Citations de Premiers poèmes, de Henri François Joseph de Régnier

3 Citations

Le mauvais soir


La nuit se fait sereine et douce
Et tendre comme mon serment;
Mes larmes tombent lentement
Sur cette main qui me repousse;

La nuit se fait douce et sereine...
Une étoile est au fond des cieux;
Puisses-tu lire dans mes yeux
L'amour que ta froideur refrène;

La nuit se fait douce et sereine
Et ma voix t'implore tout bas,
Par pitié, ne m'écarte pas
De ton geste orgueilleux de reine.

La nuit se fait sereine et douce,
La lune luit sur le chemin,
Mes larmes tombent sur la main,
La main chère qui me repousse.


Par: Henri François Joseph de Régnier

Ajoutée par Savinien le 09/12/2013

 

Le trophée


Au fond d'un val lunaire, en des sites agrestes
Où glissent des rayons de féeriques clartés.
Les amoureux perdus en tendres apartés
Cherchent l'endroit propice à la langueur des siestes.

Avec l'inquiétude errante de leurs gestes,
Des lutins épiant les amants abrités
Font craquer doucement les rameaux écartés
D'où pleuvent la rosée et les baumes célestes.

Et la forêt bleuit sous le ciel argentin,
Et dans cette paresse et ce repos des choses
Les Belles aux yeux gris dorment lèvres mi-closes;

Les couples enlacés s'éveillent le matin,
Et s'en vont, emportant dans leurs bras, pour trophées,
Des bouquets embaumés du vol divin des fées.


Par: Henri François Joseph de Régnier

Ajoutée par Savinien le 09/12/2013

 

Nocturne


Le souffle lent du soir défleurit les lilas
Amoncelant au pied d'odorantes jonchées
De ces petites fleurs qui craquent sous mes pas.

Mon âme est douloureuse et mon coeur est très las.

Sur la toiture, des colombes sont perchées
Attristant l'air du soir d'un long roucoulement;
Il tombe de leurs becs des plumes arrachées.

Il neige dans mon coeur des souffrances cachées.

Au bassin, le jet d'eau rejaillit tristement
Ridant l'onde qui dort de cercles concentriques,
Et les plantes du bord ont un tressaillement.

Au coeur les souvenirs pleurent confusément.

Voici la nuit qui vient et ses folles paniques:
Le vent ne souffle plus, le ramier s'est enfui,
Le jet d'eau se lamente en des plaintes rythmiques,

Et tes yeux grands ouverts me suivent dans la nuit.


Par: Henri François Joseph de Régnier

Ajoutée par Savinien le 09/12/2013