il s'égaye en se jetant hors de lui-même; il tourne autour de lui des yeux inquiets, et cherche un objet qui l'amuse; sans la satire amère, sans la raillerie insultante, il serait toujours triste; le ris moqueur est son seul plaisir. Au contraire, la sérénité du juste est intérieure; son ris n'est point de malignité, mais de joie: il en porte la source en lui-même; il est aussi gai seul qu'au milieu d'un cercle, il ne tire pas son contentement de ceux qui l'approchent, il le leur communique.


Par: Jean-Jacques Rousseau

Ajoutée par Savinien le 09/12/2010

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Non seulement nous voulons être heureux, nous voulons aussi le bonheur d'autrui, et quand ce bonheur ne coûte rien au nôtre, il l'augmente. Enfin l'on a, malgré soi, pitié des infortunés; quand on est témoin de leur mal, on en souffre. Les plus pervers ne sauraient perdre tout à fait ce penchant; souvent il les met en contradiction avec eux-mêmes. Le voleur qui dépouille les passants couvre encore la nudité du pauvre; et le plus féroce assassin soutient un homme tombant en défaillance.


Par: Jean-Jacques Rousseau

Ajoutée par Savinien le 09/12/2010

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Tous les conquérants n'ont pas été tués; tous les usurpateurs n'ont pas échoué dans leurs entreprises, plusieurs paraîtront heureux aux esprits prévenus des opinions vulgaires: mais celui qui, sans s'arrêter aux apparences, ne juge du bonheur des hommes que par l'état de leurs coeurs, verra leurs misères dans leurs succès mêmes; il verra leurs désirs et leurs soucis rongeants s'étendre et s'accroître avec leur fortune; il les verra perdre haleine en avançant sans jamais parvenir à leurs termes: il les verra semblables à ces voyageurs inexpérimentés qui, s'engageant pour la première fois dans les alpes, pensent les franchir à chaque montagne et, quand ils sont au sommet, trouvent avec découragement de plus hautes montagnes au-devant d'eux.


Par: Jean-Jacques Rousseau

Ajoutée par Savinien le 09/12/2010

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Il n'y a que les méchants de célèbres, les bons sont oubliés. Le temps, dit Bacon, comme un grand fleuve, ne nous apporte que ce qui est de plus léger et moins solide: tout ce qui a le plus de poids va au fond et demeure englouti dans son vaste lit. Voilà comment l'histoire, ainsi que la philosophie, calomnie sans cesse le genre humain.


Par: Jean-Jacques Rousseau

Ajoutée par Savinien le 09/12/2010

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Les gouvernements qui se conduisent le mieux sont ceux dont on parle le moins.


Par: Jean-Jacques Rousseau

Ajoutée par Savinien le 09/12/2010

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Pour connaître les hommes il faut les voir agir. Dans le monde on les entend parler; ils montrent leurs discours et cachent leurs actions: mais dans l'histoire elles sont dévoilées, et on les juge sur les faits. Leurs propos même aident à les apprécier; car, comparant ce qu'ils font à ce qu'ils disent, on voit à la fois ce qu'ils sont et ce qu'ils veulent paraître: plus ils se déguisent, mieux on les connaît.


Par: Jean-Jacques Rousseau

Ajoutée par Savinien le 09/12/2010

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Je voudrais qu'on choisît tellement les sociétés d'un jeune homme, qu'il pensât bien de ceux qui vivent avec lui; et qu'on lui apprît à si bien connaître le monde, qu'il pensât mal de tout ce qui s'y fait. Qu'il sache que l'homme est naturellement bon, qu'il sente, qu'il juge de son prochain par lui-même; mais qu'il voie comment la société déprave et pervertit les hommes; qu'il trouve dans leurs préjugés la source de tous leurs vices; qu'il soit porté à estimer chaque individu, mais qu'il méprise la multitude; qu'il voie que tous les hommes portent à peu près le même masque, mais qu'il sache aussi qu'il y a des visages plus beaux que le masque qui les couvre.


Par: Jean-Jacques Rousseau

Ajoutée par Savinien le 09/12/2010

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Le spectacle du monde, disait Pythagore, ressemble à celui des jeux olympiques: les uns y tiennent boutique et ne songent qu'à leur profit; les autres y payent de leur personne et cherchent la gloire; d'autres se contentent de voir les jeux, et ceux-ci ne sont pas les pires.


Par: Jean-Jacques Rousseau

Ajoutée par Savinien le 09/12/2010

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S'il ne s'agissait que de montrer aux jeunes gens l'homme par son masque, on n'aurait pas besoin de le leur montrer, ils le verraient toujours de reste; mais, puisque le masque n'est pas l'homme, et qu'il ne faut pas que son vernis les séduise, en leur peignant les hommes, peignez-les-leur tels qu'ils sont, non pas afin qu'ils les haïssent, mais afin qu'ils les plaignent et ne leur veuillent pas ressembler. C'est, à mon gré, le sentiment le mieux entendu que l'homme puisse avoir sur son espèce.


Par: Jean-Jacques Rousseau

Ajoutée par Savinien le 09/12/2010

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Toujours la multitude sera sacrifiée au petit nombre, et l'intérêt public à l'intérêt particulier; toujours ces noms spécieux de justice et de subordination serviront d'instruments à la violence et d'armes à l'iniquité: d'où il suit que les ordres distingués qui se prétendent utiles aux autres ne sont en effet utiles qu'à eux-mêmes aux dépens des autres.


Par: Jean-Jacques Rousseau

Ajoutée par Savinien le 09/12/2010

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On ne plaint jamais dans autrui que les maux dont on ne se croit pas exempt soi-même.


Par: Jean-Jacques Rousseau

Ajoutée par Savinien le 09/12/2010

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Les hommes ne sont naturellement ni rois, ni grands, ni courtisans, ni riches; tous sont nés nus et pauvres, tous sujets aux misères de la vie, aux chagrins, aux maux, aux besoins, aux douleurs de toute espèce; enfin, tous sont condamnés à la mort. Voilà ce qui est vraiment de l'homme; voilà de quoi nul mortel n'est exempt.


Par: Jean-Jacques Rousseau

Ajoutée par Savinien le 09/12/2010

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La pitié est douce, parce qu'en se mettant à la place de celui qui souffre on sent pourtant le plaisir de ne pas souffrir comme lui. L'envie est amère, en ce que l'aspect d'un homme heureux, loin de mettre l'envieux à sa place, lui donne le regret de ne pas y être. Il semble que l'un nous exempte des maux qu'il souffre, et que l'autre nous ôte les biens dont il jouit.


Par: Jean-Jacques Rousseau

Ajoutée par Savinien le 09/12/2010

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Un être vraiment heureux est un être solitaire; Dieu seul jouit d'un bonheur absolu;


Par: Jean-Jacques Rousseau

Ajoutée par Savinien le 09/12/2010

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C'est la faiblesse de l'homme qui le rend sociable; ce sont nos misères communes qui portent nos coeurs à l'humanité: nous ne lui devrions rien si nous n'étions pas hommes.


Par: Jean-Jacques Rousseau

Ajoutée par Savinien le 09/12/2010

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Vivre libre et peu tenir aux choses humaines, est le meilleur moyen d'apprendre à mourir.


Par: Jean-Jacques Rousseau

Ajoutée par Savinien le 09/12/2010

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Il n'est point juste que ce qu'un homme a fait pour la société en décharge un autre de ce qu'il lui doit; car chacun, se devant tout entier, ne peut payer que pour lui, et nul père ne peut transmettre à son fils le droit d'être inutile à ses semblables: or, c'est pourtant ce qu'il fait, selon vous, en lui transmettant ses richesses, qui sont la preuve et le prix du travail. Celui qui mange dans l'oisiveté ce qu'il n'a pas gagné lui-même le vole; et un rentier que l'état paye pour ne rien faire ne diffère guère, à mes yeux, d'un brigand qui vit aux dépens des passants.


Par: Jean-Jacques Rousseau

Ajoutée par Savinien le 09/12/2010

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Tout le monde fait du bien, peu de gens ne font jamais de mal; ces derniers seuls sont vraiment vertueux.


Par: Jean-Jacques Rousseau

Ajoutée par Savinien le 02/12/2010

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Si le physique va trop bien, le moral se corrompt. L'homme qui ne connaîtrait pas la douleur ne connaîtrait ni l'attendrissement de l'humanité ni la douceur de la commisération; son coeur ne serait ému de rien, il ne serait pas sociable, il serait un monstre parmi ses semblables.


