Citations de Une vieille maîtresse, de Jules Barbey d'Aurevilly
15 Citations
Tu ne sais donc pas, mon beau coeur, - lui dit-elle avec une douce mélancolie, - combien le bonheur d'une femme est fragile. Tu ne sais qu'une chose, toi, c'est ton bonheur. Garde-le bien, en restant ici. Tous ceux qui tiennent à leurs trésors les cachent dans la solitude. Ryno t'aime avec idolâtrie. C'est un noble caractère, mais l'amour qu'il a pour toi n'est pas d'une autre espèce que l'amour des hommes. Ici, qu'aimerait-il s'il ne t'aimait pas? Tandis qu'à Paris, il est des distractions de toutes sortes; et pour une femme aimée, toute distraction est une ennemie.
Extrait de: Une vieille maîtresse (1851)
Ajoutée par Savinien le 12/01/2021
Le coeur d'un homme! Ah! Quelle femme peut se vanter d'avoir bien fermé cet abîme, et d'en avoir toujours la clef?
Extrait de: Une vieille maîtresse (1851)
Ajoutée par Savinien le 12/01/2021
Il n'y a qu'une atmosphère où l'amour n'étouffe pas, c'est la solitude. Comme les aigles auxquels il faut les immensités d'un désert d'azur, l'amour n'a sa largeur et la naïveté puissante de ses mouvements que dans une solitude, immense, profonde, complète; une empyrée de solitude!
Extrait de: Une vieille maîtresse (1851)
Ajoutée par Savinien le 12/01/2021
La première peine, quelque légère qu'elle soit, a toujours plus de poids que le bonheur n'a de résistance, et elle va d'un seul trait jusqu'au fond de notre félicité, comme un plomb qui tombe dans de l'eau.
Extrait de: Une vieille maîtresse (1851)
Ajoutée par Savinien le 12/01/2021
Et elle s'assit sur la causeuse, sa tête défaite dans ses mains, et pleurant comme toutes les femmes pleurent, car les plus beaux yeux de la terre ont été créés, à ce qu'il semble, bien moins pour voir que pour pleurer.
Extrait de: Une vieille maîtresse (1851)
Ajoutée par Savinien le 12/01/2021
En se penchant, sa joue toucha la joue veloutée de la Malagaise. Ah! Cette chair connaissait cette chair! Le corps, comme l'âme, a ses ressouvenances. Si les lettres tracées avec du sang et figées sur un froid papier étaient entrées chaudes par les yeux de Ryno pour tomber tièdes sur son coeur, ici, le sang n'était plus séché. Il coulait, il circulait, carmin brûlant, derrière sa cloison transparente. Ce choc électrique de deux joues, ce fut l'étincelle à la poudre!
Extrait de: Une vieille maîtresse (1851)
Ajoutée par Savinien le 12/01/2021
Malgré sa pitié et son amour pour Hermangarde, il se trouvait mieux auprès de la femme qu'il n'aimait plus qu'à côté de celle qu'il aimait. Quoi d'étonnant? Toutes ses relations avec Vellini étaient droites et vraies; avec Hermangarde, elles ne l'étaient plus. L'air vital du coeur, n'est-ce pas la confiance? Le bonheur entre ceux qui s'aiment, c'est de parler haut.
Extrait de: Une vieille maîtresse (1851)
Ajoutée par Savinien le 12/01/2021
C'était sa coutume de dîner seul. Il avait observé que la conversation - ce charmant hors-d'œuvre pour les oisifs à table, qui goûtent dédaigneusement du bout des lèvres les ailes de faisan piquées de crêtes ou les coulis d'ortolans truffés, - était une distraction et une duperie pour ceux qui, réellement, savent manger. Aussi, comme les Ascètes, qui redoublent au désert leur tête-à-tête avec Dieu, - comme les amoureux, ces autres Ascètes, qui emportent leurs maîtresses dans la solitude pour que les rayons les plus indifférents de leurs yeux ne soient à personne, - il avait appliqué aux sensations de la table cette concentration solitaire qui multiplie l'intensité du plaisir par l'isolement de tout ce qui n'est pas la jouissance elle-même.
Extrait de: Une vieille maîtresse (1851)
Ajoutée par Savinien le 12/01/2021
Il est des bonheurs tellement grands, tellement inespérés, que, quand ils tombent à vos pieds un jour, vous ne savez comment vous y prendre pour les ramasser.
Extrait de: Une vieille maîtresse (1851)
Ajoutée par Savinien le 07/01/2021
Si vous ne voulez pas souper avec M. de Marigny, señora, c'est donc que vous le craignez beaucoup, et la Crainte, c'est souvent la soeur aînée de l'Amour.
Extrait de: Une vieille maîtresse (1851)
Ajoutée par Savinien le 07/01/2021
Les femmes n'existent que par l'amour. Celle qui s'est fait aimer dix ans, a fait preuve d'une puissance dont on espère saisir le mot sur son front.
Extrait de: Une vieille maîtresse (1851)
Ajoutée par Savinien le 07/01/2021
Mais n'ai-je pas dit que je sais ta puissance, ta puissance inouïe par moments, invincible, étrange, inexplicable, qui n'est pas l'amour, qui n'est même pas le souvenir de l'amour? C'est cela même que je veux fuir, Vellini. Je ferai mieux que ce sultan qui mettait un sabre entre lui et sa maîtresse. Je mettrai entre nous l'absence, - le meilleur glaive qu'il y ait pour couper tous les liens du coeur.
Extrait de: Une vieille maîtresse (1851)
Ajoutée par Savinien le 07/01/2021
Les yeux, emplis par des prunelles d'une largeur extraordinaire, noirs, durs, faux, espionnants, tisons ardents d'un vrai brasero sans flammes, s'avivaient d'une clarté qui brûlait le jour. C'étaient des yeux infernaux ou célestes, car l'homme n'a guères que ces mots-là qui cachent l'Infini, pour en exprimer la puissance.
Extrait de: Une vieille maîtresse (1851)
Ajoutée par Savinien le 07/01/2021
Les passions - pensait-elle - font moins de mal que l'ennui, car les passions tendent toujours à diminuer, tandis que l'ennui tend toujours à s'accroître.
Extrait de: Une vieille maîtresse (1851)
Ajoutée par Savinien le 07/01/2021
Mlle de Polastron avait en toute sa personne quelque chose d'entr'ouvert et de caché, d'enroulé, de mi-clos, dont l'effet était irrésistible et qui la faisait ressembler à une de ces créations de l'imagination indienne, à une de ces belles jeunes filles qui sortent du calice d'une fleur, sans qu'on sache bien où la fleur finit, où la femme commence! Le contour visible plongeait dans l'infini du rêve.
Extrait de: Une vieille maîtresse (1851)
Ajoutée par Savinien le 07/01/2021