Citations de Victor Hugo

391 Citations

Je venais de causer avec ce vieux soldat français qui s'est fait chevrier dans ces montagnes, et qui y est devenu presque sauvage et presque sorcier; singulière fin pour un tambour-maître du trente-septième léger. Ce brave homme, ancien enfant de troupe dans les armées voltairiennes de la république, m'a paru croire aujourd'hui aux fées et aux gnomes comme il a cru jadis à l'empereur. La solitude agit toujours ainsi sur l'intelligence; elle développe la poésie qui est toujours dans l'homme; tout pâtre est rêveur.


Par: Victor Hugo

Extrait de: Le Rhin (1842)

Ajoutée par Savinien le 11/11/2022

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En aucune chose il ne faut excéder. Le bonheur est fait de modération. Tenez en équilibre vos goûts et en bride vos appétits. Qui aime trop les chevaux et les chiens fâche les femmes; qui aime trop les femmes fâche Dieu.


Par: Victor Hugo

Extrait de: Le Rhin (1842)

Ajoutée par Savinien le 11/11/2022

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Elle rentrait dans sa chambre secrète, courroucée et triste, et elle pleurait. Puis elle grondait ses servantes, et après ses servantes elle grondait son nain. Car la colère chez les femmes est comme la pluie dans la forêt; elle tombe deux fois. Bis pluit.


Par: Victor Hugo

Extrait de: Le Rhin (1842)

Ajoutée par Savinien le 11/11/2022

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Cet homme, jadis fort bel archer, avait été recherché en mariage par plusieurs riches paysannes du pays de Lorch; mais il avait rebuté les épouseuses et s'était fait valet de chiens. Un jour que Pécopin lui en demandait la raison, Érilangus répondit: Monseigneur, les chiens ont sept espèces de rage, les femmes en ont mille.


Par: Victor Hugo

Extrait de: Le Rhin (1842)

Ajoutée par Savinien le 11/11/2022

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Du reste, ne l'oublions pas, Dieu met invariablement le jour à côté de la nuit, le bien auprès du mal. L'ange en face du démon. L'enseignement austère de la Providence résulte de cette éternelle et sublime antithèse. Il semble que Dieu dise sans cesse: Choisissez.


Par: Victor Hugo

Extrait de: Le Rhin (1842)

Ajoutée par Savinien le 11/11/2022

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J'aime les systèmes, quoique j'y croie peu. Descartes rêve, Huyghens modifie les rêveries de Descartes, Mariotte modifie les modifications de Huyghens. Où Descartes voit des étoiles, Huyghens voit des globules et Mariotte voit des aiguilles. Qu'y a-t-il de prouvé dans tout cela? Rien que la brièveté de l'homme et la grandeur de Dieu.
C'est quelque chose.
Après tout, je le dis, j'aime les systèmes. Les systèmes sont les échelles au moyen desquelles on monte à la vérité.


Par: Victor Hugo

Extrait de: Le Rhin (1842)

Ajoutée par Savinien le 11/11/2022

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Mes aventures et mes travaux, à moi, laborieux fainéant que vous connaissez bien, cher Louis, vous les savez par coeur, vous les avez assez longtemps partagés; c'est une promenade solitaire dans un sentier perdu, la contemplation d'un rayon de soleil sur la mousse, la visite d'une cathédrale ou d'une église de village, un vieux livre feuilleté à l'ombre d'un vieux arbre, un petit paysan que je questionne, un beau scarabée enterreur cuirassé d'or violet, qui est tombé par malheur sur le dos, qui se débat, et que je retourne en passant avec le bout de mon pied; des vers quelconques mêlés à tout cela; et puis des rêveries de plusieurs heures devant la Roche-More sur le Rhône, le Château-Gaillard sur la Seine, le Rolandseck sur le Rhin, devant une ruine sur un fleuve, devant ce qui tombe sur ce qui passe, ou, spectacle à mon sens non moins touchant, devant ce qui fleurit sur ce qui chante, devant un myosotis penchant sa grappe bleue sur un ruisseau d'eau vive.
Voilà ce que je fais, ou, pour mieux dire, voilà ce que je suis; car, pour moi, faire dérive fatalement et immédiatement d'être. Comme on est, on fait.


Par: Victor Hugo

Extrait de: Le Rhin (1842)

Ajoutée par Savinien le 11/11/2022

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Ami! Chacun a son livre, et, voyez-vous, dans l'Evangile comme dans le paysage, la même main a écrit les mêmes choses.


Par: Victor Hugo

Extrait de: Le Rhin (1842)

Ajoutée par Savinien le 11/11/2022

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Je pense aussi que l'étude de la nature ne nuit en aucune façon à la pratique de la vie, et que l'esprit qui sait être libre et ailé parmi les oiseaux, parfumé parmi les fleurs, mobile et vibrant parmi les flots et les arbres, haut, serein et paisible parmi les montagnes, sait aussi, quand vient l'heure, et mieux peut-être que personne, être intelligent et éloquent parmi les hommes. Je ne suis rien, je le sais, mais je compose mon rien avec un petit morceau de tout.


Par: Victor Hugo

Extrait de: Le Rhin (1842)

Ajoutée par Savinien le 11/11/2022

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Rien n'est mélancolique et doux comme la tyrolienne sauvage chantée dans l'ombre, par un pauvre petit chevrier invisible, pour la solitude qui l'écoute. Quelquefois, dans toute une grande montagne, il n'y a que la voix d'un enfant.


Par: Victor Hugo

Extrait de: Le Rhin (1842)

Ajoutée par Savinien le 11/11/2022

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Dix minutes après, j'étais au haut de la montagne. D'en bas, je ne la croyais pas si haute. Soit dit en passant, c'est un peu l'histoire de toutes les grandes choses vues d'en bas. De là les jugements diminuants et étroits des petits hommes sur les grands hommes.


Par: Victor Hugo

Extrait de: Le Rhin (1842)

Ajoutée par Savinien le 11/11/2022

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Un grand seigneur couchait dans cette chambre avec une fille de roi sous un baldaquin ducal; maintenant il n'y a plus ni seigneur, ni fille de roi, ni baldaquin, ni plafond dans cette chambre; le liseron l'habite et la menthe sauvage la parfume. C'est bien. C'est mieux. Ces adorables sculptures ont été faites pour être baisées par les fleurs et regardées par les étoiles.


Par: Victor Hugo

Extrait de: Le Rhin (1842)

Ajoutée par Savinien le 11/11/2022

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En 1814, à Montmirail, il se battit comme un lion; il était conscrit. En 1830, aux journées de Juillet, il eut peur et se sauva; il était gendarme. Cela l'étonne, et cela ne m'étonne pas. Conscrit, il n'avait rien que ses vingt ans, il était brave. Gendarme, il avait femme et enfants, et, ajoutait-il, son cheval à lui; il était lâche. Le même homme, du reste, mais non la même vie. La vie est un mets qui n'agrée que par la sauce. Rien n'est plus intrépide qu'un forçat. Dans ce monde, ce n'est pas à sa peau que l'on tient, c'est à son habit. Celui qui est tout nu ne tient à rien.


Par: Victor Hugo

Extrait de: Le Rhin (1842)

Ajoutée par Savinien le 09/11/2022

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Parmi les choses innombrables qui pendent au plafond, j'en ai admiré une surtout, le soir de mon arrivée. C'est une petite cage où dormait un petit oiseau. Cet oiseau m'a paru être le plus admirable emblème de la confiance. Cet antre, cette forge à indigestion, cette cuisine effrayante, est jour et nuit pleine de vacarme, l'oiseau dort. On a beau faire rage autour de lui, les hommes jurent, les femmes querellent, les enfants crient, les chiens aboient, les chats miaulent, l'horloge sonne, le couperet cogne, la lèchefrite piaille, le tournebroche grince, la fontaine pleure, les bouteilles sanglotent, les vitres frissonnent, les diligences passent sous la voûte comme le tonnerre; la petite boule de plume ne bouge pas. - Dieu est adorable. Il donne la foi aux petits oiseaux.


Par: Victor Hugo

Extrait de: Le Rhin (1842)

Ajoutée par Savinien le 09/11/2022

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Quant à moi, je ne crains pas les astres, je les aime. Pourtant je n'ai jamais réfléchi sans un certain serrement de coeur que l'état normal du ciel, c'est la nuit. Ce que nous appelons le jour n'existe pour nous que parce que nous sommes près d'une étoile.
On ne peut toujours regarder l'immensité; l'infini écrase; l'extase est aussi religieuse que la prière, mais la prière soulage et l'extase fatigue.


Par: Victor Hugo

Extrait de: Le Rhin (1842)

Ajoutée par Savinien le 09/11/2022

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Une des choses que je dis le plus souvent dans ce monde, c'est: A quoi bon?


Par: Victor Hugo

Extrait de: Le Rhin (1842)

Ajoutée par Savinien le 09/11/2022

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L'imagination de l'homme, pas plus que la nature, n'accepte le vide. Où se tait le bruit humain, la nature fait jaser les nids d'oiseaux, chuchoter les feuilles d'arbres et murmurer les mille voix de la solitude. Où cesse la certitude historique, l'imagination fait vivre l'ombre, le rêve et l'apparence. Les fables végètent, croissent, s'entremêlent et fleurissent dans les lacunes de l'histoire écroulée, comme les aubépines et les gentianes dans les crevasses d'un palais en ruine.


Par: Victor Hugo

Extrait de: Le Rhin (1842)

Ajoutée par Savinien le 09/11/2022

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La civilisation est comme le soleil; elle a ses nuits et ses jours, ses plénitudes et ses éclipses, elle disparaît et reparaît.


Par: Victor Hugo

Extrait de: Le Rhin (1842)

Ajoutée par Savinien le 09/11/2022

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Aucun bruit ne venait de la ville invisible; le Rhin lui-même semblait s'être assoupi; une nuée livide et blafarde avait envahi l'immense espace du couchant au levant; les étoiles s'étaient voilées l'une après l'autre; et je n'avais plus au-dessus de moi qu'un de ces ciels de plomb où plane, visible pour le poète, cette grande chauve-souris qui porte écrit dans son ventre ouvert melancholia.


Par: Victor Hugo

Extrait de: Le Rhin (1842)

Ajoutée par Savinien le 09/11/2022

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Du haut du Chat l'oeil plonge sur le fameux gouffre du Rhin appelé la Bank. Entre la Bank et la tour carrée de Saint-Goarshausen, il n'y a qu'un passage étroit. D'un côté le gouffre, de l'autre l'écueil. On trouve tout sur le Rhin, même Charybde et Scylla. Pour franchir ce détroit très redouté, les radeaux s'attachent au côté gauche par une assez longue corde à un tronc d'arbre appelé le chien (hund), et, au moment où ils passent entre la Bank et la Tour, ils jettent le tronc d'arbre à la Bank. La Bank saisit le tronc d'arbre avec rage et l'attire à elle. De cette façon elle maintient le radeau à distance de la Tour. Quand le danger est passé, on coupe la corde, et le gouffre mange le chien. C'est le gâteau de ce Cerbère.
Lorsqu'on est sur la plate-forme du Chat, on demande à son cicérone: Où est donc la Bank? Il vous montre à vos pieds un petit pli dans le Rhin. Ce pli, c'est le gouffre.
Il ne faut pas juger des gouffres sur l'apparence.


Par: Victor Hugo

Extrait de: Le Rhin (1842)

Ajoutée par Savinien le 09/11/2022

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Où vas-tu? Tu cherches les endroits où il y a peu de pas humains et où il y a beaucoup de traces divines; tu veux mettre ton âme en équilibre avec l'âme de la solitude; tu veux de l'ombre et de la lumière, du mouvement et de la paix, des transformations et de la sérénité; tu cherches le lieu où le verbe s'épanouit dans le silence, où l'on voit la vie à la surface de tout et où l'on sent l'éternité au fond; tu aimes le désert et tu ne hais pas l'homme; tu cherches de l'herbe et des mousses, des feuilles humides, des branches gonflées de sève, des oiseaux qui fredonnent, des eaux qui courent, des parfums qui se répandent. Eh bien! Entre. Ce sentier est ton chemin.


Par: Victor Hugo

Extrait de: Le Rhin (1842)

Ajoutée par Savinien le 09/11/2022

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Plongée ainsi dans ces choses inépuisables et vivaces qui sont, qui persistent, qui fleurissent, qui verdoient, et qui la recouvrent sous leur végétation éternelle, l'histoire est-elle grande ou est-elle petite? Décidez cette question si vous pouvez. Quant à moi, il me semble que le contact de la nature, qui est le voisinage de Dieu, tantôt amoindrit l'homme, tantôt le grandit. C'est beaucoup pour l'homme d'être une intelligence qui a sa loi à part, qui fait son oeuvre et qui joue son rôle au milieu des faits immenses de la création. En présence d'un grand chêne plein d'antiquité et plein de vie, gonflé de sève, chargé de feuillages, habité par mille oiseaux, c'est beaucoup qu'on puisse songer encore à ce fantôme qui a été Luther, à ce spectre qui a été Jean Huss, à cette ombre qui a été César.


Par: Victor Hugo

Extrait de: Le Rhin (1842)

Ajoutée par Savinien le 09/11/2022

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Avez-vous remarqué une chose? L'histoire est parfois immorale, les contes sont toujours honnêtes, moraux et vertueux. Dans l'histoire volontiers le plus fort prospère, les tyrans réussissent, les bourreaux se portent bien, les monstres engraissent, les Sylla se transforment en bons bourgeois, les Louis XI et les Cromwell meurent dans leur lit. Dans les contes, l'enfer est toujours visible. Pas de faute qui n'ait son châtiment, parfois même exagéré; pas de crime qui n'amène son supplice, souvent effroyable; pas de méchant qui ne devienne un malheureux, quelquefois fort à plaindre. Cela tient à ce que l'histoire se meut dans l'infini, et le conte dans le fini. L'homme, qui fait le conte, ne se sent pas le droit de poser les faits et d'en laisser supposer les conséquences; car il tâtonne dans l'ombre, il n'est sûr de rien, il a besoin de tout borner par un enseignement, un conseil et une leçon; et il n'oserait pas inventer des événements sans conclusion immédiate. Dieu, qui fait l'histoire, montre ce qu'il veut et sait le reste.


Par: Victor Hugo

Extrait de: Le Rhin (1842)

Ajoutée par Savinien le 09/11/2022

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Vous le savez, il n'y a pas d'homme qui n'ait ses fantômes, comme il n'y a pas d'homme qui n'ait ses chimères. La nuit nous appartenons aux songes; tantôt c'est un rayon qui les traverse, tantôt c'est une flamme; et, selon le reflet colorant, le même rêve est une gloire céleste ou une apparition de l'enfer.


Par: Victor Hugo

Extrait de: Le Rhin (1842)

Ajoutée par Savinien le 09/11/2022

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L'Amour forgeait. Au bruit de son enclume,
Tous les oiseaux, troublés, rouvraient les yeux;
Car c'était l'heure où se répand la brume,
Où sur les monts, comme un feu qui s'allume,
Brille Vénus, l'escarboucle des cieux.

La grive au nid, la caille en son champ d'orge,
S'interrogeaient, disant: Que fait-il là?
Que forge-t-il si tard? - Un rouge-gorge
Leur répondit: Moi, je sais ce qu'il forge;
C'est un regard qu'il a pris à Stella.

Et les oiseaux, riant du jeune maître,
De s'écrier: Amour, que ferez-vous
De ce regard qu'aucun fiel ne pénètre?
Il est trop pur pour vous servir, ô traître!
Pour vous servir, méchants, il est trop doux!

Mais Cupido, parmi les étincelles,
Leur dit: Dormez, petits oiseaux des bois.
Couvez vos oeufs et repliez vos ailes.
Les purs regards sont mes flèches mortelles;
Les plus doux yeux sont mes pires carquois.


Par: Victor Hugo

Extrait de: Le Rhin (1842)

Ajoutée par Savinien le 09/11/2022

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Tout borne l'homme, mais rien ne l'arrête. Il réplique à la limite par l'enjambée. L'impossible est une frontière toujours reculante.


Par: Victor Hugo

Ajoutée par Savinien le 08/11/2022

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Il semble que l'homme soit chargé d'une certaine quantité d'achèvement. Il approprie la création à l'humanité. Telle est sa fonction. Il en a l'audace; on pourrait presque dire, l'impiété. La collaboration est parfois offensante. L'homme, ce vivant à brève échéance, ce perpétuel mourant, entreprend l'infini.


Par: Victor Hugo

Ajoutée par Savinien le 08/11/2022

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Pour le nouveau venu sorti d'un naufrage et faisant là un stage dans la destinée inconnue, quelquefois l'accablement de ces solitudes est profond; il y a du désespoir dans l'air et tout à coup on y sent une caresse; un souffle passe qui vous relève. Qu'est ce souffle? Une note, un mot, un soupir, rien. Ce rien suffit. Qui n'a senti en ce monde la puissance de ceci: un rien!


Par: Victor Hugo

Ajoutée par Savinien le 08/11/2022

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Quand un homme domine un siècle et incarne le progrès, il n'a plus affaire à la critique, mais à la haine.


Par: Victor Hugo

Ajoutée par Savinien le 08/11/2022

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Le château Cornet a été assiégé par le pirate picard Eustache, et Montorgueil par Duguesclin; les forteresses comme les femmes se vantent de leurs assiégeants quand ils sont illustres.


Par: Victor Hugo

Ajoutée par Savinien le 08/11/2022

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Pendant une maladie


Je vois l'immense instant suprême
Dans les ténèbres arriver.
L'astre pâle au fond du ciel blême
Dessine son vague lever.

L'heure réelle, ou décevante,
Dresse son front mystérieux.
Ne crois pas que je m'épouvante;
J'ai toujours été curieux.

Mon âme se change en prunelle;
Ma raison sonde Dieu voilé;
Je tâte la porte éternelle,
Et j'essaie à la nuit ma clé.

C'est Dieu que le fossoyeur creuse;
Mourir, c'est l'heure de savoir;
Je dis à la mort: Vieille ouvreuse.
Je viens voir le spectacle noir,


Par: Victor Hugo

Ajoutée par Savinien le 28/06/2021

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Une alcôve au soleil levant


Une petite en ce coin sombre
Etait là dans un berceau blanc.
Ayant je ne sais quoi dans l'ombre
De confiant et de tremblant.

Elle étreignait dans sa main calme
Un grelot d'argent qui penchait;
L'innocence au ciel tient la palme
Et sur la terre le hochet.

Comme elle sommeille! Elle ignore
Le bien, le mal, le coeur, les sens.
Son rêve est un sentier d'aurore
Dont les anges sont les passants.

Son bras, par instants, sans secousse,
Se déplace, charmant et pur;
Sa respiration est douce
Comme une mouche dans l'azur.

Le regard de l'aube la couvre;
Rien n'est auguste et triomphant
Comme cet oeil de Dieu qui s'ouvre
Sur les yeux fermés de l'enfant.


Par: Victor Hugo

Ajoutée par Savinien le 28/06/2021

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Lettre


Et la femme est le divin diable
Qui taquine ce paradis.
Elle tient un fruit qu'elle achève
Et qu'elle mord, ange et tyran:
Ce qu'on nomme la pomme d'Ève,
Tristes cieux! C'est le coeur d'Adam.


Par: Victor Hugo

Ajoutée par Savinien le 28/06/2021

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Dénonciation de l'esprit des bois


J'ai vu ton ami, j'ai vu ton amie,
Mérante et Rosa; vous n'étiez point trois.
Fils, ils ont produit une épidémie
De baisers parmi les nids de mon bois.

Ils étaient contents, le diable m'emporte!
Tu n'étais point là. Je les regardais.
Jadis on trompait Jupin de la sorte;
Car parfois un dieu peut être un dadais.

Moi je suis très laid, j'ai l'épaule haute,
Mais, bah! Quand je peux, je ris de bon coeur.
Chacun a sa part; on plane, je saute;
Vous êtes les beaux, je suis le moqueur.

Quand le ciel charmant se mire à la source,
Quand les autres ont l'âme et le baiser,
Faire la grimace est une ressource.
N'étant pas heureux, il faut s'amuser.


Par: Victor Hugo

Ajoutée par Savinien le 28/06/2021

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Les bonnes intentions de Rosa


Le diable est diseur de proverbes.
Il songeait. Son pied mal botté
Écrasait dans les hautes herbes
La forêt de fleurs de l'été.

L'un près de l'autre nous passâmes.
- Çà, pensai-je, il est du métier. -
Le diable se connaît en femmes,
En qualité de bijoutier.

Je m'approchai de son altesse,
Le chapeau bas; ce carnassier,
Calme, me fit la politesse
D'un sourire hostile et princier.

Je lui dis: - Que pensez-vous d'elle?
Contez-moi ce que vous savez.
- Son désir de t'être fidèle,
Dit-il, est un de mes pavés.


Par: Victor Hugo

Ajoutée par Savinien le 28/06/2021

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A Rosita


Tu ne veux pas aimer, méchante?
Le printemps en est triste, vois;
Entends-tu ce que l'oiseau chante
Dans la sombre douceur des bois?

Sans l'amour rien ne reste d'Ève;
L'amour, c'est la seule beauté;
Le ciel, bleu quand l'astre s'y lève,
Est tout noir, le soleil ôté.

Tu deviendras laide toi-même
Si tu n'as pas plus de raison.
L'oiseau chante qu'il faut qu'on aime,
Et ne sait pas d'autre chanson.


Par: Victor Hugo

Ajoutée par Savinien le 28/06/2021

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Gare!


L'amour, où glissent les âmes,
Est un précipice; on a
Le vertige au bord des femmes
Comme au penchant de l'Etna.

On rit d'abord. Quel doux rire!
Un jour, dans ce jeu charmant,
On s'aperçoit qu'on respire
Un peu moins facilement.

Ces feux-là troublent la tête.
L'imprudent qui s'y chauffait
S'éveille à moitié poète
Et stupide tout à fait.

Plus de joie. On est la chose
Des tourments et des amours.
Quoique le tyran soit rose,
L'esclavage est noir toujours.


Par: Victor Hugo

Ajoutée par Savinien le 28/06/2021

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Fuis l'éden des anges déchus...


Fuis l'éden des anges déchus;
Ami, prends garde aux belles filles;
Redoute à Paris les fichus,
Redoute à Madrid les mantilles.

Tremble pour tes ailes, oiseau,
Et pour tes fils, marionnette.
Crains un peu l'oeil de Calypso,
Et crains beaucoup l'oeil de Jeannette.

Quand leur tendresse a commencé,
Notre servitude est prochaine.
Veux-tu savoir leur A B C?
Ami, c'est Amour, Baiser, Chaîne.


Par: Victor Hugo

Ajoutée par Savinien le 28/06/2021

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Je ne me mets pas en peine...


Sais-tu, Jeanne, à quoi je rêve?
C'est au mouvement d'oiseau
De ton pied blanc qui se lève
Quand tu passes le ruisseau.

Et sais-tu ce qui me gêne?
C'est qu'à travers l'horizon,
Jeanne, une invisible chaîne
Me tire vers ta maison.

Et sais-tu ce qui m'ennuie?
C'est l'air charmant et vainqueur,
Jeanne, dont tu fais la pluie
Et le beau temps dans mon coeur.

Et sais-tu ce qui m'occupe,
Jeanne? C'est que j'aime mieux
La moindre fleur de ta jupe
Que tous les astres des cieux.


Par: Victor Hugo

Ajoutée par Savinien le 28/06/2021

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« Puisque tu viens d'en haut, déesse,
Ange, peut-être le sais-tu?
Ô Psyché! Quelle est la sagesse?
Ô Psyché! Quelle est la vertu?

Qu'est-ce que, pour l'homme et la terre,
L'infini sombre a fait de mieux?
Quel est le chef-d'oeuvre du père?
Quel est le grand éclair des cieux? »

Posant sur mon front, sous la nue.
Ses ailes qu'on ne peut briser.
Entre lesquelles elle est nue.
Psyché m'a dit: C'est le baiser.


Par: Victor Hugo

Ajoutée par Savinien le 28/06/2021

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La coccinelle


Elle me dit : « Quelque chose
Me tourmente. » Et j'aperçus
Son cou de neige, et, dessus,
Un petit insecte rose.

J'aurais dû - mais, sage ou fou,
A seize ans on est farouche, -
Voir le baiser sur sa bouche
Plus que l'insecte à son cou.

On eût dit un coquillage;
Dos rose et taché de noir.
Les fauvettes pour nous voir
Se penchaient dans le feuillage.

Sa bouche fraîche était là:
Je me courbai sur la belle,
Et je pris la coccinelle;
Mais le baiser s'envola.

« Fils, apprends comme on me nomme »,
Dit l'insecte du ciel bleu,
« Les bêtes sont au bon Dieu;
Mais la bêtise est à l'homme. »


Par: Victor Hugo

Ajoutée par Savinien le 22/03/2021

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La fête chez Thérèse


La nuit vint; tout se tut; les flambeaux s'éteignirent;
Dans les bois assombris les sources se plaignirent;
Le rossignol, caché dans son nid ténébreux,
Chanta comme un poète et comme un amoureux.
Chacun se dispersa sous les profonds feuillages;
Les folles en riant entraînèrent les sages;
L'amante s'en alla dans l'ombre avec l'amant;
Et, troublés comme on l'est en songe, vaguement,
Ils sentaient par degrés se mêler à leur âme,
A leurs discours secrets, à leurs regards de flamme,
A leur coeur, à leurs sens, à leur molle raison,
Le clair de lune bleu qui baignait l'horizon.


Par: Victor Hugo

Ajoutée par Savinien le 22/03/2021

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Vere novo


Comme le matin rit sur les roses en pleurs!
Oh! Les charmants petits amoureux qu'ont les fleurs!
Ce n'est dans les jasmins, ce n'est dans les pervenches
Qu'un éblouissement de folles ailes blanches
Qui vont, viennent, s'en vont, reviennent, se fermant,
Se rouvrant, dans un vaste et doux frémissement.
O printemps! Quand on songe à toutes les missives
Qui des amants rêveurs vont aux belles pensives,
A ces coeurs confiés au papier, à ce tas
De lettres que le feutre écrit au taffetas,
Aux messages d'amour, d'ivresse et de délire
Qu'on reçoit en avril et qu'en mai l'on déchire,
On croit voir s'envoler, au gré du vent joyeux,
Dans les prés, dans les bois, sur les eaux, dans les cieux,
Et rôder en tous lieux, cherchant partout une âme,
Et courir à la fleur en sortant de la femme,
Les petits morceaux blancs, chassés en tourbillons,
De tous les billets doux, devenus papillons.


Par: Victor Hugo

Ajoutée par Savinien le 22/03/2021

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A un poète aveugle


Merci, poète ! - Au seuil de mes lares pieux,
Comme un hôte divin, tu viens et te dévoiles;
Et l'auréole d'or de tes vers radieux
Brille autour de mon nom comme un cercle d'étoiles.

