Citations de Cromwell, de Victor Hugo
14 Citations
Acte IV, Scène 2
Son âme, - a-t-il une âme? - incessamment sommeille.
Il ne sait point le jour ce qu'il a fait la veille.
Il n'a point de mémoire; - hélas! Qu'il est heureux!
Jamais, troublé la nuit de pensers ténébreux,
Il n'a, pressant le pas sous quelque voûte sombre,
Craint de tourner la tête et d'entrevoir une ombre.
Il ne souhaite pas qu'on puisse l'oublier,
Et que l'an n'eût jamais eu de trente janvier!
Ah! Malheureux Cromwell! Ton fou te fait envie.
Te voilà tout-puissant: - qu'as-tu fait de ta vie?
Par: Victor Hugo
Extrait de: Cromwell (1827)
Ajoutée par Savinien le 07/04/2020
Acte III, Scène 18
J'ai passé dans ce monde étroit, fallacieux,
Sans quitter un instant l'autre monde des yeux.
Songe! En un siècle entier, pas un jour, pas une heure! -
Que de fois j'ai, la nuit, déserté ma demeure
Pour aller écouter aux portes des tombeaux,
Pour déranger un ver rongeant d'impurs lambeaux!
Combien j'étais heureux, roi du sombre royaume,
Quand j'avais pu changer un cadavre en fantôme,
Et forcer quelque mort détaché du gibet
A bégayer un mot du céleste alphabet!
Les morts m'ont révélé le problème des mondes;
Et j'ai presque entrevu l'être aux splendeurs profondes
Qui sur l'orbe du ciel comme aux plis du linceul,
Inscrit son nom fatal et connu de lui seul.
Par: Victor Hugo
Extrait de: Cromwell (1827)
Ajoutée par Savinien le 07/04/2020
Acte II, Scène 15
L'homme, hélas! Propose, et Dieu dispose.
Je me croyais au port, calme, à l'abri des flots,
Et me voilà sondant une mer de complots!
Me voilà de nouveau jouant aux dés ma tête!
Mais, courage! Affrontons la dernière tempête.
Frappons un dernier coup qui les glace d'effroi.
Brisons ce qui résiste! Il faut au peuple un roi.
Par: Victor Hugo
Extrait de: Cromwell (1827)
Ajoutée par Savinien le 07/04/2020
Acte II, Scène 6
J'ai bien l'autorité, mais je n'ai pas le nom!
Tu souris, Thurloë. Tu ne sais pas quel vide
Creuse au fond de nos coeurs l'ambition avide!
Comme elle fait braver douleur, travail, péril,
Tout enfin, pour un but qui semble puéril!
Qu'il est dur de porter sa fortune incomplète!
Puis, je ne sais quel lustre, où le ciel se reflète,
Environne les rois, depuis les temps anciens.
Ces noms, Roi, Majesté, sont des magiciens!
D'ailleurs, sans être roi, du monde être l'arbitre!
La chose sans le mot! Le pouvoir sans le titre!
Pauvretés! Va, l'empire et le rang ne font qu'un.
Tu ne sais pas, ami, comme il est importun,
Quand on sort de la foule et qu'on touche le faîte,
De sentir quelque chose au-dessus de sa tête!
Par: Victor Hugo
Extrait de: Cromwell (1827)
Ajoutée par Savinien le 04/04/2020
Acte II, Scène 2
La Rome dont l'Europe aujourd'hui suit la règle,
Porte un regard de lynx ou planait l'oeil de l'aigle.
A la chaîne imposée à vingt peuples lointains,
Succède un fil caché qui meut de vils pantins!
Ô nains fils des géants! Renards nés de la louve!
Avec vos mots mielleux partout on vous retrouve,
Philippi, Mancini, Torti, Mazarini!
Satan pour intriguer doit prendre un nom en i!
Par: Victor Hugo
Extrait de: Cromwell (1827)
Ajoutée par Savinien le 04/04/2020
Acte I, Scène 7
Allons! C'en est donc fait... me voilà compromis!
Ils m'ont choisi pour chef! - Pourquoi l'ai-je permis?
Ah! N'importe! Avançons. - Ma crainte est ridicule;
Et sait-on où l'on va, d'ailleurs, quand on recule?
Par: Victor Hugo
Extrait de: Cromwell (1827)
Ajoutée par Savinien le 04/04/2020
Acte I, Scène 1
Mais pour ternir ma joie, empoisonner ma gloire,
Faut-il qu'un vieil ami meure de ma victoire?
Compagnon, souviens-toi, que nous avons tous deux
Baigné du même sang nos glaives hasardeux,
Et des mêmes combats respiré la poussière!
Pour la deuxième fois, Broghill, - pour la dernière,
Je t'interpelle, au nom du bon plaisir royal,
Veux-tu vivre fidèle ou mourir déloyal?
