Citations de Voyage en Amérique, de François-René de Chateaubriand
11 Citations
Les sauvages de la Floride racontent qu'il y a au milieu d'un lac une île où vivent les plus belles femmes du monde. Les Muscogulges ont voulu plusieurs fois tenter la conquête de l'île magique; mais les retraites élyséennes fuyant devant leurs canots, finissaient par disparaître: naturelle image du temps que nous perdons à la poursuite de nos chimères. Dans ce pays était aussi une fontaine de jouvence: qui voudrait rajeunir?
Par: François-René de Chateaubriand
Extrait de: Voyage en Amérique (1827)
Ajoutée par Savinien le 10/11/2012
Je suis tombé dans cette espèce de rêverie connue de tous les voyageurs: nul souvenir distinct de moi ne me restait; je me sentais vivre comme partie du grand tout, et végéter avec les arbres et les fleurs. C'est peut-être la disposition la plus douce pour l'homme, car alors même qu'il est heureux, il y a dans ses plaisirs un certain fond d'amertume, un je ne sais quoi qu'on pourrait appeler la tristesse du bonheur. La rêverie du voyageur est une sorte de plénitude de coeur et de vide de tête, qui vous laisse jouir en repos de votre existence: c'est par la pensée que nous troublons la félicité que Dieu nous donne: l'âme est paisible, l'esprit est inquiet.
Par: François-René de Chateaubriand
Extrait de: Voyage en Amérique (1827)
Ajoutée par Savinien le 10/11/2012
Le soir, cette fleur commence à s'entrouvrir; elle s'épanouit pendant la nuit; l'aurore la trouve dans tout son éclat; vers la moitié du matin elle se fane; elle tombe à midi: elle ne vit que quelques heures, mais elle passe ces heures sous un ciel serein. Qu'importe alors la brièveté de sa vie?
Par: François-René de Chateaubriand
Extrait de: Voyage en Amérique (1827)
Ajoutée par Savinien le 06/11/2012
Pourquoi trouve-t-on tant de charme à la vie sauvage? Pourquoi l'homme le plus accoutumé à exercer sa pensée s'oublie-t-il joyeusement dans le tumulte d'une chasse? Courir dans les bois, poursuivre des bêtes sauvages, bâtir sa hutte, allumer son feu, apprêter soi-même son repas auprès d'une source, est certainement un très grand plaisir. Mille européens ont connu ce plaisir, et n'en ont plus voulu d'autre, tandis que l'indien meurt de regret si on l'enferme dans nos cités. Cela prouve que l'homme est plutôt un être actif, qu'un être contemplatif; que dans sa condition naturelle, il lui faut peu de chose, et que la simplicité de l'âme est une source inépuisable de bonheur.
Par: François-René de Chateaubriand
Extrait de: Voyage en Amérique (1827)
Ajoutée par Savinien le 06/11/2012
De toutes les parties de la forêt, les chauve-souris accrochées aux feuilles élèvent leurs chants monotones: on croit ouïr des glas continus, ou le tintement funèbre d'une cloche. Tout nous ramène à quelque idée de la mort, parce que cette idée est au fond de la vie.
Par: François-René de Chateaubriand
Extrait de: Voyage en Amérique (1827)
Ajoutée par Savinien le 06/11/2012
J'écoute: un calme formidable pèse sur ces forêts; on dirait que des silences succèdent à des silences. Je cherche vainement à entendre dans un tombeau universel quelque bruit qui décèle la vie. D'où vient ce soupir? D'un de mes compagnons: il se plaint, bien qu'il sommeille. Tu vis, donc tu souffres: voilà l'homme.
Par: François-René de Chateaubriand
Extrait de: Voyage en Amérique (1827)
Ajoutée par Savinien le 03/11/2012
J'avais entrevu de nouveau une clarté et j'avais marché vers elle. Me voilà au point de lumière: triste champ plus mélancolique que les forêts qui l'environnent! Ce champ est un ancien cimetière indien. Que je me repose un instant dans cette double solitude de la mort et de la nature: est-il un asile où j'aimasse mieux dormir pour toujours?
Par: François-René de Chateaubriand
Extrait de: Voyage en Amérique (1827)
Ajoutée par Savinien le 03/11/2012
Courez vous enfermer dans vos cités, allez vous soumettre à vos petites lois; gagnez votre pain à la sueur de votre front, ou dévorez le pain du pauvre; égorgez-vous pour un mot, pour un maître; doutez de l'existence de Dieu, ou adorez-le sous des formes superstitieuses, moi j'irai errant dans mes solitudes; pas un seul battement de mon coeur ne sera comprimé, pas une seule de mes pensées ne sera enchaînée; je serai libre comme la nature, je ne connaîtrai de souverain que celui qui alluma la flamme des soleils, et qui, d'un seul coup de sa main, fit rouler tous les mondes.
Par: François-René de Chateaubriand
Extrait de: Voyage en Amérique (1827)
Ajoutée par Savinien le 03/11/2012
L'indienne parut étonnée: je vis sur son visage jaune et attristé des signes d'attendrissement et presque de gratitude. Ces mystérieuses relations de l'infortune remplirent mes yeux de larmes: il y a de la douceur à pleurer sur des maux qui n'ont été pleurés de personne.
Par: François-René de Chateaubriand
Extrait de: Voyage en Amérique (1827)
Ajoutée par Savinien le 02/11/2012
Je n'étais pas ému. La grandeur de l'âme ou celle de la fortune ne m'imposent point: j'admire la première sans en être écrasé; la seconde m'inspire plus de pitié que de respect. Visage d'homme ne me troublera jamais.
Par: François-René de Chateaubriand
Extrait de: Voyage en Amérique (1827)
Ajoutée par Savinien le 02/11/2012
Si mes ouvrages me survivaient; si je devais laisser un nom, peut-être un jour, guidé par ces mémoires, le voyageur s'arrêterait un moment aux lieux que j'ai décrits. Il pourrait reconnaître le château, mais il chercherait en vain le grand mail ou le grand bois; il a été abattu: le berceau de mes songes a disparu comme ces songes. Demeuré seul debout sur son rocher, l'antique donjon semble regretter les chênes qui l'environnaient et le protégeaient contre les tempêtes. Isolé comme lui, j'ai vu comme lui tomber autour de moi la famille qui embellissait mes jours et me prêtait son abri: grâce au ciel, ma vie n'est pas bâtie sur la terre aussi solidement que les tours où j'ai passé ma jeunesse.
Par: François-René de Chateaubriand
Extrait de: Voyage en Amérique (1827)
Ajoutée par Savinien le 02/11/2012