Citations de Le Rhin, de Victor Hugo

25 Citations

Je venais de causer avec ce vieux soldat français qui s'est fait chevrier dans ces montagnes, et qui y est devenu presque sauvage et presque sorcier; singulière fin pour un tambour-maître du trente-septième léger. Ce brave homme, ancien enfant de troupe dans les armées voltairiennes de la république, m'a paru croire aujourd'hui aux fées et aux gnomes comme il a cru jadis à l'empereur. La solitude agit toujours ainsi sur l'intelligence; elle développe la poésie qui est toujours dans l'homme; tout pâtre est rêveur.


Par: Victor Hugo

Extrait de: Le Rhin (1842)

Ajoutée par Savinien le 11/11/2022

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En aucune chose il ne faut excéder. Le bonheur est fait de modération. Tenez en équilibre vos goûts et en bride vos appétits. Qui aime trop les chevaux et les chiens fâche les femmes; qui aime trop les femmes fâche Dieu.


Par: Victor Hugo

Extrait de: Le Rhin (1842)

Ajoutée par Savinien le 11/11/2022

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Elle rentrait dans sa chambre secrète, courroucée et triste, et elle pleurait. Puis elle grondait ses servantes, et après ses servantes elle grondait son nain. Car la colère chez les femmes est comme la pluie dans la forêt; elle tombe deux fois. Bis pluit.


Par: Victor Hugo

Extrait de: Le Rhin (1842)

Ajoutée par Savinien le 11/11/2022

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Cet homme, jadis fort bel archer, avait été recherché en mariage par plusieurs riches paysannes du pays de Lorch; mais il avait rebuté les épouseuses et s'était fait valet de chiens. Un jour que Pécopin lui en demandait la raison, Érilangus répondit: Monseigneur, les chiens ont sept espèces de rage, les femmes en ont mille.


Par: Victor Hugo

Extrait de: Le Rhin (1842)

Ajoutée par Savinien le 11/11/2022

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Du reste, ne l'oublions pas, Dieu met invariablement le jour à côté de la nuit, le bien auprès du mal. L'ange en face du démon. L'enseignement austère de la Providence résulte de cette éternelle et sublime antithèse. Il semble que Dieu dise sans cesse: Choisissez.


Par: Victor Hugo

Extrait de: Le Rhin (1842)

Ajoutée par Savinien le 11/11/2022

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J'aime les systèmes, quoique j'y croie peu. Descartes rêve, Huyghens modifie les rêveries de Descartes, Mariotte modifie les modifications de Huyghens. Où Descartes voit des étoiles, Huyghens voit des globules et Mariotte voit des aiguilles. Qu'y a-t-il de prouvé dans tout cela? Rien que la brièveté de l'homme et la grandeur de Dieu.
C'est quelque chose.
Après tout, je le dis, j'aime les systèmes. Les systèmes sont les échelles au moyen desquelles on monte à la vérité.


Par: Victor Hugo

Extrait de: Le Rhin (1842)

Ajoutée par Savinien le 11/11/2022

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Mes aventures et mes travaux, à moi, laborieux fainéant que vous connaissez bien, cher Louis, vous les savez par coeur, vous les avez assez longtemps partagés; c'est une promenade solitaire dans un sentier perdu, la contemplation d'un rayon de soleil sur la mousse, la visite d'une cathédrale ou d'une église de village, un vieux livre feuilleté à l'ombre d'un vieux arbre, un petit paysan que je questionne, un beau scarabée enterreur cuirassé d'or violet, qui est tombé par malheur sur le dos, qui se débat, et que je retourne en passant avec le bout de mon pied; des vers quelconques mêlés à tout cela; et puis des rêveries de plusieurs heures devant la Roche-More sur le Rhône, le Château-Gaillard sur la Seine, le Rolandseck sur le Rhin, devant une ruine sur un fleuve, devant ce qui tombe sur ce qui passe, ou, spectacle à mon sens non moins touchant, devant ce qui fleurit sur ce qui chante, devant un myosotis penchant sa grappe bleue sur un ruisseau d'eau vive.
Voilà ce que je fais, ou, pour mieux dire, voilà ce que je suis; car, pour moi, faire dérive fatalement et immédiatement d'être. Comme on est, on fait.


