Année de parution : 1863 Ah! Si la Muse était tant soit peu fée,
Chanter, vraiment, serait emploi des dieux;
Point ne pourrait le plus petit Orphée
La bouche ouvrir, qu'on ne vit de tous lieux
Courir les gens. Oui, nous ferions merveille,
Et sous nos pas la foule toute oreille
Ramasserait les miettes de nos vers.
Il n'en va point ainsi. Pour ceux qu'attire
La Muse au fond de ses bosquets déserts,
Les temps sont durs; de l'aveu de la lyre,
Ce charme a fui qui lui livrait les coeurs.
Dans mes loisirs j'ai donc à la légère
Rimé ceci, ne comptant point ou guère
Que mes accords offriront des douceurs
Vous agréant. Pas moins ne m'en enchante
Un art divin; car si les vers pour vous
N'ont plus d'attraits, pour celui qui les chante
Il leur en reste encore, et des plus doux.