Obermann
Année de parution : 1804 Si le récit des guerres, des entreprises et des passions des hommes, a de tout temps possédé le privilége de captiver l'attention du plus grand nombre, si le côté épique de toute littérature est encore aujourd'hui le côté le plus populaire , il n'en est pas moins avéré pour les âmes profondes et rêveuses ou pour les intelligences délicates et attentives, que les poèmes les plus importants et les plus précieux sont ceux qui nous révèlent les intimes souffrances de l'âme humaine dégagées de l'éclat et de la variété des événements extérieurs. Ces rares et austères productions ont peut-être une importance plus grande que les faits mêmes de l'histoire, pour l'étude de la psychologie, au travers du mouvement des siècles; car elles pourraient, en nous éclairant sur l'état moral et intellectuel des peuples aux divers âges de la civilisation , donner la clef des grands événements qui sont encore proposés pour énigmes aux érudits de notre temps. Ces lettres ne sont pas un roman. II n'y a point de mouvement dramatique, d'événements préparés et conduits, point de dénouement; rien de ce qu'on appelle l'intérêt d'un ouvrage, de cette série progressive, de ces incidents, de cet aliment de la curiosité, magie de plusieurs bons écrits, et charlatanisme de plusieurs autres. On y trouvera des descriptions ; de celles qui servent à mieux faire entendre les choses naturelles, et à donner des lumières, peut-être trop négligées, sur les rapports de l'homme avec ce qu'il appelle l'inanimé. On y trouvera des passions ; mais celles d'un homme qui était né pour recevoir ce qu'elles promettent, et pour n'avoir point une passion ; pour tout employer, et pour n'avoir qu'une seule fin.
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