Citations de Stances et poèmes, de René Armand François Prudhomme (Sully Prudhomme)

9 Citations

La lutte


A droite, à gauche, vois! Sur la mer où nous sommes
Chacun risque sa voile et jette son appui;
Nul ne sait d'où tu viens ni comment tu te nommes,
Frère! Ne cherche pas dans l'océan des hommes,
Comme un nageur tremblant, les épaules d'autrui;

Et ne t'indigne pas de leur indifférence:
Hélas! Ils ont chacun leurs membres à nourrir;
Chacun répond au cri de sa propre souffrance;
Il n'est qu'un bien commun, la divine espérance,
Le reste est la curée: il faut mordre ou mourir.


Par: René Armand François Prudhomme (Sully Prudhomme)

Ajoutée par Savinien le 24/10/2020

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Les voluptés


Nous nous rappelons tous une amante première:
Les doigts timidement aux siens entremêlés,
Nous rêvions avec elle en foulant la bruyère,
Sans pouvoir dire un mot, le sein, les yeux troublés;

La bonté s'exhalait de la terre embaumée,
Tout semblait chaste, heureux, béni sur le chemin,
Comme si la vertu par notre bien-aimée
Pour nous conduire à Dieu nous avait pris la main.

Alors nous vous pleurons, ô petites amantes
Qui teniez sous vos cils le désir à genoux:
L'océan soulevé des ivresses brûlantes
Nous désaltère moins qu'une larme de vous;


Par: René Armand François Prudhomme (Sully Prudhomme)

Ajoutée par Savinien le 24/10/2020

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Naissance de Vénus


Je viens apprendre à tous que nul n'est solitaire,
Qu'Iris naît de l'orage et le souris des pleurs;
L'horizon gris s'épure, et sur toute la terre
L'Érèbe encor brûlant s'épanouit en fleurs.

Je parais, pour changer, reine des harmonies,
Les rages du chaos en flottantes langueurs;
Car je suis la beauté: des chaînes infinies
Glissent de mes doigts blancs au plus profond des coeurs.


Par: René Armand François Prudhomme (Sully Prudhomme)

Ajoutée par Savinien le 24/10/2020

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En deuil


C'est en deuil surtout que je l'aime:
Le noir sied à son front poli,
Et par ce front le chagrin même
Est embelli.

Comme l'ombre le deuil m'attire,
Et c'est mon goût de préférer,
Pour amie, à qui sait sourire
Qui peut pleurer.

J'aime les lèvres en prière;
J'aime à voir couler les trésors
D'une longue et tendre paupière
Fidèle aux morts.

Vierge, heureux qui sort de la vie
Embaumé de tes pleurs pieux;
Mais plus heureux qui les essuie:
Il a tes yeux !


Par: René Armand François Prudhomme (Sully Prudhomme)

Ajoutée par Savinien le 24/10/2020

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A ma soeur


Enfant, je t'ai dit qui j'aimais,
Tu sais le nom de la première;
Sa grâce ne mourra jamais
Dans mes yeux qu'avec la lumière.

Ah! Si les jeunes gens sont fous,
Leur enthousiasme s'expie;
On se meurtrit bien les genoux
Quand on veut saluer la vie.

J'ai cru dissiper cet amour;
Voici qu'il retombe en rosée,
Et je sens son muet retour
Où chaque larme s'est posée.


Par: René Armand François Prudhomme (Sully Prudhomme)

Ajoutée par Savinien le 24/10/2020

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Les yeux


Bleus ou noirs, tous aimés, tous beaux,
Des yeux sans nombre ont vu l'aurore;
Ils dorment au fond des tombeaux,
Et le soleil se lève encore.


Par: René Armand François Prudhomme (Sully Prudhomme)

Ajoutée par Savinien le 24/10/2020

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Ici-bas


Ici-bas tous les lilas meurent,
Tous les chants des oiseaux sont courts;
Je rêve aux étés qui demeurent
Toujours...

Ici-bas les lèvres effleurent
Sans rien laisser de leur velours;
Je rêve aux baisers qui demeurent
Toujours...

Ici-bas tous les hommes pleurent
Leurs amitiés ou leurs amours;
Je rêve aux couples qui demeurent
Toujours...


Par: René Armand François Prudhomme (Sully Prudhomme)

Ajoutée par Savinien le 24/10/2020

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Rosées


D'où viennent mes pleurs? Toute flamme,
Ce soir, est douce au fond des cieux;
C'est que je les avais dans l'âme
Avant de les sentir aux yeux.

On a dans l'âme une tendresse
Où tremblent toutes les douleurs,
Et c'est parfois une caresse
Qui trouble, et fait germer les pleurs.


Par: René Armand François Prudhomme (Sully Prudhomme)

Ajoutée par Savinien le 24/10/2020

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Le vase brisé


Le vase où meurt cette verveine
D'un coup d'éventail fut fêlé;
Le coup dut effleurer à peine:
Aucun bruit ne l'a révélé.

Mais la légère meurtrissure,
Mordant le cristal chaque jour,
D'une marche invisible et sûre
En a fait lentement le tour.

Son eau fraîche a fui goutte à goutte,
Le suc des fleurs s'est épuisé;
Personne encore ne s'en doute;
N'y touchez pas, il est brisé.

Souvent aussi la main qu'on aime,
Effleurant le coeur, le meurtrit;
Puis le coeur se fend de lui-même,
La fleur de son amour périt;

Toujours intact aux yeux du monde,
Il sent croître et pleurer tout bas
Sa blessure fine et profonde;
Il est brisé, n'y touchez pas.


Par: René Armand François Prudhomme (Sully Prudhomme)

Ajoutée par Savinien le 24/10/2020

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