Chante! Milton chantait; chante! Homère a chanté.
Le poète des sens perce la triste brume;
L'aveugle voit dans l'ombre un monde de clarté.
Quand l'oeil du corps s'éteint, l'oeil de l'esprit s'allume.


Par: Victor Hugo

Ajoutée par Savinien le 22/03/2021

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Acte V, Scène 5


Frère! Allons d'un pas ferme au-devant de leurs coups.
Que ce soit l'échafaud qui tremble et non pas nous.
On veut notre tête! Eh! Pour n'être pas en faute,
Au bourreau qui l'attend il faut la porter haute.


Par: Victor Hugo

Ajoutée par Savinien le 08/03/2021

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Acte IV, Scène 8


Attendez, sire! - Un jour, un mois, l'an révolu,
Lorsque nous aurons bien, durant le temps voulu,
Fait tous trois, moi le fou, vous le roi, lui le maître,
Nous nous endormirons, et, si fier qu'on puisse être,
Si grand que soit un homme au compte de l'orgueil,
Nul n'a plus de six pieds de haut dans le cercueil!


Par: Victor Hugo

Ajoutée par Savinien le 08/03/2021

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Acte III, Scène 6


Mais je dois t'avertir, oui, mon astre est mauvais:
J'ignore d'où je viens et j'ignore où je vais.
Mon ciel est noir. - Marie, écoute une prière: -
Il en est temps encore, toi, retourne en arrière;
Laisse-moi suivre seul ma sombre route; hélas!
Après ce dur voyage, et quand je serai las,
La couche qui m'attend, froide d'un froid de glace,
Est étroite, et pour deux n'a pas assez de place.


Par: Victor Hugo

Ajoutée par Savinien le 08/03/2021

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Acte III, Scène 6


Ah! Quoique à chaque instant mon mauvais sort renaisse,
Tu me donnes ton coeur, ton bonheur, ta jeunesse!
D'où vient que tous ces dons sont prodigués pour moi,
Qui seraient peu payés du royaume d'un roi?
Je ne t'offre en retour que misère et folie.
Le ciel te donne à moi, l'enfer à moi te lie.
Pour mériter tous deux ce partage inégal,
Qu'ai-je donc fait de bien et qu'as-tu fait de mal?


Par: Victor Hugo

Ajoutée par Savinien le 08/03/2021

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Acte III, Scène 6


Quand tout me frappe ici, me repousse et m'exile,
N'es-tu pas mon sauveur, mon espoir, mon asile?
Qui trompa le geôlier? Qui vint limer mes fers?
Qui descendit du ciel pour me suivre aux enfers?
Avec le prisonnier qui donc se fit captive?
Avec le fugitif qui se fit fugitive?
Quelle autre eût eu ce coeur, plein de ruse et d'amour,
Qui délivre, soutient, console tour à tour?
Moi, fatal et méchant, m'as-tu pas, faible femme,
Sauvé de mon destin, hélas! Et de mon âme?
N'as-tu pas eu pitié de ce pauvre opprimé?
Moi, que tout haïssait, ne m'as-tu pas aimé?


Par: Victor Hugo

Ajoutée par Savinien le 08/03/2021

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Acte II, Scène 3


Que t'importe?
Je ne suis qu'un enfant trouvé sur une porte,
Et je n'ai pas de nom; mais, cela suffit bien,
J'ai du sang à répandre en échange du tien!


Par: Victor Hugo

Ajoutée par Savinien le 08/03/2021

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Acte I, Scène 3


Comprends-tu bien, Marie?
Nous être l'un à l'autre un monde, une patrie,
Un ciel!... Vivre ignorés dans un lieu de ton choix,
Y cacher un bonheur à faire envie aux rois!...


Par: Victor Hugo

Ajoutée par Savinien le 08/03/2021

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Acte I, Scène 3


Maintenant, disposez de mon coeur, de ma vie.
A quoi puis-je être bon dont vous ayez envie?
Quel est l'homme ou l'objet qui vous est importun?
Voulez-vous quelque chose, et vous faut-il quelqu'un
Qui meure pour cela? Qui meure sans rien dire
Et trouve tout son sang trop payé d'un sourire?


Par: Victor Hugo

Ajoutée par Savinien le 08/03/2021

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Acte I, Scène 3


Je voyageai. Je vis les hommes; et j'en pris
En haine quelques-uns, et le reste en mépris;
Car je ne vis qu'orgueil, que misère et que peine
Sur ce miroir terni qu'on nomme face humaine,
Si bien que me voici, jeune encore, et pourtant
Vieux, et du monde las comme on l'est en sortant;
Ne me heurtant à rien où je ne me déchire;
Trouvant le monde mal, mais trouvant l'homme pire.


Par: Victor Hugo

Ajoutée par Savinien le 08/03/2021

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Acte I, Scène 3


Là-haut, dans sa vertu, dans sa beauté première,
Veille, sans tache encore, un ange de lumière,
Un être chaste et doux, à qui sur les chemins,
Les passants, à genoux, devraient joindre les mains.
Et moi, qui suis-je, hélas, qui rampe avec la foule?
Pourquoi troubler cette eau si belle qui s'écoule?
Pourquoi cueillir ce lys ? Pourquoi d'un souffle impur
De cette âme sereine aller ternir l'azur?
Puisqu'à ma loyauté, candide, elle se fie,
Elle que l'innocence à mes yeux sanctifie,
Ai-je droit d'accepter ce don de son amour,
Et de mêler ma brume et ma nuit à son jour?


Par: Victor Hugo

Ajoutée par Savinien le 08/03/2021

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Dieu est toujours là


Oh! Donnez-moi pour que je donne!
J'ai des oiseaux nus dans mon nid.
Donnez, méchants, Dieu vous pardonne;
Donnez, ô bons, Dieu vous bénit!

Heureux ceux que mon zèle enflamme!
Qui donne aux pauvres prête à Dieu.
Le bien qu'on fait parfume l'âme,
On s'en souvient toujours un peu!


Par: Victor Hugo

Ajoutée par Savinien le 15/12/2020

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Dans le monde meilleur


Quiconque chante émeut la nature ravie;
La musique est la soeur des rayons réchauffants;
Une chanson éparse est utile à la vie;
Chantez, petits oiseaux; chantez, petits enfants!

Le soir, à l'heure où l'ombre endort les nids qui rêvent,
Quand tout s'éteint, un astre apparaît au couchant;
Quand tout se tait, les voix de l'infini s'élèvent;
La nuit veut une étoile et le silence un chant.


Par: Victor Hugo

Ajoutée par Savinien le 09/10/2020

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Où vont ces enfants?


Où vont tous ces enfants dont pas un seul ne rit?
Ces doux êtres pensifs, que la fièvre maigrit?
Ces filles de huit ans qu'on voit cheminer seules?
ils s'en vont travailler quinze heures sous des meules;
Ils vont, de l'aube au soir, faire éternellement
Dans la même prison le même mouvement
Accroupis sous les dents d'une machine sombre,
Monstre hideux qui mâche on ne sait quoi dans l'ombre,
Innocents dans un bagne, anges dans un enfer,
Ils travaillent. Tout est d'airain, tout est de fer.
Jamais on ne s'arrête et jamais on ne joue;
Aussi quelle pâleur! La cendre est sur leur joue.
Il fait à peine jour, ils sont déjà bien las.
Ils ne comprennent rien à leur destin, hélas!
Ils semblent dire à Dieu: « Petits comme nous sommes,
Notre Père, voyez ce que nous font les hommes! »


Par: Victor Hugo

Ajoutée par Savinien le 04/06/2020

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Chanson


La femelle? Elle est morte.
Le mâle? Un chat l'emporte
Et dévore ses os.
Au doux nid qui frissonne
Qui reviendra? Personne.
Pauvres petits oiseaux!

Le pâtre absent par fraude!
Le chien mort! Le loup rôde
Et tend ses noirs panneaux.
Au bercail qui frissonne
Qui veillera? Personne.
Pauvres petits agneaux!

L'homme au bagne! La mère
A l'hospice! Ô misère!
Le logis tremble aux vents;
L'humble berceau frissonne.
Que reste-t-il? Personne.
Pauvres petits enfants!


Par: Victor Hugo

Ajoutée par Savinien le 04/06/2020

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Toute espérance, enfant, est un roseau.
Dieu dans ses mains tient nos jours, ma colombe;
Il les dévide à son fatal fuseau,
Puis le fil casse et notre joie en tombe;
Car dans tout berceau
Il germe une tombe.

Jadis, vois-tu, l'avenir, pur rayon,
Apparaissait à mon âme éblouie.

Ciel avec l'astre, onde avec l'alcyon,
Fleur lumineuse à l'ombre épanouie.
Cette vision
S'est évanouie!

Si, près de toi, quelqu'un pleure en rêvant,
Laisse pleurer sans en chercher la cause.
Pleurer est doux, pleurer est bon souvent
Pour l'homme, hélas! Sur qui le sort se pose.
Toute larme, enfant,
Lave quelque chose.


Par: Victor Hugo

Ajoutée par Savinien le 04/06/2020

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Seul et triste au milieu des chants des matelots,
Le soir, sous la falaise, à cette heure où les flots,
S'ouvrant et se fermant comme autant de narines,
Mêlent au vent des cieux mille haleines marines,
Où l'on entend dans l'air d'ineffables échos
Qui viennent de la terre ou qui viennent des eaux,
Ainsi je songe! A vous, enfants, maison, famille,
A la table qui rit, au foyer qui pétille,
A tous les soins pieux que répandent sur vous
Votre mère si tendre et votre aïeul si doux;
Et, tandis qu'à mes pieds s'étend, couvert de voiles,
Le limpide Océan, ce miroir des étoiles,
Tandis que les nochers laissent errer leurs yeux
De l'infini des mers à l'infini des cieux;
Moi, rêvant à vous seuls, je contemple et je sonde
L'amour que j'ai pour vous dans mon âme profonde,
Amour doux et puissant qui toujours m'est resté;
Et cette grande mer est petite à côté!


Par: Victor Hugo

Ajoutée par Savinien le 04/06/2020

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Epitaphe


Il vivait, il jouait, riante créature.
Que te sert d'avoir pris cet enfant, ô nature?
N'as-tu pas les oiseaux peints de mille couleurs,
Les astres, les grands bois, le ciel bleu, l'onde amère?
Que te sert d'avoir pris cet enfant à sa mère,
Et de l'avoir caché sous des touffes de fleurs?

Pour cet enfant de plus, tu n'es pas plus peuplée,
Tu n'es pas plus joyeuse, ô nature étoilée!
Et le coeur de la mère, en proie à tant de soins,
Ce coeur où toute joie engendre une torture,
Cet abîme aussi grand que toi-même, ô nature,
Est vide et désolé pour cet enfant de moins!


Par: Victor Hugo

Ajoutée par Savinien le 04/06/2020

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Soirée en mer


Lorsque ainsi que des abeilles
On a travaillé toujours;
Qu'on a rêvé des merveilles;
Lorsqu'on a sur bien des veilles
Amoncelé bien des jours;

Sur votre plus belle rose,
Sur votre lys le plus beau,
Savez-vous ce qui se pose?
C'est l'oubli pour toute chose,
Pour tout homme le tombeau!

Car le Seigneur nous retire
Les fruits à peine cueillis.
Il dit : Echoue! Au navire.
Il dit à la flamme : Expire!
Il dit à la fleur : Pâlis!

Il dit au guerrier qui fonde:
- Je garde le dernier mot.
Monte, monte, ô roi du monde!
La chute la plus profonde
Pend au sommet le plus haut. -

Il a dit à la mortelle:
- Vite! Eblouis ton amant.
Avant de mourir sois belle.
Sois un instant étincelle,
Puis cendre éternellement! -


Par: Victor Hugo

Ajoutée par Savinien le 04/06/2020

Catégories:

Soirée en mer


Où vas-tu? - Vers la nuit noire.
Où vas-tu? - Vers le grand jour.
Toi! - Je cherche s'il faut croire.
Et toi? - Je vais à la gloire.
Et toi? - Je vais à l'amour.

Vous allez tous à la tombe!
Vous allez à l'inconnu!
Aigle, vautour, ou colombe,
Vous allez où tout retombe
Et d'où rien n'est revenu!

Vous allez où vont encore
Ceux qui font le plus de bruit!
Où va la fleur qu'avril dore!
Vous allez où va l'aurore!
Vous allez où va la nuit!

A quoi bon toutes ces peines?
Pourquoi tant de soins jaloux?
Buvez l'onde des fontaines,
Secouez le gland des chênes,
Aimez, et rendormez-vous!


Par: Victor Hugo

Ajoutée par Savinien le 04/06/2020

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Fraternité


Un jour, je vis passer une femme inconnue.
Cette femme semblait descendre de la nue;
Elle avait sur le dos des ailes, et du miel
Sur sa bouche entr'ouverte, et dans ses yeux le ciel.
À des voyageurs las, à des errants sans nombre,
Elle montrait du doigt une route dans l'ombre,
Et semblait dire: on peut se tromper de chemin.
Son regard faisait grâce à tout le genre humain;
Elle était radieuse et douce; et, derrière elle,
Des monstres attendris venaient, baisant son aile,
Des lions graciés, des tigres repentants,
Nemrod sauvé, Néron en pleurs; et par instants
À force d'être bonne elle paraissait folle.
Et, tombant à genoux, sans dire une parole,
Je l'adorai, croyant deviner qui c'était.
Mais elle, - devant l'ange en vain l'homme se tait, -
Vit ma pensée, et dit: faut-il qu'on t'avertisse?
Tu me crois la pitié; fils, je suis la justice.


Par: Victor Hugo

Ajoutée par Savinien le 14/05/2020

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Persévérance


Voyez, de grands rayons marquent de grands passages;
L'ombre est pleine partout du flamboiement des sages;
Voici l'endroit profond où Pascal s'est penché.
Criant: gouffre! Jean-Jacques où je marche a marché;
C'est là que, s'envolant lui-même aux cieux, Voltaire,
Se sentant devenir sublime, a perdu terre,
Disant: je vois! Ainsi qu'un prophète ébloui.
Luttons, comme eux; luttons, le front épanoui;
Marchons! Un pas qu'on fait, c'est un champ qu'on révèle;
Déchiffrons dans les temps nouveaux la loi nouvelle;
Le coeur n'est jamais sourd, l'esprit n'est jamais las,
Et la route est ouverte aux fiers apostolats.


Par: Victor Hugo

Ajoutée par Savinien le 14/05/2020

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La vie aux champs


Le soir, à la campagne, on sort, on se promène,
Le pauvre dans son champ, le riche en son domaine;
Moi, je vais devant moi; le poète en tout lieu
Se sent chez lui, sentant qu'il est partout chez Dieu.


Par: Victor Hugo

Ajoutée par Savinien le 07/05/2020

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Acte III, Scène 2


Sois le bienvenu! - Reste, ami, ne te fais faute
De rien. Quant à ton nom, tu te nommes mon hôte.
Qui que tu sois, c'est bien; et, sans être inquiet,
J'accueillerais Satan, si Dieu me l'envoyait.


Par: Victor Hugo

Extrait de: Hernani (1830)

Ajoutée par Savinien le 05/05/2020

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Acte IV, Scène 2


Si haut que soit le but où votre orgueil aspire,
Voilà le dernier terme!... - Oh! L'empire! L'empire!
Que m'importe! J'y touche, et le trouve à mon gré.
Quelque chose me dit: Tu l'auras! - Je l'aurai. -
Si je l'avais!... - Ô ciel! Etre ce qui commence!
Seul, debout, au plus haut de la spirale immense!


Par: Victor Hugo

Extrait de: Hernani (1830)

Ajoutée par Savinien le 05/05/2020

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Acte III, Scène 1


Oh! Que je donnerais mes blés et mes forêts,
Et les vastes troupeaux qui tondent mes collines,
Mon vieux nom, mon vieux titre, et toutes mes ruines,
Et tous mes vieux aïeux, qui bientôt m’attendront,
Pour sa chaumière neuve et pour son jeune front! -
Car ses cheveux sont noirs, car son oeil reluit comme
Le tien. Tu peux le voir et dire: Ce jeune homme!
Et puis penser à moi qui suis vieux. Je le sais!
Pourtant j'ai nom Silva; mais ce n'est plus assez !
Oui, je me dis cela. Vois à quel point je t'aime.
Le tout, pour être jeune et beau comme toi-même!
Mais à quoi vais-je ici rêver? Moi, jeune et beau!
Qui te dois de si loin devancer au tombeau!


Par: Victor Hugo

Extrait de: Hernani (1830)

Ajoutée par Savinien le 05/05/2020

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Je suis celui qui vient des profondeurs. Milords, vous êtes les grands et les riches. C'est périlleux. Vous profitez de la nuit. Mais prenez garde, il y a une grande puissance, l'aurore. L'aube ne peut être vaincue. Elle arrivera. Elle arrive. Elle a en elle le jet du jour irrésistible. Et qui empêchera cette fronde de jeter le soleil dans le ciel? Le soleil, c'est le droit. Vous, vous êtes le privilège. Ayez peur. Le vrai maître de la maison va frapper à la porte. Quel est le père du privilège? Le hasard. Et quel est son fils? L'abus. Ni le hasard ni l'abus ne sont solides. Ils ont l'un et l'autre un mauvais lendemain. Je viens vous avertir. Je viens vous dénoncer votre bonheur. Il est fait du malheur d'autrui. Vous avez tout, et ce tout se compose du rien des autres.


Par: Victor Hugo

Ajoutée par Savinien le 04/05/2020

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Lettre de Hugo à M. Daelli


Les problèmes sociaux dépassent les frontières. Les plaies du genre humain, ces larges plaies qui couvrent le globe, ne s'arrêtent point aux lignes bleues ou rouges tracées sur la mappemonde. Partout où l'homme ignore et désespère, partout où la femme se vend pour du pain, partout où l'enfant souffre faute d'un livre qui l'enseigne et d'un foyer qui le réchauffe, le livre Les Misérables frappe à la porte et dit: « Ouvrez-moi, je viens pour vous ». A l'heure, si sombre encore, de la civilisation où nous sommes, le misérable s'appelle l'homme; il agonise sous tous les climats, et il gémit dans toutes les langues.


Par: Victor Hugo

Ajoutée par Savinien le 04/05/2020

Catégories:

Patrie


Je n'admets pas qu'il soit permis aux sombres causes
Qui mêlent aux droits vrais l'aveuglement des choses
De faire rebrousser chemin à la raison;
Je dénonce un revers qui vient par trahison;
Quand la gloire et l'honneur tombent dans une embûche,
J'affirme que c'est Dieu lui-même qui trébuche;


Par: Victor Hugo

Ajoutée par Savinien le 03/05/2020

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Jeanne endormie


Le berceau des enfants est le palais des songes;
Dieu se met à leur faire un tas de doux mensonges;
De là leur frais sourire et leur profonde paix.
Plus d'un dira plus tard: Bon Dieu, tu me trompais.

Mais le bon Dieu répond dans la profondeur sombre:
- Non. Ton rêve est le ciel. Je t'en ai donné l'ombre.
Mais ce ciel, tu l'auras. Attends l'autre berceau;
La tombe. -


Par: Victor Hugo

Ajoutée par Savinien le 03/05/2020

Catégories:

Les enfants pauvres


Prenez garde à ce petit être;
Il est bien grand, il contient Dieu.
Les enfants sont, avant de naître,
Des lumières dans le ciel bleu.

Dieu nous les offre en sa largesse;
Ils viennent; Dieu nous en fait don;
Dans leur rire il met sa sagesse
Et dans leur baiser son pardon.

Leur douce clarté nous effleure.
Hélas, le bonheur est leur droit.
S'ils ont faim, le paradis pleure.
Et le ciel tremble, s'ils ont froid.


Par: Victor Hugo

Ajoutée par Savinien le 03/05/2020

Catégories:

Enveloppe d'une pièce de monnaie dans une quête faite par Jeanne


Êtes-vous sombre? Oui, vous l'êtes;
Eh bien, donnez; donnez encore.
Riche, en échange d'un peu d'or
Ou d'un peu d'argent que tu jettes,

Indifférent, parfois moqueur,
A l'indigent dans sa chaumière,
Dieu te donne de la lumière
Dont tu peux te remplir le coeur !


Par: Victor Hugo

Ajoutée par Savinien le 03/05/2020

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A des âmes envolées


Ces âmes que tu rappelles,
Mon coeur, ne reviennent pas.
Pourquoi donc s'obstinent-elles,
Hélas! A rester là-bas?

Dans les sphères éclatantes,
Dans l'azur et les rayons,
Sont-elles donc plus contentes
Qu'avec nous qui les aimions?

Nous avions sous les tonnelles
Une maison près Saint-Leu.
Comme les fleurs étaient belles!
Comme le ciel était bleu!

Parmi les feuilles tombées,
Nous courions au bois vermeil;
Nous cherchions des scarabées
Sur les vieux murs au soleil;

On riait de ce bon rire
Qu'Éden jadis entendit,
Ayant toujours à se dire
Ce qu'on s'était déjà dit;

Je contais la Mère l'Oie;
On était heureux, Dieu sait!
On poussait des cris de joie
Pour un oiseau qui passait.


Par: Victor Hugo

Ajoutée par Savinien le 03/05/2020

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Choses du soir


Je suis des bois l'hôte fidèle,
Le jardinier des sauvageons.
Quand l'automne vient, l'hirondelle
Me dit tout bas: Déménageons.


Par: Victor Hugo

Ajoutée par Savinien le 03/05/2020

Catégories:

Choses du soir


Le voyageur marche et la lande est brune;
Une ombre est derrière, une ombre est devant;
Blancheur au couchant, lueur au levant;
Ici crépuscule, et là clair de lune.


Par: Victor Hugo

Ajoutée par Savinien le 03/05/2020

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La sieste


Elle fait au milieu du jour son petit somme;
Car l'enfant a besoin du rêve plus que l'homme:
Cette terre est si laide alors qu'on vient du ciel!
L'enfant cherche à revoir Chérubin, Ariel,
Ses camarades, Puck, Titania, les fées,
Et ses mains quand il dort sont par Dieu réchauffées.


Par: Victor Hugo

Ajoutée par Savinien le 03/05/2020

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Tristesse d'Olympio


Dieu nous prête un moment les prés et les fontaines,
Les grands bois frissonnants, les rocs profonds et sourds
Et les cieux azurés et les lacs et les plaines,
Pour y mettre nos coeurs, nos rêves, nos amours!

Puis il nous les retire. Il souffle notre flamme;
Il plonge dans la nuit l'antre où nous rayonnons;
Et dit à la vallée, où s'imprima notre âme,
D'effacer notre trace et d'oublier nos noms.


Par: Victor Hugo

Ajoutée par Savinien le 01/05/2020

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Seul dans tes grands bois


Seul dans tes grands bois, seul dans tes grandes pensées,
Tu marches, et les vents, les feuilles balancées,
Les sources, les oiseaux t'approchent sans effroi,
Les vieux arbres pensifs dont l'ombre emplit la cime,
Chantent autour de toi le même hymne sublime
Que ton âme, ô rêveur, chante au dedans de toi!


Par: Victor Hugo

Ajoutée par Savinien le 01/05/2020

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Acte IV, Scène 2


Son âme, - a-t-il une âme? - incessamment sommeille.
Il ne sait point le jour ce qu'il a fait la veille.
Il n'a point de mémoire; - hélas! Qu'il est heureux!
Jamais, troublé la nuit de pensers ténébreux,
Il n'a, pressant le pas sous quelque voûte sombre,
Craint de tourner la tête et d'entrevoir une ombre.
Il ne souhaite pas qu'on puisse l'oublier,
Et que l'an n'eût jamais eu de trente janvier!
Ah! Malheureux Cromwell! Ton fou te fait envie.
Te voilà tout-puissant: - qu'as-tu fait de ta vie?


Par: Victor Hugo

Extrait de: Cromwell (1827)

Ajoutée par Savinien le 07/04/2020

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Acte III, Scène 18


J'ai passé dans ce monde étroit, fallacieux,
Sans quitter un instant l'autre monde des yeux.
Songe! En un siècle entier, pas un jour, pas une heure! -
Que de fois j'ai, la nuit, déserté ma demeure
Pour aller écouter aux portes des tombeaux,
Pour déranger un ver rongeant d'impurs lambeaux!
Combien j'étais heureux, roi du sombre royaume,
Quand j'avais pu changer un cadavre en fantôme,
Et forcer quelque mort détaché du gibet
A bégayer un mot du céleste alphabet!
Les morts m'ont révélé le problème des mondes;
Et j'ai presque entrevu l'être aux splendeurs profondes
Qui sur l'orbe du ciel comme aux plis du linceul,
Inscrit son nom fatal et connu de lui seul.


Par: Victor Hugo

Extrait de: Cromwell (1827)

Ajoutée par Savinien le 07/04/2020

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Acte II, Scène 15


L'homme, hélas! Propose, et Dieu dispose.
Je me croyais au port, calme, à l'abri des flots,
Et me voilà sondant une mer de complots!
Me voilà de nouveau jouant aux dés ma tête!
Mais, courage! Affrontons la dernière tempête.
Frappons un dernier coup qui les glace d'effroi.
Brisons ce qui résiste! Il faut au peuple un roi.


Par: Victor Hugo

Extrait de: Cromwell (1827)

Ajoutée par Savinien le 07/04/2020

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Acte II, Scène 6


J'ai bien l'autorité, mais je n'ai pas le nom!
Tu souris, Thurloë. Tu ne sais pas quel vide
Creuse au fond de nos coeurs l'ambition avide!
Comme elle fait braver douleur, travail, péril,
Tout enfin, pour un but qui semble puéril!
Qu'il est dur de porter sa fortune incomplète!
Puis, je ne sais quel lustre, où le ciel se reflète,
Environne les rois, depuis les temps anciens.
Ces noms, Roi, Majesté, sont des magiciens!
D'ailleurs, sans être roi, du monde être l'arbitre!
La chose sans le mot! Le pouvoir sans le titre!
Pauvretés! Va, l'empire et le rang ne font qu'un.
Tu ne sais pas, ami, comme il est importun,
Quand on sort de la foule et qu'on touche le faîte,
De sentir quelque chose au-dessus de sa tête!


Par: Victor Hugo

Extrait de: Cromwell (1827)

Ajoutée par Savinien le 04/04/2020

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Acte II, Scène 2


La Rome dont l'Europe aujourd'hui suit la règle,
Porte un regard de lynx ou planait l'oeil de l'aigle.
A la chaîne imposée à vingt peuples lointains,
Succède un fil caché qui meut de vils pantins!
Ô nains fils des géants! Renards nés de la louve!
Avec vos mots mielleux partout on vous retrouve,
Philippi, Mancini, Torti, Mazarini!
Satan pour intriguer doit prendre un nom en i!


Par: Victor Hugo

Extrait de: Cromwell (1827)

Ajoutée par Savinien le 04/04/2020

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Acte I, Scène 7


Allons! C'en est donc fait... me voilà compromis!
Ils m'ont choisi pour chef! - Pourquoi l'ai-je permis?
Ah! N'importe! Avançons. - Ma crainte est ridicule;
Et sait-on où l'on va, d'ailleurs, quand on recule?


