Citations de Mémoires d'un fou, de Gustave Flaubert

5 Citations

Certes, on peut vivre, et mourir même, sans s'être demandé une seule fois ce que c'est que la vie et que la mort; mais pour celui qui regarde les feuilles trembler au souffle du vent, les rivières serpenter dans les prés, la vie se tourmenter et tourbillonner dans les choses, les hommes vivre, faire le bien et le mal, la mer rouler ses flots et le ciel dérouler ses lumières, et qui se demande: pourquoi ces feuilles? Pourquoi l'eau coule-t-elle? Pourquoi la vie elle-même est-elle un torrent si terrible et qui va se perdre dans l'océan sans bornes de la mort? Pourquoi les hommes marchent-ils, travaillent-ils comme des fourmis? Pourquoi la tempête? Pourquoi le ciel si pur et la terre si infâme? Ces questions mènent à des ténèbres d'où l'on ne sort pas.


Par: Gustave Flaubert

Ajoutée par Savinien le 20/08/2020

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Et maintenant si rieur sur tout, si amèrement persuadé du grotesque de l'existence, je sens encore que l'amour, cet amour comme je l'ai rêvé au collège sans l'avoir, et que j'ai ressenti plus tard, qui m'a tant fait pleurer et dont j'ai tant ri, combien je crois encore que ce serait tout à la fois la plus sublime des choses, ou la plus bouffonne des bêtises! Deux êtres jetés sur la terre par un hasard, quelque chose, et qui se rencontrent, s'aiment, parce que l'un est femme et l'autre homme! Les voilà haletants l'un pour l'autre, se promenant ensemble la nuit et se mouillant à la rosée, regardant le clair de lune et le trouvant diaphane, admirant les étoiles et disant sur tous les tons: je t'aime, tu m'aimes, il m'aime, nous nous aimons, et répétant cela avec des soupirs, des baisers; et puis ils rentrent, poussés tous les deux par une ardeur sans pareille car ces deux âmes ont leurs organes violemment échauffés, et les voilà bientôt grotesquement accouplés, avec des rugissements et des soupirs, soucieux l'un et l'autre pour reproduire un imbécile de plus sur la terre, un malheureux qui les imitera! Contemplez-les, plus bêtes en ce moment que les chiens et les mouches, s'évanouissant, et cachant soigneusement aux yeux des hommes leur jouissance solitaire, pensant peut-être que le bonheur est un crime et la volupté une honte.


Par: Gustave Flaubert

Ajoutée par Savinien le 06/01/2019

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Je n'envie pas les autres, car chacun se plaint du fardeau dont la fatalité l'accable; les uns le jettent avant l'existence finie, d'autres le portent jusqu'au bout. Et moi, le porterai-je?


Par: Gustave Flaubert

Ajoutée par Savinien le 25/05/2017

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Enfant, j'ai rêvé l'amour; jeune homme la gloire; homme, la tombe, ce dernier amour de ceux qui n'en ont plus.


Par: Gustave Flaubert

Ajoutée par Savinien le 25/05/2017

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Je vous conterai plus tard toutes les phases de cette vie morne et méditative passée au coin du feu les bras croisés, avec un éternel bâillement d'ennui, seul pendant tout un jour, et tournant de temps en temps mes regards sur la neige des toits voisins, sur le soleil couchant avec ses jets de pâle lumière sur le pavé de ma chambre, ou sur une tête de mort jaune, édentée et grimaçant sans cesse sur ma cheminée, symbole de la vie et comme elle froide et railleuse. Plus tard, vous lirez peut-être toutes les angoisses de ce coeur si battu, si navré d'amertume. Vous saurez les aventures de cette vie si paisible et si banale, si remplie de sentiments, si vide de faits. Et vous me direz ensuite si tout n'est pas une dérision et une moquerie, si tout ce qu'on chante dans les écoles, tout ce qu'on délaie dans les livres, tout ce qui se voit, se sent, se parle, si tout ce qui existe... Je n'achève pas tant j'ai d'amertume à le dire. Eh! Bien, si tout cela enfin n'est pas de la pitié, de la fumée, du néant!


Par: Gustave Flaubert

Ajoutée par Savinien le 25/05/2017

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