Par: Victor Hugo

Extrait de: Le Rhin (1842)

Ajoutée par Savinien le 11/11/2022

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Ami! Chacun a son livre, et, voyez-vous, dans l'Evangile comme dans le paysage, la même main a écrit les mêmes choses.


Par: Victor Hugo

Extrait de: Le Rhin (1842)

Ajoutée par Savinien le 11/11/2022

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Je pense aussi que l'étude de la nature ne nuit en aucune façon à la pratique de la vie, et que l'esprit qui sait être libre et ailé parmi les oiseaux, parfumé parmi les fleurs, mobile et vibrant parmi les flots et les arbres, haut, serein et paisible parmi les montagnes, sait aussi, quand vient l'heure, et mieux peut-être que personne, être intelligent et éloquent parmi les hommes. Je ne suis rien, je le sais, mais je compose mon rien avec un petit morceau de tout.


Par: Victor Hugo

Extrait de: Le Rhin (1842)

Ajoutée par Savinien le 11/11/2022

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Rien n'est mélancolique et doux comme la tyrolienne sauvage chantée dans l'ombre, par un pauvre petit chevrier invisible, pour la solitude qui l'écoute. Quelquefois, dans toute une grande montagne, il n'y a que la voix d'un enfant.


Par: Victor Hugo

Extrait de: Le Rhin (1842)

Ajoutée par Savinien le 11/11/2022

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Dix minutes après, j'étais au haut de la montagne. D'en bas, je ne la croyais pas si haute. Soit dit en passant, c'est un peu l'histoire de toutes les grandes choses vues d'en bas. De là les jugements diminuants et étroits des petits hommes sur les grands hommes.


Par: Victor Hugo

Extrait de: Le Rhin (1842)

Ajoutée par Savinien le 11/11/2022

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Un grand seigneur couchait dans cette chambre avec une fille de roi sous un baldaquin ducal; maintenant il n'y a plus ni seigneur, ni fille de roi, ni baldaquin, ni plafond dans cette chambre; le liseron l'habite et la menthe sauvage la parfume. C'est bien. C'est mieux. Ces adorables sculptures ont été faites pour être baisées par les fleurs et regardées par les étoiles.


Par: Victor Hugo

Extrait de: Le Rhin (1842)

Ajoutée par Savinien le 11/11/2022

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En 1814, à Montmirail, il se battit comme un lion; il était conscrit. En 1830, aux journées de Juillet, il eut peur et se sauva; il était gendarme. Cela l'étonne, et cela ne m'étonne pas. Conscrit, il n'avait rien que ses vingt ans, il était brave. Gendarme, il avait femme et enfants, et, ajoutait-il, son cheval à lui; il était lâche. Le même homme, du reste, mais non la même vie. La vie est un mets qui n'agrée que par la sauce. Rien n'est plus intrépide qu'un forçat. Dans ce monde, ce n'est pas à sa peau que l'on tient, c'est à son habit. Celui qui est tout nu ne tient à rien.


Par: Victor Hugo

Extrait de: Le Rhin (1842)

Ajoutée par Savinien le 09/11/2022

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Parmi les choses innombrables qui pendent au plafond, j'en ai admiré une surtout, le soir de mon arrivée. C'est une petite cage où dormait un petit oiseau. Cet oiseau m'a paru être le plus admirable emblème de la confiance. Cet antre, cette forge à indigestion, cette cuisine effrayante, est jour et nuit pleine de vacarme, l'oiseau dort. On a beau faire rage autour de lui, les hommes jurent, les femmes querellent, les enfants crient, les chiens aboient, les chats miaulent, l'horloge sonne, le couperet cogne, la lèchefrite piaille, le tournebroche grince, la fontaine pleure, les bouteilles sanglotent, les vitres frissonnent, les diligences passent sous la voûte comme le tonnerre; la petite boule de plume ne bouge pas. - Dieu est adorable. Il donne la foi aux petits oiseaux.


