Citations de François Edouard Joachim Coppée

10 Citations

Oh! comme les oiseaux doivent mourir l'hiver!
Pourtant, lorsque viendra le temps des violettes,
Nous ne trouverons pas leurs délicats squelettes
Dans le gazon d'avril, où nous irons courir.
Est-ce que les oiseaux se cachent pour mourir?


Par: François Edouard Joachim Coppée

Extrait de: Les humbles (1872)

Ajoutée par jlm le 14/05/2013

 

A la mémoire de Henri-Charles Read


Celui qui fit ces vers est mort à dix-neuf ans.
- Tel l'amandier précoce, au début du printemps;
Meurt pour une neige qui tombe. -
Il ne reste de lui que ce bouquet glané,
Et d'une main pieuse, ainsi qu'un frère aîné,
Je viens le poser sur sa tombe.

En lisant ses doux vers, qu'ils l'aient ou non connu,
Tous seront attendris par leur charme ingénu,
Par leur grâce simple et naïve,
Et, devinant quel homme eût été cet enfant,
Ils se demanderont pourquoi le sort défend
Qu'un tel être prospère et vive;

Pourquoi tant de charmants espoirs ont succombé;
Pourquoi sur le chemin on trouve un nid tombé;
Pourquoi le vent brise l'arbuste;
Pourquoi l'artiste, un jour, laisse là, sans regret,
Une ébauche où déjà le chef-d'oeuvre apparaît,
Et pourquoi le Ciel est injuste!

Mais devant ce jeune homme au sépulcre enfermé,
Moi qui vieillis, je dis à ceux qui l'ont aimé
Ou qui l'aimeront par son livre:
Heureux qui n'a vécu qu'un jour, en floréal!
Heureux qui meurt, tout jeune, avec son idéal!
Dieu lui fait grâce et le délivre.

Car vivre, c'est souffrir. Quels maux n'eût pas soufferts
Le coeur ardent et bon qui s'épanche en ces vers?
Il portait la marque fatale.
L'Art, le Bonheur, l'Amour à ses yeux avaient lui;
Il n'a pas eu le temps de voir fuir devant lui
Tous ces mirages de Tantale.

D'ailleurs, que savons-nous? Hommes, courbons nos fronts!
Au-delà du tombeau vers lequel nous courons
Siège une immuable justice;
Et nous saurons un jour qu'il est essentiel
Que l'âme d'un poète enfant remonte au ciel
Pour que le soleil resplendisse!


Par: François Edouard Joachim Coppée

 

Ajoutée par Savinien le 04/11/2012

 

Vers le passé


Longuement poursuivi par le spleen détesté,
Quand je vais dans les champs, par les beaux soirs d'été,
Au grand air rafraîchir mes tempes,
Je ris de voir, le long des bois, les fiancés
Cheminer lentement, deux par deux, enlacés
Comme dans les vieilles étampes.

Car je dédaigne enfin les baisers puérils
Et la foi des seize ans, fleur brève des avrils,
Ephémère duvet des pêches,
Qui fait qu'on se contente et qu'on est trop heureux,
Si la femme qu'on aime a les bras amoureux,
L'âme neuve et les lèvres fraîches.

Elle est évanouie à jamais la candeur
Qui fait que l'on s'éprend d'un petit air boudeur
Qui n'est bien qu'à travers le voile,
Et qu'on n'a pas de mots assez ambitieux
Pour dire à ses amis qu'elle a de jolis yeux
Couleur de bleuet et d'étoile.

Et c'est la fin. Mon coeur, quitté des anciens voeux,
Ne saura plus le charme infini des aveux
Et ce bonheur qui vous inonde
Parce qu'un soir de mai, dans les bois, à Meudon,
Sur votre épaule avec un geste d'abandon
Elle a posé sa tête blonde.


Par: François Edouard Joachim Coppée

 

Ajoutée par Savinien le 15/01/2011

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A tes yeux


Telle, sur une mer houleuse, la frégate
Emporte vers le nord ses marins soucieux,
Telle mon âme nage, abimée en tes yeux,
Parmi leur azur pâle aux tristesses d'agate.

Car j'ai revu dans leur nuance délicate
Le mirage lointain des édens et des cieux
Plus doux que ferme à nos désirs audacieux
La figure voilée et sombre d'une Hécate.

Hélas! Courbons le front sous le poids des exils!
C'est en vain qu'aux genoux attiédis des amantes
Nous cherchons l'infini sous l'ombre de leurs cils.

Jamais rayon d'amour sur ces ondes dormantes
Ne vibrera sincère et pur, et les maudits
Ne retrouveront pas les anciens paradis.


