Citations de Voyage autour de mon jardin, de Alphonse Karr

13 Citations

La grandeur des grands hommes est faite plus d'à moitié de la petitesse des autres.


Par: Alphonse Karr

Ajoutée par Savinien le 24/06/2013

 

J'ai vu deux révolutions politiques à l'âge de quarante ans que j'ai aujourd'hui. J'en verrai au moins encore une, et il est probable que je dirai après la troisième ce que j'ai dû dire après les deux autres: « On n'attaque pas les abus pour les renverser, mais pour les conquérir. » Plus ça change, plus c'est la même chose.


Par: Alphonse Karr

Ajoutée par Savinien le 24/06/2013

 

J'avais dans un coin solitaire du jardin trois jacinthes que mon père avait plantées, et que la mort l'a empêché de voir fleurir. Chaque année, l'époque de leur floraison était pour moi une solennité, une fête funèbre et religieuse; c'était un mélancolique souvenir, qui renaissait et refleurissait tous les ans, et exhalait certaines pensées avec son parfum. Les oignons sont morts aussi, et rien ne vit plus que dans mon coeur.
Mais quel triste privilège a donc l'homme entre tous les êtres créés, de pouvoir ainsi, par le souvenir et la pensée, suivre ceux qu'il a aimés dans la tombe et s'y enfermer vivant avec les morts! Quel triste privilège! Et pourtant quel est celui de nous qui voudrait le perdre? Quel est celui qui voudrait oublier tout à fait?


Par: Alphonse Karr

Ajoutée par Savinien le 24/06/2013

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J'ai beau me rappeler tous les voyages que j'ai lus, j'y vois toujours les grandes nouveautés que voici: les femmes se mettent des anneaux dans le nez, au lieu de se les mettre aux oreilles comme les nôtres; elles mettent sur leurs têtes des plumes de perroquet au lieu de plumes d'autruche. Elles sont un peu nues par en bas, ce qui paraît indécent aux Européennes, qui ne montrent à nu que la moitié supérieure du corps.
Les hommes sont fiers d'un grain ou de deux grains de girofle qu'on leur permet de porter pour leurs belles actions. Nous en rions comme des fous, nous autres Européens. Des clous de girofle! Bon Dieu! Se faire casser les bras et les jambes pour des clous de girofles. Réellement les sauvages sont bien drôles. A la bonne heure, nous, quand nous nous exposons au feu et au sabre, nous savons ce que nous faisons, nous qui sommes blancs, nous qui sommes éclairés et civilisés. Ah bien! Que l'on vienne nous offrir des clous de girofle, on serait bien reçu. Non, non, on nous permet de porter à une boutonnière de notre habit un petit morceau de ruban rouge; plus tard nous le nouons en rosette, mais tout le monde n'arrive pas là.


Par: Alphonse Karr

Ajoutée par Savinien le 17/06/2013

 

Que de belles fleurs au printemps de notre vie, et comme elles se sont fanées! Que de choses sont mortes en nous dont nous ne songeons pas à porter le deuil; loin de là nous prenons nos mutilations pour des retranchements utiles, nous nous enorgueillissons de nos pertes, nous appelons nos infirmités des vertus; l'estomac ne digère plus, nous nous disons sobres; notre sang est refroidi, nous nous disons revenus de l'amour, quand c'est l'amour qui s'en est allé de nous; nos cheveux, nos dents meurent, et nous ne pensons pas que nous devons mourir bientôt tout entiers. Nous nous agitons, nous nous tourmentons pour un avenir que tout nous raconte que nous ne verrons pas.


Par: Alphonse Karr

Ajoutée par Savinien le 17/06/2013

 

Ah! Je comprends maintenant cette joie promise à vos élus, et dont j'ai souri quelquefois ironiquement; cette joie ineffable de vous contempler face à face, je la comprends par les ravissements que me donne la contemplation des plus petits de vos ouvrages, de ceux que vous avez cachés sous l'herbe ou dans l'épaisseur des feuilles. Mon Dieu! Quand je me laisse aller à la contemplation de la nature, il me semble que vous n'êtes plus caché que par un voile presque transparent que le moindre souffle d'air peut lever. Mon Dieu que veulent les... gens qui vous demandent des miracles, et les autres... gens qui en racontent? Est-il un brin d'herbe qui ne soit un miracle bien au-dessus de toutes les mythologies de tous les temps et de toutes les nations. Mon Dieu! Le moindre des insectes ne me parle-t-il pas mieux de vous et de votre puissance, que ces avocats ridicules qui ont la hardiesse de vous défendre comme un accusé, et disent sur vous tant de sottises et d'absurdités.


Par: Alphonse Karr

Ajoutée par Savinien le 17/06/2013

 

L'architecture, dans sa plus grande magnificence, a inventé le chapiteau corinthien, qui n'est que l'imitation imparfaite de cinq ou six feuilles d'acanthe. D'où vient qu'on paie si cher l'imitation de ce qui ne coûte rien? C'est qu'on n'aime à posséder les choses que pour humilier ceux qui ne les possèdent pas; c'est ce qui fait le prix des diamants, et ce qui fait tant de tort au ciel; c'est le secret des plus honteux sentiments des hommes.