Par: Jean-Jacques Rousseau

Ajoutée par Savinien le 02/12/2010

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Nous ne savons pas ce qu'est le bonheur ou le malheur en soit; mais c'est la disproportion de nos désirs et de notre pouvoir qui crée notre misère. L'imagination qui amplifie nos désirs est très dangereuse. L'homme, pour être heureux, doit resserrer son existence en lui, exercer sa volonté et sa liberté dans les limites de sa puissance.


Par: Jean-Jacques Rousseau

Ajoutée par Savinien le 02/12/2010

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Celui qui ne peut remplir les devoirs de père n'a point droit de le devenir. Il n'y a ni pauvreté, ni travaux, ni respect humain, qui le dispensent de nourrir ses enfants et de les élever lui-même. Lecteur, vous pouvez m'en croire. Je prédis à quiconque a des entrailles et néglige de si saints devoirs, qu'il versera longtemps sur sa faute des larmes amères, et n'en sera jamais consolé.


Par: Jean-Jacques Rousseau

Ajoutée par Savinien le 30/11/2010

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Le sort de l'homme est de souffrir dans tous les temps. Le soin même de sa conservation est attaché à la peine. Heureux de ne connaître dans son enfance que les maux physiques, maux bien moins cruels, bien moins douloureux que les autres, et qui bien plus rarement qu'eux nous font renoncer à la vie! On ne se tue point pour les douleurs de la goutte; Il n'y a guère que celles de l'âme qui provoquent le désespoir. Nous plaignons le sort de l'enfance, et c'est le nôtre qu'il faudrait plaindre. Nos plus grands maux nous viennent de nous.


Par: Jean-Jacques Rousseau

Ajoutée par Savinien le 30/11/2010

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L'homme qui a le plus vécu n'est pas celui qui a compté le plus d'années, mais celui qui a le plus senti la vie.


Par: Jean-Jacques Rousseau

Ajoutée par Savinien le 30/11/2010

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Celui d'entre nous qui sait le mieux supporter les biens et les maux de cette vie est à mon gré le mieux élevé.


Par: Jean-Jacques Rousseau

Ajoutée par Savinien le 30/11/2010

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Dans l'ordre naturel, les hommes étant tous égaux, leur vocation commune est l'état d'homme; et quiconque est bien élevé pour celui-là ne peut mal remplir ceux qui s'y rapportent.
Qu'on destine mon élève à l'épée, à l'église, au barreau, peu m'importe. Avant la vocation des parents, la nature l'appelle à la vie humaine. Vivre est le métier que je veux lui apprendre. En sortant de mes mains, il ne sera, j'en conviens, ni magistrat, ni soldat, ni prêtre; il sera premièrement homme: tout ce qu'un homme doit être, il saura l'être au besoin tout aussi bien que qui que ce soit; et la fortune aura beau le faire changer de place, il sera toujours à la sienne.


Par: Jean-Jacques Rousseau

Ajoutée par Savinien le 30/11/2010

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L'essentiel est d'être bon aux gens avec qui l'on vit. Au dehors, le Spartiate était ambitieux, avare, inique; mais le désintéressement, l'équité, la concorde régnaient dans ses murs. Défiez-vous de ces cosmopolites qui vont chercher loin dans leurs livres des devoirs qu'ils dédaignent de remplir autour d'eux. Tel philosophe aime les Tartares, pour être dispensé d'aimer ses voisins.


Par: Jean-Jacques Rousseau

Ajoutée par Savinien le 30/11/2010

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Tout est bien sortant des mains de l'Auteur des choses, tout dégénère entre les mains de l'homme.


Par: Jean-Jacques Rousseau

Ajoutée par Savinien le 30/11/2010

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Le plus lent à promettre est toujours le plus fidèle à tenir.


Par: Jean-Jacques Rousseau

Ajoutée par Savinien le 23/11/2010

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Jamais les coeurs sensibles n'aimèrent les plaisirs bruyants, vain et stérile bonheur des gens qui ne sentent rien, et qui croient qu'étourdir la vie c'est en jouir.


Par: Jean-Jacques Rousseau

Ajoutée par Savinien le 23/11/2010

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Les hommes disent que la vie est courte, et je vois qu'ils s'efforcent de la rendre telle.
Ne sachant pas l'employer, il se plaignent de la rapidité du temps; et je vois qu'il coule trop lentement à leur gré.
Toujours pleins de l'objet auquel ils tendent, ils voient à regret l'intervalle qui les en sépare; l'un voudrait être à demain, l'autre à dix ans de là; nul ne veut vivre aujourd'hui; nul n'est content de l'heure présente, tous la trouvent trop lente à passer.


Par: Jean-Jacques Rousseau

Ajoutée par Savinien le 22/11/2010

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Généralement les gens qui savent peu, parlent beaucoup, et les gens qui savent beaucoup parlent peu: il est simple qu'un ignorant trouve important tout ce qu'il sait, et le dise à tout le monde. Mais un homme instruit, n'ouvre pas aisément son répertoire: il aurait trop à dire, et il voit encore plus à dire après lui, il se tait.


Par: Jean-Jacques Rousseau

Ajoutée par Savinien le 22/11/2010

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Le goût de la philosophie relâche tous les liens d'estime et de bienveillance qui attachent les hommes à la société; et c'est peut-être le plus dangereux des maux qu'elle engendre. Le charme de l'étude rend bientôt insipides tout autre attachement.
De plus, à force de réfléchir sur l'humanité, à force d'observer les hommes, le philosophe apprend à les apprécier selon leur valeur; et il est difficile d'avoir bien de l'affection pour ce qu'on méprise.


Par: Jean-Jacques Rousseau

Ajoutée par Savinien le 22/11/2010

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Il en est de la liberté comme de l'innocence et de la vertu, dont on n'en sent le prix qu'autant qu'on en jouit soi-même, et dont le goût se perd sitôt qu'on les a perdues.


Par: Jean-Jacques Rousseau

Ajoutée par Savinien le 22/11/2010

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Les vertus privées sont souvent d'autant plus sublimes qu'elles n'aspirent point à l'approbation d'autrui, mais seulement au bon témoignage de soi-même; et la conscience du juste lui tient lieu des louanges de l'univers.


Par: Jean-Jacques Rousseau

Ajoutée par Savinien le 22/11/2010

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Il n'est pas si facile qu'on pense de renoncer à la vertu. Elle tourmente longtemps ceux qui l'abandonnent, et ses charmes qui sont les délices des âmes pures, sont le premier supplice du méchant, qui les aime encore et n'en saurait plus jouir.


Par: Jean-Jacques Rousseau

Ajoutée par Savinien le 22/11/2010

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La vertu n'appartient qu'à un être faible par sa nature et fort par sa volonté; c'est en cela que consiste le mérite de l'homme juste.


Par: Jean-Jacques Rousseau

Ajoutée par Savinien le 22/11/2010

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Le signe le plus assuré du vrai contentement d'esprit est la vie retirée et domestique, et l'on peut croire que ceux qui vont sans cesse chercher leur bonheur chez autrui ne l'ont point chez eux-mêmes.


Par: Jean-Jacques Rousseau

Ajoutée par Savinien le 22/11/2010

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Celui qui pourrait tout sans être Dieu, serait une misérable créature; il serait privé du plaisir de désirer; tout autre privation serait plus supportable.
D'où il suit que tout Prince qui aspire au despotisme, aspire à l'honneur de mourir d'ennui.
Dans tous les royaumes du monde, cherchez-vous l'homme le plus ennuyé du pays? Allez toujours directement au souverain, surtout s'il est très absolu. C'est bien la peine de faire tant de misérables! Ne saurait-il s'ennuyer à moindres frais?


Par: Jean-Jacques Rousseau

Ajoutée par Savinien le 22/11/2010

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On ne jouit sans inquiétude que de ce qu'on peut perdre sans peine; et si le vrai bonheur appartient au sage, c'est parce qu'il est de tous les hommes celui à qui la fortune peut le moins ôter.


Par: Jean-Jacques Rousseau

Ajoutée par Savinien le 22/11/2010

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Si d'abord la multitude et la variété des amusements paraissent contribuer au bonheur, si l'uniformité d'une vie égale paraît d'abord ennuyeuse; en y regardant mieux, on trouve, au contraire, que la plus douce habitude de l'âme consiste dans une modération de jouissance, qui laisse peu de prise au désir et au dégoût.
L'inquiétude des désirs produit la curiosité, l'inconstance; le vide des turbulents plaisirs produit l'ennui.


