Citations de Le voyage du Condottière, de Isaac Félix Suarès (André Suarès)

18 Citations

Dans la basilique des pins, où chaque arbre est une colonne de porphyre, l'or du couchant, à présent, chante complies. L'immobile incendie sommeille encore sous les ombrelles. Et tous les oiseaux s'étaient tus. A peine si, de loin en loin, un cri léger, la dernière note d'un trille, tombait, comme une goutte, dans l'effusion de la lumière. Le silence du soir accomplissait la mélancolie du crépuscule. Pour suave, pour enchanteur qu'il pût être, quel chant de rossignol n'eût pas troublé l'immense rêverie de ce désert, à l'heure suprême? La perfection s'achève dans le silence.


Par: Isaac Félix Suarès (André Suarès)

Ajoutée par Savinien le 23/06/2021

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De vrais arbres! Des arbres qui ne soient point passés à la farine, des arbres qui font frais à la joue, et, quand on en presse la feuille, qui rafraîchissent la paume des mains. L'arbre, c'est l'eau chevelue qui se condense: l'eau qui s'est faite corps et qui, délivrée de la pesanteur, libre enfin de se fixer et de laisser sa pente, s'élève vers la lumière. L'arbre est un essai de l'homme vers le ciel; mais il reste prisonnier de la terre. Il est tenu par les pieds; il ne peut se mouvoir; il paie ainsi rançon de la solidité; il faut que sa tête, si haut qu'il la porte, sente toujours l'esclavage des racines. L'arbre est une espérance; l'arbre est vert et ne doit pas être blanc. Dans le frémissement de la feuillée, que le murmure de l'eau m'accueille! Je veux boire aux branches.


Par: Isaac Félix Suarès (André Suarès)

Ajoutée par Savinien le 23/06/2021

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L'alouette qui chante à la mort, c'est le soleil qui empourpre l'Adige. Les violentes hirondelles tirent l'alène sur l'air mauve; et au fil de leurs cris stridents, elles cousent le ciel au fleuve. Quel linceul pour les amants!
L'adorable jardin est tout amour au soleil sanglant. Et, peut-être, n'est-ce plus l'heure de l'alouette? Nous ne regardons plus à l'Orient; et notre passion, souvent, redoute l'aube. L'heure du crépuscule, un noir jardin suspendu au-dessus d'une ville et d'un torrent, dans le silence des cyprès sublimes, voilà l'heure et le lieu pour les amants. Que la mort vienne!


Par: Isaac Félix Suarès (André Suarès)

Ajoutée par Savinien le 23/06/2021

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Terrasses sur terrasses. Partout des fleurs en corbeilles, des roses, des oeillets, de suaves fleurs simples, prodigues de parfum. Partout, cet accord ravissant des statues avec le feuillage, qui rend l'art à la nature, et qui élève la nature à la beauté de l'art. Les branches caressent les balustres de marbre. Trois feuilles languissantes baisent une épaule nue. Une gorge de pierre, comme à des doigts, s'offre aux ramures d'un érable. Le murmure d'une fontaine rappelle, à toute cette ardeur, les délices de l'eau. Elle s'écoule plus bas que les cyprès, il me semble, comme une femme pleure de mélancolie, à genoux, la tête cachée.


Par: Isaac Félix Suarès (André Suarès)

Ajoutée par Savinien le 23/06/2021

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Et lente, pressée, sans fin, la neige s'est remise à tomber. Elle est jetée d'en haut, implacablement, comme les pelletées du ciel sur les tombes. Elle ensevelit même l'ensevelissement de la pierre. Je frémis. Dans un crépuscule sépulcral, par une neige qui ne finirait jamais, ainsi devrait finir le monde.


Par: Isaac Félix Suarès (André Suarès)

Ajoutée par Savinien le 23/06/2021

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Ses yeux font mal, tant ils se consument. Tant ils veulent vivre, ils meurent d'amour. Au nom seul de Roméo, elle tend sa bouche. L'arc de son corps sourit. Ses lèvres ardentes crient; elles meurent, si elle ne reçoit le vin de la langue, dans le fruit des baisers. Tout son corps tremble. Et ses cuisses se serrent. Et elle sent l'odeur de l'encens, que son sang fume. Et le reste du temps, elle veut dormir, et se retourne sur son lit, accablée.
Voilà comme elle sort de sa maison, pour venir à son tombeau. Et c'est son amour qui la porte. Elle n'a fait qu'une promenade. Juliette n'est sortie seule qu'une fois. L'amour l'a tenue par le bras. Elle a brûlé: elle est morte. Parce qu'on meurt d'aimer et qu'on n'en saurait pas vivre.


Par: Isaac Félix Suarès (André Suarès)

Ajoutée par Savinien le 23/06/2021

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Ni philosophe, ni historien, je suis homme. J'aime ou n'aime pas. L'art est une passion; et l'on vit en art, comme on vit en passion: le goût est le tact délicat de ce qui nous flatte ou de ce qui nous blesse. Peut-être le goût est-il le sens le plus subtil de la vie. On me prend le coeur, si on l'émeut; et faute de l'émouvoir, on le dégoûte. Qui a goûté de l'émotion, ne se plaît plus à rien, sinon à être ému. En art, l'émotion c'est l'amour.


