Citations de Les chansons des rues et des bois, de Victor Hugo
11 Citations
Pendant une maladie
Je vois l'immense instant suprême
Dans les ténèbres arriver.
L'astre pâle au fond du ciel blême
Dessine son vague lever.
L'heure réelle, ou décevante,
Dresse son front mystérieux.
Ne crois pas que je m'épouvante;
J'ai toujours été curieux.
Mon âme se change en prunelle;
Ma raison sonde Dieu voilé;
Je tâte la porte éternelle,
Et j'essaie à la nuit ma clé.
C'est Dieu que le fossoyeur creuse;
Mourir, c'est l'heure de savoir;
Je dis à la mort: Vieille ouvreuse.
Je viens voir le spectacle noir,
Par: Victor Hugo
Extrait de: Les chansons des rues et des bois (1865)
Ajoutée par Savinien le 28/06/2021
Une alcôve au soleil levant
Une petite en ce coin sombre
Etait là dans un berceau blanc.
Ayant je ne sais quoi dans l'ombre
De confiant et de tremblant.
Elle étreignait dans sa main calme
Un grelot d'argent qui penchait;
L'innocence au ciel tient la palme
Et sur la terre le hochet.
Comme elle sommeille! Elle ignore
Le bien, le mal, le coeur, les sens.
Son rêve est un sentier d'aurore
Dont les anges sont les passants.
Son bras, par instants, sans secousse,
Se déplace, charmant et pur;
Sa respiration est douce
Comme une mouche dans l'azur.
Le regard de l'aube la couvre;
Rien n'est auguste et triomphant
Comme cet oeil de Dieu qui s'ouvre
Sur les yeux fermés de l'enfant.
Par: Victor Hugo
Extrait de: Les chansons des rues et des bois (1865)
Ajoutée par Savinien le 28/06/2021
Lettre
Et la femme est le divin diable
Qui taquine ce paradis.
Elle tient un fruit qu'elle achève
Et qu'elle mord, ange et tyran:
Ce qu'on nomme la pomme d'Ève,
Tristes cieux! C'est le coeur d'Adam.
Par: Victor Hugo
Extrait de: Les chansons des rues et des bois (1865)
Ajoutée par Savinien le 28/06/2021
Dénonciation de l'esprit des bois
J'ai vu ton ami, j'ai vu ton amie,
Mérante et Rosa; vous n'étiez point trois.
Fils, ils ont produit une épidémie
De baisers parmi les nids de mon bois.
Ils étaient contents, le diable m'emporte!
Tu n'étais point là. Je les regardais.
Jadis on trompait Jupin de la sorte;
Car parfois un dieu peut être un dadais.
Moi je suis très laid, j'ai l'épaule haute,
Mais, bah! Quand je peux, je ris de bon coeur.
Chacun a sa part; on plane, je saute;
Vous êtes les beaux, je suis le moqueur.
Quand le ciel charmant se mire à la source,
Quand les autres ont l'âme et le baiser,
Faire la grimace est une ressource.
N'étant pas heureux, il faut s'amuser.
Par: Victor Hugo
Extrait de: Les chansons des rues et des bois (1865)
Ajoutée par Savinien le 28/06/2021
Les bonnes intentions de Rosa
Le diable est diseur de proverbes.
Il songeait. Son pied mal botté
Écrasait dans les hautes herbes
La forêt de fleurs de l'été.
L'un près de l'autre nous passâmes.
- Çà, pensai-je, il est du métier. -
Le diable se connaît en femmes,
En qualité de bijoutier.
Je m'approchai de son altesse,
Le chapeau bas; ce carnassier,
Calme, me fit la politesse
D'un sourire hostile et princier.
Je lui dis: - Que pensez-vous d'elle?
Contez-moi ce que vous savez.
- Son désir de t'être fidèle,
Dit-il, est un de mes pavés.