Par: Jean-Jacques Rousseau

Ajoutée par Savinien le 22/11/2010

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Les grands besoins naissent des grands biens, et souvent le meilleur moyen de se donner les choses dont on manque est de s'ôter celles qu'on a: c'est à force de nous travailler pour augmenter notre bonheur, que nous le changeons en misère. Tout homme qui ne voudrait que vivre, vivrait heureux.


Par: Jean-Jacques Rousseau

Ajoutée par Savinien le 22/11/2010

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Le plus heureux est celui qui souffre le moins de peines; le plus misérable est celui qui sent le moins de plaisirs.
Toujours plus de souffrances que jouissances: voilà la différence commune à tous. La félicité de l'homme ici-bas n'est donc qu'un état négatif, on doit la mesurer par la moindre quantité des maux qu'il souffre.


Par: Jean-Jacques Rousseau

Ajoutée par Savinien le 22/11/2010

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Nous ne savons ce que c'est que bonheur ou malheur absolu. Tout est mêlé dans cette vie, on n'y goute aucun sentiment pur, on n'y reste pas deux moments dans le même état.


Par: Jean-Jacques Rousseau

Ajoutée par Savinien le 22/11/2010

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Dans le règne des passions, elles aident à supporter les tourments qu'elles donnent; elles tiennent l'espérance à côté du désir.
Tant qu'on désire, on peut se passer d'être heureux; on s'attend à le devenir: si le bonheur ne vient point, l'espoir se prolonge, et le charme de l'illusion dure autant que la passion qui le cause.
Ainsi cet état se suffit à lui-même, et l'inquiétude qu'il donne est une sorte de jouissance qui supplée à la réalité.


Par: Jean-Jacques Rousseau

Ajoutée par Savinien le 22/11/2010

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C'est une erreur de distinguer les passions en permises et défendues, pour se livrer aux premières et se refuser aux autres. Toutes sont bonnes quand on en est le maître, toutes sont mauvaises quand on s'y laisse assujettir.


Par: Jean-Jacques Rousseau

Ajoutée par Savinien le 22/11/2010

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Quant aux filles c'est autre chose. Jamais fille chaste n'a lu de romans, et j'ai mis à celui-ci un titre assez décidé pour qu'en l'ouvrant on sût à quoi s'en tenir. Celle qui, malgré ce titre, en osera lire une seule page, est une fille perdue, mais qu'elle n'impute point sa perte à ce livre; le mal était fait d'avance. Puisqu'elle a commencé, qu'elle achève de lire, elle n'a plus rien à risquer.


Par: Jean-Jacques Rousseau

Ajoutée par Savinien le 16/11/2010

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Tout honnête homme doit avouer les livres qu'il publie, je me nomme donc à la tête de ce recueil, non pour me l'approprier, mais pour en répondre. S'il y a du mal, qu'on me l'impute; s'il y a du bien, je n'entends point m'en faire honneur. Si le livre est mauvais, j'en suis plus obligé de le reconnaître: je ne veux pas passer pour meilleur que je ne suis.


Par: Jean-Jacques Rousseau

Ajoutée par Savinien le 16/11/2010

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J'ai toujours aimé l'eau passionnément, et sa vue me jette dans une rêverie délicieuse, quoique souvent sans objet déterminé.
Je ne manquais point à mon lever, lorsqu'il faisait beau, de courir sur la terrasse humer l'air salubre et frais du matin, et planer des yeux sur l'horizon de ce beau lac, dont les rives et les montagnes qui le bordent enchantaient ma vue.
Je ne trouve point de plus digne hommage à la Divinité que cette admiration muette qu'excite la contemplation de ses oeuvres, et qui ne s'exprime point par des actes développés.
Je comprends comment les habitants des villes, qui ne voient que des murs, des rues et des crimes, ont peu de foi; mais je ne puis comprendre comment des campagnards, et surtout des solitaires, peuvent n'en point avoir. Comment leur âme ne s'élève-t-elle pas cent fois le jour avec extase à l'auteur des merveilles qui les frappent?


Par: Jean-Jacques Rousseau

Ajoutée par Savinien le 15/11/2010

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L'oisiveté des cercles est tuante, parce qu'elle est de nécessité; celle de la solitude est charmante, parce qu'elle est libre et de volonté.
Dans une compagnie il m'est cruel de ne rien faire, parce que j'y suis forcé. Il faut que je reste là cloué sur une chaise ou debout, planté comme un piquet, sans remuer ni pied ni patte, n'osant ni courir, ni sauter, ni chanter, ni crier, ni gesticuler quand j'en ai envie, n'osant pas même rêver; ayant à la fois tout l'ennui de l'oisiveté et tout le tourment de la contrainte; obligé d'être attentif à toutes les sottises qui se disent et à tous les compliments qui se font, et de fatiguer incessamment ma Minerve, pour ne pas manquer de placer à mon tour mon rébus et mon mensonge. Et vous appelez cela de l'oisiveté! C'est un travail de forçat.


Par: Jean-Jacques Rousseau

Ajoutée par Savinien le 15/11/2010

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Cette île allait devenir pour moi celle de Papimanie, ce bienheureux pays où l'on dort: on y fait plus, on n'y fait nulle chose.
Ce plus était tout pour moi, car j'ai toujours peu regretté le sommeil; l'oisiveté me suffit; et pourvu que je ne fasse rien, j'aime encore mieux rêver éveillé qu'en songe.
L'âge des projets romanesques étant passé, et la fumée de la gloriole m'ayant plus étourdi que flatté, il ne me restait, pour dernière espérance, que celle de vivre sans gêne, dans un loisir éternel.
C'est la vie des bienheureux dans l'autre monde, et j'en faisais désormais mon bonheur suprême dans celui-ci.


Par: Jean-Jacques Rousseau

Ajoutée par Savinien le 15/11/2010

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Durant la dernière maladie de notre ami Mussard, Lenieps me proposa de profiter de la sensibilité qu'il marquait à nos soins, pour lui insinuer quelques dispositions en notre faveur.
« Ah! Cher Lenieps, lui dis-je, ne souillons pas par des idées d'intérêt les tristes mais sacrés devoirs que nous rendons à notre ami mourant. J'espère n'être jamais dans le testament de personne, et jamais du moins dans celui d'aucun de mes amis. »


Par: Jean-Jacques Rousseau

Ajoutée par Savinien le 15/11/2010

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Ayant quitté tout à fait la littérature, je ne songeai plus qu'à mener une vie tranquille et douce, autant qu'il dépendrait de moi.
Seul je n'ai jamais connu l'ennui, même dans le plus parfait désoeuvrement: mon imagination, remplissant tous les vides, suffit seule pour m'occuper.
Il n'y a que le bavardage inactif de chambre, assis les uns vis-à-vis des autres à ne mouvoir que la langue, que jamais je n'ai pu supporter. Quand on marche, qu'on se promène, encore passe; les pieds et les yeux font au moins quelque chose; mais rester là, les bras croisés, à parler du temps qu'il fait et des mouches qui volent, ou, qui pis est, à s'entre-faire des compliments, cela m'est un supplice insupportable.


Par: Jean-Jacques Rousseau

Ajoutée par Savinien le 15/11/2010

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On nous prêche beaucoup le pardon des offenses: c'est une fort belle vertu sans doute, mais qui n'est pas à mon usage. J'ignore si mon coeur saurait dominer sa haine, car il n'en a jamais senti; et je pense trop peu à mes ennemis, pour avoir le mérite de leur pardonner.
Je ne dirai pas à quel point, pour me tourmenter, ils se tourmentent eux-mêmes. Je suis à leur merci, ils ont tout pouvoir, ils en usent. Il n'y a qu'une seule chose au-dessus de leur puissance, et dont je les défie: c'est, en se tourmentant de moi, de me forcer à me tourmenter d'eux.


Par: Jean-Jacques Rousseau

Ajoutée par Savinien le 14/11/2010

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Mon talent était de dire aux hommes des vérités utiles, mais dures, avec assez d'énergie et de courage; il fallait m'y tenir.
Je n'étais point né, je ne dis pas pour flatter, mais pour louer. La maladresse des louanges que j'ai voulu donner m'a fait plus de mal que l'âpreté de mes censures.