Par: Victor Hugo

Extrait de: Cromwell (1827)

Ajoutée par Savinien le 04/04/2020

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Acte I, Scène 1


Mais pour ternir ma joie, empoisonner ma gloire,
Faut-il qu'un vieil ami meure de ma victoire?
Compagnon, souviens-toi, que nous avons tous deux
Baigné du même sang nos glaives hasardeux,
Et des mêmes combats respiré la poussière!
Pour la deuxième fois, Broghill, - pour la dernière,
Je t'interpelle, au nom du bon plaisir royal,
Veux-tu vivre fidèle ou mourir déloyal?


Par: Victor Hugo

Extrait de: Cromwell (1827)

Ajoutée par Savinien le 02/04/2020

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Acte I, Scène 1


Cromwell veut être enfin, au dais royal porté,
Salué par les Rois du nom de Majesté.
Cromwell, dans ce butin que chacun se partage,
Prend de Charles-Premier le sanglant héritage.
Il l'aura tout entier! Son trône et son cercueil.
Le régicide roi saura dans son orgueil
Que la couronne est lourde, et bien qu'on s'en empare,
Qu'elle écrase parfois les têtes qu'elle pare!


Par: Victor Hugo

Extrait de: Cromwell (1827)

Ajoutée par Savinien le 02/04/2020

Catégories:

Acte I, Scène 1


T'ai-je pu méconnaître? Ah!... Mais cet air sinistre,
Milord, - les ans, - surtout cet habit de ministre...
Vous êtes si changé!

Je le suis moins que vous,
Broghill! Devant Cromwell vous pliez les genoux.
Broghill se courbe aux pieds d'un régicide infâme!
Moi, j'ai changé d'habits, mais toi, de coeur et d'âme!
Te voilà, toi qu'on vit si grand dans nos combats!
Tu ne montais si haut que pour tomber si bas!


Par: Victor Hugo

Extrait de: Cromwell (1827)

Ajoutée par Savinien le 02/04/2020

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Le chêne, cet arbre géant que nous comparions tout à l'heure à Shakespeare et qui a plus d'une analogie avec lui, le chêne a le port bizarre, les rameaux noueux, le feuillage sombre, l'écorce âpre et rude; mais il est le chêne. Et c'est à cause de cela qu'il est le chêne. Que si vous voulez une tige lisse, des branches droites, des feuilles de satin, adressez-vous au pâle bouleau, au sureau creux, au saule pleureur; mais laissez en paix le grand chêne. Ne lapidez pas qui vous ombrage.


Par: Victor Hugo

Extrait de: Cromwell (1827)

Ajoutée par Savinien le 02/04/2020

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Où voit-on médaille qui n'ait son revers? Talent qui n'apporte son ombre avec sa lumière, sa fumée avec sa flamme? Telle tache peut n'être que la conséquence indivisible de telle beauté. Cette touche heurtée, qui me choque de près, complète l'effet et donne la saillie à l'ensemble. Effacez l'une, vous effacez l'autre. L'originalité se compose de tout cela. Le génie est nécessairement inégal. Il n'est pas de hautes montagnes sans profonds précipices. Comblez la vallée avec le mont, vous n'aurez plus qu'un steppe, une lande, la plaine des Sablons au lieu des Alpes, des alouettes et non des aigles.


Par: Victor Hugo

Extrait de: Cromwell (1827)

Ajoutée par Savinien le 02/04/2020

 

Toute époque a ses idées propres, il faut qu'elle ait aussi les mots propres à ces idées. Les langues sont comme la mer, elles oscillent sans cesse. A certains temps, elles quittent un rivage du monde de la pensée et en envahissent un autre. Tout ce que leur flot déserte ainsi sèche et s'efface du sol. C'est de cette façon que des idées s'éteignent, que des mots s'en vont. Il en est des idiomes humains comme de tout. Chaque siècle lui apporte et en emporte quelque chose.


Par: Victor Hugo

Extrait de: Cromwell (1827)

Ajoutée par Savinien le 02/04/2020

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Du jour où le christianisme a dit à l'homme: « Tu es double, tu es composé de deux êtres, l'un périssable, l'autre immortel, l'un charnel, l'autre éthéré, l'un enchaîné par les appétits, les besoins et les passions, l'autre emporté sur les ailes de l'enthousiasme et de la rêverie, celui-ci enfin toujours courbé vers la terre, sa mère, celui-là sans cesse élancé vers le ciel, sa patrie »; de ce jour le drame a été créé. Est-ce autre chose en effet que ce contraste de tous les jours, que cette lutte de tous les instants entre deux principes opposés qui sont toujours en présence dans la vie, et qui se disputent l'homme depuis le berceau jusqu'à la tombe?


Par: Victor Hugo

Extrait de: Cromwell (1827)

Ajoutée par Savinien le 02/04/2020

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Ces choses sont d'ordinaire fort indifférentes aux lecteurs. Ils s'informent plutôt du talent d'un écrivain que de ses façons de voir; et, qu'un ouvrage soit bon ou mauvais, peu leur importe sur quelles idées il est assis, dans quel esprit il a germé. On ne visite guère les caves d'un édifice dont on a parcouru les salles, et quand on mange le fruit de l'arbre, on se soucie peu de la racine.


Par: Victor Hugo

Extrait de: Cromwell (1827)

Ajoutée par Savinien le 02/04/2020

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Acte III, Scène 1


Oh! Mon amour n'est point comme un jouet de verre
Qui brille et tremble; oh non! C'est un amour sévère,
Profond, solide, sûr, paternel, amical,
De bois de chêne, ainsi que mon fauteuil ducal!
Voilà comme je t'aime, et puis je t'aime encore
De cent autres façons : comme on aime l'aurore,
Comme on aime les fleurs, comme on aime les cieux!
De te voir tous les jours, toi, ton pas gracieux,
Ton front pur, le beau feu de ta fière prunelle,
Je ris, et j'ai dans l'âme une fête éternelle!


Par: Victor Hugo

Extrait de: Hernani (1830)

Ajoutée par Savinien le 01/04/2020

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Acte II, Scène 1


Et d'ailleurs, ce n'est point le souci qui m'arrête.
J'en veux à sa maîtresse et non point à sa tête.
J'en suis amoureux fou! Les yeux noirs les plus beaux,
Mes amis! Deux miroirs! Deux rayons! Deux flambeaux!
Je n'ai rien entendu de toute leur histoire
Que ces trois mots: - Demain, venez à la nuit noire! -
Mais c'est l'essentiel. Est-ce pas excellent?
Pendant que ce bandit, à mine de galant,
S'attarde à quelque meurtre, à creuser quelque tombe,
Je viens tout doucement dénicher sa colombe.


Par: Victor Hugo

Extrait de: Hernani (1830)

Ajoutée par Savinien le 31/03/2020

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Acte III, Scène 6


C'est vous qui m'avez mis au coeur cette colère!
Un homme devient ange ou monstre en vous touchant.
Ah! Quand on est haï, que vite on est méchant!
Si vous aviez voulu, peut-être, ô jeune fille,
J'étais grand, j'eusse été le lion de Castille;
Vous m'en faites le tigre avec votre courroux.
Le voilà qui rugit, madame! Taisez-vous!


Par: Victor Hugo

Extrait de: Hernani (1830)

Ajoutée par Savinien le 31/03/2020

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Chanson de Maglia


Vous êtes bien belle et je suis bien laid.
A vous la splendeur de rayons baignée;
A moi la poussière, à moi l'araignée.
Vous êtes bien belle et je suis bien laid;
Soyez la fenêtre et moi le volet.

Nous réglerons tout dans notre réduit.
Je protégerai ta vitre qui tremble;
Nous serons heureux, nous serons ensemble;
Nous réglerons tout dans notre réduit;
Tu feras le jour, je ferai la nuit.


Par: Victor Hugo

Ajoutée par Savinien le 25/03/2020

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Et puis, vois-tu? Le monde trouve beau,
Lorsqu'un homme s'éteint, et lambeau par lambeau
S'en va, lorsqu'il trébuche au marbre de la tombe,
Qu'une femme, ange pur, innocente colombe,
Veille sur lui, l'abrite et daigne encore souffrir
L'inutile vieillard qui n'est bon qu'à mourir!
C'est une oeuvre sacrée et qu'à bon droit on loue
Que ce suprême effort d'un coeur qui se dévoue,
Qui console un mourant jusqu'à la fin du jour,
Et, sans aimer peut-être, a des semblants d'amour!
Oh! Tu seras pour moi cet ange au coeur de femme
Qui du pauvre vieillard réjouit encore l'âme,
Et de ses derniers ans lui porte la moitié,
Fille par le respect et soeur par la pitié!

Loin de me précéder, vous pourrez bien me suivre,
Monseigneur. Ce n'est pas une raison pour vivre
Que d'être jeune. Hélas! Je vous le dis, souvent
Les vieillards sont tardifs, les jeunes vont devant!
Et leurs yeux brusquement referment leur paupière,
Comme un sépulcre ouvert dont retombe la pierre!


Par: Victor Hugo

Extrait de: Hernani (1830)

Ajoutée par Savinien le 17/03/2020

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Un jour il voyait des gens du pays très occupés à arracher des orties; il regarda ce tas de plantes déracinées et déjà desséchées, et dit: - C'est mort. Cela serait pourtant bon si l'on savait s'en servir. Quand l'ortie est jeune, la feuille est un légume excellent; quand elle vieillit, elle a des filaments et des fibres comme le chanvre et le lin. La toile d'ortie vaut la toile de chanvre. Hachée, l'ortie est bonne pour la volaille; broyée, elle est bonne pour les bêtes à cornes, la graine de l'ortie mêlée au fourrage donne du luisant au poil des animaux; la racine mêlée au sel produit une belle couleur jaune. C'est du reste un excellent foin qu'on peut faucher deux fois. Et que faut-il à l'ortie? Peu de terre, nul soin, nulle culture. Seulement la graine tombe à mesure qu'elle mûrit, et est difficile à récolter. Avec quelque peine qu'on prendrait, l'ortie serait utile; on la néglige, elle devient nuisible. Alors on la tue. Que d'hommes ressemblent à l'ortie! - Il ajouta après un silence: Mes amis, retenez ceci, il n'y a ni mauvaises herbes ni mauvais hommes. Il n'y a que de mauvais cultivateurs.


Par: Victor Hugo

Ajoutée par Savinien le 16/03/2020

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Creuser le précipice à l'ennemi vainqueur, préparer l'asile à l'ennemi vaincu, combattre avec l'espoir de pouvoir pardonner, c'est là le grand effort et le grand rêve de l'exil. Ajoutez à cela le dévouement à la souffrance universelle. Le proscrit a ce contentement magnanime de ne pas être inutile. Blessé lui-même, saignant lui-même, il s'oublie, et il panse de son mieux la plaie humaine. On croit qu'il fait des songes; non; il cherche la réalité. Disons plus, il la trouve. Il rôde dans le désert et il songe aux villes, aux tumultes, aux fourmillements, aux misères, à tout ce qui travaille, à la pensée, à la charrue, à l'aiguille, aux doigts rouges de l'ouvrière sans feu dans la mansarde, au mal qui pousse là où l'on ne sème pas le bien, au chômage du père, à l'ignorance de l'enfant, à la croissance des mauvaises herbes dans les cerveaux laissés incultes, aux rues le soir, aux pâles réverbères, aux offres que la faim peut faire aux passants, aux extrémités sociales, à la triste fille qui se prostitue, hommes, par notre faute.


Par: Victor Hugo

Ajoutée par Savinien le 16/03/2020

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Mais va, crois-moi, ces cavaliers frivoles
N'ont pas d'amour si grand qu'il ne s'use en paroles.
Qu'une fille aime et croie un de ces jouvenceaux,
Elle en meurt, il en rit. Tous ces jeunes oiseaux,
A l'aile vive et peinte, au langoureux ramage,
Ont un amour qui mue ainsi que leur plumage.
Les vieux, dont l'âge éteint la voix et les couleurs,
Ont l'aile plus fidèle, et, moins beaux, sont meilleurs.
Nous aimons bien. Nos pas sont lourds? Nos yeux arides?
Nos fronts ridés? Au coeur on n'a jamais de rides.
Hélas! Quand un vieillard aime, il faut l'épargner.
Le coeur est toujours jeune et peut toujours saigner.


Par: Victor Hugo

Extrait de: Hernani (1830)

Ajoutée par Savinien le 13/03/2020

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Je vais être empereur d'Allemagne.
Je vous fais mettre au ban de l'empire.

A ton gré.
J'ai le reste du monde où je te braverai.
Il est plus d'un asile où ta puissance tombe.

Et quand j'aurai le monde?

Alors j'aurai la tombe.

Je saurai déjouer vos complots insolents.

La vengeance est boiteuse, elle vient à pas lents,


Par: Victor Hugo

Extrait de: Hernani (1830)

Ajoutée par Savinien le 13/03/2020

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Le mariage de Roland


C'est mon tour maintenant, et je vais envoyer
Chercher un autre estoc pour vous, dit Olivier.
Le sabre du géant Sinnagog est à Vienne.
C'est, après Durandal, le seul qui vous convienne.
Mon père le lui prit alors qu'il le défit.
Acceptez-le.
Roland sourit. - Il me suffit
De ce bâton. - Il dit, et déracine un chêne.
Sire Olivier arrache un orme dans la plaine
Et jette son épée, et Roland, plein d'ennui,
L'attaque. Il n'aimait pas qu'on vint faire après lui
Les générosités qu'il avait déjà faites.
Plus d'épées en leurs mains, plus de casques à leurs têtes.
Ils luttent maintenant, sourds, effarés, béants.
A grands coups de troncs d'arbre, ainsi que des géants.
Pour la cinquième fois, voici que la nuit tombe.
Tout à coup Olivier, aigle aux yeux de colombe,
S'arrête et dit: - Roland, nous n'en finirons point.
Tant qu'il nous restera quelque tronçon au poing,
Nous lutterons ainsi que lions et panthères.
Ne vaudrait-il pas mieux que nous devinssions frères?
Ecoute, j'ai ma soeur, la belle Aude au bras blanc,
Epouse-la.
- Pardieu! Je veux bien, dit Roland.
Et maintenant buvons, car l'affaire était chaude. -
C'est ainsi que Roland épousa la belle Aude.


Par: Victor Hugo

Ajoutée par Savinien le 12/03/2020

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L'âme a des illusions comme l'oiseau a des ailes; c'est ce qui la soutient.


Par: Victor Hugo

Ajoutée par Savinien le 06/10/2018

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Les petitesses d'un grand homme paraissent plus petites par leur disproportion avec le reste.


Par: Victor Hugo

Ajoutée par Savinien le 06/10/2018

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L'Italie - Ratbert


Tout est derrière lui maintenant; tout a fui;
L'ombre d'un siècle entier devant ses pas s'allonge;
Il semble des yeux suivre on ne sait quel grand songe:
Parfois, il marche et va sans entendre et sans voir.
Vieillir, sombre déclin! L'homme est triste le soir;
Il sent l'accablement de l'oeuvre finissante.
On dirait par instants que son âme s'absente,
Et va savoir là-haut s'il est temps de partir.

Tout homme ici-bas porte en sa main une chose
Où, du bien et du mal, de l'effet, de la cause,
Du genre humain, de Dieu, du gouffre, il sent le poids;
Le juge au front morose a son livre des lois,
Le roi son sceptre d'or, le fossoyeur sa pelle.


Par: Victor Hugo

Ajoutée par Savinien le 06/10/2018

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Les chevaliers errants


La terre a vu jadis errer des paladins;
Ils flamboyaient ainsi que des éclairs soudains,
Puis s'évanouissaient, laissant sur les visages
La crainte, et la lueur de leurs brusques passages;
Ils étaient, dans des temps d'oppression, de deuil,
De honte, où l'infamie étalait son orgueil,
Les spectres de l'honneur, du droit, de la justice;
Ils foudroyaient le crime, ils souffletaient le vice;
On voyait le vol fuir, l'imposture hésiter,
Blêmir la trahison, et se déconcerter
Toute puissance injuste, inhumaine, usurpée,
Devant ces magistrats sinistres de l'épée;
Malheur à qui faisait le mal! Un de ces bras
Sortait de l'ombre avec ce cri: « Tu périras! »
Contre le genre humain et devant la nature,
De l'équité suprême ils tentaient l'aventure;
Prêts à toute besogne, à toute heure, en tout lieu,
Farouches, ils étaient les chevaliers de Dieu.
[...]
Qui les voyait passer à l'angle de son mur
Pensait à ces cités d'or, de brume et d'azur,
Qui font l'effet d'un songe à la foule effarée:
Tyr, Héliopolis, Solyme, Césarée.
Ils surgissaient du sud ou du septentrion,
Portant sur leur écu l'hydre ou l'alérion,
Couverts des noirs oiseaux du taillis héraldique,
Marchant seuls au sentier que le devoir indique,
Ajoutant au bruit sourd de leur pas solennel
La vague obscurité d'un voyage éternel,
Ayant franchi les flots, les monts, les bois horribles,
Ils venaient de si loin, qu'ils en étaient terribles;
Et ces grands chevaliers mêlaient à leurs blasons
Toute l'immensité des sombres horizons.


Par: Victor Hugo

Ajoutée par Savinien le 06/10/2018

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Le mariage de Roland


Ils se battent - combat terrible ! - corps à corps.
Voilà déjà longtemps que leurs chevaux sont morts ;
Ils sont là seuls tous deux dans une île du Rhône,
Le fleuve à grand bruit roule un flot rapide et jaune,
Le vent trempe en sifflant les brins d'herbe dans l'eau.
L'archange saint Michel attaquant Apollo
Ne ferait pas un choc plus étrange et plus sombre ;
Déjà, bien avant l'aube, ils combattaient dans l'ombre.

Et, depuis qu'ils sont là, sombres, ardents, farouches,
Un mot n'est pas encore sorti de ces deux bouches.


Par: Victor Hugo

Ajoutée par Savinien le 06/10/2018

Catégories:

Un livre est un engrenage. Prenez garde à ces lignes noires sur du papier blanc; ce sont des forces; elles se combinent, se composent, se décomposent, entrent l'une dans l'autre, pivotent l'une sur l'autre, se dévident, se nouent, s'accouplent, travaillent. Telle ligne mord, telle ligne serre et presse, telle ligne entraîne, telle ligne subjugue. Les idées sont un rouage. Vous vous sentez tiré par le livre. Il ne vous lâchera qu'après avoir donné une façon à votre esprit. Quelquefois les lecteurs sortent du livre tout à fait transformés.


Par: Victor Hugo

Ajoutée par Savinien le 01/01/2018

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Le philosophe regarde en souriant ces songeurs, tous logés dans une vision, le joueur dans la martingale, l'avare dans des piles d'or sans fin, le soldat dans la croix d'honneur, la vieille fille dans un mari, le thaumaturge dans le miracle, le prêtre dans la tiare, le savant dans un creuset, l'ignorant dans la superstition.
Et où es-tu toi-même, philosophe ? Dans l'utopie.


Par: Victor Hugo

Ajoutée par Savinien le 01/01/2018

Catégories:

Le mariage de Roland


Qui, cette nuit, eût vu s'habiller ces barons,
Avant que la visière eût dérobé leurs fronts,
Eût vu deux pages blonds, roses comme des filles.
Hier, c'étaient deux enfants riant à leurs familles,
Beaux, charmants; - aujourd'hui, sur ce fatal terrain,
C'est le duel effrayant de deux spectres d'airain,
Deux fantômes auxquels le démon prête une âme,
Deux masques dont les trous laissent voir de la flamme.
Ils luttent, noirs, muets, furieux, acharnés.
Les bateliers pensifs qui les ont amenés,
Ont raison d'avoir peur et de fuir dans la plaine,
Et d'oser, de bien loin, les épier à peine,
Car de ces deux enfants, qu'on regarde en tremblant,
L'un s'appelle Olivier et l'autre a nom Roland.


Par: Victor Hugo

Ajoutée par Savinien le 29/12/2017

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Les chevaliers errants


Soudain, au seuil lugubre apparaissent trois têtes
Joyeuses, et d'où sort une lueur de fêtes;
Deux hommes, une femme en robe de drap d'or.
L'un des hommes paraît trente ans; l'autre est encore
Plus jeune, et, sur son dos, il porte en bandoulière
La guitare où s'enlace une branche de lierre;
Il est grand et blond; l'autre est petit, pâle et brun;
Ces hommes, qu'on dirait faits d'ombre et de parfum,
Sont beaux, mais le démon dans leur beauté grimace;
Avril a de ces fleurs où rampe une limace.


Par: Victor Hugo

Ajoutée par Savinien le 29/12/2017

Catégories:

Beaucoup d'amis sont comme le cadran solaire: ils ne marquent que les heures où le soleil vous luit.


Par: Victor Hugo

Ajoutée par Savinien le 31/05/2017

Catégories:

Dans certains cas, il y a de la grandeur à se laisser tromper et de la honte à se défier. Jaloux, notez ceci : celui qui trompe a en remords tout ce que celui qui est trompé a en confiance.


Par: Victor Hugo

Ajoutée par Savinien le 31/05/2017

Catégories:

J'aime tous les hommes qui pensent, même ceux qui pensent autrement que moi. Penser, c'est déjà être utile, c'est toujours et en tout cas faire effort vers Dieu.


Par: Victor Hugo

Ajoutée par Savinien le 31/05/2017

Catégories:

Sagesse


Les hommes sont ingrats, méchants, menteurs, jaloux.
Le crime est dans plusieurs, la vanité dans tous;
Car, selon le rameau dont ils ont bu la sève,
Ils tiennent, quelques-uns de Caïn, et tous d'Eve.


Par: Victor Hugo

Ajoutée par Savinien le 22/05/2017

Catégories:

Le nombre est dans l'art comme dans la science. L'algèbre est dans l'astronomie, et l'astronomie touche à la poésie; l'algèbre est dans la musique, et la musique touche à la poésie. L'esprit de l'homme a trois clefs qui ouvrent tout: le chiffre, la lettre, la note. Savoir, penser, rêver. Tout est là.


Par: Victor Hugo

Ajoutée par Savinien le 22/05/2017

Catégories:

Je veux, ainsi qu'un ours, dans mon trou solitaire,
Penser avec Pascal et rire avec Voltaire;
Vivre, ignoré du monde, avec mes vieux auteurs,
Qui devraient craindre peu d'être un jour sans lecteurs,
Et, fuyant ces salons où la nullité règne,
Consoler de l'oubli les arts qu'on y dédaigne.


Par: Victor Hugo

Ajoutée par Savinien le 22/05/2017

Catégories:

Si, près de toi, quelqu'un pleure en rêvant,
Laisse pleurer sans en chercher la cause.
Pleurer est doux, pleurer est bon souvent
Pour l'homme, hélas! Sur qui le sort se pose.
Toute larme, enfant,
Lave quelque chose.


Par: Victor Hugo

Ajoutée par Savinien le 20/05/2017

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Vieille chanson du jeune temps


Rose défit sa chaussure,
Et mit, d'un air ingénu,
Son petit pied dans l'eau pure;
Je ne vis pas son pied nu.

Je ne savais que lui dire;
Je la suivais dans le bois,
La voyant parfois sourire
Et soupirer quelquefois.

Je ne vis qu'elle était belle
Qu'en sortant des grands bois sourds.
« Soit; n'y pensons plus! » dit-elle.
Depuis, j'y pense toujours.


Par: Victor Hugo

Ajoutée par Savinien le 20/05/2017

Catégories:

Elle était déchaussée, elle était décoiffée,
Assise, les pieds nus, parmi les joncs penchants;
Moi qui passais par là, je crus voir une fée,
Et je lui dis: Veux-tu t'en venir dans les champs?

Elle me regarda de ce regard suprême
Qui reste à la beauté quand nous en triomphons,
Et je lui dis: Veux-tu, c'est le mois où l'on aime,
Veux-tu nous en aller sous les arbres profonds?

Elle essuya ses pieds à l'herbe de la rive;
Elle me regarda pour la seconde fois,
Et la belle folâtre alors devint pensive.
Oh! Comme les oiseaux chantaient au fond des bois!

Comme l'eau caressait doucement le rivage!
Je vis venir à moi, dans les grands roseaux verts,
La belle fille heureuse, effarée et sauvage,
Ses cheveux dans ses yeux, et riant au travers.


Par: Victor Hugo

Ajoutée par Savinien le 20/05/2017

Catégories:

Nous allions au verger cueillir des bigarreaux.
Avec ses beaux bras blancs en marbre de Paros,
Elle montait dans l'arbre et courbait une branche;
Les feuilles frissonnaient au vent; sa gorge blanche,
O Virgile, ondoyait dans l'ombre et le soleil;
Ses petits doigts allaient chercher le fruit vermeil,
Semblable au feu qu'on voit dans le buisson qui flambe.
Je montais derrière elle; elle montrait sa jambe,
Et disait: « Taisez-vous! » à mes regards ardents;
Et chantait. Par moments, entre ses belles dents,
Pareille, aux chansons près, à Diane farouche,
Penchée, elle m'offrait la cerise à sa bouche;
Et ma bouche riait, et venait s'y poser,
Et laissait la cerise et prenait le baiser.


Par: Victor Hugo

Ajoutée par Savinien le 19/05/2017

Catégories:

L'hirondelle au printemps cherche les vieilles tours,
Débris où n'est plus l'homme, où la vie est toujours;
La fauvette en avril cherche, ô ma bien aimée,
La forêt sombre et fraîche et l'épaisse ramée,
La mousse, et, dans les noeuds des branches, les doux toits
Qu'en se superposant font les feuilles des bois.
Ainsi fait l'oiseau. Nous, nous cherchons, dans la ville,
Le coin désert, l'abri solitaire et tranquille,
Le seuil qui n'a pas d'yeux obliques et méchants,
La rue où les volets sont fermés; dans les champs,
Nous cherchons le sentier du pâtre et du poète;
Dans les bois, la clairière inconnue et muette
Où le silence éteint les bruits lointains et sourds.
L'oiseau cache son nid, nous cachons nos amours.


Par: Victor Hugo

Ajoutée par Savinien le 19/05/2017

Catégories:

Vois-tu, quoique notre gloire
Brille en ce que nous créons,
Et dans notre grande histoire
Pleine de grands panthéons;

Quoique nous ayons des glaives,
Des temples, Chéops, Babel,
Des tours, des palais, des rêves,
Et des tombeaux jusqu'au ciel;

Il resterait peu de choses
A l'homme, qui vit un jour,
Si Dieu nous ôtait les roses,
Si Dieu nous ôtait l'amour!