Par: François Edouard Joachim Coppée

Ajoutée par Savinien le 13/01/2011

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Le corset


Vraiment, je lui trouvais l'air honnête et gentil,
A ce petit corset, simple et svelte, en coutil;
Mais, hier, je ne l'ai plus revu dans la boutique.
Une enfant du faubourg, jolie et chlorotique,
L'a sans doute lacé sur ses mignons appâts.
Et c'est attendrissant de penser, n'est-ce pas?
Qu'il enferme à présent le sein pur d'une vierge,
Ouvrière en journée ou fille de concierge,
Et que, songeant tout bas: « L'amour? Qu'est-ce que c'est? »
Un coeur battra bientôt sous le petit corset.


Par: François Edouard Joachim Coppée

Extrait de: Contes et poésies

Ajoutée par Savinien le 13/01/2011

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Caprice attendri


Au paradis d'amour, mon enfant, je le sais,
On ne mord qu'une fois la pomme tentatrice;
Et nous portons tous deux l'ardente cicatrice
Du coup qui pour jamais jadis nous a blessés.

Mais pour ne plus avoir les espoirs insensés,
Il ne faut pourtant pas que tout bonheur périsse;
Nous savons le saisir encore dans un caprice,
Nous nous attendrissons une heure, et c'est assez.

Renouvelons, veux-tu? L'illusion charmante;
Jette-moi tes deux bras au cou, comme une amante,
Baise-moi sur la bouche et dis moi: « M'aimes-tu? »

Mon enfant, oublions l'éden et notre chute,
Et bénissons l'amour, si, pour une minute,
Nos yeux se sont mouillés et nos coeurs ont battu.


Par: François Edouard Joachim Coppée

Extrait de: Contes et poésies

Ajoutée par Savinien le 13/01/2011

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Brune


Sur le terrain de foire au grand soleil brûlé,
Le cirque des chevaux de bois s'est ébranlé
Et l'orgue attaque l'air connu: « Tant mieux pour elle! »
Mais la brune grisette a fermé son ombrelle,
Et, bien en selle, avec un petit air vainqueur,
Elle va se payer deux sous de mal de coeur.
Elle rit, car déjà le mouvement rapide
Colle ses frisons noirs sur son front intrépide,
Et le vent fait flotter sa jupe et laisse voir
Un gai petit mollet, en bas rouge à coin noir.


Par: François Edouard Joachim Coppée

Extrait de: Contes et poésies

Ajoutée par Savinien le 11/01/2011

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Sur une tombe au printemps


La vieille croix s'effrite au fond du cimetière,
Mais avril embellit le signe des douleurs;
La fauvette y fait halte, et de ses douces fleurs
Un sauvage églantier la couvre toute entière.

La voix du rossignol vaut bien une prière,
Et moins que la rosée un regret a de pleurs.
Dans ces parfums, dans ces chansons, dans ces couleurs,
On sent revivre ici l'immortelle matière.

O vieux mort oublié! De qui l'orgueil humain
A sans doute rêvé l'éternel lendemain
Au sein du paradis, dans les apothéoses,

Aujourd'hui n'as-tu pas un destin aussi beau,
Si ton esprit épars autour de ce tombeau
Chante avec les oiseaux et fleurit dans les roses?


Par: François Edouard Joachim Coppée

Extrait de: Contes et poésies

Ajoutée par Savinien le 11/01/2011

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Vieux brouillon de lettre


Adieu! J'ai peur d'aimer. Quittons-nous ce soir même.
Je te ferais souffrir et tu me rendrais fou.
Ainsi qu'une coquette ôte un collier qu'elle aime,
Je détache à regret tes bras blancs de mon cou.

Adieu! L'amour viendrait. Bornons-nous au caprice.
Ne nous torturons pas des larmes du départ.
Adieu! Mon coeur blessé saigne à sa cicatrice.
J'ai tant souffert, vois-tu, pour avoir fui trop tard.

[...]

Mais puis-je, pauvre et fier, te garder, toi, trop belle?
C'est impossible, hélas! Epargnons-nous des pleurs.
Si nous tardions encore, - la vie est si cruelle! -
Nos soupirs d'aujourd'hui deviendraient des douleurs.

Ayons pitié de nous! Fuyons-nous, mon amie!
Mais souffre qu'en un rêve où sont mouillés mes yeux,
Je te revoie encore dans mes bras endormie
Et pose entre tes seins le baiser des adieux!


Par: François Edouard Joachim Coppée

Extrait de: Contes et poésies

Ajoutée par Savinien le 11/01/2011

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Une aumône


Fumant à ma fenêtre, en été, chaque soir,
Je voyais cette femme, à l'angle d'un trottoir,
S'offrir à tous ainsi qu'une chose à l'enchère.
Non loin de là s'ouvrait une porte cochère
Où l'on entendait geindre, en s'abritant dessous,
Une fillette avec des bouquets de deux sous.
Et celle qui traînait la soie et l'infamie
Attendait que l'enfant se fût bien endormie,
Et lui faisait alors l'aumône seulement.
- Tu lui pardonneras, n'est-ce pas? Dieu clément!


Par: François Edouard Joachim Coppée

Extrait de: Contes et poésies

Ajoutée par Savinien le 11/01/2011

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