Par: Isaac Félix Suarès (André Suarès)

Ajoutée par Savinien le 23/06/2021

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Le Stradivarius est géant, la passion même. Un son si puissant, si ardent qu'il vous brûle et vous emplit. L'élégance s'efface sous la force: le feu est ce qu'il y a de plus élégant; mais qui y pense, tandis qu'il dévore?


Par: Isaac Félix Suarès (André Suarès)

Ajoutée par Savinien le 23/06/2021

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C'était l'heure où le soleil se met à l'affût de la journée et tire sur les tours des flèches biaises, qui font saigner les briques.


Par: Isaac Félix Suarès (André Suarès)

Ajoutée par Savinien le 23/06/2021

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L'oeuvre d'art est accomplie, quand, au bonheur que la beauté donne, de prime abord, ne manque pas non plus le rêve qu'elle propose, le poème qu'elle inspire au passant et à l'artiste.


Par: Isaac Félix Suarès (André Suarès)

Ajoutée par Savinien le 23/06/2021

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La plus haute ironie est dans le sourire de l'intelligence. Léonard sourit de cette sorte. Après tout, celui qui comprend, celui-là aime aussi. Il a l'âme égale, et douce à tout ce qui respire. Tout étant comme il doit être, la pensée qui se possède ne saurait pas être méchante. Même si elle n'espère rien, et ne peut prendre ce monde au sérieux, elle peut pardonner au rêve de n'être qu'un rêve.


Par: Isaac Félix Suarès (André Suarès)

Ajoutée par Savinien le 23/06/2021

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Il est trop certain que l'objet le plus simple est d'une complexité infinie. Rien n'est simple à nos yeux qu'en fonction de notre aveuglement ou de notre ignorance.


Par: Isaac Félix Suarès (André Suarès)

Ajoutée par Savinien le 23/06/2021

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A Serbelloni, partout des bancs. Les peupliers d'Italie font la pyramide, et les chênes en dôme s'arrondissent entre les clochetons aigus des cyprès. Les bosquets, les retraites se cachent derrière les chevelures complices du lierre. L'invitation aux baisers passe dans la brise; les feuilles se caressent comme des chattes. L'air est si fin, si tiède et si tendre, il a des touches si subtiles et si lentes qu'on le sent comme une main, comme un baiser entre les cheveux et la nuque. Et telles des lèvres timides, il glisse sur la fraîcheur des seins; les jeunes femmes lui abandonnent leur gorge sous la guimpe. Je frôle une nymphe blonde, qui a l'odeur de l'abricot.


Par: Isaac Félix Suarès (André Suarès)

Ajoutée par Savinien le 23/06/2021

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Toute vie, pourtant, paraît heureuse sur les bords de ce lac, que le ciel dédie à l'idylle. Qu'est-ce que le bonheur, pour la plupart des êtres mortels, sinon la certitude de l'amour?


Par: Isaac Félix Suarès (André Suarès)

Ajoutée par Savinien le 23/06/2021

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Sait-on jamais pourquoi une femme est malheureuse? D'abord, sans doute, parce qu'elle est femme. Puis, s'il y a bien des raisons pour n'être pas heureuse, il n'en est qu'une au désespoir: elle n'est pas aimée, ou pense ne pas l'être. Celle dont la chair est contente, c'est son âme qui souffre; et si l'âme est satisfaite, c'est la chair qui ne l'est pas. L'homme et la femme ne sont pas faits pour se comprendre, ni même pour vivre ensemble. Dans le fond, la nature ne leur demande que de s'unir un moment. Il ne s'agit pas d'eux, mais d'une tierce créature, qui est encore à venir et qui leur est inconnue.


Par: Isaac Félix Suarès (André Suarès)

Ajoutée par Savinien le 23/06/2021

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Que j'aime les ponts de bois! Ils ont le charme de la marine. Ce sont des bateaux à l'ancre. Ah, soudain, s'ils pouvaient larguer l'amarre.


Par: Isaac Félix Suarès (André Suarès)

Ajoutée par Savinien le 23/06/2021

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Un homme voyage pour sentir et pour vivre. A mesure qu'il voit du pays, c'est lui-même qui vaut mieux la peine d'être vu. Il se fait chaque jour plus riche de tout ce qu'il découvre. Voilà pourquoi le voyage est si beau, quand on l'a derrière soi: il n'est plus, et l'on demeure! C'est le moment où il se dépouille. Le souvenir le décante de toute médiocrité.


Par: Isaac Félix Suarès (André Suarès)

Ajoutée par Savinien le 23/06/2021

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Voir n'est point commun. La vision est la conquête de la vie. On voit toujours, plus ou moins, comme on est. Le monde est plein d'aveugles aux yeux ouverts sous une taie; en tout spectacle, c'est leur cornée qu'ils contemplent, et leur taie grise qu'ils saisissent.


Par: Isaac Félix Suarès (André Suarès)

Ajoutée par Savinien le 23/06/2021

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