Par: Jean-Jacques Rousseau

Ajoutée par Savinien le 14/11/2010

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L'amitié, l'amour, la vertu, règnent-ils donc à Paris plus qu'ailleurs? Non, sans doute; mais il y règne encore ce sens exquis qui transporte le coeur à leur image, et qui nous fait chérir dans les autres les sentiments purs, tendres, honnêtes, que nous n'avons plus.
La corruption désormais est partout la même: il n'existe plus ni moeurs ni vertus en Europe; mais s'il existe encore quelque amour pour elles, c'est à Paris qu'on doit le chercher.


Par: Jean-Jacques Rousseau

Ajoutée par Savinien le 14/11/2010

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Madame de Boufflers, s'étant aperçue de l'émotion qu'elle m'avait donnée, put s'apercevoir aussi que j'en avais triomphé.
Je ne suis ni assez fou ni assez vain pour croire avoir pu lui inspirer du goût à mon âge; mais, sur certains propos qu'elle tint à Thérèse, j'ai cru lui avoir inspiré de la curiosité; si cela est, et qu'elle ne m'ait pas pardonné cette curiosité frustrée, il faut avouer que j'étais bien né pour être victime de mes faiblesses, puisque l'amour vainqueur me fut si funeste, et que l'amour vaincu me le fut encore plus.


Par: Jean-Jacques Rousseau

Ajoutée par Savinien le 11/11/2010

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Cependant, à force de la voir, je finis par m'attacher à elle. Elle avait ses chagrins, ainsi que moi. Les confidences réciproques nous rendirent intéressants nos tête-à-tête.
Rien ne lie tant les coeurs que la douceur de pleurer ensemble. Nous nous cherchions pour nous consoler, et ce besoin m'a souvent fait passer sur beaucoup de choses.


Par: Jean-Jacques Rousseau

Ajoutée par Savinien le 11/11/2010

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Mademoiselle d'Ars, fille du comte d'Ars, homme de condition, mais pauvre, avait épousé M. de Verdelin, vieux, laid, sourd, dur, brutal, jaloux, balafré, borgne, au demeurant bon homme quand on savait le prendre, et possesseur de quinze à vingt mille livres de rentes, auxquelles on la maria.
Ce mignon, jurant, criant, grondant, tempêtant, et faisant pleurer sa femme toute la journée, finissait par faire toujours ce qu'elle voulait, et cela pour la faire enrager, attendu qu'elle savait lui persuader que c'était lui qui le voulait, et que c'était elle qui ne le voulait pas.


Par: Jean-Jacques Rousseau

Ajoutée par Savinien le 11/11/2010

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Avec quel empressement je courais tous les matins, au lever du soleil, respirer un air embaumé sur le péristyle! Quel bon café au lait j'y prenais tête à tête avec ma Thérèse! Ma chatte et mon chien nous faisaient compagnie.
Ce seul cortège m'eût suffi pour toute ma vie, sans éprouver jamais un moment d'ennui. J'étais là dans le paradis terrestre; j'y vivais avec autant d'innocence, et j'y goûtais le même bonheur.


Par: Jean-Jacques Rousseau

Ajoutée par Savinien le 11/11/2010

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Je ne sais par quelle fantaisie Rey me pressait depuis longtemps d'écrire les Mémoires de ma vie.
Quoiqu'ils ne fussent pas jusqu'alors fort intéressants par les faits, je sentis qu'ils pouvaient le devenir par la franchise que j'étais capable d'y mettre; et je résolus d'en faire un ouvrage unique, par une véracité sans exemple, afin qu'au moins une fois on pût voir un homme tel qu'il était en dedans.
J'avais toujours ri de la fausse naïveté de Montaigne, qui, faisant semblant d'avouer ses défauts, a grand soin de ne s'en donner que d'aimables; tandis que je sentais, moi qui me suis cru toujours, et qui me crois encore, à tout prendre, le meilleur des hommes, qu'il n'y a point d'intérieur humain, si pur qu'il puisse être, qui ne recèle quelque vice odieux.


Par: Jean-Jacques Rousseau

Ajoutée par Savinien le 11/11/2010

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Tout ce qui venait de m'arriver m'avait absolument dégoûté des gens de lettres, et j'avais éprouvé qu'il était impossible de courir la même carrière, sans avoir quelques liaisons avec eux.
Je ne l'étais guère moins des gens du monde, et en général de la vie mixte que je venais de mener, moitié à moi-même, et moitié à des sociétés pour lesquelles je n'étais point fait.
Je sentais plus que jamais, et par une constante expérience, que toute association inégale est toujours désavantageuse au parti faible.


Par: Jean-Jacques Rousseau

Ajoutée par Savinien le 11/11/2010

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Depuis que j'avais secoué le joug de mes tyrans, je menais une vie assez égale et paisible: privé du charme des attachements trop vifs, j'étais libre aussi du poids de leurs chaînes.


Par: Jean-Jacques Rousseau

Ajoutée par Savinien le 11/11/2010

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Si un seul homme généreux me fût venu dire: Vous faites le vertueux, cependant voilà comme on vous traite, et voilà sur quoi l'on vous juge: qu'avez-vous à dire? La vérité triomphait, et Grimm était perdu.
Il le savait; mais il a sondé son propre cœur, et n'a estimé les hommes que ce qu'ils valent.
Je suis fâché, pour l'honneur de l'humanité, qu'il ait calculé si juste.


Par: Jean-Jacques Rousseau

Ajoutée par Savinien le 11/11/2010

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Enfin, quand il eut mis à son gré, entre lui et moi, toute la distance qui pouvait donner du prix à la grâce qu'il m'allait faire, il m'accorda le baiser de paix dans un léger embrassement qui ressemblait à l'accolade que le roi donne aux nouveaux chevaliers.
Je tombais des nues, j'étais ébahi, je ne savais que dire, je ne trouvais pas un mot. Toute cette scène eut l'air de la réprimande qu'un précepteur fait à son disciple, en lui faisant grâce du fouet.
Je n'y pense jamais sans sentir combien sont trompeurs les jugements fondés sur l'apparence, auxquels le vulgaire donne tant de poids, combien souvent l'audace et la fierté sont du côté du coupable, la honte et l'embarras du côté de l'innocent.


Par: Jean-Jacques Rousseau

Ajoutée par Savinien le 11/11/2010

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C'est à la campagne qu'on apprend à aimer et à servir l'humanité; on n'apprend qu'à la mépriser dans les villes.


Par: Jean-Jacques Rousseau

Ajoutée par Savinien le 08/11/2010

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Enfin, dans un transport involontaire, elle s'écria: Non, jamais homme ne fut si aimable; et jamais amant n'aima comme vous! Mais votre ami Saint-Lambert nous écoute, et mon cœur ne saurait aimer deux fois.
Je me tus en soupirant; je l'embrassai... Quel embrassement! Mais ce fut tout. Il y avait six mois qu'elle vivait seule, c'est-à-dire loin de son amant et de son mari; il y en avait trois que je la voyais presque tous les jours, et toujours l'amour en tiers entre elle et moi.
Nous avions soupé tête-à-tête, nous étions seuls, dans un bosquet au clair de lune; et après deux heures de l'entretien le plus vif et le plus tendre, elle sortit au milieu de la nuit de ce bosquet et des bras de son ami, aussi intacte, aussi pure de corps et de coeur qu'elle y était entrée.
Lecteur, pesez toutes ces circonstances, je n'ajouterai rien de plus.


Par: Jean-Jacques Rousseau

Ajoutée par Savinien le 08/11/2010

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Grande leçon pour les âmes honnêtes, que le vice n'attaque jamais à découvert, mais qu'il trouve le moyen de surprendre, en se masquant toujours de quelque sophisme, et souvent de quelque vertu.


Par: Jean-Jacques Rousseau

Ajoutée par Savinien le 08/11/2010

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Le retour du printemps avait redoublé mon tendre délire, et dans mes érotiques transports j'avais composé pour les dernières parties de la Julie plusieurs lettres qui se sentent du ravissement dans lequel je les écrivis.
Je puis citer entre autres celle de l'Élysée, et de la promenade sur le lac, qui, si je m'en souviens bien, sont à la fin de la quatrième partie.
Quiconque en lisant ces deux lettres ne sent pas amollir et fondre son coeur dans l'attendrissement qui me les dicta, doit fermer le livre: il n'est pas fait pour juger des choses de sentiment.