Par: Alphonse Karr

Ajoutée par Savinien le 13/06/2013

 

Cette maison que nous habitons a été bâtie pour un homme mort depuis longtemps, par des maçons qui sont morts. Ces arbres sous lesquels nous rêvons ont été plantés par des jardiniers qui sont morts. Les tableaux dont nous ornons nos logis ont été peints par des morts. Nos habits, nos souliers sont faits avec les poils ou la peau d'animaux qui sont morts. Le bateau sur lequel vous vous promenez entre les rives vertes, c'est un arbre mort qui en fournit les planches. Ce feu devant lequel vous causez est alimenté par des membres de cadavres d'arbres. Vos festins joyeux, vos repas de chaque jour, offrent à vos yeux et à votre appétit des cadavres d'animaux morts. Ce vin, dont vous vantez la vieillesse vous rappelle que celui qui l'a récolté, que celui qui a fait les tonneaux, que celui qui l'a mis en bouteille, et que tous ceux qui vivaient alors sont morts. Et le soir, quand vous allez au théâtre voir représenter Cinna ou Mithridate, ces personnages que vous regardez, ne sont-ce pas des morts que vous évoquez pour qu'ils viennent gambader devant vous et vous divertir.
Quand ces pensées me viennent, mon ami, il me prend une profonde horreur de tout tracas, de toute agitation; je ne songe qu'à vivre tranquille, sans souci du présent ni de l'avenir, et j'admire l'extravagance de tous ces hommes qui, n'ayant que deux heures à dormir, passent ces deux heures à faire et à retourner leur lit. Il me semble alors voir dans tous ces gens qui se coudoient et s'évertuent, pour atteindre je ne sais quoi, des fous furieux, et je suis de l'avis de ce philosophe qui prétendait avoir découvert la véritable raison pour laquelle dans toutes les grandes villes il y a un hôpital pour les insensés; c'est que, en y enfermant quelques pauvres diables sous le nom de fous, on fait croire aux étrangers que ceux qui sont hors de cet hôpital ne le sont pas.


Par: Alphonse Karr

Ajoutée par Savinien le 13/06/2013

 

C'est une singulière inquiétude de l'esprit que l'amour des voyages, et les voyageurs sont d'étranges gens qui s'en vont à de grandes distances, et à grands frais, pour voir des choses nouvelles, sans avoir pris la peine de regarder à leurs pieds ni sur leurs têtes, où il se passe tant de choses extraordinaires et aussi inconnues qu'on le puisse désirer. [...] Sous quelque partie du ciel qu'ils demeurent, de quelque façon qu'ils s'habillent ou ne s'habillent pas, les hommes vivent sur quatre ou cinq passions toujours les mêmes, qui ne varient pas dans le fond et très peu dans la forme. [...] Bizarre manie que celle qui fait que la plupart des hommes ferment les yeux sur tout ce qui les entoure, et ne les daignent ouvrir qu'a cinq cents lieues de leur pays.


Par: Alphonse Karr

Ajoutée par Savinien le 13/06/2013

 

Si vous êtes un peu déshabitué, mon ami, de mesurer l'importance des choses à la taille de ceux qui les font, vous m'avouerez qu'il n'y a aucune différence entre ces insectes qui vivent sous l'herbe et les hommes qui marchent dessus. Si la taille est d'une si grande importance, les chevaux, les boeufs, les chameaux et les éléphants sont bien au-dessus des hommes. Est-il, dans les fastes de la gloire militaire des hommes, une bataille qui se puisse raconter autrement que celle de ces fourmis que nous avons sous les yeux? Et quand on pense que le souverain créateur et le maître des hommes et des fourmis les voit de si haut, croyez-vous que les uns aient plus d'importance que les autres à ses yeux. Combien d'hommes souriraient en nous voyant regarder des fourmis, qui pensent que Dieu a sans cesse les regards sur eux et passe son éternité à se préoccuper de ce qu'ils pensent de lui.


Par: Alphonse Karr

Ajoutée par Savinien le 12/06/2013

 

Quand je cherche à me rappeler tous les bonheurs de ma vie, je reconnais qu'il n'y en a guère que j'aie prévus et atteints à la course.
Les bonheurs sont comme le gibier: quand on les vise de trop loin, on les manque.


Par: Alphonse Karr

Ajoutée par Savinien le 12/06/2013

 

Le pauvre a, dans toute ville un peu habitée, une bibliothèque publique, et conséquemment à lui, de quinze à vingt mille volumes: qu'il devienne riche, il achètera une bibliothèque et des livres à lui seul; par exemple il n'en aura que quatre ou cinq cents; mais que de joie et d'orgueil il en ressentira!
Vous êtes pauvre, la mer est à vous avec ses bruits solennels, les grandes voix de ses vents, l'aspect de ses imposantes colères et de ses calmes plus imposants encore; elle est à vous, mais elle est aussi aux autres; plus tard, quand à force de travail, d'ennuis, peut-être de bassesse, vous serez devenu plus ou moins riche, vous ferez construire un petit bassin de marbre dans votre jardin, ou du moins vous vous empresserez d'acheter et d'avoir chez vous un bocal avec deux poissons rouges.
Il y a des moments où je me demande si par hasard notre esprit ne serait pas ainsi tourné que nous appelions pauvreté ce qui est splendeur et richesse, et opulence ce qui est misère et dénuement.


Par: Alphonse Karr

Ajoutée par Savinien le 12/06/2013

 

Quelle étrange chose que la propriété dont les hommes sont si envieux! Quand je n'avais rien à moi, j'avais les forêts et les prairies, et la mer et le ciel avec les étoiles; depuis que j'ai acheté cette vieille maison et ce jardin, je n'ai plus que cette maison et ce jardin.
La propriété est un contrat par lequel vous renoncez à tout ce qui n'est pas renfermé entre quatre certaines murailles.


Par: Alphonse Karr

Ajoutée par Savinien le 11/06/2013