Considérations sur l'esprit et les moeurs
Année de parution : 1787 La Rochefoucauld, La Bruyère et Duclos semblent avoir épuisé cette partie de la Morale qui a pour objet l'homme vivant en société, à la cour ou dans la capitale. Mais quoique le fond soit le même, l'homme se montre dans chaque siècle, sous chaque règne, avec des formes différentes. Les idées qui règnent dans le monde, l'accroissement des richesses et des jouissances, les progrès du luxe, la sévérité ou la faiblesse du gouvernement, l'empire ou l'anéantissement de quelques préjugés, la communication plus ou moins grande de la cour avec la ville, toutes ces circonstances apportent des changements dans les moeurs d'une nation. Il y a des maladies qui disparaissent de la surface de la terre, tandis que d'autres viennent affliger l'humanité. Il en est de même dans le moral. Ce qui doit détourner de suivre la route tracée par La Bruyère, c'est le désespoir d'approcher de son modèle; mais en renonçant à l'admiration, on peut prétendre à l'estime. Il vaut mieux faire des caractères, des maximes, écrire des pensées détachées qui rappellent La Bruyère, en le faisant regretter, que d'ennuyer méthodiquement dans des chapitres de morale. |