Emile et Sophie, ou les solitaires
Année de parution : 1781 Il faut en convenir, les seuls biens sur lesquels les hommes puissent compter, sont ceux qu'ils ont mis en réserve au fond de leur âme; aussi le moyen, unique peut-être, de pourvoir efficacement à leur bonheur c'est de leur donner des ressources sûres contre les coups du sort, soit pour les réparer à force de talents, soit pour les supporter à force de vertus. Ce fut le grand objet que Rousseau se proposa dans son Traité de l'Education; l'ouvrage suivant était destiné à prouver qu'il l'avait rempli. En mettant Emile aux prises avec la fortune, en le plaçant dans une suite de situations effrayantes, que le mortel le plus intrépide n'envisagerait pas sans frémir, il voulait montrer que les principes dont il fut nourri depuis sa naissance, pouvaient seuls l'élever au-dessus de ces situations. Ce plan était beau, l'exécution en aurait été aussi intéressante qu'utile; c'était mettre en action la morale d'Emile, la justifier et la faire aimer: mais la mort ne permit pas à Rousseau d'élever ce nouveau monument à sa gloire, et de reprendre cet ouvrage, qu'il avait interrompu pour ses Confessions. |