Par: Jean-Jacques Rousseau

Ajoutée par Savinien le 08/11/2010

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Une fille faible est un objet de pitié que l'amour peut rendre intéressant, et qui souvent n'est pas moins aimable: mais qui peut supporter sans indignation le spectacle des moeurs à la mode? et qu'y a-t-il de plus révoltant que l'orgueil d'une femme infidèle, qui, foulant ouvertement aux pieds tous ses devoirs, prétend que son mari soit pénétré de reconnaissance de la grâce qu'elle lui accorde de vouloir bien ne pas se laisser prendre sur le fait?
Les êtres parfaits ne sont pas dans la nature, et leurs leçons ne sont pas assez près de nous.


Par: Jean-Jacques Rousseau

Ajoutée par Savinien le 08/11/2010

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Voltaire, en paraissant toujours croire en Dieu, n'a réellement jamais cru qu'au diable, puisque son dieu prétendu n'est qu'un être malfaisant qui, selon lui, ne prend plaisir qu'à nuire.


Par: Jean-Jacques Rousseau

Ajoutée par Savinien le 08/11/2010

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Comment se pouvait-il qu'avec une âme naturellement expansive, pour qui vivre c'était aimer, je n'eusse pas trouvé jusqu'alors un ami tout à moi, un véritable ami, moi qui me sentais si bien fait pour l'être?
Comment se pouvait-il qu'avec des sens si combustibles, avec un coeur tout pétri d'amour, je n'eusse pas du moins une fois brûlé de sa flamme pour un objet déterminé?
Dévoré du besoin d'aimer sans jamais l'avoir pu bien satisfaire, je me voyais atteindre aux portes de la vieillesse, et mourir sans avoir vécu.


Par: Jean-Jacques Rousseau

Ajoutée par Savinien le 08/11/2010

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La distance où j'étais de Paris n'empêchait pas qu'il ne me vînt journellement des tas de désoeuvrés qui, ne sachant que faire de leur temps, prodiguaient le mien sans aucun scrupule.
Quand j'y pensais le moins, j'étais impitoyablement assailli; et rarement j'ai fait un joli projet pour ma journée, sans le voir renverser par quelque arrivant.


Par: Jean-Jacques Rousseau

Ajoutée par Savinien le 08/11/2010

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La haute opinion qu'il avait des connaissances modernes lui avait fait adopter ce faux principe de la raison perfectionnée, base de tous les établissements qu'il proposait, et source de tous ses sophismes politiques.
Cet homme rare, l'honneur de son siècle et de son espèce, et le seul peut-être, depuis l'existence du genre humain, qui n'eut d'autre passion que celle de la raison, ne fit cependant que marcher d'erreur en erreur dans tous ses systèmes, pour avoir voulu rendre les hommes semblables à lui, au lieu de les prendre tels qu'ils sont, et qu'ils continueront d'être.
Il n'a travaillé que pour des êtres imaginaires, en pensant travailler pour ses contemporains.


Par: Jean-Jacques Rousseau

Ajoutée par Savinien le 08/11/2010

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Ce fut alors que je sentis vivement le tort que j'avais eu durant nos premières liaisons, de ne pas profiter de la docilité que lui donnait son amour, pour l'orner de talents et de connaissances qui, nous tenant plus rapprochés dans notre retraite, aurait agréablement rempli son temps et le mien, sans jamais nous laisser sentir la longueur du tête-à-tête.
Ce n'était pas que l'entretien tarît entre nous, et qu'elle parût s'ennuyer dans nos promenades; mais enfin nous n'avions pas assez d'idées communes pour nous faire un grand magasin: nous ne pouvions plus parler sans cesse de nos projets, bornés désormais à celui de jouir. Les objets qui se présentaient m'inspiraient des réflexions qui n'étaient pas à sa portée.
Un attachement de douze ans n'avait plus besoin de paroles; nous nous connaissions trop pour avoir plus rien à nous apprendre.


Par: Jean-Jacques Rousseau

Ajoutée par Savinien le 08/11/2010

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Jusque-là j'avais été bon; dès lors je devins vertueux, ou du moins enivré de la vertu. Cette ivresse avait commencé dans ma tête, mais elle avait passé dans mon coeur. Le plus noble orgueil y germa sur les débris de la vanité déracinée.
Je ne jouai rien; je devins en effet tel que je parus; et pendant quatre ans au moins que dura cette effervescence dans toute sa force, rien de grand et de beau ne peut entrer dans un coeur d'homme, dont je ne fusse capable entre le ciel et moi.
Voilà d'où naquit ma subite éloquence, voilà d'où se répandit dans mes premiers livres ce feu vraiment céleste qui m'embrasait, et dont pendant quarante ans il ne s'était pas échappé la moindre étincelle, parce qu'il n'était pas encore allumé.


Par: Jean-Jacques Rousseau

Ajoutée par Savinien le 08/11/2010

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J'étais fort aise de lui rendre de petits soins, de lui donner de petits baisers bien fraternels, qui ne me paraissaient pas plus sensuels pour elle: c'était là tout.
Elle était fort maigre, fort blanche, de la gorge comme sur ma main. Ce défaut seul eût suffi pour me glacer: jamais mon coeur ni mes sens n'ont su voir une femme dans quelqu'un qui n'eût pas des tétons; et d'autres causes inutiles à dire m'ont toujours fait oublier son sexe auprès d'elle.


Par: Jean-Jacques Rousseau

Ajoutée par Savinien le 08/11/2010

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Quelle est la nature du gouvernement propre à former le peuple le plus vertueux, le plus éclairé, le plus sage, le meilleur enfin, à prendre ce mot dans son plus grand sens?
J'avais cru voir que cette question tenait de bien près à cette autre-ci, si même elle en était différente: quel est le gouvernement qui, par sa nature, se tient toujours le plus près de la loi?


Par: Jean-Jacques Rousseau

Ajoutée par Savinien le 08/11/2010

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Non, non: j'ai toujours senti que l'état d'auteur n'était, ne pouvait être illustre et respectable, qu'autant qu'il n'était pas un métier.
Il est trop difficile de penser noblement, quand on ne pense que pour vivre. Pour pouvoir, pour oser dire de grandes vérités, il ne faut pas dépendre de son succès.


Par: Jean-Jacques Rousseau

Ajoutée par Savinien le 08/11/2010

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J'aurais pu me jeter tout à fait du côté le plus lucratif; et au lieu d'asservir ma plume à la copie, la dévouer entière à des écrits qui, du vol que j'avais pris et que je me sentais en état de soutenir, pouvaient me faire vivre dans l'abondance et même dans l'opulence, pour peu que j'eusse voulu joindre des manoeuvres d'auteur au soin de publier de bons livres.
Mais je sentais qu'écrire pour avoir du pain eût bientôt étouffé mon génie et tué mon talent, qui était moins dans ma plume que dans mon cœur, et né uniquement d'une façon de penser élevée et fière, qui seul pouvait le nourrir. Rien de vigoureux, rien de grand ne peut partir d'une plume toute vénale.


Par: Jean-Jacques Rousseau

Ajoutée par Savinien le 08/11/2010

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Je n'avais pas un sou de rente: mais j'avais un nom, des talents; j'étais sobre, et je m'étais ôté les besoins les plus dispendieux, tous ceux de l'opinion.
Outre cela, quoique paresseux, j'étais laborieux cependant quand je voulais l'être; et ma paresse était moins celle d'un fainéant, que celle d'un homme indépendant, qui n'aime à travailler qu'à son heure.


Par: Jean-Jacques Rousseau

Ajoutée par Savinien le 08/11/2010

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On dirait qu'il n'y a que les noirs complots des méchants qui réussissent; les projets innocents des bons n'ont presque jamais d'accomplissement.


Par: Jean-Jacques Rousseau

Ajoutée par Savinien le 07/11/2010

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Ce sage de coeur ainsi que de tête se connaissait en hommes, et fut mon ami. C'est toute ma réponse à quiconque ne l'est pas.


Par: Jean-Jacques Rousseau

Ajoutée par Savinien le 07/11/2010

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M. le président de Lamoignon, grand ami de la maison, y dîna aussi. Il avait, ainsi que madame de Broglie, ce petit jargon de Paris, tout en petits mots, tout en petites allusions fines. Il n'y avait pas là de quoi briller pour le pauvre Jean-Jacques.
J'eus le bon sens de ne vouloir pas faire le gentil malgré Minerve, et je me tus. Heureux si j'eusse été toujours aussi sage! Je ne serais pas dans l'abîme où je suis aujourd'hui.


