Citations de La panne, de Christophe Dejours

5 Citations

Chapitre 1 Situation limite page 32


Les méthodes gestionnaires ont imposé des stratégies de défense mortifères en même temps qu'elles invalidaient les luttes collectives. Ceux qui ne les utilisent pas sont en grande souffrance, et vont parfois jusqu'au suicide. Se donner la mort est parfois un ultime acte de résistance, un message qui ne dit pas la dépression et la défaite, mais le refus de collaborer. Les faits divers récents en témoignent, les personnes qui en sont venus à cette extrémité était souvent compétentes, travailleuses. Nous pourrions ajouter qu'elles étaient paradoxalement moins clivées*, sans doute plus en accord avec elles-mêmes, d'une certaine manière en meilleure santé psychique... À quelle situation en sommes-nous arrivés pour pouvoir écrire cela ? Quel monde du travail avons-nous construit pour que les personnes les plus autonomes se trouvent en position critique ?
* Face à la dureté du monde du travail et à l'effondrement des stratégies collectives, le clivage est bien souvent le dernier recours du sujet, qui se comporte alors comme si deux parties le constituaient et agissaient à l'insu de l'autre. p30


Par: Christophe Dejours

Extrait de: La panne (2012)

Ajoutée par christian le 09/03/2013

 

La panne. Repenser le travail et changer la vie. Introduction page 9


C'est avec notre consentement et notre énergie que l'organisation actuelle fonctionne, c'est notre résistance qui peut la mettre en panne. A nous de donner un sens à cet arrêt du système, que l'auteur juge inéluctable : surviendra-t-il à cause de l'épuisement complet des individus ou par leur volonté de penser leur travail autrement ?


Par: Christophe Dejours

Extrait de: La panne (2012)

Ajoutée par christian le 05/03/2013

 

La panne. Repenser le travail et changer la vie. Introduction page 8


L'idée que l'évaluation individuelle des performances, mis en place dans les années 1980, conduit les individus à la rivalité, la solitude et la détresse, a fini par émerger. Le doute s'accroît chaque jour davantage sur ce système capable de détruire ceux qui le servent. La multiplication des suicides, les condamnations en justice ne permettent plus d'ignorer la désolation dans nos entreprises. Le management par la peur fait encore des dégâts mais il s'use, rongé par l'hésitation grandissante de bien des cadres et par le manque d'enthousiasme des équipes.


Par: Christophe Dejours

Extrait de: La panne (2012)

Ajoutée par christian le 05/03/2013

 

La panne. Repenser le travail et changer la vie. Introduction page 7


Le 17 décembre 2009, au tribunal des affaires de sécurité sociale des Hauts-de-Seine, la cour rappelle les faits avant de rendre son jugement. .../... L'ensemble des éléments du dossier et des débats ayant été rapportés, la décision tombe : Renault, en sa qualité d'employeur, a commis une faute inexcusable à l'origine de cet accident mortel. La justice vient de reconnaître que le suicide sur le lieu de travail ne relève pas forcément d'une fragilité personnelle mais qu'il peut être provoqué par une organisation délétère. Elle vient en outre d'acter qu'un groupe aussi puissant que Renault n'échappe pas à la condamnation et aux réparations financières, qu'une entreprise doit répondre de l'organisation du travail qu'elle instaure, y compris dans les conséquences que celle-ci peut avoir sur la santé de ses salariés. Elle vient de souligner enfin le triste état du monde du travail, dominé par des stratégies comptables, souvent menées au détriment des hommes.


Par: Christophe Dejours

Extrait de: La panne (2012)

Ajoutée par christian le 05/03/2013

 

La panne. Repenser le travail et changer la vie. Page 175


Au niveau individuel, la seule marge de manoeuvre qui demeure est la volonté de ne pas servir, c'est-à-dire de suspendre son zèle à l'égard d'un système dont on pense qu'il est erroné et dont on voit les effets désastreux sur la qualité du travail. L'organisation fonctionne parce que certains s'emploient à y collaborer, à remplir toutes ces grilles d'évaluation par exemple, et souvent même, à précéder les prescriptions. Soulignons ce trait spécifique de la résistance : elle ne consiste pas seulement à s'opposer aux ordres, elle vise les rapports avec les collègues, dont certains s'inclinent, espérant qu'ils bénéficieront par leur zèle d'une position avantageuse. La domination de la hiérarchie est classique et la subversion qu'elle appelle, habituelle. En revanche, résister à ce qu'implique la servilité des autres fait courir le risque de l'isolement.  Ceux qui savent le caractère éthiquement discutable des actes auxquels ils consentent ne supportent pas la culpabilité que le refus des autres leur renvoie. La résistance est donc pas facile, elle est dangereuse, est en outre très peu efficace tant qu'elle est solitaire.


Par: Christophe Dejours

Extrait de: La panne (2012)

Ajoutée par christian le 07/02/2013