Etienne Pivert de Senancour
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Né(e) le 16/11/1770 Mort(e) le 10/01/1846 France |
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Étienne Pivert de Senancour, né à Paris le 16 novembre 1770 et mort à Saint-Cloud le 10 janvier 1846, est un écrivain préromantique français. Il fut élevé à Paris, puis chez un curé de campagne près d'Ermenonville, à Fontaine Chaâlis, où il se prit de passion pour Rousseau. Mélancolique et solitaire, il souffrit au collège des sarcasmes de ses camarades. Il s'enfuit le 14 août 1789, pour éviter le séminaire auquel son père le destinait, ce qui lui valut de figurer sur la liste des émigrés. |
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Isabelle |
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Obermann |
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Si le récit des guerres, des entreprises et des passions des hommes, a de tout temps possédé le privilége de captiver l'attention du plus grand nombre, si le côté épique de toute littérature est encore aujourd'hui le côté le plus populaire , il n'en est pas moins avéré pour les âmes profondes et rêveuses ou pour les intelligences délicates et attentives, que les poèmes les plus importants et les plus précieux sont ceux qui nous révèlent les intimes souffrances de l'âme humaine dégagées de l'éclat et de la variété des événements extérieurs. Ces rares et austères productions ont peut-être une importance plus grande que les faits mêmes de l'histoire, pour l'étude de la psychologie, au travers du mouvement des siècles; car elles pourraient, en nous éclairant sur l'état moral et intellectuel des peuples aux divers âges de la civilisation , donner la clef des grands événements qui sont encore proposés pour énigmes aux érudits de notre temps. Ces lettres ne sont pas un roman. II n'y a point de mouvement dramatique, d'événements préparés et conduits, point de dénouement; rien de ce qu'on appelle l'intérêt d'un ouvrage, de cette série progressive, de ces incidents, de cet aliment de la curiosité, magie de plusieurs bons écrits, et charlatanisme de plusieurs autres. On y trouvera des descriptions ; de celles qui servent à mieux faire entendre les choses naturelles, et à donner des lumières, peut-être trop négligées, sur les rapports de l'homme avec ce qu'il appelle l'inanimé. On y trouvera des passions ; mais celles d'un homme qui était né pour recevoir ce qu'elles promettent, et pour n'avoir point une passion ; pour tout employer, et pour n'avoir qu'une seule fin. On y trouvera de l'amour; mais l'amour senti d'une manière qui peut-être n'avait pas été dite. |
Rêveries |
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Qui d'entre nous accomplit son dessein, et peut se réjouir de son oeuvre? Tous ceux qui ont projeté de grandes choses, ceux même qui paraissent en avoir opéré, tous n'ont fait qu'ébaucher leur ouvrage. Souvent la fortune leur manqua, et quelquefois peut-être ils manquèrent à leur fortune. Ni les héros, ni les sages n'ont vaincu leur destinée. Interrogez les ombres les plus illustres, leurs souvenirs ne seront qu'une longue plainte. Pardonnez donc à celui qui vit sans éclat, de subir aussi la loi commune, et d'indiquer faiblement ce qu'il eût voulu mieux établir dans ses écrits. Il aurait plus de lecteurs, s'il les occupait de leurs intérêts accidentels; mais ces fantaisies passent, et les vraies convenances subsistent. Vous, du moins, qui, durant la course laborieuse que nous avons tous entreprise, vous arrêtez quelquefois à l'écart, vous qui désirez pressentir la réalité, malgré le silence apparent de la nature, venez: notre groupe ne sera pas nombreux. Nous laisserons à des esprits, doués d'infaillibilité, le soin de dire hautement ce qu'il faudrait aux hommes. Nous nous bornerons à en conférer avec indépendance. Salut, jeunes amis de la vérité sublime, de celle qui ne se manifeste que dans un grand éloignement; salut au nom de cette lumière voilée à jamais, et à jamais désirable. |