Citations de C'est une chose étrange à la fin que le monde, de Jean d' Ormesson

12 Citations

Les rêves des hommes sont pleins de grandeur - et ils sont dérisoires. A commencer par les miens. Les plaisirs nous enchantent - et ils sont l'ombre d'une ombre. Le seul sort du bonheur est de se changer en souvenir. La meilleure attitude à l'égard de ce monde et de son histoire, et d'abord et avant tout des réussites sociales et des grandeurs d'établissement si ardemment poursuivies, est de les tenir à distance. Sortir de la poussière et retourner à la poussière ne mérite en aucun cas un excès de révérence. La vie est un songe et le mieux est d'en rire. Je ne cesse de me moquer de moi-même et des autres. J'ai toujours essayé de m'amuser de la brièveté de la vie.


Par: Jean d' Ormesson

Ajoutée par Savinien le 22/09/2013

 

Tout ce qui est né mourra. Tout ce qui est apparu dans le temps disparaîtra dans le temps. Au commencement des choses, il y a un peu moins de quatorze milliards d'années, il n'y avait que l'avenir. A la fin de ce monde et du temps, il n'y aura plus que du passé. Toute l'espérance des hommes se sera changée en souvenir. En souvenir pour qui? Il n'y aura plus que ce rien éternel qui se confond avec tout, dont le monde est sorti, où il retournera, et que nous appelons Dieu.


Par: Jean d' Ormesson

Ajoutée par Savinien le 22/09/2013

 

Je suis un bon garçon. Au-delà même des mots et de leur musique, leur servant de source et de but, quelque chose de très obscur m'attache aux autres hommes. Je préfère qu'on ne les torture pas, qu'on ne les massacre pas, qu'on ne les méprise pas, qu'on ne les détruise pas, qu'on ne les humilie pas d'une façon ou d'une autre. Je crois que la vie - et pas seulement la vie des hommes - doit être respectée. Parce qu'une même espérance nous unit les uns aux autres et nous soutient tous ensemble. C'est cette espérance que les pédants, je crois, appellent la transcendance.


Par: Jean d' Ormesson

Ajoutée par Savinien le 22/09/2013

 

Ceux qui ne croient pas à Dieu font preuve d'une crédulité qui n'a rien à envier à celle qu'ils reprochent aux croyants. Ils croient à une foule de choses aussi peu vraisemblables que ce Dieu qu'ils rejettent: tantôt au hasard et à la nécessité, tantôt à l'éternité de l'univers ou à ce mythe qu'ils avalent tout cru d'un temps dont l'origine ne poserait pas de problèmes. A l'homme surtout, à l'homme, sommet et gloire de la création, chef-d'oeuvre d'orgueil et trésor pour toujours, et à l'humanisme. J'ai le regret de l'avouer: je ne crois à rien de tout cela. Si je croyais à quelque-chose, ce serait plutôt à Dieu - s'il existe. Existe-t-il? Je n'en sais rien. J'aimerai y croire. Souvent, j'en doute. Je doute de Dieu parce que j'y crois. Je crois à Dieu parce que j'en doute. Je doute en Dieu.


Par: Jean d' Ormesson

Ajoutée par Savinien le 21/09/2013

 

Je ne crois pas à grand-chose. Je me dis souvent, avec une ombre de regret, avec un peu d'inquiétude, que je ne crois presque à rien. Je ne crois ni aux honneurs, ni aux grandeurs d'établissement, ni aux distinctions sociales, ni au sérieux de l'existence, ni aux institutions, ni à l'Etat, ni à l'économie politique, ni à la vertu, ni à la vérité, ni à la justice des hommes, ni à nos fameuses valeurs. Je m'en arrange. Mais je n'y crois pas. Les mots ont remplacé pour moi la patrie et la religion. C'est vrai: j'ai beaucoup aimé les mots. Ils sont la forme, la couleur et la musique du monde. Ils m'ont tenu lieu de patrie, ils m'ont tenu lieu de religion.


Par: Jean d' Ormesson

Ajoutée par Savinien le 21/09/2013

 

Il y a bien quelque chose qui s'appelle le monde. Il disparaîtra tout entier comme nous disparaissons nous-mêmes. Il y a bien quelque chose qui s'appelle l'histoire. Elle a sa logique propre, mais elle n'a pas de sens. Quand les hommes auront disparu comme disparaissent toutes choses, il n'y aura personne pour se souvenir d'eux. Le monde est beau. L'histoire existe. Cette beauté et cette existence sortent du néant pour retourner dans le néant. Il y a un grand rêve qui est le monde. Et dans ce grand rêve, un autre rêve qui est la vie. Et dans ce rêve, encore un rêve qui est notre existence. Et tous ces rêves n'ont pas de sens et ils sont absurdes.