Par: Victor Hugo
Extrait de: Cromwell (1827)
Ajoutée par Savinien le 02/04/2020
Acte I, Scène 1
Cromwell veut être enfin, au dais royal porté,
Salué par les Rois du nom de Majesté.
Cromwell, dans ce butin que chacun se partage,
Prend de Charles-Premier le sanglant héritage.
Il l'aura tout entier! Son trône et son cercueil.
Le régicide roi saura dans son orgueil
Que la couronne est lourde, et bien qu'on s'en empare,
Qu'elle écrase parfois les têtes qu'elle pare!
Par: Victor Hugo
Extrait de: Cromwell (1827)
Ajoutée par Savinien le 02/04/2020
Acte I, Scène 1
T'ai-je pu méconnaître? Ah!... Mais cet air sinistre,
Milord, - les ans, - surtout cet habit de ministre...
Vous êtes si changé!
Je le suis moins que vous,
Broghill! Devant Cromwell vous pliez les genoux.
Broghill se courbe aux pieds d'un régicide infâme!
Moi, j'ai changé d'habits, mais toi, de coeur et d'âme!
Te voilà, toi qu'on vit si grand dans nos combats!
Tu ne montais si haut que pour tomber si bas!
Par: Victor Hugo
Extrait de: Cromwell (1827)
Ajoutée par Savinien le 02/04/2020
Le chêne, cet arbre géant que nous comparions tout à l'heure à Shakespeare et qui a plus d'une analogie avec lui, le chêne a le port bizarre, les rameaux noueux, le feuillage sombre, l'écorce âpre et rude; mais il est le chêne. Et c'est à cause de cela qu'il est le chêne. Que si vous voulez une tige lisse, des branches droites, des feuilles de satin, adressez-vous au pâle bouleau, au sureau creux, au saule pleureur; mais laissez en paix le grand chêne. Ne lapidez pas qui vous ombrage.
Par: Victor Hugo
Extrait de: Cromwell (1827)
Ajoutée par Savinien le 02/04/2020
Où voit-on médaille qui n'ait son revers? Talent qui n'apporte son ombre avec sa lumière, sa fumée avec sa flamme? Telle tache peut n'être que la conséquence indivisible de telle beauté. Cette touche heurtée, qui me choque de près, complète l'effet et donne la saillie à l'ensemble. Effacez l'une, vous effacez l'autre. L'originalité se compose de tout cela. Le génie est nécessairement inégal. Il n'est pas de hautes montagnes sans profonds précipices. Comblez la vallée avec le mont, vous n'aurez plus qu'un steppe, une lande, la plaine des Sablons au lieu des Alpes, des alouettes et non des aigles.
Par: Victor Hugo
Extrait de: Cromwell (1827)
Ajoutée par Savinien le 02/04/2020
Toute époque a ses idées propres, il faut qu'elle ait aussi les mots propres à ces idées. Les langues sont comme la mer, elles oscillent sans cesse. A certains temps, elles quittent un rivage du monde de la pensée et en envahissent un autre. Tout ce que leur flot déserte ainsi sèche et s'efface du sol. C'est de cette façon que des idées s'éteignent, que des mots s'en vont. Il en est des idiomes humains comme de tout. Chaque siècle lui apporte et en emporte quelque chose.
Par: Victor Hugo
Extrait de: Cromwell (1827)
Ajoutée par Savinien le 02/04/2020
Du jour où le christianisme a dit à l'homme: « Tu es double, tu es composé de deux êtres, l'un périssable, l'autre immortel, l'un charnel, l'autre éthéré, l'un enchaîné par les appétits, les besoins et les passions, l'autre emporté sur les ailes de l'enthousiasme et de la rêverie, celui-ci enfin toujours courbé vers la terre, sa mère, celui-là sans cesse élancé vers le ciel, sa patrie »; de ce jour le drame a été créé. Est-ce autre chose en effet que ce contraste de tous les jours, que cette lutte de tous les instants entre deux principes opposés qui sont toujours en présence dans la vie, et qui se disputent l'homme depuis le berceau jusqu'à la tombe?
Par: Victor Hugo
Extrait de: Cromwell (1827)
Ajoutée par Savinien le 02/04/2020
Ces choses sont d'ordinaire fort indifférentes aux lecteurs. Ils s'informent plutôt du talent d'un écrivain que de ses façons de voir; et, qu'un ouvrage soit bon ou mauvais, peu leur importe sur quelles idées il est assis, dans quel esprit il a germé. On ne visite guère les caves d'un édifice dont on a parcouru les salles, et quand on mange le fruit de l'arbre, on se soucie peu de la racine.
Par: Victor Hugo
Extrait de: Cromwell (1827)
Ajoutée par Savinien le 02/04/2020