Citations de Un été dans le Sahara, de Eugène Fromentin

6 Citations

Je me pénètre ainsi, par tous mes sens satisfaits, du bonheur de vivre en nomade; rien ne me manque et toute ma fortune de voyage tient dans deux coffres attachés sur le dos d'un dromadaire. Mon cheval est étendu près de moi sur la terre nue, prêt, si je le voulais, à me conduire au bout du monde; ma maison suffit à me procurer de l'ombre le jour, un abri la nuit: je la transporte avec moi, et déjà je la considère avec une émotion mêlée de regrets.


Par: Eugène Fromentin

Ajoutée par Savinien le 26/08/2015

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Le silence est un des charmes les plus subtils de ce pays solitaire et vide. Il communique à l'âme un équilibre que tu ne connais pas, toi qui as toujours vécu dans le tumulte; loin de l'accabler, il la dispose aux pensées légères; on croit qu'il représente l'absence de bruit, comme l'obscurité résulte de l'absence de la lumière: c'est une erreur. Si je puis comparer les sensations de l'oreille à celles de la vue, le silence répandu sur les grands espaces est plutôt une sorte de transparence aérienne, qui rend les perceptions plus claires, nous ouvre le monde ignoré des infiniment petits bruits, et nous révèle une étendue d'inexprimables jouissances.


Par: Eugène Fromentin

Ajoutée par Savinien le 24/08/2015

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Le derviche de D'jelfa n'a pas d'histoire. J'ignore même son nom [...] Quelquefois en pleine nuit, on l'entend essayer l'une après l'autre toutes ses flûtes. Le froid ni le soleil ne peuvent rien sur ce corps insouciant qui semble avoir perdu le don de souffrir. Son visage, criblé de rides, ne peut plus vieillir; l'âge le mine insensiblement comme un vieux tronc qui n'a plus de feuilles; la mort le prend par les jambes, pourtant il va toujours, s'asseyant rarement, ne se couchant presque jamais. Un jour il tombera de côté et ne pourra plus se relever; son âme sera allée rejoindre sa raison.


Par: Eugène Fromentin

Ajoutée par Savinien le 24/08/2015

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Mais, au milieu de ce peuple muet, difforme ou venimeux, sur ce terrain pâle et parmi l'absinthe toujours grise et le k'taf salé, volent et chantent des alouettes, et des alouettes de France [...] Les rouge-gorges, autres chanteurs d'automne, leur répondent du haut des amandiers sans feuilles; et ces deux voix expriment avec une étrange douceur toutes les tristesse d'Octobre. L'une est plus mélodique et ressemble à une petite chanson mêlée de larmes; l'autre est une phrase en quatre notes, profondes et passionnées. Deux oiseaux qui me font revoir tout ce que j'aime de mon pays, que font-ils, je te le demande, dans le Sahara? Et pour qui donc chantent-ils dans le voisinage des autruches et dans la morne compagnie des antilopes, des bubales, des scorpions et des vipères à cornes? Qui sait? Sans eux il n'y aurait plus d'oiseaux peut-être pour saluer les soleils qui se lèvent.


Par: Eugène Fromentin

Ajoutée par Savinien le 24/08/2015

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D'autres reculeraient devant la nudité d'un semblable itinéraire; je t'avoue que c'est précisément cette nudité qui m'encourage. Je crois avoir un but bien défini. - Si je l'atteignais jamais, il s'expliquerait de lui-même; si je ne dois pas l'atteindre, à quoi bon te l'exposer ici? - Admets seulement que j'aime passionnément le bleu, et qu'il y a deux choses que je brûle de revoir: le ciel sans nuages, au dessus du désert sans ombres.


Par: Eugène Fromentin

Ajoutée par Savinien le 19/08/2015

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On fit à ces deux livres un bon accueil [...] Des voyages que j'ai faits depuis lors, j'ai résolu de ne rien dire. Il m'eût fallu parler de lieux nouveaux, à peu près comme j'avais parlé des anciens. Mais à quoi bon? Qu'importe que le spectacle change, si la manière de voir et de sentir est toujours la même?


Par: Eugène Fromentin

Ajoutée par Savinien le 19/08/2015

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