Par: Victor Hugo

Ajoutée par Savinien le 19/05/2017

Catégories:

Il lui disait: Vois-tu, si tous deux nous pouvions,
L'âme pleine de foi, le coeur plein de rayons,
Ivres de douce extase et de mélancolie,
Rompre les milles noeuds dont la ville nous lie;
Si nous pouvions quitter ce Paris triste et fou,
Nous fuirions; nous irions quelque part, n'importe où,
Chercher, loin des vains bruits loin des haines jalouses,
Un coin où nous aurions des arbres, des pelouses,
Une maison petite avec des fleurs, un peu
De solitude, un peu de silence, un ciel bleu,
La chanson d'un oiseau qui sur le toit se pose,
De l'ombre; - et quel besoin avons-nous d'autre chose?


Par: Victor Hugo

Ajoutée par Savinien le 19/05/2017

Catégories:

Mettez un homme qui contient des idées parmi des hommes qui n'en contiennent pas, au bout d'un temps donné, et par une loi d'attraction irrésistible, tous les cerveaux ténébreux graviteront humblement et avec adoration autour du cerveau rayonnant. Il y a des hommes qui sont fer et des hommes qui sont aimant.


Par: Victor Hugo

Ajoutée par Savinien le 10/05/2015

 

Il était fier d'être tenace, et se comparait à Napoléon. Ceci n'est qu'une illusion d'optique. Il y a nombre de gens qui en sont dupes et qui, à certaine distance, prennent la ténacité pour de la volonté, et une chandelle pour une étoile. Quand cet homme donc avait une fois ajusté ce qu'il appelait sa volonté à une chose absurde, il allait tête haute et à travers toute broussaille jusqu'au bout de la chose absurde. L'entêtement sans l'intelligence, c'est la sottise soudée au bout de la bêtise et lui servant de rallonge. Cela va loin. En général, quand une catastrophe privée ou publique s'est écroulée sur nous, si nous examinons, d'après les décombres qui en gisent à terre, de quelle façon elle s'est échafaudée, nous trouvons presque toujours qu'elle a été aveuglément construite par un homme médiocre et obstiné qui avait foi en lui et qui s'admirait. Il y a par le monde beaucoup de ces petites fatalités têtues qui se croient des providences.


Par: Victor Hugo

Ajoutée par Savinien le 10/05/2015

 

Encore un peu, et tous les monuments de France ne seront plus que des ruines; encore un peu, et toutes ces illustres ruines ne seront plus que des pierres, et ces pierres ne seront plus que de la poussière. Ici, tout se transforme, rien ne meurt. Une ruine de montagne est encore une montagne. Le colosse a changé d'attitude, voilà tout. C'est qu'il y a dans toutes les parties de la création un souffle qui les anime. Les ouvrages de Dieu vivent, ceux de l'homme durent; et que durent-ils!


Par: Victor Hugo

Ajoutée par Savinien le 24/06/2014

 

La principale fonction de l'homme n'est pas de manger; mais de penser. Sans doute qui ne mange pas meurt, mais qui ne pense pas rampe; et c'est pire.


Par: Victor Hugo

Ajoutée par Savinien le 24/06/2014

 

L'âme parfois pèse au philosophe. La pensée semble une lourde obligation. Voir l'homme, faire plus que le voir, le regarder, faire plus que le regarder, l'observer, faire plus que l'observer, le scruter, faire plus que le scruter, le disséquer, faire plus que le disséquer, l'analyser, certes, c'est là une rude affaire, et l'on se prend à envier les êtres inconscients, mêlés aux puretés éternelles de la création. On trouverait doux d'être une bête brute dans les bois.


Par: Victor Hugo

Ajoutée par Savinien le 23/06/2014

 

Le premier des bons ménages est celui qu'on fait avec sa conscience. Tâchez d'être heureux en dedans. Et avant tout, ne soyez pas sévères pour les fautes d'en face. En attendant que vous soyez irréprochables, soyez indulgents. Poutre, amnistie la paille. Considérez-vous, scrutez-vous, questionnez-vous. Commencez l'interrogatoire par mettre sur le tabouret vos propres perfections. D'un certain mépris de vous-même naîtra la pitié pour autrui.


Par: Victor Hugo

Ajoutée par Savinien le 23/06/2014

 

Aucune étude, répétons-le, n'égale en grandeur la contemplation des prodigieux précipices ouverts par le mal dans le genre humain. Qui rêve de les fermer doit oser les sonder. Vol, ignorance, prostitution, misère, autant de lieux de chute, autant d'hiatus vertigineux, autant d'horribles bouches sépulcrales où tombent, neige noire, des millions de vivants. Ces escarpements de l'abîme attirent le penseur. Ils attirent quiconque veut voir les sombres énormités sacrées, quiconque veut voir les cavernes visionnaires pleines des nuées de l'infini, quiconque veut voir les dragons du rêve, quiconque voudrait voir Babylone, quiconque voudrait voir Léviathan, quiconque a les curiosités formidables. Etes-vous miséricordieux? Venez, et regardez. Ensuite nous pleurerons; ensuite nous aviserons. Il suffit, pour avoir envie de se pencher sur ces profondeurs, de se sentir ému et attendri par ces immensités d'amertume, et d'avoir une larme à donner à l'océan.


Par: Victor Hugo

Ajoutée par Savinien le 23/06/2014

 

L'absolu est-il un rêve? Non. Le bonheur existe-t-il? Sans doute, est-ce que l'or n'existe pas? L'homme ne peut pas plus faire du bonheur qu'il ne peut faire de l'or. Voilà tout. Il trouve le bonheur, il ne le fabrique pas. Toutes vos lois et toutes vos moeurs combinées, toute la science compliquée de tout le progrès, ne peuvent rien pour ni contre le baiser qui m'a ouvert le paradis. Aucune institution sociale, aucun code, aucune bible, aucune construction politique ou religieuse ne fera qu'une femme, avec une lueur céleste dans les yeux, me dise: je t'aime! C'est là l'or; c'est là le bonheur.


Par: Victor Hugo

Ajoutée par Savinien le 12/06/2014

 

Tout homme est habituellement fort indulgent pour soi-même, s'accorde tout, se concède tout, se pardonne tout, fait passer le bras de toutes les mauvaises actions possibles par la largeur de ses manches, admire les gentillesses de ses vices, appelle ses fautes de toutes sortes de jolis noms paternels, les caresse, les engraisse, les élève, ne s'accuse de rien, ne se blâme de rien, est noir et se croit blanc, s'émerveille gracieusement de lui-même; mais a dans la conscience un rechange vertueux dont il se sert pour autrui.
Ce que fait l'individu, la communauté le fait. D'une classe à l'autre on se condamne, en gardant pour soi seul l'absolution. Le haut méprise le bas; le bas déteste le haut. La cave dit: le grenier est sale; le grenier dit: la cave est noire.
Nous sommes tous le grenier; or, nous sommes tous la cave et, en regardant un autre, c'est soi-même qu'on regarde. Au fond, on le sent; on se l'avoue dans l'intimité du monologue; et l'on hait le philosophe sincère qui fait les confrontations. Les laideurs n'aiment point les miroirs.


Par: Victor Hugo

Ajoutée par Savinien le 10/06/2014

 

Aucune grâce extérieure n'est complète si la beauté intérieure ne la vivifie. La beauté de l'âme se répand comme une lumière mystérieuse sur la beauté du corps.


Par: Victor Hugo

Ajoutée par Savinien le 10/06/2014

 

La femme nue, c'est le ciel bleu. Nuages et vêtements font obstacle à la contemplation. La beauté et l'infini veulent être regardés sans voiles.
Au fond, c'est la même extase: l'idée de l'infini se dégage du beau comme l'idée du beau se dégage de l'infini. La beauté, ce n'est pas autre chose que l'infini contenu dans un contour.


Par: Victor Hugo

Ajoutée par Savinien le 10/06/2014

 

Il y a de certaines arrivées au fond de l'abîme qui vous retirent du milieu des vivants. Les gens qui vont et viennent dans votre chambre sont confus et indistincts; ils vous coudoient sans parvenir jusqu'à vous. Vous leur êtes inabordable et ils vous sont inaccessibles. Le bonheur et le désespoir ne sont pas les mêmes milieux respirables: désespéré, on assiste à la vie des autres de très loin; on ignore presque leur présence; on perd le sentiment de sa propre existence; on a beau être en chair et en os, on ne se sent plus réel; on n'est plus pour soi-même qu'un songe.


Par: Victor Hugo

Ajoutée par Savinien le 23/05/2014

 

La beauté me fait du bien en étant belle. Telle créature a cette féerie d'être pour tout ce qui l'entoure un enchantement; quelquefois elle n'en sait rien elle-même, ce n'en est que plus souverain; sa présence éclaire, son approche réchauffe; elle passe, on est content, elle s'arrête, on est heureux; la regarder, c'est vivre; elle est de l'aurore ayant la figure humaine; elle ne fait pas autre chose que d'être là, cela suffit, elle édénise la maison, il lui sort par tous les pores un paradis; cette extase, elle la distribue à tous sans se donner d'autre peine que de respirer à côté d'eux. Avoir un sourire qui, on ne sait comment, diminue le poids de la chaîne énorme traînée en commun par tous les vivants, que voulez-vous que je vous dise, c'est divin.


Par: Victor Hugo

Ajoutée par Savinien le 06/05/2014

 

Le corps humain pourrait bien n'être qu'une apparence. Il cache notre réalité. Il s'épaissit sur notre lumière ou sur notre ombre. La réalité c'est l'âme. A parler absolument, notre visage est un masque. Le vrai homme, c'est ce qui est sous l'homme. Si l'on apercevait cet homme là, tapi ou abrité derrière cette illusion qu'on nomme la chair, on aurait plus d'une surprise. L'erreur commune, c'est de prendre l'être extérieur pour l'être réel.


Par: Victor Hugo

Ajoutée par Savinien le 06/05/2014

 

Tant qu'on est deux, la vie est possible. Seul, il semble qu'on ne pourra plus la traîner. On renonce à tirer. C'est la première forme du désespoir. Plus tard on comprend que le devoir est une série d'acceptations. On regarde la mort, on regarde la vie, et l'on consent. Mais c'est un consentement qui saigne.


Par: Victor Hugo

Ajoutée par Savinien le 06/05/2014

 

Le spleen naît aussi bien du ciel bleu que du ciel sombre. Mieux peut-être.
Comme la vie de l'homme, même la plus prospère, est toujours au fond plus triste que gaie, le ciel sombre est harmonieux. Le ciel éclatant et joyeux nous est ironique. La nature triste nous ressemble et nous console, la nature rayonnante, magnifique, impassible, sereine, splendide, éblouissante, jeune tandis que nous vieillissons, souriante pendant que nous soupirons, superbe, inaccessible, éternelle, satisfaite, calme dans sa joie, a quelque chose d'accablant.
A force de regarder le ciel impitoyable, indifférent et sublime, on prend un rasoir et l'on en finit.


Par: Victor Hugo

Extrait de: Choses vues (1887)

Ajoutée par Savinien le 23/06/2013

 

M. de Chateaubriand, au commencement de 1847, était paralytique; Mme Récamier était aveugle. Tous les jours, à trois heures, on portait M. de Chateaubriand près du lit de Mme Récamier. Cela était touchant et triste. La femme qui ne voyait plus cherchait l'homme qui ne sentait plus, leurs deux mains se rencontraient. Que Dieu soit béni! On va cesser de vivre qu'on s'aime encore.


Par: Victor Hugo

Extrait de: Choses vues (1887)

Ajoutée par Savinien le 23/06/2013

 

Dieu a fait deux dons à l'homme: l'espérance et l'ignorance. L'ignorance est le meilleur des deux.


Par: Victor Hugo

Extrait de: Choses vues (1887)

Ajoutée par Savinien le 22/06/2013

 

Pour qui sait les voir, les plus petites choses sont souvent les plus grandes.


Par: Victor Hugo

Extrait de: Choses vues (1887)

Ajoutée par Savinien le 22/06/2013

 

Lire, c'est boire et manger. L'esprit qui ne lit pas maigrit comme le corps qui ne mange pas.


Par: Victor Hugo

 

Ajoutée par jlm le 27/06/2013

 

Quand un homme est placé en haut, regardez ce qui est autour de lui. Il y a deux sortes d'hommes puissants, et il n'y en a que deux: ceux qui s'entourent de gens qui leur sont supérieurs, et ceux qui s'entourent de gens qui leur sont inférieurs. Le goût du grand et le goût du médiocre; la haute et la basse nature. Les premiers trouvent difficilement qui vaille mieux qu'eux; les derniers trouvent difficilement qui vaille moins. Cependant, comme c'est un instinct qui les guide, les uns et les autres réussissent également à se procurer ce qu'ils cherchent, les uns des génies, les autres des laquais.


Par: Victor Hugo

Extrait de: Choses vues (1887)

Ajoutée par jlm le 08/07/2013

 

De certaines destinées ont deux noms. Le premier est comme la préface de l'autre. On est Poquelin avant d'être Molière, Arouet avant d'être Voltaire, et Bonaparte avant d'être Napoléon. Cela tient à ce que ces hommes ont deux aspects, valet de chambre et génie, courtisan et roi, soldat républicain et empereur.


Par: Victor Hugo

Extrait de: Océan (1942)

Ajoutée par jlm le 11/03/2013

 

Frédérick Lemaître me contait hier qu'il entrait un jour dans un bouge, auberge de rouliers pour y passer la nuit. Il a demandé en entrant: « Y a-t-il des puces ici? »
L'hôte a répondu gravement: « Non, Monsieur. Les poux les mangent. »


Par: Victor Hugo

Extrait de: Océan (1942)

Ajoutée par jlm le 11/03/2013

 

La solitude est bonne aux grands esprits et mauvaise aux petits. La solitude trouble les cerveaux qu'elle n'illumine pas.


Par: Victor Hugo

Extrait de: Choses vues (1887)

Ajoutée par jlm le 11/03/2013

 

Si vous ne sentez pas que la chose donnée par vous vous manque, vous n'avez rien donné. On ne donne que ce dont on se prive.


Par: Victor Hugo

 

Ajoutée par jlm le 06/12/2012

 

En révolution, tout mouvement fait avancer. La vérité et la liberté ont cela d'excellent que tout ce qu'on fait pour elles et tout ce qu'on fait contre elles les sert également.


Par: Victor Hugo

Ajoutée par Savinien le 24/09/2012

 

La composition poétique résulte de deux phénomènes intellectuels, la méditation et l'inspiration. La méditation est une faculté; l'inspiration est un don. Tous les hommes, jusqu'à un certain degré, peuvent méditer; bien peu sont inspirés. Spiritus flat ubi vult. Dans la méditation, l'esprit agit; dans l'inspiration, il obéit; parce que la première est en l'homme, tandis que la seconde vient de plus haut. Celui qui nous donne cette force est plus fort que nous.


Par: Victor Hugo

Ajoutée par Savinien le 23/09/2012

 

Comme tous les hommes supérieurs, il a certainement été en proie à la calomnie. Nous n'attribuons qu'à elle les bruits injurieux qui ont si longtemps accompagné l'illustre nom du poète. D'ailleurs celle que ses torts ont offensée les a sans doute oubliés la première en présence de sa mort. Nous espérons qu'elle lui a pardonné; car nous sommes de ceux qui ne pensent pas que la haine et la vengeance aient quelque chose à graver sur la pierre d'un tombeau.


Par: Victor Hugo

Ajoutée par Savinien le 23/09/2012

 

Qu'est-ce que c'est donc que cette sagesse humaine qui ressemble si fort à la folie quand on la voit d'un peu haut?


Par: Victor Hugo

Ajoutée par Savinien le 23/09/2012

 

Qu'est-ce qu'exister? Dit Locke. C'est sentir. Les grands hommes sont ceux qui ont beaucoup senti, beaucoup vécu; et souvent, en quelques années, on a vécu bien des vies. Qu'on ne s'y trompe pas, les hauts sapins ne croissent que dans la région des orages. Athènes, ville de tumulte, eut mille grands hommes; Sparte, ville de l'ordre, n'en eut qu'un, Lycurgue; et Lycurgue était né avant ses lois.


Par: Victor Hugo

Ajoutée par Savinien le 19/09/2012

 

Combien de malheureux qui auraient pu mieux faire, se sont mis en tête d'écrire parce qu'en fermant un beau livre ils s'étaient dit: j'en pourrais faire autant! Et cette réflexion là ne prouvait rien, sinon que l'ouvrage était inimitable.
En littérature comme en morale, plus une chose est belle, plus elle semble facile. Il y a quelque chose dans le coeur de l'homme qui lui fait prendre quelquefois le désir pour le pouvoir. C'est ainsi qu'il croit aisé de mourir comme d'Assas ou d'écrire comme Voltaire.


Par: Victor Hugo

Ajoutée par Savinien le 19/09/2012

 

Quelque bonne opinion que nous ayons de nous-mêmes, il y a toujours en nous une certaine conscience qui nous fait considérer comme hostile la démarche de tout homme qui vient scruter notre caractère. Cette conscience est celle de l'endroit que l'on sent faible et qu'on veut se cacher.


Par: Victor Hugo

Ajoutée par Savinien le 19/09/2012

 

La mort est hideuse au méchant, par le même sentiment qui la rend belle à l'homme de bien; tous deux vont quitter ce qu'ils ont d'humain, mais le juste est délivré de son corps comme d'une prison, le méchant en est arraché comme d'une forteresse. Au dernier moment, l'enfer se révèle à l'âme perverse qui a rêvé le néant. Elle frappe avec inquiétude sur la sombre porte de la mort, et ce n'est pas le vide qui lui répond.


Par: Victor Hugo

Ajoutée par Savinien le 15/09/2012

 

De tous les hommes qu'elle avait vus, Ordener était celui qu'Éthel connaissait le plus et le moins tout ensemble. Il était apparu dans sa destinée, pour ainsi dire, comme ces anges qui visitaient les premiers hommes, en s'enveloppant à la fois de clartés et de mystères. Leur seule présence révélait leur nature, et l'on adorait. Ainsi Ordener avait laissé voir à Éthel ce que les hommes cachent le plus, son coeur; il avait gardé le silence sur ce dont ils se vantent assez volontiers, sa patrie et sa famille; son regard avait suffi à Éthel, et elle avait eu foi en ses paroles. Elle l'aimait, elle lui avait donné sa vie, elle n'ignorait rien de son âme, et ne savait pas son nom.


Par: Victor Hugo

Ajoutée par Savinien le 15/09/2012

 

Qu'on n'en doute pas, les coeurs en apparence les plus desséchés et les plus endurcis recèlent toujours dans leur dernier repli quelque affection ignorée d'eux-mêmes, qui semble se cacher parmi des passions et des vices, comme un témoin mystérieux et un vengeur futur. On dirait qu'elle est là pour faire un jour connaître au crime la douleur. Elle attend son heure en silence.


Par: Victor Hugo

Ajoutée par Savinien le 15/09/2012

 

Qui ne s'est point arrêté cent fois durant les nuits pluvieuses sous quelque fenêtre à peine éclairée? Qui n'a point passé et repassé devant une porte, erré avec délices autour d'une maison? Qui ne s'est point brusquement retourné de son chemin pour suivre, le soir, dans les détours d'une rue déserte, une robe flottante, un voile blanc tout à coup reconnu dans l'ombre? Celui qui ne connaît pas ces émotions peut dire qu'il n'a jamais aimé.


Par: Victor Hugo

Ajoutée par Savinien le 15/09/2012

 

Ah! N'en doutons pas, à travers les temps et les espaces, les âmes ont quelquefois des correspondances mystérieuses. En vain le monde réel élève ses barrières entre deux êtres qui s'aiment; habitants de la vie idéale, ils s'apparaissent dans l'absence, ils s'unissent dans la mort. Que peuvent en effet les séparations corporelles, les distances physiques sur deux coeurs liés invinciblement par une même pensée et un commun désir? - Le véritable amour peut souffrir, mais non mourir.


Par: Victor Hugo

Ajoutée par Savinien le 15/09/2012

 

Quand l'âme est triste, les spectacles mélancoliques lui plaisent; elle les rembrunit de toute sa tristesse. Qu'un malheureux soit jeté parmi les sauvages et hautes montagnes, près d'un sombre lac, d'une noire forêt, au moment où le jour va disparaître, il verra cette scène grave, cette nature sérieuse, en quelque sorte à travers un voile funèbre; il ne lui semblera pas que le soleil se couche, mais qu'il meurt.


Par: Victor Hugo

Ajoutée par Savinien le 15/09/2012

 

L'entretien intime de deux scélérats n'est jamais long, parce que ce qu'il y a d'homme en eux s'effraie bien vite de ce qu'il y a d'infernal. Quand deux âmes perverses s'étalent réciproquement leur impudique nudité, leurs mutuelles laideurs les révoltent. Le crime fait horreur au crime même; et deux méchants qui conversent, avec tout le cynisme du tête-à-tête, de leurs passions, de leurs plaisirs, de leurs intérêts, se sont l'un à l'autre comme un effroyable miroir. [...] Quelque secret que soit leur entretien, il a toujours deux insupportables témoins; - Dieu, qu'ils ne voient pas; et la conscience, qu'ils sentent.


Par: Victor Hugo

Ajoutée par Savinien le 08/09/2012

 

- Pauvre insensé! Qui crois être libre, et qui passes d'un cheval dans une barque. Ce ne sont point tes membres qui exécutent tes volontés; c'est un animal, c'est la matière; et tu appelles cela des volontés!
- Je force des êtres à m'obéir.
- Prendre sur certains êtres le droit d'en être obéi, c'est donner à d'autres celui de vous commander. L'indépendance n'est que dans l'isolement.


Par: Victor Hugo

Ajoutée par Savinien le 08/09/2012

 

- Seigneur comte! Est-ce pour me flatter que vous m'appelez ainsi? Vous perdez vos peines; je ne suis plus puissant.
- Celui qui vous parle ne vous a jamais connu puissant, et n'en est pas moins votre ami.
- C'est qu'il espère encore quelque chose de moi; les souvenirs que l'on conserve aux malheureux se mesurent toujours aux espérances qui en restent.


Par: Victor Hugo

Ajoutée par Savinien le 08/09/2012

 

Horace, et toi, vieux La Fontaine,
Vous avez dit: il est un jour
Où le coeur qui palpite à peine
Sent comme une chanson lointaine
Mourir la joie et fuir l'amour.

O poètes, l'amour réclame
Quand vous dites: Nous n'aimons plus,
Nous pleurons, nous n'avons plus d'âme,
Nous cachons dans nos coeurs, sans flamme
Cupidon goutteux et perclus.

Le temps d'aimer jamais ne passe,
Non, jamais le coeur n'est fermé.

Hélas! Vieux Jean, ce qui s'efface,
Ce qui s'en va, mon doux Horace,
C'est le temps où l'on est aimé.


Par: Victor Hugo

Ajoutée par Savinien le 05/03/2012

 

Quand deux coeurs en s'aimant ont doucement vieilli,
Oh! Quel bonheur profond, intime, recueilli!
Amour! Hymen d'en haut! O pur lien des âmes!
II garde ses rayons même en perdant ses flammes.
Ces deux coeurs qu'il a pris jadis n'en font plus qu'un.
Il fait, des souvenirs de leur passé commun,
L'impossibilité de vivre l'un sans l'autre.
-(Juliette, n'est-ce pas? Cette vie est la nôtre!)
Il a la paix du soir avec l'éclat du jour,
Et devient l'amitié tout en restant l'amour!


Par: Victor Hugo

Ajoutée par Savinien le 05/03/2012

 

J'étais un lycéen honnête;
Denise avait l'oeil hasardeux;
Elle était belle et j'étais bête;
Nous faisions un conte à nous deux.

Ainsi que la belle Fosseuse,
Elle riait des imprudents;
L'huître en perles est connaisseuse,
C'est pourquoi j'admirais ses dents.

Un jour elle me dit: farouche!
Et m'offrit un baiser moqueur.
Je pris le baiser sur ma bouche
Et sentis la morsure au coeur.


Par: Victor Hugo

Ajoutée par Savinien le 29/02/2012

 

L'heure sonne. Un jour va naître.
Le nuage erre au zénith;
La barque est sous ta fenêtre;
L'hirondelle est dans son nid;
Dans ton âme qu'il féconde
L'amour veille nuit et jour...
Laisse fuir la barque et l'onde!
Ne laisse pas fuir l'amour.

À nos coeurs qui se désolent
Les heures parlent parfois,
Quand dans l'ombre elles s'envolent
De quelque église des bois.
Les pires et les meilleures
Sur nous passent tour à tour...
Ange! Laisse fuir les heures!
Ne laisse pas fuir l'amour.

Est-il une chose au monde
Qui ne tremble à quelque vent?
Le nuage est comme l'onde,
Clair parfois, sombre souvent.
Il s'en va! Triste voyage,
Sans but, sans port; sans retour...
Oh! Laisse fuir le nuage!
Ne laisse pas fuir l'amour.

L'onde, la nuée et l'heure,
Tout passe, et nous pleurons tous!
Qu'une chose en nous demeure
Quand tout change autour de nous!
L'oiseau quitte à tire-d'aile
Son doux nid, sa vieille tour...
Oh! Laisse fuir l'hirondelle!
Ne laisse pas fuir l'amour.


Par: Victor Hugo

Ajoutée par Savinien le 29/02/2012

 

Qu'est-ce que cette année emporte sur son aile?
Je ne suis pas moins tendre et tu n'es pas moins belle.
Nos deux coeurs en dix ans n'ont pas vieilli d'un jour.
Va, ne fais pas au temps de plainte et de reproche.
A mesure qu'il fuit, du ciel il nous rapproche,
Sans nous éloigner de l'amour.


Par: Victor Hugo

Ajoutée par Savinien le 29/02/2012

 

Un coup de vent passa, souffle leste et charmant
Qui fit tourbillonner les jupes follement.
Je la savais ailée, étoilée, azurée,
Je l'adorais; mon âme allait dans l'empyrée
A sa suite. Oh! L'amour, c'est tout; le reste est vain.
Je ne supposais pas que cet être divin
Qui m'emportait rêveur si loin de la matière
Eût des jambes; soudain je vis sa jarretière;

Et cela me choqua: Quoi! Me dis-je, elle aussi!
Je la contemple, ému, tremblant, brûlant, transi,
Et je vois de la chair où j'adorais une âme!
Soit. Le songe est fini. Ce n'est donc qu'une femme
Qui marche sur la terre, et se retrousse au vent!
Et je fus amoureux bien plus qu'auparavant.


Par: Victor Hugo

Ajoutée par Savinien le 29/02/2012

 

Vous ne la fuyez pas, oiseaux, petits farouches,
Car elle est votre soeur dans ce monde âpre et vain,

Elle a pour ce qui sort des âmes et des bouches
Votre dégoût divin.

Elle semble un rayon qui ploierait sous de l'ombre.
On se dit en voyant ce nimbe, ce parfum,
Cette grâce au milieu de nos laideurs sans nombre:
Peut-elle aimer quelqu'un?

Oh! Comme parmi vous elle marche, l'altière!
Elle dédaigne, esprit ailé, le ver qui fuit,
Et, lyre, la rumeur, et, souffle, la matière,
Et, lumière, la nuit.