Par: Jean d' Ormesson

Ajoutée par Savinien le 21/09/2013

 

Nous ne savons rien de l'avenir. Sauf une chose: nous mourrons tous. Les nombres, les mathématiques, la science sont irréfutables. Notre mort aussi. Elle est une des rares certitudes dont nous puissions nous targuer. De l'Ecclésiaste et de Pyrrhon, le maître du scepticisme, à Montaigne, à Descartes et au désespéré qui va se jeter par la fenêtre parce qu'il ne croit plus à rien, les hommes peuvent tout mettre en doute - sauf leur mort inéluctable. Même les fous, même les sages, même les puissants, même les rois, même le Fils de Dieu puisqu'il s'était fait homme, savent qu'un jour ils mourront. Tous le savent dur comme fer, mais, pour pouvoir continuer à vivre, ils font semblant de l'oublier. Les hommes ont peur de la mort et ils ensevelissent sa pensée comme ils ensevelissent leurs semblables. « On n'entend dans les funérailles, écrit Bossuet avec une espèce de sauvagerie, que des paroles d'étonnement de ce que ce mortel est mort. »


Par: Jean d' Ormesson

Ajoutée par Savinien le 20/09/2013

 

Je ne sais pas si Dieu existe mais, depuis toujours, je l'espère avec force. Parce qu'il faudrait qu'existe tout de même ailleurs quelque chose qui ressemble d'un peu plus près que chez nous à une justice et à une vérité que nous ne cessons de rechercher, que nous devons poursuivre et que nous n'atteindrons jamais.
De temps en temps, je l'avoue, le doute l'emporte sur l'espérance. Et, de temps en temps, l'espérance l'emporte sur le doute. Ce cruel état d'incertitude, cette « fluctuatio animi » pour parler comme Spinoza, ne durera pas toujours. Grâce à Dieu, je mourrai.


Par: Jean d' Ormesson

Ajoutée par Savinien le 20/09/2013

 

Le big bang et le mur de Planck marquent les limites entre le domaine des phénomènes et de l'expérimentation qui nous est familier et un no man's land inconnu dont nous ne pouvons rien savoir et qui n'existe peut-être même pas. Nos sens n'y ont pas accès. Nos lois n'y fonctionnent plus. Si bien adaptée au monde autour de nous, l'intelligence humaine ne peut pas le concevoir. C'est le règne de la fiction, du roman non écrit, de la poésie sans paroles. C'est le royaume de l'espérance. C'est le royaume de la foi. Chacun peut y mettre ce qu'il veut. Et même le refuser et n'y voir qu'une illusion, une mystification, une imposture. C'est cette nuit obscure que les hommes appellent Dieu.


Par: Jean d' Ormesson

Ajoutée par Savinien le 20/09/2013

 

Le présent est une prison sans barreaux, un filet invisible, sans odeur et sans masse, qui nous enveloppe de partout. Il n'a ni apparence ni existence, et nous n'en sortons jamais. Aucun corps, jamais, n'a vécu ailleurs que dans le présent, aucun esprit, jamais, n'a rien pensé qu'au présent. C'est dans le présent que nous nous souvenons du passé, c'est dans le présent que nous nous projetons dans l'avenir. Le présent change tout le temps et il ne cesse jamais d'être là. Et nous en sommes prisonniers. Passagère et précaire, affreusement temporaire, coincée entre un avenir qui l'envahit et un passé qui la ronge, notre vie ne cesse jamais de se dérouler dans un présent éternel - ou quasi éternel - toujours en train de s'évanouir et toujours en train de renaître.


Par: Jean d' Ormesson

Ajoutée par Savinien le 17/09/2013

 

Jamais rêve de gloire ou d'amour n'a occupé les esprits avec tant de force et de constance que la folie de Dieu. Sous les noms les plus divers, sous les formes les plus invraisemblables, il y a quelque chose qui court de génération en génération: c'est moi. Que feraient les hommes s'il ne me cherchaient pas? Ils me cherchent - et ils ne me trouvent pas. S'ils me trouvaient, ils ne penseraient plus à moi. Parce qu'ils me cherchent sans me trouver, parce qu'ils me nient, parce qu'ils m'espèrent, la seule pensée de Dieu ne cesse jamais de les occuper tout entiers. Je suis un Dieu caché. Dieu vit à jamais parce que les hommes doutent de lui.


Par: Jean d' Ormesson

Ajoutée par Savinien le 17/09/2013

 

Ce qu'il y a de mieux dans ce monde, de plus beau, de plus excitant, ce sont les commencements. L'enfance et les matins ont la splendeur des choses neuves. L'existence est souvent terne. Naître est toujours un bonheur. Il y a dans tout début une surprise et une attente qui seront peut-être déçues mais qui donnent au temps qui passe sa couleur et sa vigueur.


Par: Jean d' Ormesson

Ajoutée par Savinien le 17/09/2013