Par: Victor Hugo

Extrait de: Le Rhin (1842)

Ajoutée par Savinien le 09/11/2022

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Quant à moi, je ne crains pas les astres, je les aime. Pourtant je n'ai jamais réfléchi sans un certain serrement de coeur que l'état normal du ciel, c'est la nuit. Ce que nous appelons le jour n'existe pour nous que parce que nous sommes près d'une étoile.
On ne peut toujours regarder l'immensité; l'infini écrase; l'extase est aussi religieuse que la prière, mais la prière soulage et l'extase fatigue.


Par: Victor Hugo

Extrait de: Le Rhin (1842)

Ajoutée par Savinien le 09/11/2022

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Une des choses que je dis le plus souvent dans ce monde, c'est: A quoi bon?


Par: Victor Hugo

Extrait de: Le Rhin (1842)

Ajoutée par Savinien le 09/11/2022

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L'imagination de l'homme, pas plus que la nature, n'accepte le vide. Où se tait le bruit humain, la nature fait jaser les nids d'oiseaux, chuchoter les feuilles d'arbres et murmurer les mille voix de la solitude. Où cesse la certitude historique, l'imagination fait vivre l'ombre, le rêve et l'apparence. Les fables végètent, croissent, s'entremêlent et fleurissent dans les lacunes de l'histoire écroulée, comme les aubépines et les gentianes dans les crevasses d'un palais en ruine.


Par: Victor Hugo

Extrait de: Le Rhin (1842)

Ajoutée par Savinien le 09/11/2022

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La civilisation est comme le soleil; elle a ses nuits et ses jours, ses plénitudes et ses éclipses, elle disparaît et reparaît.


Par: Victor Hugo

Extrait de: Le Rhin (1842)

Ajoutée par Savinien le 09/11/2022

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Aucun bruit ne venait de la ville invisible; le Rhin lui-même semblait s'être assoupi; une nuée livide et blafarde avait envahi l'immense espace du couchant au levant; les étoiles s'étaient voilées l'une après l'autre; et je n'avais plus au-dessus de moi qu'un de ces ciels de plomb où plane, visible pour le poète, cette grande chauve-souris qui porte écrit dans son ventre ouvert melancholia.


Par: Victor Hugo

Extrait de: Le Rhin (1842)

Ajoutée par Savinien le 09/11/2022

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Du haut du Chat l'oeil plonge sur le fameux gouffre du Rhin appelé la Bank. Entre la Bank et la tour carrée de Saint-Goarshausen, il n'y a qu'un passage étroit. D'un côté le gouffre, de l'autre l'écueil. On trouve tout sur le Rhin, même Charybde et Scylla. Pour franchir ce détroit très redouté, les radeaux s'attachent au côté gauche par une assez longue corde à un tronc d'arbre appelé le chien (hund), et, au moment où ils passent entre la Bank et la Tour, ils jettent le tronc d'arbre à la Bank. La Bank saisit le tronc d'arbre avec rage et l'attire à elle. De cette façon elle maintient le radeau à distance de la Tour. Quand le danger est passé, on coupe la corde, et le gouffre mange le chien. C'est le gâteau de ce Cerbère.
Lorsqu'on est sur la plate-forme du Chat, on demande à son cicérone: Où est donc la Bank? Il vous montre à vos pieds un petit pli dans le Rhin. Ce pli, c'est le gouffre.
Il ne faut pas juger des gouffres sur l'apparence.


Par: Victor Hugo

Extrait de: Le Rhin (1842)

Ajoutée par Savinien le 09/11/2022

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Où vas-tu? Tu cherches les endroits où il y a peu de pas humains et où il y a beaucoup de traces divines; tu veux mettre ton âme en équilibre avec l'âme de la solitude; tu veux de l'ombre et de la lumière, du mouvement et de la paix, des transformations et de la sérénité; tu cherches le lieu où le verbe s'épanouit dans le silence, où l'on voit la vie à la surface de tout et où l'on sent l'éternité au fond; tu aimes le désert et tu ne hais pas l'homme; tu cherches de l'herbe et des mousses, des feuilles humides, des branches gonflées de sève, des oiseaux qui fredonnent, des eaux qui courent, des parfums qui se répandent. Eh bien! Entre. Ce sentier est ton chemin.