Quand, seuls, au fond des bois nous nous perdons ensemble,
Je lui dis: j'aime! Avec mon regard le plus doux,
Elle répond: je hais. Et, voyant que je tremble,
Elle ajoute: pas vous.


Par: Victor Hugo

Ajoutée par Savinien le 29/02/2012

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Sais-tu ce que Dieu dit


Sais-tu ce que Dieu dit à l'enfant qui va naître?
Quand cet humble regard s'entr'ouvre à notre jour,
Il lui dit: va souffrir, va penser, va connaître;
Ame, perds l'innocence et rapporte l'amour!

Oui, c'est là le secret. Oui, c'est là le mystère.
Quoi qu'on fasse, il n'est rien qu'on ne puisse blâmer,
On tombe à chaque pas qu'on fait sur cette terre,
Tout est rempli d'erreur, mais il suffit d'aimer.

Colombe, c'est l'amour qu'il faut que tu rapportes!
Après ce dur voyage, obscur, long, hasardeux,
Le ciel d'où nous venons peut nous rouvrir ses portes.
On en est sorti seul, il faut y rentrer deux.


Par: Victor Hugo

Ajoutée par Savinien le 28/02/2012

 

Vois-tu, mon ange


Vois-tu, mon ange, il faut accepter nos douleurs.
L'amour est comme la rosée
Qui luit de mille feux et de mille couleurs
Dans l'ombre où l'aube l'a posée.
Rien n'est plus radieux sous le haut firmament;
De cette goutte d'eau qui rayonne un moment
N'approchez pas vos yeux que tant de splendeur charme;
De loin, c'était un diamant,
De près, ce n'est plus qu'une larme.


Par: Victor Hugo

Ajoutée par Savinien le 28/02/2012

 

Pensez-vous quelquefois à ce que fait l'archange,
L'Etre d'en bas? Il est le Méchant. Il s'en venge?
Il prend l'âme, la vie et le jour à revers;
Et de sa chute il fait celle de l'univers.
L'enfer est tout entier dans ce mot: solitude.
Avec tous les remords qui sont l'inquiétude
Et le deuil de la terre, et dont il est l'aïeul,
Dans l'effrayant cachot des nuits, Satan est seul.


Par: Victor Hugo

Ajoutée par Savinien le 17/10/2011

 

On voyait, aux lueurs des visions funèbres,
S'ouvrir et se fermer la gueule des ténèbres.
Partout apparaissait, à l'oeil épouvanté,
La face du néant, fait d'obscurité.
A chaque instant, le fond redevenait la cîme;
Et, comme une nuée au-dessus d'un abîme,
Dans cette ombre où rampaient les larves des fléaux,
Le monstre Nuit planait sur la bête Chaos.
C'était ainsi quand Dieu se levant, dit à l'ombre:
Je suis. Ce mot créa les étoiles sans nombre.
Et Satan dit à Dieu: tu ne seras pas seul.


Par: Victor Hugo

Ajoutée par Savinien le 17/10/2011

 

Or, près des cieux, au bord du gouffre où rien ne change,
Une plume échappée à l'aile de l'archange
Etait restée, et pure et blanche, frissonnait.
L'ange au front de qui l'aube éblouissante naît,
La vit, la prit, et dit, l'oeil sur le ciel sublime:
- Seigneur, faut-il qu'elle aille, elle aussi, dans l'abîme? -
Il leva la main, Lui par la vie absorbé,
Et dit: - ne jetez pas ce qui n'est pas tombé.


Par: Victor Hugo

Ajoutée par Savinien le 17/10/2011

 

Depuis quatre mille ans il tombait dans l'abîme
Il n'avait pas encore pu saisir une cime,
Ni lever une fois son front démesuré.
Il s'enfonçait dans l'ombre et la brume, effaré,
Seul, et derrière lui, dans les nuits éternelles,
Tombaient plus lentement les plumes de ses ailes.


Par: Victor Hugo

Ajoutée par Savinien le 17/10/2011

 

L'égoïsme social est un commencement de sépulcre. Voulons-nous vivre, mêlons nos coeurs, et soyons l'immense genre humain. Marchons en avant, remorquons en arrière. La prospérité matérielle n'est pas la félicité morale, l'étourdissement n'est pas la guérison, l'oubli n'est pas le paiement. Aidons, protégeons, secourons, avouons la faute publique et réparons-la. Tout ce qui souffre accuse, tout ce qui pleure dans l'individu saigne dans la société, personne n'est tout seul, toutes les fibres vivantes tressaillent ensemble et se confondent, les petits doivent être sacrés aux grands, et c'est du droit de tous les faibles que se compose le devoir de tous les forts.


Par: Victor Hugo

Ajoutée par Savinien le 22/08/2011

 

En l'état où sont aujourd'hui les esprits, le lettré doit sa sympathie à tous les malaises individuels, sa pensée à tous les problèmes sociaux, son respect à toutes les énigmes religieuses. Il appartient à ceux qui souffrent, à ceux qui errent, à ceux qui cherchent. Il faut qu'il laisse aux uns un conseil, aux autres une solution, à tous une parole. S'il est fort, qu'il pèse et qu'il juge; s'il est plus fort encore, qu'il examine et qu'il enseigne; s'il est le plus grand de tous, qu'il console. Selon ce que vaut l'écrivain, la table où il s'accoude, et d'où il parle aux intelligences, est quelquefois un tribunal, quelquefois une chaire. Le talent est une magistrature; le génie est un sacerdoce.


Par: Victor Hugo

Ajoutée par Savinien le 22/08/2011

 

S'il y a toujours, au fond de tous les systèmes philosophiques, quelque chose d'humain, c'est-à-dire de vague et d'indécis, en même temps il y a toujours dans l'art, quel que soit le siècle, quelle que soit la forme, quelque chose de divin, c'est-à-dire de certain et d'absolu; de sorte que, tandis que l'étude de toutes les philosophies mène au doute, l'étude de toutes les poésies conduit à l'enthousiasme.


Par: Victor Hugo

Ajoutée par Savinien le 22/08/2011

 

N'importe, persistons, nous qui voulons qu'on promette et non qu'on menace, nous qui voulons qu'on guérisse et non qu'on mutile, nous qui voulons qu'on vive et non qu'on meure. Les grandes lois d'en haut sont avec nous. Il y a un profond parallélisme entre la lumière qui nous vient du soleil et la clémence qui nous vient de Dieu. Il y aura une heure de pleine fraternité, comme il y a une heure de plein midi. Ne perds pas courage, ô pitié! Quant à moi, je ne me lasserai pas, et ce que j'ai écrit dans tous mes livres, ce que j'ai attesté par tous mes actes, ce que j'ai dit à tous les auditoires, à la tribune des pairs comme dans le cimetière des proscrits, à l'assemblée nationale de France comme à la fenêtre lapidée de la place des Barricades de Bruxelles, je l'attesterai, je l'écrirai, et je le dirai sans cesse: il faut s'aimer, s'aimer, s'aimer!


Par: Victor Hugo

Ajoutée par Savinien le 18/08/2011

 

Est-ce qu'il n'est pas enfin temps de s'aimer? Voulez-vous qu'on ne recommence pas? Finissez. Finir, c'est absoudre. En sévissant, on perpétue. Qui tue son ennemi fait vivre la haine. Il n'y a qu'une façon d'achever les vaincus, leur pardonner. Les guerres civiles s'ouvrent par toutes les portes et se ferment par une seule, la clémence. La plus efficace des répressions, c'est l'amnistie.


Par: Victor Hugo

Ajoutée par Savinien le 18/08/2011

 

Injure, ironie, sarcasme, et çà et là la calomnie, S'en fâcher, pourquoi? Washington, traité par la presse hostile d'escroc et de filou (pick-pocket), en rit dans ses lettres. Un jour, un célèbre ministre anglais; éclaboussé à la tribune de la même façon, donna une chiquenaude à sa manche, et dit: cela se brosse. Il avait raison. Les haines, les noirceurs, les mensonges, boue aujourd'hui, poussière demain. Ne répondons pas à la colère par la colère. Ne soyons pas sévères pour des cécités.
« Ils ne savent ce qu'ils font », a dit quelqu'un sur le calvaire. « Ils ne savent ce qu'ils disent », n'est pas moins mélancolique ni moins vrai. Le crieur ignore son cri. L'insulteur est-il responsable de l'insulte? A peine. Pour être responsable il faut être intelligent.


Par: Victor Hugo

Ajoutée par Savinien le 18/08/2011

 

L'approche de la lumière a cela de terrible qu'elle devient flamme. Elle éclaire d'abord, réchauffe ensuite, et dévore enfin. N'importe, on s'y précipite. On s'y ajoute. On augmente cette clarté du rayonnement de son propre sacrifice; brûler, c'est briller; quiconque souffre pour la vérité la démontre.


Par: Victor Hugo

Ajoutée par Savinien le 18/08/2011

 

Parfois, malgré la défense, je m'aventurais jusqu'au hallier farouche du fond du jardin; rien n'y remuait que le vent, rien n'y parlait que les nids, rien n'y vivait que les arbres; et je considérais à travers les branches la vieille chapelle dont les vitres défoncées laissaient voir la muraille intérieure bizarrement incrustée de coquillages marins. Les oiseaux entraient et sortaient par les fenêtres. Ils étaient là chez eux. Dieu et les oiseaux, cela va ensemble.


Par: Victor Hugo

Ajoutée par Savinien le 18/08/2011

 

Il y a une heure du jour qu'on pourrait appeler l'absence de bruit, c'est l'heure sereine, l'heure du soir.


Par: Victor Hugo

Ajoutée par Savinien le 17/08/2011

 

La mort, cela ne me regarde point. Qui fait son premier pas use peut-être ses derniers souliers.


Par: Victor Hugo

Ajoutée par Savinien le 17/08/2011

 

Les privilégiés n'ont pas d'oreille du côté des déshérités. Est-ce la faute des privilégiés? Non, c'est leur loi, hélas! Pardonnez-leur. S'émouvoir, ce serait abdiquer. Où sont les seigneurs et les princes, il ne faut rien attendre. Le satisfait, c'est l'inexorable. Pour l'assouvi, l'affamé n'existe point. Les heureux ignorent, et s'isolent. Au seuil de leur paradis, comme au seuil de l'enfer, il faut écrire: « Laissez toute espérance. »


Par: Victor Hugo

Ajoutée par Savinien le 07/08/2011

 

Tout homme peut avoir dans sa destinée une fin du monde pour lui seul. Cela s'appelle le désespoir. L'âme est pleine d'étoiles tombantes.


Par: Victor Hugo

Ajoutée par Savinien le 07/08/2011

 

On est en pleine tourmente, on se débat dans les invisibles convulsions de l'âme, on ne sait plus si l'on est mort ou vivant, et l'on a pour ceux qu'on aime toutes sortes de délicatesses; c'est à cela que se reconnaissent les vrais coeurs. Dans l'engloutissement de tout, la tendresse surnage.


Par: Victor Hugo

Ajoutée par Savinien le 07/08/2011

 

Les désillusions se détendent comme l'arc, avec une force sinistre, et jettent l'homme, cette flèche, vers le vrai.


Par: Victor Hugo

Ajoutée par Savinien le 07/08/2011

 

Etre comique au dehors, et tragique au dedans, pas de souffrance plus humiliante, pas de colère plus profonde.


Par: Victor Hugo

Ajoutée par Savinien le 07/08/2011

 

Baissez les yeux. Regardez à vos pieds. O grands, il y a des petits! Ayez pitié. Oui! Pitié de vous! Car les multitudes agonisent, et le bas en mourant fait mourir le haut. La mort est une cessation qui n'excepte aucun membre. Quand la nuit vient, personne ne garde son coin de jour. Etes-vous égoïstes? Sauvez les autres. La perdition du navire n'est indifférente à aucun passager. Il n'y a pas de naufrage de ceux-ci sans qu'il y ait engloutissement de ceux-là. Oh! Sachez-le, l'abîme est pour tous.


Par: Victor Hugo

Ajoutée par Savinien le 07/08/2011

 

Il y a dans les crises un instant de porte-à-faux. Quand nous débordons sur le mal plus que nous ne nous appuyons sur le bien, cette quantité de nous-même qui est en suspens sur la faute finit par l'emporter et nous précipite.


Par: Victor Hugo

Ajoutée par Savinien le 30/07/2011

 

La fluctuation humaine est infinie. Un homme peut être désemparé comme un navire. L'ancre, c'est la conscience. Chose lugubre, la conscience peut casser.


Par: Victor Hugo

Ajoutée par Savinien le 30/07/2011

 

Il se taisait. C'est l'instinct des grandes stupeurs qui sont sur la défensive plus qu'on ne croit. Qui ne dit rien fait face à tout. Un mot qui vous échappe, saisi par l'engrenage inconnu, peut vous tirer tout entier sous on ne sait quelles roues.


Par: Victor Hugo

Ajoutée par Savinien le 30/07/2011

 

Dans une destinée, quand l'inattendu commence, préparez-vous à ceci: coup sur coup. Cette farouche porte une fois ouverte, les surprises s'y précipitent. La brèche faite à votre mur, le pêle-mêle des événements s'y engouffre. L'extraordinaire ne vient pas pour une fois. L'extraordinaire, c'est une obscurité.


Par: Victor Hugo

Ajoutée par Savinien le 30/07/2011

 

On ne prend pas tout de suite pied dans l'inconnu. Il y a des déroutes d'idées comme il y a des déroutes d'armées; le ralliement ne se fait point immédiatement. On se sent en quelque sorte épars. On assiste à une bizarre dissipation de soi-même. Dieu est le bras, le hasard est la fronde, l'homme est le caillou. Résistez donc, une fois lancé.


Par: Victor Hugo

Ajoutée par Savinien le 30/07/2011

 

Ah! Vous êtes heureux! Alors, tâchez qu'on ne vous voie pas. Tenez le moins de place possible. Ca doit se fourrer dans des trous, le bonheur. Faites-vous encore plus petits que vous n'êtes, si vous pouvez. Dieu mesure la grandeur du bonheur à la petitesse des heureux. Les gens contents doivent se cacher comme des malfaiteurs.


Par: Victor Hugo

Ajoutée par Savinien le 25/07/2011

 

Deux coeurs qui s'aiment, n'allez pas chercher plus loin la poésie; et deux baisers qui dialoguent, n'allez pas chercher plus loin la musique.


Par: Victor Hugo

Ajoutée par Savinien le 25/07/2011

 

Il y a une certaine fumée du mal qui précède la faute, et qui n'est pas respirable à la conscience. L'honnêteté tentée a la nausée obscure de l'enfer. Ce qui s'entrouvre dégage une exhalaison qui avertit les forts et étourdit les faibles.


Par: Victor Hugo

Ajoutée par Savinien le 25/07/2011

 

Il est des moments dans la vie où ce qui vous arrive ne vous arrive pas; la stupeur vous maintient quelque temps à une certaine distance du fait.


Par: Victor Hugo

Ajoutée par Savinien le 25/07/2011

 

Pourquoi dit-on un amoureux? On devrait dire un possédé. Être possédé du diable, c'est l'exception; être possédé de la femme, c'est la règle. Tout homme subit cette aliénation de soi-même. Quelle sorcière qu'une jolie femme! Le vrai nom de l'amour, c'est captivité.


Par: Victor Hugo

Ajoutée par Savinien le 21/07/2011

 

En amour, rien n'est tel qu'une habitude. Toute la vie s'y concentre. La réapparition de l'astre est une habitude de l'univers. La création n'est pas autre chose qu'une amoureuse, et le soleil est un amant. La lumière est une cariatide éblouissante qui porte le monde. Tous les jours, pendant une minute sublime, la terre couverte de nuit s'appuie sur le soleil levant.


Par: Victor Hugo

Ajoutée par Savinien le 21/07/2011

 

La destinée a de ces sérénités subites. La splendide félicité de Gwynplaine et de Dea était, pour l'instant, absolument sans ombre. Elle était peu à peu montée jusqu'à ce point où rien ne peut plus croître. Il y a un mot qui exprime ces situations là: l'apogée. Le bonheur, comme la mer, arrive à faire son plein. Ce qui est inquiétant pour les parfaitement heureux, c'est que la mer redescend.


Par: Victor Hugo

Ajoutée par Savinien le 21/07/2011

 

Ursus, qui avait vécu, savait quelles cuissons donnent les curiosités téméraires. La curiosité doit toujours être proportionnée au curieux. A écouter, on risque l'oreille; guetter, on risque l'oeil. Ne rien entendre et ne rien voir est prudent.


Par: Victor Hugo

Ajoutée par Savinien le 21/07/2011

 

Il est presque impossible d'exprimer dans leurs limites exactes les évolutions abstruses qui se font dans le cerveau. L'inconvénient des mots, c'est d'avoir plus de contour que les idées. Toutes les idées se mêlent par les bords; les mots, non. Un certain côté diffus de l'âme leur échappe toujours. L'expression a des frontières, la pensée n'en a pas.


Par: Victor Hugo

Ajoutée par Savinien le 21/07/2011

 

Le moindre attouchement de la logique dissout tous les mauvais raisonnements.


Par: Victor Hugo

Ajoutée par Savinien le 14/07/2011

 

Il a toujours appartenu à ceux qui sont vraiment forts et vraiment grands d'avoir souci du faible et du petit.


Par: Victor Hugo

Ajoutée par Savinien le 14/07/2011

 

En temps de révolution, prenez garde à la première tête qui tombe.
Elle met le peuple en appétit.


Par: Victor Hugo

Ajoutée par Savinien le 14/07/2011

 

Un alliage d'égoïsme altère et dénature les plus belles combinaisons sociales. C'est la veine noire dans le marbre blanc ; elle circule partout, et apparaît à tout moment à l'improviste sous le ciseau. Votre statue est à refaire.


Par: Victor Hugo

Ajoutée par Savinien le 14/07/2011

 

Nous sommes tous des aveugles. L'avare est un aveugle; il voit l'or et ne voit pas la richesse. Le prodigue est un aveugle; il voit le commencement et ne voit pas la fin. La coquette est une aveugle; elle ne voit pas ses rides. Le savant est un aveugle; il ne voit pas son ignorance. L'honnête homme est un aveugle; il ne voit pas le coquin. Le coquin est un aveugle; il ne voit pas Dieu. Dieu est un aveugle; le jour où il a créé le monde, il n'a pas vu que le diable se fourrait dedans.


Par: Victor Hugo

Ajoutée par Savinien le 13/07/2011

 

C'est de l'enfer des pauvres qu'est fait le paradis des riches.


Par: Victor Hugo

Ajoutée par Savinien le 13/07/2011

 

Ursus avait fait spécialement pour Gwynplaine un interlude, dont il était content. C'était son oeuvre capitale. Il s'y était mis tout entier.
Donner sa somme dans son produit, c'est le triomphe de quiconque crée. La crapaude qui fait un crapaud fait un chef-d'oeuvre. Vous en doutez? Essayez d'en faire autant.


Par: Victor Hugo

Ajoutée par Savinien le 13/07/2011

 

Haïr indistinctement est doux et suffit quelque temps; mais il faut finir par avoir un objet. Une animosité diffuse sur la création épuise, comme toute jouissance solitaire. La haine sans objet ressemble au tir sans cible. Ce qui intéresse le jeu, c'est un coeur à percer.


Par: Victor Hugo

Ajoutée par Savinien le 13/07/2011

 

L'esprit, comme la nature, a horreur du vide. Dans le vide, la nature met l'amour; l'esprit, souvent, y met la haine. La haine occupe.


Par: Victor Hugo

Ajoutée par Savinien le 13/07/2011

 

Nous vivons entourés de glissements sinistres. Pourquoi les malfaisants? Question poignante. Le rêveur se la pose sans-cesse, et le penseur ne la résout jamais. De là l'oeil triste des philosophes toujours fixé sur cette montagne de ténèbres qui est la destinée, et du haut de laquelle le colossal spectre du mal laisse tomber des poignées de serpents sur la terre.


Par: Victor Hugo

Ajoutée par Savinien le 12/07/2011

 

Sa grande affaire était de haïr le genre humain. Il était implacable dans cette haine. Ayant tiré à clair ceci que la vie humaine est une chose affreuse, ayant remarqué la superposition des fléaux, les rois sur le peuple, la guerre sur les rois, la peste sur la guerre, la famine sur la peste, la bêtise sur le tout, ayant constaté une certaine quantité de châtiment dans le seul fait d'exister, ayant reconnu que la mort est une délivrance, quand on lui amenait un malade, il le guérissait. « Te voilà sur tes pattes. Puisses-tu marcher longtemps dans la vallée de larmes! »
Quand il voyait un pauvre mourant de faim, il lui donnait tous les liards qu'il avait sur lui en grommelant: « Vis, misérable! Dure longtemps! Ce n'est pas moi qui abrégerai ton bagne. » Après quoi, il se frottait les mains, et disait: « Je fais aux hommes tout le mal que je peux. »


Par: Victor Hugo

Ajoutée par Savinien le 12/07/2011

 

Il ne souriait pas, nous l'avons dit, mais il riait; parfois, fréquemment même, d'un rire amer. Il y a du consentement dans le sourire, tandis que le rire est souvent un refus.


Par: Victor Hugo

Ajoutée par Savinien le 12/07/2011

 

On est d'autant plus seul qu'on est errant. De là son déplacement perpétuel. Rester quelque part lui semblait de l'apprivoisement. Il passait sa vie à passer son chemin. La vue des villes redoublait en lui le goût des broussailles, des halliers, des épines, et des trous dans les rochers. Son chez-lui était la forêt. Il ne se sentait pas très dépaysé dans le murmure des places publiques assez pareil au brouhaha des arbres. La foule satisfait dans une certaine mesure le goût qu'on a du désert.


Par: Victor Hugo

Ajoutée par Savinien le 12/07/2011

 

Ursus n'était d'aucune bande. Ursus vivait avec Ursus; tête-à-tête de lui-même avec lui-même dans lequel un loup fourrait gentiment son museau. L'ambition d'Ursus eût été d'être caraïbe; ne le pouvant, il était celui qui est seul. Le solitaire est un diminutif du sauvage, accepté par la civilisation.


Par: Victor Hugo

Ajoutée par Savinien le 12/07/2011

 

Ursus était remarquable dans le soliloque. D'une complexion farouche et bavarde, ayant le désir de ne voir personne et le besoin de parler à quelqu'un, il se tirait d'affaire en se parlant à lui-même. Quiconque a vécu solitaire sait à quel point le monologue est dans la nature. La parole intérieure démange. Haranguer l'espace est un exutoire. Parler tout haut et tout seul, cela fait l'effet d'un dialogue avec le dieu qu'on a en soi.


Par: Victor Hugo

Ajoutée par Savinien le 12/07/2011

 

Le coeur humain ne peut contenir qu'une certaine quantité de désespoir. Quand l'éponge est imbibée, la mer peut passer dessus sans y faire entrer une larme de plus.


Par: Victor Hugo

Ajoutée par Savinien le 11/06/2011

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L'amour est comme un arbre, il pousse de lui-même, jette profondément ses racines dans tout notre être, et continue souvent de verdoyer dans un coeur en ruines.


Par: Victor Hugo

Ajoutée par Savinien le 11/06/2011

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L'excès de la douleur, comme l'excès de la joie, est une chose violente qui dure peu. Le coeur de l'homme ne peut rester longtemps dans une extrémité.


Par: Victor Hugo

Ajoutée par Savinien le 11/06/2011

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Nous sommes tous les deux voisins du ciel, Madame,
Puisque vous êtes belle, et puisque je suis vieux.


Par: Victor Hugo

Ajoutée par Savinien le 21/05/2011

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Ultima Verba


J'accepte l'âpre exil, n'eût-il ni fin ni terme,
Sans chercher à savoir et sans considérer
Si quelqu'un a plié qu'on aurait cru plus ferme,
Et si plusieurs s'en vont qui devraient demeurer.
Si l'on n'est plus que mille, eh bien, j'en suis! Si même
Ils ne sont plus que cent, je brave encore Sylla;
S'il en demeure dix, je serai le dixième;
Et s'il n'en reste qu'un, je serai celui-la!


Par: Victor Hugo

 

Ajoutée par Savinien le 21/05/2011

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Depuis six mille ans la guerre...


Depuis six mille ans la guerre
Plait aux peuples querelleurs,
Et Dieu perd son temps à faire
Les étoiles et les fleurs.


Par: Victor Hugo

Ajoutée par Savinien le 16/05/2011

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Beaucoup d'hommes ont un monstre secret, un mal qu'ils nourrissent, un dragon qui les ronge, un désespoir qui habite leur nuit. Tel homme ressemble aux autres, va, vient. On ne sait pas qu'il a en lui une effroyable douleur parasite aux mille dents, laquelle vit dans ce misérable, qui en meurt. On ne sait pas que cet homme est un gouffre. Il est stagnant, mais profond. De temps en temps un trouble auquel on ne comprend rien se fait à sa surface. Une ride mystérieuse se plisse, puis s'évanouit, puis reparaît; une bulle d'air monte et crève. C'est peu de chose, c'est terrible. C'est la respiration de la bête inconnue.


Par: Victor Hugo

Ajoutée par Savinien le 26/04/2011

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Aimer ou avoir aimé, cela suffit. Ne demandez rien ensuite. On n'a pas d'autre perle à trouver dans les plis ténébreux de la vie. Aimer est un accomplissement.


Par: Victor Hugo

Ajoutée par Savinien le 11/04/2011

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L'amour, c'est la bêtise des hommes et l'esprit de Dieu.


Par: Victor Hugo

Ajoutée par Savinien le 11/04/2011

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Il était content, joyeux, ravi, charmant, jeune. Ses cheveux blancs ajoutaient une majesté douce à la lumière gaie qu'il avait sur le visage. Quand la grâce se mêle aux rides, elle est adorable. Il y a on ne sait quelle aurore dans la vieillesse épanouie.


Par: Victor Hugo

Ajoutée par Savinien le 11/04/2011

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Le tas d'ordure a cela pour lui qu'il n'est pas menteur. La naïveté s'est réfugiée là. [...] Cette sincérité de l'immondice nous plaît, et repose l'âme. Quand on a passé son temps à subir sur la terre le spectacle des grands airs que prennent la raison d'état, le serment, la sagesse politique, la justice humaine, les probités professionnelles, les austérités de situation, les robes incorruptibles, cela soulage d'entrer dans un égout et de voir de la fange qui en convient.


Par: Victor Hugo

Ajoutée par Savinien le 05/04/2011

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Le livre que le lecteur a sous les yeux en ce moment, c'est, d'un bout à l'autre, dans son ensemble et dans ses détails, quelles que soient les intermittences, les exceptions ou les défaillances, la marche du mal au bien, de l'injuste au juste, du faux au vrai, de la nuit au jour, de l'appétit à la conscience, de la pourriture à la vie, de la bestialité au devoir, de l'enfer au ciel, du néant à Dieu. Point de départ: la matière; point d'arrivée: l'âme. L'hydre au commencement, l'ange à la fin.