Par: Jean-Jacques Rousseau

Ajoutée par Savinien le 07/11/2010

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On ne fait rien dans Paris que par les femmes: ce sont comme des courbes dont les sages sont les asymptotes; ils s'en approchent sans cesse, mais ils n'y touchent jamais.


Par: Jean-Jacques Rousseau

Ajoutée par Savinien le 07/11/2010

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De quelque folie que je m'engouasse, j'y portais toujours la même manière de raisonner. Je me disais: Quiconque prime en quelque chose est toujours sûr d'être recherché. Primons donc, n'importe en quoi; je serai recherché, les occasions se présenteront, et mon mérite fera le reste.
Cet enfantillage n'était pas le sophisme de ma raison, c'était celui de mon indolence. Effrayé des grands et rapides efforts qu'il aurait fallu faire pour m'évertuer, je tâchais de flatter ma paresse, et je m'en voilais la honte par des arguments dignes d'elle.


Par: Jean-Jacques Rousseau

Ajoutée par Savinien le 07/11/2010

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Durant mes conférences avec ces messieurs je me convainquis, avec autant de certitude que de surprise, que si quelquefois les savants ont moins de préjugés que les autres hommes, ils tiennent, en revanche, encore plus fortement à ceux qu'ils ont.


Par: Jean-Jacques Rousseau

Ajoutée par Savinien le 07/11/2010

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Persuadé qu'elle serait heureuse avec lui, je désirai qu'il l'épousât, comme il a fait dans la suite; et, pour ne pas troubler leurs innocentes amours, je me hâtai de partir, faisant pour le bonheur de cette charmante personne des voeux qui n'ont été exaucés ici-bas que pour un temps, hélas! Bien court; car j'appris dans la suite qu'elle était morte au bout de deux ou trois ans de mariage.
Occupé de mes tendres regrets durant toute ma route, je sentis et j'ai souvent senti depuis lors, en y repensant, que si les sacrifices qu'on fait au devoir et à la vertu coûtent à faire, on en est bien payé par les doux souvenirs qu'ils laissent au fond du coeur.


Par: Jean-Jacques Rousseau

Ajoutée par Savinien le 07/11/2010

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Je revis le chirurgien Parisot, le meilleur et le mieux faisant des hommes; je revis sa chère Godefroi, qu'il entretenait depuis dix ans, et dont la douceur de caractère et la bonté de coeur faisaient à peu près tout le mérite, mais qu'on ne pouvait aborder sans intérêt ni quitter sans attendrissement; car elle était au dernier terme d'une étisie dont elle mourut peu après.
Rien ne montre mieux les vrais penchants d'un homme que l'espèce de ses attachements. Quand on avait vu la douce Godefroi, on connaissait le bon Parisot.


Par: Jean-Jacques Rousseau

Ajoutée par Savinien le 07/11/2010

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Lire en mangeant fut toujours ma fantaisie, au défaut d'un tête-à-tête: c'est le supplément de la société qui me manque.
Je dévore alternativement une page et un morceau: c'est comme si mon livre dînait avec moi.


Par: Jean-Jacques Rousseau

Ajoutée par Savinien le 05/11/2010

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La privation que je m'étais imposée et qu'elle avait fait semblant d'approuver est une de ces choses que les femmes ne pardonnent point, quelque mine qu'elles fassent, moins par la privation qui en résulte pour elles-mêmes, que par l'indifférence qu'elles y voient pour leur possession.
Prenez la femme la plus sensée, la plus philosophe, la moins attachée à ses sens; le crime le plus irrémissible que l'homme, dont au reste elle se soucie le moins, puisse commettre envers elle, est d'en pouvoir jouir et de n'en rien faire.


Par: Jean-Jacques Rousseau

Ajoutée par Savinien le 05/11/2010

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L'un des avantages des bonnes actions est d'élever l'âme, et de la disposer à en faire de meilleures: car telle est la faiblesse humaine, qu'on doit mettre au nombre des bonnes actions l'abstinence du mal qu'on est tenté de commettre.


Par: Jean-Jacques Rousseau

Ajoutée par Savinien le 05/11/2010

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Cette vie délicieuse dura quatre ou cinq jours, pendant lesquels je m'enivrai des plus douces voluptés. Je les goûtai pures, vives, sans aucun mélange de peines: ce sont les premières et les seules que j'aie ainsi goûtées; et je puis dire que je dois à madame de Larnage de ne pas mourir sans avoir connu le plaisir.


Par: Jean-Jacques Rousseau

Ajoutée par Savinien le 05/11/2010

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Quand je vivrais cent ans, je ne me rappellerais jamais sans plaisir le souvenir de cette charmante femme.
Je dis charmante, quoiqu'elle ne fût ni belle ni jeune; mais, n'étant non plus ni laide ni vieille, elle n'avait rien dans sa figure qui empêchât son esprit et ses grâces de faire tout leur effet. Tout au contraire des autres femmes, ce qu'elle avait de moins frais était le visage, et je crois que le rouge le lui avait gâté.
Elle avait ses raisons pour être facile, c'était le moyen de valoir tout son prix. On pouvait la voir sans l'aimer, mais non pas la posséder sans l'adorer.


Par: Jean-Jacques Rousseau

Ajoutée par Savinien le 05/11/2010

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Madame du Colombier, trop entourée de ses jeunes roquets, n'avait guère le temps de m'agacer, et d'ailleurs ce n'en était pas la peine, puisque nous allions nous quitter; mais madame de Larnage, moins obsédée, avait des provisions à faire pour sa route: voilà madame de Larnage qui m'entreprend; et adieu le pauvre Jean-Jacques, ou plutôt adieu la fièvre, les vapeurs, le polype; tout part auprès d'elle, hors certaines palpitations qui me restèrent et dont elle ne voulait pas me guérir.


Par: Jean-Jacques Rousseau

Ajoutée par Savinien le 05/11/2010

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Nous sommes si peu faits pour être heureux ici-bas, qu'il faut nécessairement que l'âme ou le corps souffre quand ils ne souffrent pas tous les deux, et que le bon état de l'un fait presque toujours tort à l'autre.


Par: Jean-Jacques Rousseau

Ajoutée par Savinien le 05/11/2010

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Je viens de retrouver parmi de vieux papiers une espèce d'exhortation que je me faisais à moi-même, et où je me félicitais de mourir à l'âge où l'on trouve assez de courage en soi pour envisager la mort, et sans avoir éprouvé de grands maux ni de corps ni d'esprit durant ma vie. Que j'avais bien raison! un pressentiment me faisait craindre de vivre pour souffrir. Il semblait que je prévoyais le sort qui m'attendait sur mes vieux jours.
Je n'ai jamais été si près de la sagesse que durant cette heureuse époque. Sans grands remords sur le passé, délivré des soucis de l'avenir, le sentiment qui dominait constamment dans mon âme était de jouir du présent.
Les dévots ont pour l'ordinaire une petite sensualité très vive qui leur fait savourer avec délices les plaisirs innocents qui leur sont permis. Les mondains leur en font un crime, je ne sais pourquoi; ou plutôt je le sais bien: c'est qu'ils envient aux autres la jouissance des plaisirs simples dont eux-mêmes ont perdu le goût.


Par: Jean-Jacques Rousseau

Ajoutée par Savinien le 05/11/2010

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Il faut passer sur ces essais, qui tous étaient pour moi des jouissances, mais trop simples pour pouvoir être expliquées. Encore un coup, le vrai bonheur ne se décrit pas, il se sent, et se sent d'autant mieux qu'il peut le moins se décrire, parce qu'il ne résulte pas d'un recueil de faits, mais qu'il est un état permanent.


Par: Jean-Jacques Rousseau

Ajoutée par Savinien le 05/11/2010

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A peine les neiges commençaient à fondre, que nous quittâmes notre cachot; et nous fûmes assez tôt aux Charmettes pour y avoir les prémices du rossignol. Dès lors je ne crus plus mourir; et réellement il est singulier que je n'aie jamais fait de grandes maladies à la campagne. J'y ai beaucoup souffert, mais je n'y ai jamais été alité. Souvent j'ai dit, me sentant plus mal qu'à l'ordinaire: quand vous me verrez prêt à mourir, portez-moi à l'ombre d'un chêne, je vous promets que j'en reviendrai.