Par: Victor Hugo

Extrait de: Le Rhin (1842)

Ajoutée par Savinien le 09/11/2022

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Plongée ainsi dans ces choses inépuisables et vivaces qui sont, qui persistent, qui fleurissent, qui verdoient, et qui la recouvrent sous leur végétation éternelle, l'histoire est-elle grande ou est-elle petite? Décidez cette question si vous pouvez. Quant à moi, il me semble que le contact de la nature, qui est le voisinage de Dieu, tantôt amoindrit l'homme, tantôt le grandit. C'est beaucoup pour l'homme d'être une intelligence qui a sa loi à part, qui fait son oeuvre et qui joue son rôle au milieu des faits immenses de la création. En présence d'un grand chêne plein d'antiquité et plein de vie, gonflé de sève, chargé de feuillages, habité par mille oiseaux, c'est beaucoup qu'on puisse songer encore à ce fantôme qui a été Luther, à ce spectre qui a été Jean Huss, à cette ombre qui a été César.


Par: Victor Hugo

Extrait de: Le Rhin (1842)

Ajoutée par Savinien le 09/11/2022

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Avez-vous remarqué une chose? L'histoire est parfois immorale, les contes sont toujours honnêtes, moraux et vertueux. Dans l'histoire volontiers le plus fort prospère, les tyrans réussissent, les bourreaux se portent bien, les monstres engraissent, les Sylla se transforment en bons bourgeois, les Louis XI et les Cromwell meurent dans leur lit. Dans les contes, l'enfer est toujours visible. Pas de faute qui n'ait son châtiment, parfois même exagéré; pas de crime qui n'amène son supplice, souvent effroyable; pas de méchant qui ne devienne un malheureux, quelquefois fort à plaindre. Cela tient à ce que l'histoire se meut dans l'infini, et le conte dans le fini. L'homme, qui fait le conte, ne se sent pas le droit de poser les faits et d'en laisser supposer les conséquences; car il tâtonne dans l'ombre, il n'est sûr de rien, il a besoin de tout borner par un enseignement, un conseil et une leçon; et il n'oserait pas inventer des événements sans conclusion immédiate. Dieu, qui fait l'histoire, montre ce qu'il veut et sait le reste.


Par: Victor Hugo

Extrait de: Le Rhin (1842)

Ajoutée par Savinien le 09/11/2022

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Vous le savez, il n'y a pas d'homme qui n'ait ses fantômes, comme il n'y a pas d'homme qui n'ait ses chimères. La nuit nous appartenons aux songes; tantôt c'est un rayon qui les traverse, tantôt c'est une flamme; et, selon le reflet colorant, le même rêve est une gloire céleste ou une apparition de l'enfer.


Par: Victor Hugo

Extrait de: Le Rhin (1842)

Ajoutée par Savinien le 09/11/2022

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L'Amour forgeait. Au bruit de son enclume,
Tous les oiseaux, troublés, rouvraient les yeux;
Car c'était l'heure où se répand la brume,
Où sur les monts, comme un feu qui s'allume,
Brille Vénus, l'escarboucle des cieux.

La grive au nid, la caille en son champ d'orge,
S'interrogeaient, disant: Que fait-il là?
Que forge-t-il si tard? - Un rouge-gorge
Leur répondit: Moi, je sais ce qu'il forge;
C'est un regard qu'il a pris à Stella.

Et les oiseaux, riant du jeune maître,
De s'écrier: Amour, que ferez-vous
De ce regard qu'aucun fiel ne pénètre?
Il est trop pur pour vous servir, ô traître!
Pour vous servir, méchants, il est trop doux!

Mais Cupido, parmi les étincelles,
Leur dit: Dormez, petits oiseaux des bois.
Couvez vos oeufs et repliez vos ailes.
Les purs regards sont mes flèches mortelles;
Les plus doux yeux sont mes pires carquois.


Par: Victor Hugo

Extrait de: Le Rhin (1842)

Ajoutée par Savinien le 09/11/2022

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