Par: Victor Hugo

Ajoutée par Savinien le 04/04/2011

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L'abondance de la clarté avait on ne sait quoi de rassurant. Vie, sève, chaleur, effluves, débordaient; on sentait sous la création l'énormité de la source; dans tous ces souffles pénétrés d'amour, dans ce va-et-vient de réverbérations et de reflets, dans cette prodigieuse dépense de rayons, dans ce versement indéfini d'or fluide, on sentait la prodigalité de l'inépuisable; et, derrière cette splendeur comme derrière un rideau de flamme, on entrevoyait Dieu, ce millionnaire d'étoiles.


Par: Victor Hugo

Ajoutée par Savinien le 04/04/2011

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Rien n'est admirable comme une verdure débarbouillée par la pluie et essuyée par le rayon; c'est de la fraîcheur chaude. Les jardins et les prairies, ayant de l'eau dans leurs racines et du soleil dans leurs fleurs, deviennent des cassolettes d'encens et fument de tous leurs parfums à la fois. Tout rit, chante et s'offre. On se sent doucement ivre. Le printemps est un paradis provisoire; le soleil aide à faire patienter l'homme.


Par: Victor Hugo

Ajoutée par Savinien le 04/04/2011

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On est laid à Nanterre,
C'est la faute à Voltaire,
Et bête à Palaiseau,
C'est la faute à Rousseau.

Je ne suis pas notaire,
C'est la faute à Voltaire;
Je suis petit oiseau,
C'est la faute à Rousseau.

Joie est mon caractère,
C'est la faute à Voltaire;
Misère est mon trousseau,
C'est la faute à Rousseau.

Je suis tombé par terre,
C'est la faute à Voltaire,
Le nez dans le ruisseau,
C'est la faute à...


Par: Victor Hugo

Ajoutée par Savinien le 04/04/2011

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Nous autres, nous avons tous plus ou moins des maîtresses qui nous rendent fous, c'est à dire braves. Quand on est amoureux comme un tigre, c'est bien le moins qu'on se batte comme un lion. C'est une façon de nous venger des traits que nous font mesdames nos grisettes. Roland se fait tuer pour faire bisquer Angélique; tous nos héroïsmes viennent de nos femmes. Un homme sans femme, c'est un pistolet sans chien; c'est la femme qui fait partir l'homme.


Par: Victor Hugo

Ajoutée par Savinien le 04/04/2011

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Tout le monde a remarqué avec quelle adresse une monnaie qu'on laisse tomber à terre court se cacher, et quel art elle a de se rendre introuvable. Il y a des pensées qui nous jouent le même tour; elles se blottissent dans un coin de notre cerveau; c'est fini; elles sont perdues; impossible de remettre la mémoire dessus.


Par: Victor Hugo

Ajoutée par Savinien le 27/03/2011

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Dans les émotions violentes, on ne lit pas, on terrasse pour ainsi dire le papier qu'on tient, on l'étreint comme une victime, on le froisse, on enfonce dedans les ongles de sa colère ou de son allégresse; on court à la fin, on saute au commencement; l'attention a la fièvre; elle comprend en gros, à peu près, l'essentiel; elle saisit un point, et tout le reste disparaît.


Par: Victor Hugo

Ajoutée par Savinien le 27/03/2011

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Les grandes douleurs contiennent de l'accablement. Elles découragent d'être. L'homme chez lequel elles entrent sent quelque chose se retirer de lui. Dans la jeunesse, leur visite est lugubre; plus tard, elle est sinistre.


Par: Victor Hugo

Ajoutée par Savinien le 27/03/2011

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Marius avait trop peu vécu encore pour savoir que rien n'est plus imminent que l'impossible, et que ce qu'il faut toujours prévoir, c'est l'imprévu.


Par: Victor Hugo

Ajoutée par Savinien le 27/03/2011

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Il y a une dilatation de pensée propre au voisinage de la tombe; être près de la mort, cela fait voir vrai.


Par: Victor Hugo

Ajoutée par Savinien le 27/03/2011

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Tous se hâtaient; et, tout en s'entr'aidant, on causait des chances possibles, - qu'on aurait des secours vers trois heures du matin, - qu'on était sûr d'un régiment, - que Paris se soulèverait. Propos terribles auxquels se mêlait une sorte de jovialité cordiale. On eût dit des frères, ils ne savaient pas les noms les uns des autres.
Les grands périls ont cela de beau qu'ils mettent en lumière la fraternité des inconnus.


Par: Victor Hugo

Ajoutée par Savinien le 25/03/2011

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J'ai rencontré une jolie fille que je connais, belle comme le printemps, digne de s'appeler Floréal, et ravie, transportée, heureuse, aux anges, la misérable, parce que hier un épouvantable banquier tigré de petite vérole a daigné vouloir d'elle!
[...]
J'ai rencontré cette victime ce matin, toute joyeuse. Ce qui est hideux, c'est que la drôlesse était tout aussi jolie aujourd'hui qu'hier. Son financier ne paraissait pas sur sa figure.
Les roses ont ceci de plus ou de moins que les femmes, que les traces que leur laissent les chenilles sont visibles.


Par: Victor Hugo

Ajoutée par Savinien le 25/03/2011

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- Ah çà, Laigle des oraisons funèbres, ton habit est vieux.
- Je l'espère, repartit Laigle. Cela fait que nous faisons bon ménage, mon habit et moi. Il a pris tous mes plis, il ne me gêne en rien, il s'est moulé sur mes difformités, il est complaisant à tous mes mouvements; je ne le sens que parce qu'il me tient chaud. Les vieux habits, c'est la même chose que les vieux amis.


Par: Victor Hugo

Ajoutée par Savinien le 25/03/2011

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Elle étonne à dix pas, elle épouvante à deux,
Une verrue habite en son nez hasardeux;
On tremble à chaque instant qu'elle ne vous la mouche
Et qu'un beau jour son nez ne tombe dans sa bouche.


Par: Victor Hugo

Ajoutée par Savinien le 25/03/2011

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Que ceux qui ne veulent pas de l'avenir y réfléchissent. En disant non au progrès, ce n'est point l'avenir qu'ils condamnent, c'est eux-mêmes. Ils se donnent une maladie sombre; ils s'inoculent le passé. Il n'y a qu'une manière de refuser demain, c'est de mourir.


Par: Victor Hugo

Ajoutée par Savinien le 13/03/2011

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Savoir est un viatique, penser est de première nécessité, la vérité est nourriture comme le froment. Une raison, à jeun de science et de sagesse, maigrit. Plaignons, à l'égal des estomacs, les esprits qui ne mangent pas. S'il y a quelque chose de plus poignant qu'un corps agonisant faute de pain, c'est une âme qui meurt de la faim de la lumière.


Par: Victor Hugo

Ajoutée par Savinien le 12/03/2011

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La vraie division humaine est celle-ci: les lumineux et les ténébreux. Diminuer le nombre des ténébreux, augmenter le nombre des lumineux, voilà le but. C'est pourquoi nous crions: enseignement! Science! Apprendre à lire, c'est allumer du feu; toute syllabe épelée étincelle.


Par: Victor Hugo

Ajoutée par Savinien le 12/03/2011

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Etes-vous ce qu'on appelle un heureux? Eh bien! Vous êtes triste tous les jours. Chaque jour a son grand chagrin ou son petit souci. Hier, vous trembliez pour une santé qui vous est chère, aujourd'hui vous craignez pour la vôtre; demain ce sera une inquiétude d'argent, après-demain la diatribe d'un calomniateur, l'autre après-demain le malheur d'un ami; puis le temps qu'il fait, puis quelque chose de cassé ou de perdu, puis un plaisir que la conscience et la colonne vertébrale vous reprochent; une autre fois, la marche des affaires publiques. Sans compter les peines de coeur. Et ainsi de suite. Un nuage se dissipe, un autre se reforme. A peine un jour sur cent de pleine joie et de plein soleil. Et vous êtes de ce petit nombre qui a le bonheur! Quant aux autres hommes, la nuit stagnante est sur eux.


Par: Victor Hugo

Ajoutée par Savinien le 12/03/2011

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C'était le mois de mars, les jours allongeaient, l'hiver s'en allait, l'hiver emporte toujours avec lui quelque chose de nos tristesses.


Par: Victor Hugo

Ajoutée par Savinien le 12/03/2011

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Le premier symptôme de l'amour vrai chez un jeune homme, c'est la timidité; chez une jeune fille, c'est la hardiesse. Ceci étonne, et rien n'est plus simple pourtant. Ce sont les deux sexes qui tendent à se rapprocher et qui prennent les qualités l'un de l'autre.


Par: Victor Hugo

Ajoutée par Savinien le 12/03/2011

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Se sachant belle, elle sentait bien, quoique d'une façon indistincte, qu'elle avait une arme. Les femmes jouent avec leur beauté comme les enfants avec leur couteau. Elles s'y blessent.


Par: Victor Hugo

Ajoutée par Savinien le 08/03/2011

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On a tant abusé du regard dans les romans d'amour qu'on a fini par le déconsidérer. C'est à peine si l'on ose dire maintenant que deux êtres se sont aimés parce qu'ils se sont regardés. C'est pourtant comme cela qu'on s'aime et uniquement comme cela. Le reste n'est que le reste, et vient après. Rien n'est plus réel que ces grandes secousses que deux âmes se donnent en échangeant cette étincelle.


Par: Victor Hugo

Ajoutée par Savinien le 08/03/2011

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Acte V, Scène 5


Oh! Par pitié, demain!
Oh! S'il te reste un coeur, duc, ou du moins une âme,
Si tu n'es pas un spectre échappé de la flamme,
Un mort damné, fantôme ou démon désormais,
Si Dieu n'a point encore mis sur ton front: jamais!
Si tu sais ce que c'est que ce bonheur suprême
D'aimer, d'avoir vingt ans, d'épouser quand on aime,
Si jamais femme aimée a tremblé dans tes bras,
Attends jusqu'à demain! Demain tu reviendras!


Par: Victor Hugo

Extrait de: Hernani (1830)

Ajoutée par Savinien le 08/03/2011

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Acte V, Scène 3


Tu dis vrai. Le bonheur, amie, est chose grave.
Il veut des coeurs de bronze et lentement s'y grave.
Le plaisir l'effarouche en lui jetant des fleurs.
Son sourire est moins près du rire que des pleurs.


Par: Victor Hugo

Extrait de: Hernani (1830)

Ajoutée par Savinien le 08/03/2011

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Acte IV, Scène 4


Mais tu l'as, le plus doux et le plus beau collier,
Celui que je n'ai pas, qui manque au rang suprême,
Les deux bras d'une femme aimée et qui vous aime!
Ah! Tu vas être heureux: moi, je suis empereur.


Par: Victor Hugo

Extrait de: Hernani (1830)

Ajoutée par Savinien le 08/03/2011

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Acte IV, Scène 4


Celui dont le flanc saigne a meilleure mémoire.
L'affront que l'offenseur oublie en insensé
Vit et toujours remue au coeur de l'offensé.


Par: Victor Hugo

Extrait de: Hernani (1830)

Ajoutée par Savinien le 07/03/2011

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Acte IV, Scène 4


Je prétends qu'on me compte!
Puisqu'il s'agit de hache ici, que Hernani,
Pâtre obscur, sous tes pieds passerait impuni,
Puisque son front n'est plus au niveau de ton glaive,
Puisqu'il faut être grand pour mourir, je me lève.


Par: Victor Hugo

Extrait de: Hernani (1830)

Ajoutée par Savinien le 07/03/2011

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Acte IV, Scène 4


Le bleu manteau des rois pouvait gêner vos pas.
La pourpre vous va mieux. Le sang n'y paraît pas.


Par: Victor Hugo

Extrait de: Hernani (1830)

Ajoutée par Savinien le 07/03/2011

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Acte IV, Scène 1


C'est ici que la ligue s'assemble!
Que je vais dans ma main les tenir tous ensemble!
Ah! Monsieur l'électeur de Trèves, c'est ici!
Vous leur prêtez ce lieu! Certes, il est bien choisi!
Un noir complot prospère à l'air des catacombes.
Il est bon d'aiguiser les stylets sur des tombes.
Pourtant c'est jouer gros. La tête est de l'enjeu,
Messieurs les assassins! Et nous verrons. - Pardieu!
Ils font bien de choisir pour une telle affaire
Un sépulcre. - Ils auront moins de chemin à faire.


Par: Victor Hugo

Extrait de: Hernani (1830)

Ajoutée par Savinien le 07/03/2011

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Acte III, Scène 5


Qui dira que nos sorts suivent la même loi?
Non. Dieu qui fait tout bien ne te fit pas pour moi.
Je n'ai nul droit d'en haut sur toi, je me résigne.
J'ai ton coeur, c'est un vol! Je le rends au plus digne.
Jamais à nos amours le ciel n'a consenti.
Si j'ai dit que c'était ton destin, j'ai menti.
D'ailleurs, vengeance, amour, adieu! Mon jour s'achève.
Je m'en vais, inutile, avec mon double rêve,
Honteux de n'avoir pu ni punir ni charmer,
Qu'on m'ait fait pour haïr, moi qui n'ait su qu'aimer!
Pardonne-moi! Fuis-moi! Ce sont mes deux prières;
Ne les rejette pas, car ce sont les dernières.
Tu vis et je suis mort. Je ne vois pas pourquoi
Tu te ferais murer dans ma tombe avec moi.


Par: Victor Hugo

Extrait de: Hernani (1830)

Ajoutée par Savinien le 07/03/2011

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Acte III, Scène 4


Non, je dois t'être odieux! Mais, écoute,
Dis moi: je t'aime! Hélas! Rassure un coeur qui doute,
Dis-le moi! Car souvent avec ce peu de mots
La bouche d'une femme a guéri bien des maux.


Par: Victor Hugo

Extrait de: Hernani (1830)

Ajoutée par Savinien le 04/03/2011

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Acte III, Scène 1


Mais va, crois-moi, ces cavaliers frivoles
N'ont pas d'amour si grand qu'il ne s'use en paroles.
Qu'une fille aime et croie un de ces jouvenceaux,
Elle en meurt, il en rit. Tous ces jeunes oiseaux,
A l'aile vive et peinte, au langoureux ramage,
Ont un amour qui mue ainsi que leur plumage.
Les vieux, dont l'âge éteint la voix et les couleurs,
Ont l'aile plus fidèle, et, moins beaux, sont meilleurs.
Nous aimons bien. Nos pas sont lourds? Nos yeux arides?
Nos fronts ridés? Au coeur on n'a jamais de rides.
Hélas! Quand un vieillard aime, il faut l'épargner.
Le coeur est toujours jeune et peut toujours saigner.


Par: Victor Hugo

Extrait de: Hernani (1830)

Ajoutée par Savinien le 04/03/2011

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Acte II, Scène 4


Soyons heureux! Buvons, car la coupe est remplie,
Car cette heure est à nous, et le reste est folie.
Parle-moi, ravis-moi. N'est-ce pas qu'il est doux
D'aimer et de savoir qu'on vous aime à genoux?
D'être deux? D'être seuls? Et que c'est douce chose
De se parler d'amour la nuit quand tout repose?


Par: Victor Hugo

Extrait de: Hernani (1830)

Ajoutée par Savinien le 04/03/2011

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Acte II, Scène 4


Loué soit le sort doux et propice
Qui me mit cette fleur au bord du précipice!
Et ce n'est pas pour vous que je parle en ce lieu,
Je parle pour le ciel qui m'écoute, et pour Dieu.
[...]
Ah! Ce serait un crime
Que d'arracher la fleur en tombant dans l'abîme.
Va, j'en ai respiré le parfum, c'est assez!
Renoue à d'autres jours tes jours par moi froissés.
Epouse ce vieillard. C'est moi qui te délie.
Je rentre dans ma nuit. Toi, soit heureuse, oublie!


Par: Victor Hugo

Extrait de: Hernani (1830)

Ajoutée par Savinien le 04/03/2011

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Acte II, Scène 4


Ensemble! Non, non. L'heure en est passée. Hélas!
Doña Sol, à mes yeux quand tu te révélas
Bonne, et daignant m'aimer d'un amour secourable,
J'ai bien pu vous offrir, moi, pauvre misérable,
Ma montagne, mon bois, mon torrent, - ta pitié
M'enhardissait. - mon pain de proscrit, la moitié
Du lit vert et touffu que la forêt me donne;
Mais t'offrir la moitié de l'échafaud! Pardonne,
Doña Sol! L'échafaud, c'est à moi seul!


Par: Victor Hugo

Extrait de: Hernani (1830)

Ajoutée par Savinien le 04/03/2011

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Acte II, Scène 2


J'aime mieux avec lui, mon Hernani, mon roi,
Vivre errante, en dehors du monde et de la loi,
Ayant faim, ayant soif, fuyant toute l'année,
Partageant jour à jour sa pauvre destinée,
Abandon, guerre, exil, deuil, misère et terreur,
Que d'être impératrice avec un empereur!


Par: Victor Hugo

Extrait de: Hernani (1830)

Ajoutée par Savinien le 03/03/2011

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Acte II, Scène 2


Non. Le bandit, c'est vous! N'avez-vous pas de honte?
Ah! Pour vous à la face une rougeur me monte.
Sont-ce là les exploits dont le roi fera bruit?
Venir ravir de force une femme la nuit!
Que mon bandit vaut mieux cent fois! Roi, je proclame
Que, si l'homme naissait où le place son âme
Si Dieu faisait le rang à la hauteur du coeur,
Certes, il serait le roi, prince, et vous le voleur!


Par: Victor Hugo

Extrait de: Hernani (1830)

Ajoutée par Savinien le 03/03/2011

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Acte I, Scène 4


Ce que je veux de toi, ce n'est point faveurs vaines,
C'est l'âme de ton corps, c'est le sang de tes veines,
C'est tout ce qu'un poignard, furieux et vainqueur,
En y fouillant longtemps peut prendre au fond d'un coeur.
Va devant! Je te suis. Ma vengeance qui veille
Avec moi toujours marche et me parle à l'oreille.
Va! Je suis là, j'épie et j'écoute, et sans bruit
Mon pas cherche ton pas et le presse et le suit.
Le jour tu ne pourras, ô roi, tourner la tête
Sans me voir immobile et sombre dans ta fête;
La nuit tu ne pourras tourner les yeux, ô roi,
Sans voir mes yeux ardents luire derrière toi!


Par: Victor Hugo

Extrait de: Hernani (1830)

Ajoutée par Savinien le 03/03/2011

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Acte I, Scène 2


Ah! Vous serez à lui, madame! Y pensez-vous?
O l'insensé vieillard, qui, la tête inclinée,
Pour achever sa route et finir sa journée,
A besoin d'une femme, et va, spectre glacé,
Prendre une jeune fille! O vieillard insensé!
Pendant que d'une main il s'attache à la vôtre,
Ne voit-il pas la mort qui l'épouse de l'autre?
Il vient dans nos amours se jeter sans frayeur!
Vieillard, va-t'en donner mesure au fossoyeur!


Par: Victor Hugo

Extrait de: Hernani (1830)

Ajoutée par Savinien le 03/03/2011

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Acte I, Scène 2


Que je suis heureux que le duc sorte!
Comme un larron qui tremble et qui force une porte,
Vite, j'entre, et vous vois, et dérobe au vieillard
Une heure de vos chants et de votre regard,
Et je suis bien heureux, et sans doute on m'envie
De lui voler une heure, et lui me prend ma vie!


Par: Victor Hugo

Extrait de: Hernani (1830)

Ajoutée par Savinien le 03/03/2011

Catégories:

Acte I, Scène 2


Doña Sol, mon amie!
Dites-moi, quand la nuit vous êtes endormie,
Calme, innocente et pure, et qu'un sommeil joyeux
Entr'ouvre votre bouche et du doigt clôt vos yeux,
Un ange vous dit-il combien vous êtes douce
Au malheureux que tout abandonne et repousse?


Par: Victor Hugo

Extrait de: Hernani (1830)

Ajoutée par Savinien le 02/03/2011

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Acte I, Scène 2


Doña Sol! Ah! C'est vous que je vois
Enfin! Et cette voix qui parle est votre voix!
Pourquoi le sort mit-il mes jours si loin des vôtres?
J'ai tant besoin de vous pour oublier les autres!


Par: Victor Hugo

Extrait de: Hernani (1830)

Ajoutée par Savinien le 02/03/2011

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Acte I, Scène 1


Suis-je chez Doña Sol? Fiancée au vieux duc
De Pastraña, son oncle, un bon seigneur, caduc,
Vénérable et jaloux? Dites? La belle adore
Un cavalier sans barbe et sans moustache encore,
Et reçoit tous les soirs, malgré les envieux,
Le jeune amant sans barbe à la barbe du vieux.


Par: Victor Hugo

Extrait de: Hernani (1830)

Ajoutée par Savinien le 02/03/2011

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La vérité et la liberté ont cela d'excellent que tout ce qu'on fait pour elles et tout ce qu'on fait contre elles les sert également.


Par: Victor Hugo

Extrait de: Hernani (1830)

Ajoutée par Savinien le 02/03/2011

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Le regard des femmes ressemble à de certains rouages tranquilles en apparence et formidables. On passe à côté tous les jours paisiblement et impunément et sans se douter de rien. Il vient un moment où l'on oublie même que cette chose est là. On va, on vient, on rêve, on parle, on rit. Tout à coup on se sent saisi! C'est fini. Le rouage vous tient, le regard vous a pris. Il vous a pris, n'importe par où ni comment, par une partie quelconque de votre pensée qui trainait, par une distraction que vous avez eue. Vous êtes perdu. Vous y passerez tout entier.
Un enchaînement de forces mystérieuses s'empare de vous. Vous vous débattez en vain. Plus de secours humain possible. Vous allez tomber d'engrenage en engrenage, d'angoisse en angoisse, de torture en torture, vous, votre esprit, votre fortune, votre avenir, votre âme; et, selon que vous serez au pouvoir d'une créature méchante ou d'un noble coeur, vous ne sortirez de cette effrayante machine que défiguré par la honte ou transfiguré par la passion.


Par: Victor Hugo

 

Ajoutée par Savinien le 26/02/2011

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Les villes, comme les forêts, ont leurs antres où se cachent tout ce qu'elles ont de plus méchant et de plus redoutable. Seulement, dans les villes, ce qui se cache ainsi est féroce, immonde et petit, c'est à dire laid; dans les forêts, ce qui se cache est féroce, sauvage et grand, c'est à dire beau. Repaires pour repaires, ceux des bêtes sont préférables à ceux des hommes. Les cavernes valent mieux que les bouges.


Par: Victor Hugo

Ajoutée par Savinien le 26/02/2011

Catégories:

L'unique péril social, c'est l'ombre. Humanité, c'est identité. Tous les hommes sont la même argile. Nulle différence, ici-bas du moins, dans la prédestination. Même ombre avant, même chair pendant, même cendre après. Mais l'ignorance mêlée à la pâte humaine la noircit. Cette incurable noirceur gagne le dedans de l'homme et y devient le mal.


Par: Victor Hugo

Ajoutée par Savinien le 26/02/2011

Catégories:

S'il était donné à nos yeux de chair de voir dans la conscience d'autrui, on jugerait bien plus sûrement un homme d'après ce qu'il rêve que d'après ce qu'il pense. Il y a de la volonté dans la pensée, il n'y en a pas dans le rêve. Nos chimères sont ce qui nous ressemble le mieux. Chacun rêve l'inconnu et l'impossible selon sa nature.


Par: Victor Hugo

Ajoutée par Savinien le 26/02/2011

Catégories:

Quand, après une journée de méditation, il s'en revenait le soir par les boulevards et qu'à travers les branches des arbres il apercevait l'espace sans fond, les lueurs sans nom, l'abîme, l'ombre, le mystère, tout ce qui n'est qu'humain lui semblait bien petit. Il croyait être et il était peut-être en effet arrivé au vrai de la vie et de la philosophie humaine, et il avait fini par ne plus guère regarder que le ciel, seule chose que la vérité puisse voir du fond de son puits.


Par: Victor Hugo

Ajoutée par Savinien le 24/02/2011

Catégories:

L'âme aide le corps, et à de certains moments le soulève. C'est le seul oiseau qui soutienne sa cage.


Par: Victor Hugo

Ajoutée par Savinien le 22/02/2011

Catégories:

Il avait tout subit en fait de dénuement; il avait tout fait, excepté des dettes. Il se rendait ce témoignage que jamais il n'avait dû un sou à personne. Pour lui, une dette, c'était le commencement de l'esclavage. Il se disait même qu'un créancier est pire qu'un maître; car un maître ne possède que votre personne, un créancier possède votre dignité et peut la souffleter.


Par: Victor Hugo

Ajoutée par Savinien le 22/02/2011

Catégories:

Il se fait beaucoup de grandes actions dans les petites luttes. Il y a des bravoures opiniâtres et ignorées qui se défendent pied à pied dans l'ombre contre l'envahissement fatal des nécessités et des turpitudes. Nobles et mystérieux triomphes qu'aucun regard ne voit, qu'aucune renommée ne paye, qu'aucune fanfare ne salue. La vie, le malheur, l'isolement, l'abandon, la pauvreté, sont des champs de bataille qui ont leurs héros; héros obscurs, plus grands parfois que les héros illustres.


Par: Victor Hugo

Ajoutée par Savinien le 22/02/2011

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Ce n'est pas que Combeferre ne fût capable de combattre, il ne refusait pas de prendre corps à corps l'obstacle et de l'attaquer de vive force et par explosion; mais mettre peu à peu, par l'enseignement des axiomes et la promulgation des lois positives, le genre humain d'accord avec ses destinées, cela lui plaisait mieux; et, entre deux clartés, sa pente était plutôt pour l'illumination que pour l'embrasement. Un incendie peut faire une aurore sans doute, mais pourquoi ne pas attendre le lever du jour? Un volcan éclaire, mais l'aube éclaire encore mieux.


Par: Victor Hugo

Ajoutée par Savinien le 22/02/2011

Catégories:

La dégustation d'un mystère, cela ressemble à la primeur d'un esclandre; les saintes âmes ne détestent point cela. Il y a dans les compartiments secrets de la bigoterie quelque curiosité pour le scandale.


Par: Victor Hugo

Ajoutée par Savinien le 22/02/2011

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A Théophile Gautier


Lorsqu'un vivant nous quitte, ému, je le contemple;
Car entrer dans la mort, c'est entrer dans le temple
Et quand un homme meurt, je vois distinctement
Dans son ascension mon propre avènement.
Ami, je sens du sort la sombre plénitude;
J'ai commencé la mort par de la solitude,
Je vois mon profond soir vaguement s'étoiler.
Voici l'heure où je vais, aussi moi, m'en aller.
Mon fil trop long frissonne et touche presque au glaive:
Le vent qui t'emporta doucement me soulève,
Et je vais suivre ceux qui m'aimaient, moi banni.
Leur oeil fixe m'attire au fond de l'infini.
J'y cours. Ne fermez pas la porte funéraire.