Par: Jean-Jacques Rousseau

Ajoutée par Savinien le 05/11/2010

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En général, les croyants font Dieu comme ils sont eux-mêmes; les bons le font bon, les méchants le font méchant; les dévots, haineux et bilieux, ne voient que l'enfer, parce qu'ils voudraient damner tout le monde; les âmes aimantes et douces n'y croient guère.


Par: Jean-Jacques Rousseau

Ajoutée par Savinien le 05/11/2010

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Cet accident, qui devait tuer mon corps, ne tua que mes passions; et j'en bénis le ciel chaque jour, par l'heureux effet qu'il produisit sur mon âme. Je puis bien dire que je ne commençai de vivre que quand je me regardai comme un homme mort.
Donnant leur véritable prix aux choses que j'allais quitter, je commençai de m'occuper de soins plus nobles, comme par anticipation sur ceux que j'aurais bientôt à remplir et que j'avais fort négligés jusqu'alors.


Par: Jean-Jacques Rousseau

Ajoutée par Savinien le 05/11/2010

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Elle me soigna comme jamais mère n'a soigné son enfant; et cela lui fit du bien à elle-même, en faisant diversion aux projets et tenant écartés les projeteurs.
Quelle douce mort, si alors elle fût venue! Si j'avais peu goûté les biens de la vie, j'en avais peu senti les malheurs. Mon âme paisible pouvait partir sans le sentiment cruel de l'injustice des hommes, qui empoisonne la vie et la mort. J'avais la consolation de me survivre dans la meilleure moitié de moi-même; c'était à peine mourir.


Par: Jean-Jacques Rousseau

Ajoutée par Savinien le 04/11/2010

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Si je retournais dans le monde, j'aurais toujours dans ma poche un bilboquet, et j'en jouerais toute la journée pour me dispenser de parler quand je n'aurais rien à dire. Si chacun en faisait autant, les hommes deviendraient moins méchants, leur commerce deviendrait plus sûr, et je pense, plus agréable.
Enfin, que les plaisants rient s'ils veulent, mais je soutiens que la seule morale à la portée du présent siècle est la morale du bilboquet.


Par: Jean-Jacques Rousseau

Ajoutée par Savinien le 04/11/2010

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Je ne crains rien tant dans le monde qu'une jolie personne en déshabillé; je la redouterais cent fois moins parée.


Par: Jean-Jacques Rousseau

Ajoutée par Savinien le 04/11/2010

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L'accueil aisé, l'esprit liant, l'humeur facile des habitants du pays me rendit le commerce du monde aimable; et le goût que j'y pris alors m'a bien prouvé que si je n'aime pas à vivre parmi les hommes, c'est moins ma faute que la leur.


Par: Jean-Jacques Rousseau

Ajoutée par Savinien le 04/11/2010

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Une des preuves de l'excellence du caractère de cette aimable femme est que tous ceux qui l'aimaient s'aimaient entre eux. La jalousie, la rivalité même cédait au sentiment dominant qu'elle inspirait, et je n'ai vu jamais aucun de ceux qui l'entouraient se vouloir du mal l'un à l'autre.
Que ceux qui me lisent suspendent un moment leur lecture à cet éloge; et s'ils trouvent en y pensant quelque autre femme dont ils puissent en dire autant, qu'ils s'attachent à elle pour le repos de leur vie (fût-elle au reste la dernière des catins).


Par: Jean-Jacques Rousseau

Ajoutée par Savinien le 04/11/2010

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Pourquoi faut-il qu'ayant trouvé tant de bonnes gens dans ma jeunesse, j'en trouve si peu dans un âge avancé? Leur race est-elle épuisée? Non; mais l'ordre où j'ai besoin de les chercher aujourd'hui n'est plus le même où je les trouvais alors.
Parmi le peuple, où les grandes passions ne parlent que par intervalles, les sentiments de la nature se font plus souvent entendre. Dans les états plus élevés ils sont étouffés absolument, et, sous le masque du sentiment, il n'y a jamais que l'intérêt ou la vanité qui parle.


Par: Jean-Jacques Rousseau

Ajoutée par Savinien le 02/11/2010

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Voilà encore une circonstance de ma vie où la Providence m'offrait précisément ce qu'il me fallait pour couler des jours heureux.
La Merceret était une très bonne fille, point brillante, point belle, mais point laide non plus; peu vive, fort raisonnable, à quelques petites humeurs près, qui se passaient à pleurer, et qui n'avaient jamais de suite orageuse. Elle avait un vrai goût pour moi; j'aurais pu l'épouser sans peine, et suivre le métier de son père. Mon goût pour la musique me l'aurait fait aimer. Je me serais établi à Fribourg, petite ville peu jolie, mais peuplée de bonnes gens.
J'aurais perdu sans doute de grands plaisirs, mais j'aurais vécu en paix jusqu'à ma dernière heure; et je dois savoir mieux que personne qu'il n'y avait pas à balancer sur ce marché.


Par: Jean-Jacques Rousseau

Ajoutée par Savinien le 02/11/2010

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Ceux qui liront ceci ne manqueront pas de rire de mes aventures galantes, en remarquant qu'après beaucoup de préliminaires, les plus avancées finissent par baiser la main.
O mes lecteurs, ne vous y trompez pas. J'ai peut-être eu plus de plaisir dans mes amours en finissant par cette main baisée, que vous n'en aurez jamais dans les vôtres en commençant tout au moins par là.


Par: Jean-Jacques Rousseau

Ajoutée par Savinien le 02/11/2010

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J'aimerais la société comme un autre, si je n'étais sûr de m'y montrer non seulement à mon désavantage, mais tout autre que je ne suis.
Le parti que j'ai pris d'écrire et de me cacher est précisément celui qui me convenait. Moi présent, on n'aurait jamais su ce que je valais, on ne l'aurait pas soupçonné même.


Par: Jean-Jacques Rousseau

Ajoutée par Savinien le 01/11/2010

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Dans le tête-à-tête il y a un autre inconvénient que je trouve pire, la nécessité de parler toujours: quand on vous parle, il faut répondre; et si l'on ne dit mot, il faut relever la conversation.
Cette insupportable contrainte m'eût seule dégoûté de la société.
Je ne trouve point de gêne plus terrible que l'obligation de parler sur-le-champ et toujours. Je ne sais si ceci tient à ma mortelle aversion pour tout assujettissement; mais c'est assez qu'il faille absolument que je parle, pour que je dise une sottise infailliblement.


Par: Jean-Jacques Rousseau

Ajoutée par Savinien le 01/11/2010

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Mes commencements furent admirables; j'étais d'une assiduité, d'une attention, d'un zèle qui charmaient tout le monde. L'abbé Gaime m'avait sagement averti de modérer cette première ferveur, de peur qu'elle ne vînt à se relâcher et qu'on n'y prît garde.
Votre début, me dit-il, est la règle de ce qu'on exigera de vous: tâchez de vous ménager de quoi faire plus dans la suite, mais gardez-vous de faire jamais moins.


Par: Jean-Jacques Rousseau

Ajoutée par Savinien le 01/11/2010

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J'ai l'âme aimante, et je me suis toujours attaché aux gens moins à proportion du bien qu'ils m'ont fait que de celui qu'ils m'ont voulu.


Par: Jean-Jacques Rousseau

Ajoutée par Savinien le 01/11/2010

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Il me fit sentir que l'enthousiasme des vertus sublimes était peu d'usage dans la société; qu'en s'élançant trop haut on était sujet aux chutes; que la continuité des petits devoirs toujours bien remplis ne demandait pas moins de force que les actions héroïques; qu'on en tirait meilleur parti pour l'honneur et pour le bonheur; et qu'il valait infiniment mieux avoir toujours l'estime des hommes, que quelquefois leur admiration.


Par: Jean-Jacques Rousseau

Ajoutée par Savinien le 01/11/2010

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Il me fit un tableau vrai de la vie humaine, dont je n'avais que de fausses idées; il me montra comment, dans un destin contraire, l'homme sage peut toujours tendre au bonheur et courir au plus près du vent pour y parvenir; comment il n'y a point de vrai bonheur sans sagesse, et comment la sagesse est de tous les états.
Il amortit beaucoup mon admiration pour la grandeur, en me prouvant que ceux qui dominaient les autres n'étaient ni plus sages ni plus heureux qu'eux.
Il me dit une chose qui m'est souvent revenue à la mémoire: c'est que si chaque homme pouvait lire dans les coeurs de tous les autres, il y aurait plus de gens qui voudraient descendre que de ceux qui voudraient monter.