Par: Victor Hugo
Extrait de: Les chansons des rues et des bois (1865)
Ajoutée par Savinien le 28/06/2021
A Rosita
Tu ne veux pas aimer, méchante?
Le printemps en est triste, vois;
Entends-tu ce que l'oiseau chante
Dans la sombre douceur des bois?
Sans l'amour rien ne reste d'Ève;
L'amour, c'est la seule beauté;
Le ciel, bleu quand l'astre s'y lève,
Est tout noir, le soleil ôté.
Tu deviendras laide toi-même
Si tu n'as pas plus de raison.
L'oiseau chante qu'il faut qu'on aime,
Et ne sait pas d'autre chanson.
Par: Victor Hugo
Extrait de: Les chansons des rues et des bois (1865)
Ajoutée par Savinien le 28/06/2021
Gare!
L'amour, où glissent les âmes,
Est un précipice; on a
Le vertige au bord des femmes
Comme au penchant de l'Etna.
On rit d'abord. Quel doux rire!
Un jour, dans ce jeu charmant,
On s'aperçoit qu'on respire
Un peu moins facilement.
Ces feux-là troublent la tête.
L'imprudent qui s'y chauffait
S'éveille à moitié poète
Et stupide tout à fait.
Plus de joie. On est la chose
Des tourments et des amours.
Quoique le tyran soit rose,
L'esclavage est noir toujours.
Par: Victor Hugo
Extrait de: Les chansons des rues et des bois (1865)
Ajoutée par Savinien le 28/06/2021
Fuis l'éden des anges déchus...
Fuis l'éden des anges déchus;
Ami, prends garde aux belles filles;
Redoute à Paris les fichus,
Redoute à Madrid les mantilles.
Tremble pour tes ailes, oiseau,
Et pour tes fils, marionnette.
Crains un peu l'oeil de Calypso,
Et crains beaucoup l'oeil de Jeannette.
Quand leur tendresse a commencé,
Notre servitude est prochaine.
Veux-tu savoir leur A B C?
Ami, c'est Amour, Baiser, Chaîne.
Par: Victor Hugo
Extrait de: Les chansons des rues et des bois (1865)
Ajoutée par Savinien le 28/06/2021
Je ne me mets pas en peine...
Sais-tu, Jeanne, à quoi je rêve?
C'est au mouvement d'oiseau
De ton pied blanc qui se lève
Quand tu passes le ruisseau.
Et sais-tu ce qui me gêne?
C'est qu'à travers l'horizon,
Jeanne, une invisible chaîne
Me tire vers ta maison.
Et sais-tu ce qui m'ennuie?
C'est l'air charmant et vainqueur,
Jeanne, dont tu fais la pluie
Et le beau temps dans mon coeur.
Et sais-tu ce qui m'occupe,
Jeanne? C'est que j'aime mieux
La moindre fleur de ta jupe
Que tous les astres des cieux.
Par: Victor Hugo
Extrait de: Les chansons des rues et des bois (1865)
Ajoutée par Savinien le 28/06/2021
« Puisque tu viens d'en haut, déesse,
Ange, peut-être le sais-tu?
Ô Psyché! Quelle est la sagesse?
Ô Psyché! Quelle est la vertu?
Qu'est-ce que, pour l'homme et la terre,
L'infini sombre a fait de mieux?
Quel est le chef-d'oeuvre du père?
Quel est le grand éclair des cieux? »
Posant sur mon front, sous la nue.
Ses ailes qu'on ne peut briser.
Entre lesquelles elle est nue.
Psyché m'a dit: C'est le baiser.
Par: Victor Hugo
Extrait de: Les chansons des rues et des bois (1865)
Ajoutée par Savinien le 28/06/2021
Depuis six mille ans la guerre...
Depuis six mille ans la guerre
Plait aux peuples querelleurs,
Et Dieu perd son temps à faire
Les étoiles et les fleurs.
Par: Victor Hugo
Extrait de: Les chansons des rues et des bois (1865)
Ajoutée par Savinien le 16/05/2011