Par: Victor Hugo

 

Ajoutée par Savinien le 21/02/2011

Catégories:

A Théophile Gautier


Je te salue au seuil sévère du tombeau.
Va chercher le vrai, toi qui sus trouver le beau.
Monte l'âpre escalier. Du haut des sombres marches,
Du noir pont de l'abîme on entrevoit les arches;
Va! Meurs! La dernière heure est le dernier degré.
Pars, aigle, tu vas voir des gouffres à ton gré;
Tu vas voir l'absolu, le réel, le sublime.
Tu vas sentir le vent sinistre de la cime
Et l'éblouissement du prodige éternel.
Ton Olympe, tu vas le voir du haut du ciel;
Tu vas du haut du vrai voir l'humaine chimère,
Même celle de Job, même celle d'Homère,
Ame, et du haut de Dieu tu vas voir Jéhovah.
Monte, esprit! Grandis, plane, ouvre tes ailes, va!


Par: Victor Hugo

 

Ajoutée par Savinien le 21/02/2011

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Soleils couchants


Le soleil s'est couché ce soir dans les nuées.
Demain viendra l'orage, et le soir, et la nuit;
Puis l'aube, et ses clartés de vapeurs obstruées;
Puis les nuits, puis les jours, pas du temps qui s'enfuit!

Tous ces jours passeront; ils passeront en foule
Sur la face des mers, sur la face des monts,
Sur les fleuves d'argent, sur les forêts où roule
Comme un hymne confus des morts que nous aimons.

Et la face des eaux, et le front des montagnes,
Ridés et non vieillis, et les bois toujours verts
S'iront rajeunissant; le fleuve des campagnes
Prendra sans cesse aux monts le flot qu'il donne aux mers.

Mais moi, sous chaque jour courbant plus bas ma tête,
Je passe, et, refroidit sous ce soleil joyeux,
Je m'en irai bientôt, au milieu de la fête,
Sans que rien manque au monde, immense et radieux!


Par: Victor Hugo

 

Ajoutée par Savinien le 21/02/2011

Catégories:

Le rire, c'est le soleil; il chasse l'hiver du visage humain.


Par: Victor Hugo

Ajoutée par Savinien le 19/02/2011

Catégories:

La joie que nous inspirons a cela de charmant que, loin de s'affaiblir comme tout reflet, elle nous revient plus rayonnante.


Par: Victor Hugo

Ajoutée par Savinien le 19/02/2011

Catégories:

Superstitions, bigotismes, cagotismes, préjugés, ces larves, toutes larves qu'elles sont, sont tenaces à la vie, elles ont des dents et des ongles dans leur fumée, et il faut les étreindre corps à corps et leur faire la guerre, et la leur faire sans trêve; car c'est une des fatalités de l'humanité d'être condamnée à l'éternel combat des fantômes. L'ombre est difficile à prendre à la gorge et à terrasser.


Par: Victor Hugo

Ajoutée par Savinien le 19/02/2011

Catégories:

Etudions les choses qui ne sont plus. Il est nécessaire de les connaître, ne fût-ce que pour les éviter. Les contrefaçons du passé prennent de faux noms et s'appellent volontiers l'avenir. Ce revenant, le passé, est sujet à falsifier son passe-port. Mettons-nous au fait du piège. Défions-nous. Le passé a un visage, la superstition, et un masque, l'hypocrisie. Dénonçons le visage et arrachons le masque.


Par: Victor Hugo

Ajoutée par Savinien le 19/02/2011

Catégories:

Les fortes sottises sont souvent faites, comme les grosses cordes, d'une multitude de brins. Prenez le câble fil à fil, prenez séparément tous les petits motifs déterminants, vous les cassez l'un après l'autre et vous dites: ce n'est que cela! Tressez-les et tordez-les ensemble, c'est une énormité.


Par: Victor Hugo

Ajoutée par Savinien le 16/02/2011

Catégories:

Il y a dans ce monde deux êtres qui tressaillent profondément, la mère qui retrouve son enfant, et le tigre qui retrouve sa proie.


Par: Victor Hugo

Ajoutée par Savinien le 16/02/2011

Catégories:

Toutes les situations extrêmes ont leurs éclairs qui tantôt nous aveuglent, tantôt nous illuminent.


Par: Victor Hugo

Ajoutée par Savinien le 16/02/2011

Catégories:

L'obscurité est vertigineuse. Il faut à l'homme de la clarté. Quiconque s'enfonce dans le contraire du jour se sent le coeur serré. Quand l'oeil voit noir, l'esprit voit trouble. Dans l'éclipse, dans la nuit, dans l'opacité fuligineuse, il y a de l'anxiété, même pour les plus forts. Nul ne marche seul la nuit dans la forêt sans tremblement.


Par: Victor Hugo

Ajoutée par Savinien le 16/02/2011

Catégories:

Cette clarté, l'histoire, est impitoyable; elle a cela d'étrange et de divin que, toute lumière qu'elle est et précisément parce qu'elle est lumière, elle met souvent de l'ombre là où l'on voyait des rayons; du même homme elle fait deux fantômes différents, et l'un attaque l'autre, et en fait justice, et les ténèbres du despote luttent avec l'éblouissement du capitaine. De là une mesure plus vraie dans l'appréciation définitive des peuples. Babylone violée diminue Alexandre; Rome enchaînée diminue César; Jérusalem tuée diminue Titus. La tyrannie suit le tyran. C'est un malheur pour un homme de laisser derrière lui de la nuit qui a sa forme.


Par: Victor Hugo

Ajoutée par Savinien le 16/02/2011

Catégories:

Voir mille objets pour la première et dernière fois, quoi de plus mélancolique et de plus profond? Voyager, c'est naître et mourir à chaque instant.


Par: Victor Hugo

Ajoutée par Savinien le 15/02/2011

Catégories:

On n'empêche pas plus la pensée de revenir à une idée que la mer de revenir à un rivage. Pour le matelot, cela s'appelle la marée; pour le coupable, cela s'appelle le remords. Dieu soulève l'âme comme l'Océan.


Par: Victor Hugo

Ajoutée par Savinien le 15/02/2011

Catégories:

L'oeil de l'esprit ne peut trouver nulle part plus d'éblouissements ni plus de ténèbres que dans l'homme; il ne peut se fixer sur aucune chose qui soit plus redoutable, plus compliquée, plus mystérieuse et plus infinie. Il y a un spectacle plus grand que la mer, c'est le ciel; il y a un spectacle plus grand que le ciel, c'est l'intérieur de l'âme.


Par: Victor Hugo

Ajoutée par Savinien le 15/02/2011

Catégories:

Derrière vivre de peu, il y a vivre de rien. Ce sont deux chambres; la première est obscure, la seconde est noire.


Par: Victor Hugo

Ajoutée par Savinien le 15/02/2011

Catégories:

Certaines personnes sont méchantes, uniquement par le besoin de parler. Leur conversation, causerie dans le salon, bavardage dans l'antichambre, est comme ces cheminées qui usent vite le bois; il leur faut beaucoup de combustible; et le combustible, c'est le prochain.


Par: Victor Hugo

Ajoutée par Savinien le 15/02/2011

Catégories:

L'injustice l'avait faite hargneuse et la misère l'avait rendue laide. Il ne lui restait plus que ses beaux yeux qui faisaient peine, parce que, grands comme ils étaient, il semblait qu'on y vit une plus grande quantité de tristesse.


Par: Victor Hugo

Ajoutée par Savinien le 15/02/2011

Catégories:

On n'a qu'à regarder certains hommes pour s'en défier, car on les sent ténébreux à leurs deux extrémités. Ils sont inquiets derrière eux et menaçants devant eux. Il y a en eux de l'inconnu. On ne peut pas plus répondre de ce qu'ils ont fait de ce qu'ils feront.


Par: Victor Hugo

Ajoutée par Savinien le 13/02/2011

Catégories:

Il existe des âmes écrevisses reculant continuellement vers les ténèbres, rétrogradant dans la vie plutôt qu'elles n'y avancent, employant l'expérience à augmenter leur difformité, empirant sans cesse, et s'imprégnant de plus en plus d'une noirceur croissante.


Par: Victor Hugo

Ajoutée par Savinien le 13/02/2011

Catégories:

La souris prise était bien chétive; mais le chat se réjouit même d'une souris maigre.


Par: Victor Hugo

Ajoutée par Savinien le 13/02/2011

Catégories:

L'homme qui n'est pas aimé plane comme un vautour sur les amantes d'autrui.


Par: Victor Hugo

Ajoutée par Savinien le 13/02/2011

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Malheur à celui qui se livre au coeur changeant de la femme! La femme est perfide et tortueuse. Elle déteste le serpent par jalousie de métier. Le serpent, c'est la boutique en face.


Par: Victor Hugo

Ajoutée par Savinien le 13/02/2011

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Le sage est celui qui sait, à un moment donné, opérer sa propre arrestation.


Par: Victor Hugo

Ajoutée par Savinien le 12/02/2011

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La gloutonnerie châtie le glouton. Gula punit Gulax. L'indigestion est chargée par le bon Dieu de faire de la morale aux estomacs.


Par: Victor Hugo

Ajoutée par Savinien le 12/02/2011

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Acte V, Scène 3


Je dis que c'est assez de trahison ainsi,
Et que je ne veux pas de mon bonheur! - Merci!
- Ah! Vous avez eu beau me parler à l'oreille! -
Je dis qu'il est bien temps qu'enfin je me réveille,
Quoique tout garrotté dans vos complots hideux,
Et que je n'irai pas plus loin, et qu'à nous deux,
Monseigneur, nous faisons un assemblage infâme.
J'ai l'habit d'un laquais, et vous en avez l'âme!


Par: Victor Hugo

Extrait de: Ruy Blas (1838)

Ajoutée par Savinien le 12/02/2011

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Acte IV, Scène 5


Vous, vous m'amusez fort. Et vous m'avez tout l'air
D'un jaloux. Je vous plains énormément, mon cher.
Car le mal qui nous vient des vices qui sont nôtres
Est pire que le mal que nous font ceux des autres.
J'aimerais mieux encore, et je le dis à vous,
Etre pauvre qu'avare et cocu que jaloux.
Vous êtes l'un et l'autre au reste. Sur mon âme,
J'attends encore ce soir madame votre femme.


Par: Victor Hugo

Extrait de: Ruy Blas (1838)

Ajoutée par Savinien le 12/02/2011

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Acte II, Scène 2


Madame, sous vos pieds, dans l'ombre, un homme est là
Qui vous aime, perdu dans la nuit qui le voile;
Qui souffre, ver de terre amoureux d'une étoile;
Qui pour vous donnera son âme, s'il le faut;
Et qui se meurt en bas quand vous brillez en haut.


Par: Victor Hugo

Extrait de: Ruy Blas (1838)

Ajoutée par Savinien le 12/02/2011

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Acte II, Scène 1


Je voudrais regarder un jeune homme,
Madame! Cette cour vénérable m'assomme.
Je crois que la vieillesse arrive par les yeux,
Et qu'on vieillit plus vite à voir toujours des vieux!


Par: Victor Hugo

Extrait de: Ruy Blas (1838)

Ajoutée par Savinien le 10/02/2011

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Acte II, Scène 1


Sa lèvre n'était pas comme celle des autres.
C'est la dernière fois que je l'ai vu. Depuis,
J'y pense très souvent. J'ai bien d'autres ennuis,
C'est égal, je me dis: - l'enfer est dans cette âme.
Devant cet homme-là je ne suis qu'une femme. -
Dans mes rêves, la nuit, je rencontre en chemin
Cet effrayant démon qui me baise la main;
Je vois luire son oeil d'où rayonne la haine;
Et, comme un noir poison qui va de veine en veine,
Souvent, jusqu'à mon coeur qui semble se glacer,
Je sens en lents frissons courir son froid baiser!


Par: Victor Hugo

Extrait de: Ruy Blas (1838)

Ajoutée par Savinien le 10/02/2011

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Acte I, Scène 3


Te fuir! - Moi qui n'ai pas souffert, n'aimant personne,
Moi, pauvre grelot vide où manque ce qui sonne,
Gueux, qui vais mendiant l'amour je ne sais où,
A qui de temps en temps le destin jette un sou,
Moi, coeur éteint, dont l'âme, hélas! S'est retirée,
Du spectacle d'hier affiche déchirée,
Vois-tu, pour cet amour dont tes regards sont pleins,
Mon frère, je t'envie autant que je te plains!


Par: Victor Hugo

Extrait de: Ruy Blas (1838)

Ajoutée par Savinien le 10/02/2011

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Acte I, Scène 3


Espérer! Mais tu ne sais rien encore.
Vivre sous cet habit qui souille et déshonore,
Avoir perdu la joie et l'orgueil, ce n'est rien.
Etre esclave, être vil; qu'importe? - Ecoute bien:
Frère! Je ne sens pas cette livrée infâme,
Car j'ai dans ma poitrine une hydre aux dents de flamme,
Qui me serre le coeur dans ses replis ardents.
Le dehors te fait peur? Si tu voyais dedans!


Par: Victor Hugo

Extrait de: Ruy Blas (1838)

Ajoutée par Savinien le 10/02/2011

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Acte I, Scène 3


Oui, je le sais, la faim est une porte basse!
Et par nécessité, lorsqu'il faut qu'il y passe,
Le plus grand est celui qui se courbe le plus.
Mais le sort a toujours son flux et reflux.
Espère.


Par: Victor Hugo

Extrait de: Ruy Blas (1838)

Ajoutée par Savinien le 10/02/2011

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Acte I, Scène 2


Hum! Visage de traître!
Quand la bouche dit oui, le regard dit peut-être.


Par: Victor Hugo

Extrait de: Ruy Blas (1838)

Ajoutée par Savinien le 10/02/2011

Catégories:

Acte I, Scène 2


De vos bienfaits je n'aurai nulle envie,
Tant que je trouverai, vivant ma libre vie,
Aux fontaines de l'eau, dans les champs le grand air,
A la ville un voleur qui m'habille l'hiver,
Dans mon âme l'oubli des prospérités mortes,
Et devant vos palais, monsieur, de larges portes
Où je puis, à midi, sans soucis du réveil,
Dormir, la tête à l'ombre et les pieds au soleil!
- Adieu donc. - De nous deux Dieu sait quel est le juste.
Avec les gens de cour, vos pareils, don Salluste,
Je vous laisse, et je reste avec mes chenapans.
Je vis avec les loups, non avec les serpents.


Par: Victor Hugo

Extrait de: Ruy Blas (1838)

Ajoutée par Savinien le 10/02/2011

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Acte I, Scène 2


N'ajoutez pas un mot, c'est outrageant.
Gardez votre secret, et gardez votre argent.
Oh! Je comprends qu'on vole, et qu'on tue et qu'on pille;
Que par une nuit noire on force une bastille,
D'assaut, la hache au poing, avec cent flibustiers;
Qu'on égorge estafiers, geôliers et guichetiers,
Tous, taillant et hurlant, en bandits que nous sommes,
Oeil pour oeil, dent pour dent, c'est bien! Hommes contre hommes!
Mais doucement détruire une femme! Et creuser
Sous ses pieds une trappe! Et contre elle abuser,
Qui sait? De son humeur peut-être hasardeuse!
Prendre ce pauvre oiseau dans quelque glu hideuse!
Oh! Plutôt qu'arriver jusqu'à ce déshonneur,
Plutôt qu'être, à ce prix, un riche et haut seigneur,
- Et je le dis ici pour Dieu qui voit mon âme, -
J'aimerais mieux, plutôt qu'être à ce point infâme,
Vil, odieux, pervers, misérable et flétri,
Qu'un chien rongeât mon crâne au pied du pilori!


Par: Victor Hugo

Extrait de: Ruy Blas (1838)

Ajoutée par Savinien le 10/02/2011

Catégories:

Acte I, Scène 2


Ne m'en dites pas plus. Halte-là! - Sur mon âme,
Mon cousin, en ceci voilà mon sentiment:
Celui qui, bassement et tortueusement,
Se venge, ayant le droit de porter une lame,
Noble, par une intrigue, homme, sur une femme,
Et qui, né gentilhomme, agit en alguazil,
Celui-là, - fût-il grand de Castille, fût-il
Suivi de cent clairons sonnant des tintamarres,
Fût-il tout harnaché d'ordres et de chamarres,
Et marquis, et vicomte, et fils des anciens preux, -
N'est pour moi qu'un maraud sinistre et ténébreux
Que je voudrais, pour prix de sa lâcheté vile,
Voir pendre à quatre clous au gibet de la ville!


Par: Victor Hugo

Extrait de: Ruy Blas (1838)

Ajoutée par Savinien le 10/02/2011

Catégories:

Acte I, Scène 2


Je n'aurai jamais honte
De mettre un bon pourpoint, brodé, passementé,
Qui me tient chaud l'hiver et me fait beau l'été.
- Voyez, il est tout neuf. - Les poches en sont pleines
De billets doux au comte adressés par centaines.
Souvent, pauvre, amoureux, n'ayant rien sous la dent,
J'avise une cuisine au soupirail ardent
D'où la vapeur des mets aux narines me monte;
Je m'assieds là, j'y lis les billets doux du comte,
Et, trompant l'estomac et le coeur tour à tour,
J'ai l'odeur du festin et l'ombre de l'amour!


Par: Victor Hugo

Extrait de: Ruy Blas (1838)

Ajoutée par Savinien le 10/02/2011

Catégories:

Acte I, Scène 2


Quel est donc ce brigand, qui, là-bas, nez au vent,
Se carre, l'oeil au guet et la hanche en avant,
Plus délabré que Job et plus fier que Bragance,
Frappant sa gueuserie avec son arrogance,
Et qui, froissant du poing sous sa manche en haillons,
L'épée à lourd pommeau qui lui bat les talons,
Promène, d'une mine altière et magistrale,
Sa cape en dents de scie et ses bas en spirale?


Par: Victor Hugo

Extrait de: Ruy Blas (1838)

Ajoutée par Savinien le 08/02/2011

Catégories:

On peut prendre plusieurs vues d'une idée comme d'une montagne. Cela dépend du lieu où l'on se place.


Par: Victor Hugo

Extrait de: Ruy Blas (1838)

Ajoutée par Savinien le 08/02/2011

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Oublié et abandonné de tous, excepté de ses créanciers, le pauvre gentilhomme devient alors ce qu'il peut; un peu aventurier, un peu spadassin, un peu bohémien. Il s'enfonce et disparaît dans la foule, grande masse terne et noire qu'il a, jusqu'à ce jour à peine entrevue sous ses pieds. Il s'y plonge, il s'y réfugie. Il n'a plus d'or, mais il lui reste le soleil, cette richesse de ceux qui n'ont rien.


Par: Victor Hugo

Extrait de: Ruy Blas (1838)

Ajoutée par Savinien le 08/02/2011

Catégories:

Les gens accablés ne regardent pas derrière eux. Ils ne savent que trop que le mauvais sort les suit.


Par: Victor Hugo

Ajoutée par Savinien le 25/01/2011

Catégories:

Ce qui nous plaît vis-à-vis de ceux qui montent nous plaît moins vis-à-vis de ceux qui tombent.


Par: Victor Hugo

Ajoutée par Savinien le 25/01/2011

Catégories:

A ceux qui ignorent, enseignez-leur le plus de choses que vous pourrez; la société est coupable de ne pas donner l'instruction gratis; elle répond de la nuit qu'elle produit. Cette âme est pleine d'ombre, le péché s'y commet. Le coupable n'est pas celui qui fait le péché, mais celui qui fait l'ombre.


Par: Victor Hugo

Ajoutée par Savinien le 25/01/2011

Catégories:

Vrai ou faux, ce qu'on dit des hommes tient souvent autant de place dans leur vie et surtout dans leur destinée que ce qu'ils font.


Par: Victor Hugo

Ajoutée par Savinien le 25/01/2011

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Horror


Oh! Que le gouffre est noir et que l'oeil est débile!
Nous avons devant nous le silence immobile.
Qui sommes-nous? Où sommes-nous?
Faut-il jouir? Faut-il pleurer? Ceux qu'on rencontre
Passent. Quelle est la loi? La prière nous montre
L'écorchure de ses genoux.

D'où viens-tu? - Je ne sais. - Où vas-tu? - Je l'ignore.
L'homme ainsi parle à l'homme et l'onde au flot sonore.
Tout va, tout vient, tout ment, tout fuit.
Parfois nous devenons pâles, hommes et femmes,
Comme si nous sentions se fermer sur nos âmes
La main de la géante nuit.

Nous voyons fuir la flèche et l'ombre est sur la cible.
L'homme est lancé. Par Qui? Vers qui? Dans l'invisible.
L'arc ténébreux siffle dans l'air.
En voyant ceux qu'on aime en nos bras se dissoudre,
Nous demandons si c'est pour la mort, coup de foudre,
Qu'est faite, hélas! La vie éclair.


Par: Victor Hugo

Ajoutée par Savinien le 01/11/2010

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Mors


Je vis cette faucheuse. Elle était dans son champ.
Elle allait à grands pas, moissonnant et fauchant,
Noir squelette laissant passer le crépuscule.
Dans l'ombre où l'on dirait que tout tremble et recule,
L'homme suivait des yeux les lueurs de la faulx.
Et les triomphateurs sous les arcs triomphaux
Tombaient; elle changeait en désert Babylone,
Le trône en échafaud et l'échafaud en trône,
Les roses en fumier, les enfants en oiseaux,
L'or en cendres, et les yeux des mères en ruisseaux.
Et les femmes criaient: - Rends-nous ce petit être.
Pour le faire mourir, pourquoi l'avoir fait naître? -
Ce n'était qu'un sanglot sur terre, en haut, en bas;
Des mains aux doigts osseux sortaient des noirs grabats;
Un vent froid bruissait dans les linceuls sans nombre;
Les peuples éperdus semblaient sous la faulx sombre
Un troupeau frissonnant qui dans l'ombre s'enfuit;
Tout était sous ses pieds deuil, épouvante et nuit.
Derrière elle, le front baigné de douces flammes,
Un ange souriant portait la gerbe d'âmes.


Par: Victor Hugo

 

Ajoutée par Savinien le 01/11/2010

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Les malheureux


Fils, dit-il doucement, allez en plaindre un autre.
Je suis dans ces grands bois et sous le ciel vermeil,
Et je n'ai pas de lit, fils, mais j'ai le sommeil.
Quand l'aube luit pour moi, quand je regarde vivre
Toute cette forêt dont la senteur m'enivre,
Ces sources et ces fleurs, je n'ai pas de raison
De me plaindre, je suis le fils de la maison.
Je n'ai point fait de mal. Calme, avec l'indigence
Et les haillons, je vis en bonne intelligence,
Et je fais bon ménage avec Dieu mon voisin.
Je le sens près de moi dans le nid, dans l'essaim,
Dans les arbres profonds où parle une voix douce,
Dans l'azur où la vie à chaque instant nous pousse,
Et dans cette ombre vaste et sainte où je suis né.
Je ne demande à Dieu rien de trop, car je n'ai
Pas grande ambition, et, pourvu que j'atteigne
Jusqu'à la branche où pend la mûre ou la châtaigne,
Il est content de moi, je suis content de Lui.
Je suis heureux.


Par: Victor Hugo

Ajoutée par Savinien le 01/11/2010

Catégories:

Apparition


Je vis un ange blanc qui passait sur ma tête;
Son vol éblouissant apaisait la tempête,
Et faisait taire au loin la mer pleine de bruit.
- Qu'est-ce que tu viens faire, ange, dans cette nuit?
Lui dis-je. Il répondit: - Je viens prendre ton âme.
Et j'eus peur, car je vis que c'était une femme;
Et je lui dis, tremblant et lui tendant les bras:
- Que me restera-t-il? car tu t'envoleras.
Il ne répondit pas; le ciel que l'ombre assiège
S'éteignait... - Si tu prends mon âme, m'écriai-je,
Où l'emporteras-tu? Montre-moi dans quel lieu.
Il se taisait toujours. - O passant du ciel bleu,
Es-tu la mort? Lui dis-je, ou bien es-tu la vie?
Et la nuit augmentait sur mon âme ravie,
Et l'ange devint noir et dit: - Je suis l'amour.
Mais son front sombre était plus charmant que le jour,
Et je voyais, dans l'ombre où brillaient ses prunelles,
Les astres à travers les plumes de ses ailes.


Par: Victor Hugo

Ajoutée par Savinien le 31/10/2010

Catégories:

La source tombait du rocher
Goutte à goutte à la mer affreuse.
L'Océan, fatal au nocher,
Lui dit: que me veux-tu, pleureuse?

Je suis la tempête et l'effroi;
Je finis où le ciel commence.
Est-ce que j'ai besoin de toi,
Petite, moi qui suis l'immense?

La source dit au gouffre amer:
Je te donne, sans bruit ni gloire,
Ce qui te manque, ô vaste mer!
Une goutte d'eau qu'on peut boire.


Par: Victor Hugo

Ajoutée par Savinien le 31/10/2010

Catégories:

Epitaphe de Jean Valjean


Il dort. Quoique le sort fût pour lui bien étrange,
Il vivait. Il mourut quand il n'eut plus son ange;
La chose simplement d'elle-même arriva,
Comme la nuit se fait lorsque le jour s'en va.


Par: Victor Hugo

Ajoutée par Savinien le 16/10/2010

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Demain dès l'aube


Demain, dès l'aube, à l'heure où blanchit la campagne,
Je partirai. Vois-tu, je sais que tu m'attends.
J'irai par la forêt, j'irai par la montagne,
Je ne puis demeurer loin de toi plus longtemps.

Je marcherai les yeux fixés sur mes pensées,
Sans rien voir au dehors, sans entendre aucun bruit,
Seul, inconnu, le dos courbé, les mains croisées,
Triste, et le jour pour moi sera comme la nuit.

Je ne regarderai ni l'or du soir qui tombe,
Ni les voiles au loin descendant vers Harfleur,
Et quand j'arriverai, je mettrai sur ta tombe
Un bouquet de houx vert et de bruyère en fleur.


Par: Victor Hugo

 

Ajoutée par Savinien le 20/09/2010

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A celle qui est restée en france


Que ce livre, du moins, obscur message, arrive,
Murmure, à ce silence, et, flot, à cette rive!
Qu'il y tombe, sanglot, soupir, larme d'amour!
Qu'il entre en ce sépulcre où sont entrés un jour
Le baiser, la jeunesse, et l'aube, et la rosée,
Et le rire adoré de la fraîche épousée,
Et la joie, et mon coeur, qui n'est pas ressorti!
Qu'il soit le cri d'espoir qui n'a jamais menti,
Le chant du deuil, la voix du pâle adieu qui pleure,
Le rêve dont on sent l'aile qui nous effleure!
Qu'elle dise: quelqu'un est là; j'entends du bruit!
Qu'il soit comme le pas de mon âme en sa nuit!


Par: Victor Hugo

Ajoutée par Savinien le 19/09/2010

Catégories:

A celle qui est restée en france


Et les pêcheurs passaient en traînant leurs filets,
Et disaient: qu'est-ce donc que cet homme qui songe?
Et le jour, et le soir, et l'ombre qui s'allonge,
Et Vénus, qui pour moi jadis étincela,
Tout avait disparu que j'étais encore là.
J'étais là, suppliant celui qui nous exauce;
J'adorais, je laissais tomber sur cette fosse,
Hélas! Où j'avais vu s'évanouir mes cieux,
Tout mon coeur goutte à goutte en pleurs silencieux.