Par: Jean-Jacques Rousseau

Ajoutée par Savinien le 01/11/2010

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Ce souvenir cruel me trouble quelquefois, et me bouleverse au point de voir dans mes insomnies cette pauvre fille venir me reprocher mon crime comme s'il n'était commis que d'hier.
Tant que j'ai vécu tranquille il m'a moins tourmenté, mais au milieu d'une vie orageuse il m'ôte la plus douce consolation des innocents persécutés: il me fait bien sentir ce que je crois avoir dit dans quelque ouvrage, que le remords s'endort durant un destin prospère, et s'aigrit dans l'adversité.


Par: Jean-Jacques Rousseau

Ajoutée par Savinien le 01/11/2010

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Moi, avec une impudence infernale, je confirme ma déclaration, et lui soutiens en face qu'elle m'a donné le ruban. La pauvre fille se mit à pleurer, et ne me dit que ces mots: Ah! Rousseau, je vous croyais un bon caractère. Vous me rendez bien malheureuse, mais je ne voudrais pas être à votre place. Voilà tout.
[...]
Dans le tracas où l'on était, on ne se donna pas le temps d'approfondir la chose; et le comte de la Roque, en nous renvoyant tous deux, se contenta de dire que la conscience du coupable vengerait assez l'innocent. Sa prédiction n'a pas été vaine; elle ne cesse pas un seul jour de s'accomplir.
[...]
Je ne regarde pas même la misère et l'abandon comme le plus grand danger auquel je l'ai exposée. Qui sait, à son âge, où le découragement de l'innocence avilie a pu la porter! Eh! Si le remords d'avoir pu la rendre malheureuse est insupportable, qu'on juge de celui d'avoir pu la rendre pire que moi!


Par: Jean-Jacques Rousseau

Ajoutée par Savinien le 01/11/2010

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J'ai remarqué depuis que cette manière sèche d'interroger les gens pour les connaître est un tic assez commun chez les femmes qui se piquent d'esprit.
Elles s'imaginent qu'en ne laissant point paraître leur sentiment elles parviendront à mieux pénétrer le vôtre: mais elles ne voient pas qu'elles ôtent par là le courage de le montrer.
Un homme qu'on interroge commence par cela seul à se mettre en garde; et s'il croit que, sans prendre à lui un véritable intérêt, on ne veut que le faire jaser, il ment, ou se tait, ou redouble d'attention sur lui-même, et aime encore mieux passer pour un sot que d'être dupe de votre curiosité. Enfin c'est toujours un mauvais moyen de lire dans le coeur des autres que d'affecter de cacher le sien.


Par: Jean-Jacques Rousseau

Ajoutée par Savinien le 01/11/2010

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J'aimais trop sincèrement, trop parfaitement, j'ose dire, pour pouvoir aisément être heureux. Jamais passions ne furent en même temps plus vives et plus pures que les miennes; jamais amour ne fut plus tendre, plus vrai, plus désintéressé.
J'aurais mille fois sacrifié mon bonheur à celui de la personne que j'aimais; sa réputation m'était plus chère que ma vie, et jamais, pour tous les plaisirs de la jouissance, je n'aurais voulu compromettre un moment son repos.
Cela m'a fait apporter tant de soins, tant de secret, tant de précaution dans mes entreprises, que jamais aucune n'a pu réussir. Mon peu de succès près des femmes est toujours venu de les trop aimer.


Par: Jean-Jacques Rousseau

Ajoutée par Savinien le 01/11/2010

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Le sophisme qui me perdit est celui de la plupart des hommes, qui se plaignent de manquer de force quand il est déjà trop tard pour en user. La vertu ne nous coûte que par notre faute; et si nous voulions être toujours sages, rarement aurions-nous besoin d'être vertueux.
Mais des penchants faciles à surmonter nous entraînent sans résistance; nous cédons à des tentations légères dont nous méprisons le danger. Insensiblement nous tombons dans des situations périlleuses, dont nous pouvions aisément nous garantir, mais dont nous ne pouvons plus nous tirer sans des efforts héroïques qui nous effrayent; et nous tombons enfin dans l'abîme, en disant à Dieu: Pourquoi m'as-tu fait si faible?
Mais malgré nous il répond à nos consciences: Je t'ai fait trop faible pour sortir du gouffre, parce que je t'ai fait assez fort pour n'y pas tomber.


Par: Jean-Jacques Rousseau

Ajoutée par Savinien le 01/11/2010

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Je n'ai voyagé à pied que dans mes beaux jours, et toujours avec délices. Bientôt les devoirs, les affaires, un bagage à porter, m'ont forcé de faire le monsieur et de prendre des voitures; les soucis rongeants, les embarras, la gêne y sont montés avec moi; et dès lors, au lieu qu'auparavant dans mes voyages je ne sentais que le plaisir d'aller, je n'ai plus senti que le besoin d'arriver.


Par: Jean-Jacques Rousseau

Ajoutée par Savinien le 01/11/2010

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Cette conduite d'un père dont j'ai si bien connu la tendresse et la vertu m'a fait faire des réflexions sur moi-même qui n'ont pas peu contribué à me maintenir le coeur sain.
J'en ai tiré cette grande maxime de morale, la seule peut-être d'usage dans la pratique, d'éviter les situations qui mettent nos devoirs en opposition avec nos intérêts, et qui nous montrent notre bien dans le mal d'autrui, sûr que, dans de telles situations, quelque sincère amour de la vertu qu'on y porte, on faiblit tôt ou tard sans s'en apercevoir; et l'on devient injuste et méchant dans le fait, sans avoir cessé d'être juste et bon dans l'âme.


Par: Jean-Jacques Rousseau

Ajoutée par Savinien le 01/11/2010

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Je suis moins tenté de l'argent que des choses, parce qu'entre l'argent et la possession désirée il y a toujours un intermédiaire; au lieu qu'entre la chose même et sa jouissance il n'y en a point. Je vois la chose, elle me tente; si je ne vois que le moyen de l'acquérir, il ne me tente pas.


Par: Jean-Jacques Rousseau

Ajoutée par Savinien le 01/11/2010

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Si j'avais eu jamais un revenu suffisant pour vivre commodément, je n'aurais point été tenté d'être avare, j'en suis très sûr; je dépenserais tout mon revenu sans chercher à l'augmenter: mais ma situation précaire me tient en crainte.
J'adore la liberté; j'abhorre la gêne, la peine, l'assujettissement. Tant que dure l'argent que j'ai dans ma bourse, il assure mon indépendance; il me dispense de m'intriguer pour en trouver d'autre, nécessité que j'eus toujours en horreur; mais de peur de le voir finir, je le choie.
L'argent qu'on possède est l'instrument de la liberté; celui qu'on pourchasse est celui de la servitude. Voilà pourquoi je serre bien et ne convoite rien.


Par: Jean-Jacques Rousseau

Ajoutée par Savinien le 01/11/2010

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Si mon sang allumé me demande des femmes, mon cœur ému me demande encore plus de l'amour. Des femmes à prix d'argent perdraient pour moi tous leurs charmes; je doute même s'il serait en moi d'en profiter. Il en est ainsi de tous les plaisirs à ma portée; s'ils ne sont gratuits, je les trouve insipides. J'aime les seuls biens qui ne sont à personne qu'au premier qui sait les goûter.


Par: Jean-Jacques Rousseau

Ajoutée par Savinien le 01/11/2010

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Bientôt, à force d'essuyer de mauvais traitements, j'y devins moins sensible; ils me parurent enfin une sorte de compensation du vol, qui me mettait en droit de le continuer. Au lieu de retourner les yeux en arrière et de regarder la punition, je les portais en avant et je regardais la vengeance. Je jugeais que me battre comme fripon, c'était m'autoriser à l'être.


Par: Jean-Jacques Rousseau

Ajoutée par Savinien le 01/11/2010

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J'ai fait le premier pas et le plus pénible dans le labyrinthe obscur et fangeux de mes confessions. Ce n'est pas ce qui est criminel qui coûte le plus à dire, c'est ce qui est ridicule et honteux.


Par: Jean-Jacques Rousseau

Ajoutée par Savinien le 01/11/2010

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