Par: Victor Hugo

Ajoutée par Savinien le 19/09/2010

Catégories:

Pasteurs et troupeaux


Le vallon où je vais tous les jours est charmant,
Serein, abandonné, seul sous le firmament,
Plein de ronces en fleurs; c'est un sourire triste.
Il vous fait oublier que quelque chose existe.


Par: Victor Hugo

Ajoutée par Savinien le 19/09/2010

Catégories:

Veni, vidi, vixi


J'ai bien assez vécu, puisque dans mes douleurs
Je marche sans trouver de bras qui me secourent,
Puisque je ris à peine aux enfants qui m'entourent,
Puisque je ne suis plus réjoui par les fleurs;

Puisqu'au printemps, quand Dieu met la nature en fête,
J'assiste, esprit sans joie, à ce splendide amour;
Puisque je suis à l'heure où l'homme fuit le jour,
Hélas! Et sent de tout la tristesse secrète;

Puisque l'espoir serein dans mon âme est vaincu;
Puisqu'en cette saison des parfums et des roses,
O ma fille! J'aspire à l'ombre où tu reposes,
Puisque mon coeur est mort, j'ai bien assez vécu.


Par: Victor Hugo

Ajoutée par Savinien le 19/09/2010

Catégories:

La vision de Dante


Et l'archange cria: - Trépassés! Trépassés!
Levez-vous, accourez, venez, comparaissez!
Voici l'instant où l'aigle aura peur des colombes.
O victimes! Sortez des nuits, sortez des tombes,
Sortez de terre en foule, à la hâte, à la fois!
Venez du fond des mers, venez du fond des bois,
Venez, celui qui saigne avec celui qui pleure!
Car le juge est assis pour punir, et c'est l'heure
Où les clairons du ciel sonnent aux quatre vents,
Et Dieu veut que les morts lui parlent des vivants.


Par: Victor Hugo

Ajoutée par Savinien le 24/08/2010

Catégories:

Le crapaud


Tout homme sur la terre, où l'âme erre asservie,
Peut commencer ainsi le récit de sa vie.
On a le jeu, l'ivresse et l'aube dans les yeux,
On a sa mère, on est des écoliers joyeux,
De petits hommes gais respirant l'atmosphère
A pleins poumons, aimés, libres, contents; que faire,
Sinon de torturer quelque être malheureux?
Le crapaud se traînait au fond du chemin creux.
C'était l'heure où des champs les profondeurs s'azurent.
Fauve, il cherchait la nuit; les enfants l'aperçurent
Et crièrent: - Tuons ce vilain animal,
Et puisqu'il est si laid, faisons-lui bien du mal! -


Par: Victor Hugo

Ajoutée par Savinien le 24/08/2010

Catégories:

Tout le passé et tout l'avenir


On comprend le printemps, l'aube, le nid, la rose;
Mais pourquoi les glaçons? Pourquoi le houx morose?
Pourquoi l'autour, ce criminel?
Pourquoi cette ombre froide où le jour se termine?
Pourquoi la bête fauve, et pourquoi la vermine?
Pourquoi vous? Répond l'éternel.


Par: Victor Hugo

Ajoutée par Savinien le 24/08/2010

Catégories:

A l'homme


Laissant derrière moi les molles cités pleines
De femmes et de fleurs qui mêlent leurs haleines,
Et les palais remplis de rires, de festins,
De danses, de plaisirs, de feux jamais éteints,
Je fuis, et je préfère à toute cette fête
La rive du torrent farouche où le prophète
Vient boire dans le creux de sa main en été,
Pendant que le lion boit de l'autre côté.


Par: Victor Hugo

Ajoutée par Savinien le 24/08/2010

Catégories:

Ronsard


C'est pourquoi, belle, il faut qu'en ce vallon tu rêves.
Et je rends grâce à Dieu, car il fit plusieurs Eve,
Une aux longs cheveux d'or, une au sein bruni,
Une gaie, une tendre, et, quand il eut fini,
Ce Dieu, qui crée au fond toujours les mêmes choses,
Avec ce qui restait des femmes fit les roses.


Par: Victor Hugo

Ajoutée par Savinien le 24/08/2010

Catégories:

Aux rois


Est-ce que vous croyez que nous qui sommes là,
Nous que de tout son poids toujours l'ombre accabla,
Nous le noir genre humain farouche, nous la plèbe,
Nous, les forçats du sol, les captifs de la glèbe,
Nous qui, de lassitude expirants, n'avons droit
Qu'à la faim, à la soif, à l'indigence, au froid,
Qui, tués de travail, agonisons pour vivre,
Nous qu'à force d'horreur le destin sombre enivre;
Est-ce que vous croyez que nous vous aimons, vous!
Nous vassaux, vous les rois! Nous moutons, vous les loups!


Par: Victor Hugo

Ajoutée par Savinien le 24/08/2010

Catégories:

Un voleur à un roi


Mais toi, quelle est ta peine? Aucune; et ton mérite?
Nul. On croit être grand, quoi! Parce qu'on hérite!
Ton père t'a laissé le monde en s'en allant.
Être né, quel effort! Avoir faim, quel talent:


Par: Victor Hugo

Ajoutée par Savinien le 24/08/2010

Catégories:

Un voleur à un roi


Jouer la comédie est le faible de Dieu;
Il ne s'irrite pas, mais il se moque un peu;
C'est un poète; et l'homme est sa marionnette.
La naissance et la mort sont deux coups de sonnette,
L'un à l'entrée, et l'autre au départ du pantin;
Je ris avec le vieux machiniste Destin.


Par: Victor Hugo

Ajoutée par Savinien le 24/08/2010

Catégories:

Un voleur à un roi


Je suis né, laisse-moi te raconter ce conte,
Pour avoir faim toujours et n'avoir jamais honte,
Car ce n'est pas honteux de manger. Rien n'est vrai
Que la faim; et l'enfer, dont l'homme fait l'essai,
C'est l'éternel refus du pain fuyant les bouches;
Et c'est pourquoi je rôde au fond des bois farouches.


Par: Victor Hugo

Ajoutée par Savinien le 23/08/2010

Catégories:

Un voleur à un roi


Vous êtes, sous le ciel par moments obscurci,
Un ambitieux, sire, et j'en suis un aussi;
Roi, nous avons, car l'homme est diversement ivre,
Le même but tous deux, c'est d'avoir de quoi vivre;
Il nous faut pour cela, suis-je sage? Es-tu fou?
A toi, prince, un royaume, à moi, penseur, un sou.


Par: Victor Hugo

Ajoutée par Savinien le 23/08/2010

Catégories:

Les mercenaires


Auriez-vous donc besoin de faste? Est-ce la pompe
Des parades, des cours, des galas qui vous trompe?
Mais alors, regardez. Est-ce que mes vallons
N'ont pas les torrents blancs d'écume pour galons?
Mai brode à mes rochers la passementerie
Des perles de rosée et des fleurs de prairie;
Mes vieux monts pour dorure ont le soleil levant;
Et chacun d'eux, brumeux, branle un panache au vent
D'où sort le roulement sinistre des tonnerres,
S'il vous faut, au milieu des forêts centenaires,
Une livrée, à vous les voisins du ciel bleu,
Pourquoi celle des rois, ayant celle de Dieu?


Par: Victor Hugo

Ajoutée par Savinien le 23/08/2010

Catégories:

La rose de l'infante


Il avait pour soutien la force de la nuit;
L'ombre était le cheval de sa statue équestre.
Toujours vêtu de noir, ce tout puissant terrestre
Avait l'air d'être en deuil de ce qu'il existait;
Il ressemblait au sphinx qui digère et se tait,
Immuable; étant tout, il n'avait rien à dire.
Nul n'avait vu ce roi sourire; le sourire
N'étant pas plus possible à ces lèvres de fer
Que l'aurore à la grille obscure de l'enfer.


Par: Victor Hugo

Ajoutée par Savinien le 23/08/2010

Catégories:

Le cycle pyrénéen


Noir ravin. Hors un coin vivant où retentit
Dans la forêt le son des buccins et des sistres,
Tout est désert. Halliers, bruit de feuilles sinistres,
Tristesse, immensité, c'est un de ces lieux là
Où se trouvait Caïn lorsque Dieu l'appela.


Par: Victor Hugo

Ajoutée par Savinien le 23/08/2010

Catégories:

Les quatre jours d'Elciis


Les yeux sous les sourcils, l'empereur très clément
Et très noble écouta l'homme patiemment,
Et consulta des yeux les rois; puis il fit signe
Au bourreau, qui saisit la hache.

- J'en suis digne,
Dit le vieillard, c'est bien, et cette fin me plaît. -
Et calme il rabattit de ses mains son collet,
Se tourna vers la hache, et dit: Je te salue.
Maîtres, je ne suis point de la taille voulue,
Et vous avez raison. Vous, princes, et vous, roi,
J'ai la tête de plus que vous, ôtez-la moi.


Par: Victor Hugo

Ajoutée par Savinien le 23/08/2010

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Les quatre jours d'Elciis


O Dieu qui m'entendez, ces hommes sont hideux,
Certes, ils sont étonnés de nous comme nous d'eux.
Avez-vous fait erreur? Et que faut-il qu'on pense?
A qui le châtiment? A qui la récompense?
Quelle nuit! N'est-ce pas le plus dur des affronts
Que nous les preux ayons pour fils eux, les poltrons!
Et qu'abjects et rompant les anciens équilibres,
Eux les tyrans, soient nés de nous, les hommes libres;
Si bien que l'honnête homme est chargé du maudit
Et que le juste doit répondre du bandit!


Par: Victor Hugo

Ajoutée par Savinien le 23/08/2010

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Les quatre jours d'Elciis


Si vous vous êtes mis dans l'esprit qu'en ayant
Plus d'infamie, on est roi plus flamboyant,
Si vous vous figurez vos races rajeunies
Par vos férocités et vos ignominies,
Rois, je vous le redis, vous vous trompez; l'erreur
C'est de croire qu'un nom peut grandir par l'horreur,
La fraude et les forfaits accumulés sans cesse.
Une augmentation de honte et de bassesse,
D'ombre et de déshonneur n'accroit pas les maisons;
La fange n'a jamais redoré les blasons.


Par: Victor Hugo

Ajoutée par Savinien le 23/08/2010

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Welf, castellan d'Osbor


Oui, les femmes font faire aux hommes des sottises,
Roi d'Arles; mais j'ai, moi, c'est pourquoi je suis fort,
Pour épouse ma tour, pour amante la mort.
En guise de clairon l'ouragan m'accompagne.
Que peux-tu donc m'offrir qui vaille ma montagne,
César, roi des romains et des bohémiens?
Quand tu me donnerais ton aigle, j'ai les miens.


Par: Victor Hugo

Ajoutée par Savinien le 23/08/2010

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L'Italie - Ratbert


Est-ce que tu m'en veux? C'est moi qui suis là! Dis,
Tu n'ouvriras donc plus tes yeux du paradis!
Je n'entendrai donc plus ta voix, pauvre petite!
Tout ce qui me tenait aux entrailles me quitte;
Et ce sera mon sort, à moi, le vieux vainqueur,
Qu'à deux reprises Dieu m'ait arraché le coeur,
Et qu'il ait retiré de ma poitrine amère
L'enfant, après m'avoir ôté du flanc la mère!


Par: Victor Hugo

Ajoutée par Savinien le 23/08/2010

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L'Italie - Ratbert


Ah! Le vautour est triste à voir, en vérité,
Déchiquetant sa proie et planant; on s'effraie
Du cri de la fauvette aux griffes de l'orfraie;
L'épervier est affreux rongeant des os brisés;
Pourtant, par l'ombre immense on les sent excusés,
L'impénétrable faim est la loi de la terre,
Et le ciel, qui connaît la grande énigme austère,
La nuit, qui sert de fond au guet mystérieux
Du hibou promenant la rondeur de ses yeux
Ainsi qu'à l'araignée ouvrant ses pâles toiles,
Met à ce festin sombre une nappe d'étoiles;
Mais l'être intelligent, le fils d'Adam, l'élu
Qui doit trouver le bien après l'avoir voulu,
L'homme exterminant l'homme et riant, épouvante,
Même au fond de la nuit, l'immensité vivante,
Et, que le ciel soit noir ou que le ciel soit bleu,
Caïn tuant Abel est la stupeur de Dieu.


Par: Victor Hugo

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L'aigle du casque


Tout à coup on entend la trompe des montagnes,
Chant des bois plus obscur que le glas du beffroi;
Et brusquement on sent de l'ombre autour de soi;
Bien qu'on soit sous le ciel, on se croit dans un antre.


Par: Victor Hugo

Ajoutée par Savinien le 23/08/2010

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L'aigle du casque


Dix ans, cela suffit pour que les chênes verts
Soient d'une obscurité plus épaisse couverts;
Dix ans, cela suffit pour qu'un enfant grandisse.
En dix ans, certes, Orphée oublierait Eurydice,
Admète son épouse et Thisbé son amant,
Mais pas un chevalier n'oublierait un serment.


Par: Victor Hugo

Ajoutée par Savinien le 23/08/2010

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Homo duplex


Un jour, le duc Berthold, neveu du comte Hugo,
Marquis du Rhin, seigneur de Fribourg en Brisgau,
Traversait en chassant la forêt de Thuringe.
Il vit, sous un grand arbre, un ange auprès d'un singe.
Ces deux êtres, pareils à deux lutteurs grondants,
Se regardaient l'un l'autre avec des yeux ardents;
Le singe ouvrait sa griffe et l'ange ouvrait son aile.
Et l'ange dit: - Berthold de Zoehringen, qu'appelle
Dans la verte forêt le bruit joyeux des cors,
Tu vois ici ton âme à côté de ton corps.
Ecoute, moi je suis ton esprit, lui ta bête.
Chacun de tes péchés lui fait lever la tête;
Chaque bonne action que tu fais me grandit.
Tant que tu vis, je lutte et j'étreins ce bandit;
A ta mort tout finit dans l'ombre ou dans l'aurore.
Car c'est moi qui t'enlève ou lui qui te dévore.


Par: Victor Hugo

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Les trônes d'Orient


A ce cri, qu'apportait de toutes parts le vent,
Les tonnerres jetaient des grondements étranges,
Des flamboiements passaient sur les faces des anges,
Les grilles de l'enfer s'empourpraient, le courroux
En faisait remuer d'eux-mêmes les verrous,
Et l'on voyait sortir de l'abîme insondable
Une sinistre main qui s'ouvrirait formidable;
« Justice! » répétait l'ombre, et le châtiment
Au fond de l'infini se dressait lentement.


Par: Victor Hugo

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Les chevaliers errants


Ces jeunes gens penchés sur cette jeune fille,
J'ai vu cela! Dieu bon, sont-ils de la famille
Des vivants, respirant sous ton clair horizon?
Sont-ce des hommes? Non. Rien qu'à voir la façon
Dont votre lèvre touche aux vierges endormies,
Princes, on sent en vous des goules, des lamies,
D'affreux êtres sortis des cercueils soulevés.
Je vous rend à la nuit. Tout ce que vous avez
De la face de l'homme est un mensonge infâme;
Vous avez quelque bête effroyable au lieu d'âme;
Sigismond l'assassin, Ladislas le forban,
Vous êtes des damnés en rupture de ban;
Donc lâchez les vivants et lâchez les empires!
Hors du trône, tyrans! A la tombe, vampires!
Chiens du tombeau, voyez le sépulcre. Rentrez.


Par: Victor Hugo

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Les chevaliers errants


Tous les monts de la terre et tous les flots de l'onde
Ont, altiers ou tremblants, vos deux ombres sur eux;
Vous êtes les jumeaux du grand vertige heureux;
Vous avez la puissance et vous avez la gloire;
Mais, sous ce ciel de pourpre et sous ce dais de moire,
Sous cette inaccessible et haute dignité,
Sous cet arc de triomphe au cintre illimité,
Sous ce royal pouvoir, couvert de sacrés voiles,
Sous ces couronnes, tas de perles et d'étoiles,
Sous tous ces grands exploits, prompts, terribles, fougueux,
Sigismond est un monstre et Ladislas un gueux!


Par: Victor Hugo

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Les chevaliers errants


Hommes qui m'écoutez, il est un pacte sombre
Dont tout l'univers parle et que vous connaissez;
Le voici: Moi, Satan, dieu des cieux éclipsés,
Roi des jours ténébreux, prince des vents contraires,
Je contracte alliance avec mes deux bons frères,
L'empereur Sigismond et le roi Ladislas;
Sans jamais m'absenter ni dire: je suis las,
Je les protégerai dans toute conjoncture;
De plus, je cède, en libre et pleine investiture,
Etant seigneur de l'onde et souverain du mont,
La mer à Ladislas, la terre à Sigismond,
A la condition que, si je le réclame,
Le roi m'offre sa tête et l'empereur son âme.


Par: Victor Hugo

Ajoutée par Savinien le 23/08/2010

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Les chevaliers errants


Si tu veux, faisons un rêve,
Montons sur deux palefrois;
Tu m'emmènes, je t'enlève.
L'oiseau chante dans les bois.

Je suis ton maître et ta proie;
Partons, c'est la fin du jour;
Mon cheval sera la joie,
Ton cheval sera l'amour.

Nous ferons toucher leurs têtes;
Les voyages sont aisés;
Nous donnerons à ces bêtes
Une avoine de baisers.


Par: Victor Hugo

Ajoutée par Savinien le 23/08/2010

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Les chevaliers errants


- Vengeance! Mort! Rugit Rostabat le géant,
Nous sommes cent contre un. Tuons ce mécréant!

- Infants! Cria Roland, la chose est difficile;
Car Roland n'est pas un. J'arrive de Sicile,
D'Arabie et d'Egypte, et tout ce que je sais,
C'est que des peuples noirs devant moi sont passés;
Je crois avoir plané dans le ciel solitaire;
Il m'a semblé parfois que j'ai quitté la terre
Et l'homme, et que le dos monstrueux des griffons
M'emportait au milieu des nuages profonds;
Mais, n'importe, j'arrive, et votre audace est rare,
Et j'en ris. Prenez garde à vous, car je déclare,
Infants, que j'ai toujours senti Dieu près de moi.
Vous êtes cent contre un! Pardieu! Le bel effroi!
Fils, cent maravédis valent-ils une piastre?
Cent lampions sont-ils plus farouches qu'un astre?
Combien de poux faut-il pour manger un lion?
Vous êtes peu nombreux pour la rébellion
Et pour l'encombrement du chemin, quand je passe.


Par: Victor Hugo

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Les chevaliers errants


Il ne sera pas dit que quelqu'un sur la terre,
Princes, m'aura vu faire une chose et la taire,
Et que, questionné, j'aurai balbutié.
Le hardi qui fait peur, muet, ferait pitié.


Par: Victor Hugo

Ajoutée par Savinien le 23/08/2010

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Les sept merveilles du monde


Les ans fuyaient, les vents soufflaient; et le monument
Méditait, immobile et triste, et, par moment,
Toute l'humanité, comme une fourmilière,
Satrape au sceptre d'or, prêtre au thyrse de lierre,
Rois, peuples, légions, combats, trônes croulants,
Etait subitement visible sur ses flancs
Dans quelque déchirure immense des nuées.
Tout flottait sur sa base en ombres dénouées;
Et Chéops répéta: - Je suis l'éternité.


Par: Victor Hugo

Ajoutée par Savinien le 23/08/2010

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Les sept merveilles du monde


Je suis l'Olympien, je suis le musagète;
Tout ce qui vit, respire, aime, pense et végète,
Végète, pense, vit, aime et respire en moi;
L'encens monte à mes pieds, mêlé d'un vague effroi;
L'angle de mon sourcil touche à l'axe du monde;
La tempête me parle avant de troubler l'onde;
Je dure sans vieillir, j'existe sans souffrir;
Je ne sais qu'une chose impossible: mourir.


Par: Victor Hugo

Ajoutée par Savinien le 23/08/2010

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Les sept merveilles du monde


Les siècles, vénérable et triomphante épreuve,
A jamais en passant verront la grande veuve
Assise sur mon seuil, fantôme saint et doux;
Elle attend le moment d'aller, près de l'époux,
Se coucher dans le lit de la noce éternelle;
Elle pare son front d'ache et de fraxinelle,
Et se parfume afin de plaire à son mari;
Elle tient un miroir qui n'a jamais souri,
Et se met des anneaux aux doigts, et sous ses voiles
Peigne ses longs cheveux d'où tombent des étoiles.


Par: Victor Hugo

Ajoutée par Savinien le 23/08/2010

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Les sept merveilles du monde


C'est dans nos bras, que n'a jamais touchés la faux,
Que cette reine a fait ses songes triomphaux;
Nos parfums ont parfois conseillé des supplices;
De ses enivrements nos fleurs furent complices;
Nos sentiers n'ont gardé qu'une trace, son pas.
Fils de Sémiramis, nous ne périrons pas;
Ce qu'assembla sa main, qui pourrait le disjoindre?
Nous regardons le siècle après le siècle poindre;
Nous regardons passer les peuples tour à tour;
Nous sommes à jamais, et jusqu'au dernier jour,
Jusqu'à ce que l'aurore au front des cieux s'endorme,
Les jardins monstrueux plein de sa joie énorme.


Par: Victor Hugo

Ajoutée par Savinien le 23/08/2010

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Aymerillot


Alors, levant la tête,
Se dressant tout debout sur ses grands étriers,
Tirant sa large épée aux éclairs meurtriers,
Avec un âpre accent plein de sourdes huées,
Pâle, effrayant, pareil à l'aigle des nuées,
Terrassant du regard son camp épouvanté,
L'invincible empereur s'écria: - Lâcheté!
O comtes palatins tombés dans ces vallées,
O géants qu'on voyait debout dans les mêlées,
Devant qui Satan même aurait crié merci,
Olivier et Roland, que n'êtes vous ici!
Si vous étiez vivants, vous prendriez Narbonne
Paladins! Vous, du moins, votre épée était bonne,
Votre coeur était haut, vous ne marchandiez pas!
Vous alliez de l'avant sans compter tous vos pas!
O compagnons couchés dans la tombe profonde,
Si vous étiez vivants, nous prendrions le monde!


Par: Victor Hugo

Ajoutée par Savinien le 23/08/2010

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Le Cid est le Cid


De quelque nom qu'il se nomme,
Nul n'est roi sous le ciel bleu
Plus qu'il n'est permis à l'homme
Et qu'il ne convient à Dieu.


Par: Victor Hugo

Ajoutée par Savinien le 23/08/2010

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Le Cid est le Cid


Don Sanche, une source coule
A l'ombre de mes donjons;
Comme le Cid dans la foule
Elle est pure dans les joncs.

Je n'ai pas d'autre vignoble;
Buvez-y; Je vous absous.
Autant que vous je suis noble
Et chevalier plus que vous.


Par: Victor Hugo

Ajoutée par Savinien le 23/08/2010

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La chanson de Sophocle à Salamine


Toi dont le glaive est le ministre,
Toi que l'éclair suit dans les cieux,
Choisis-moi de ta main sinistre
Une belle fille aux doux yeux,

Qui ne sache pas autre chose
Que rire d'un rire ingénu,
Qui soit divine, ayant la rose
Aux deux pointes de son sein nu,

Et ne soit pas plus importune
A l'homme plein du noir destin
Que ne l'est au profond Neptune
La vive étoile du matin.

Donne-la-moi que je la presse
Vite sur mon coeur enflammé;
Je veux bien mourir, O déesse,
Mais pas avant d'avoir aimé.


Par: Victor Hugo

Ajoutée par Savinien le 23/08/2010

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La découverte du Titan


Il avait traversé tout le dessous du monde.
Il avait dans les yeux l'éternité profonde.
Il se fit un silence inouï; l'on sentit
Que ce spectre était grand, car tout devint petit.


Par: Victor Hugo

Ajoutée par Savinien le 23/08/2010

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Booz endormi


Voilà longtemps que celle avec qui j'ai dormi,
O seigneur! A quitté ma couche pour la vôtre;
Et nous sommes encore tout mêlés l'un à l'autre,
Elle à demi vivante et moi mort à demi.


Par: Victor Hugo

Ajoutée par Savinien le 23/08/2010

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Booz endormi


Booz était bon maître et fidèle parent;
Il était généreux, quoiqu'il fût économe;
Les femmes regardaient Booz plus qu'un jeune homme,
Car le jeune homme est beau, mais le vieillard est grand.

Le vieillard, qui revient vers la source première,
Entre aux jours éternels et sort des jours changeants;
Et l'on voit de la flamme aux yeux des jeunes gens,
Mais dans l'oeil du vieillard on voit de la lumière.


Par: Victor Hugo

Ajoutée par Savinien le 23/08/2010

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Les lions


Quand la nuit eut noirci le grand firmament bleu,
Le gardien voulut voir la fosse, et cet esclave,
Collant sa face pâle aux grilles de la cave,
Dans sa profondeur vague aperçut Daniel
Qui se tenait debout et regardait le ciel,
Et songeait, attentif aux étoiles sans nombre,
Pendant que les lions léchaient ses pieds dans l'ombre.


Par: Victor Hugo

Ajoutée par Savinien le 23/08/2010

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La conscience


Alors il dit: - Je veux habiter sous la terre
Comme dans son sépulcre un homme solitaire;
Rien ne me verra plus, je ne verrai plus rien. -
On fit donc une fosse, et Caïn dit: c'est bien!
Puis il descendit seul sous cette voûte sombre.
Quand il se fut assis sur sa chaise dans l'ombre
Et qu'on eut sur son front fermé le souterrain,
L'oeil était dans la tombe et regardait Caïn.


Par: Victor Hugo

Ajoutée par Savinien le 23/08/2010

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Le sacre de la femme


Eve laissait errer ses yeux sur la nature.

Et, sous les verts palmiers à la haute stature,
Autour d'Eve, au dessus de sa tête, l'oeillet
Semblait songer, le bleu lotus se recueillait,
Le frais myosotis se souvenait; les roses
Cherchaient ses pieds avec leurs lèvres demi-closes;
Un souffle fraternel sortait du lys vermeil;
Comme si ce doux être eut été leur pareil,
Comme si de ces fleurs, ayant toutes une âme,
La plus belle s'était épanouie en femme.


Par: Victor Hugo

Ajoutée par Savinien le 23/08/2010

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Le sacre de la femme


L'arbre, tout pénétré de lumière, chantait;
Chaque fleur, échangeant son souffle et sa pensée
Avec le ciel serein d'où tombe la rosée,
Recevait une perle et donnait un parfum;
L'Être resplendissait, Un dans Tout, Tout dans Un;
Le paradis brillait sous les sombres ramures
De la vie ivre d'ombre et pleine de murmures,
Et tout avait la grâce, ayant la pureté.


Par: Victor Hugo

Ajoutée par Savinien le 05/08/2010

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