Citations de Poèmes antiques et modernes, de Alfred de Vigny

13 Citations

La prison


Je déchirais mon sein par mes gémissements,
J'effrayais mes geôliers de mes longs hurlements;
Des nuits, par mes soupirs, je mesurais l'espace;
Aux hiboux des créneaux je disputais leur place,
Et, pendant aux barreaux où s'arrêtaient mes pas,
Je vivais hors des murs d'où je ne sortais pas.


Par: Alfred de Vigny

Ajoutée par Savinien le 24/08/2010

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La prison


L'agonisant du lit se soulève et lui dit:
Vieillard, vous abaissez votre front interdit,
Je n'entends plus le bruit de vos conseils frivoles,
L'aspect de mon malheur arrête vos paroles.
Oui, regardez-moi bien, et puis dites, après,
Qu'un Dieu de l'innocent défend les intérêts;
Des péchés tant proscrits, où toujours l'on succombe,
Aucun n'a séparé mon berceau de ma tombe;
Seul, toujours seul, par l'âge et la douleur vaincu,
Je meurs tout chargé d'ans, et je n'ai pas vécu.


Par: Alfred de Vigny

Ajoutée par Savinien le 24/08/2010

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Le malheur


Où fuir? Sur le seuil de ma porte
Le Malheur, un jour, s'est assis;
Et depuis ce jour je l'emporte
A travers mes jours obscurcis.
Au soleil et dans les ténèbres,
En tous lieux ses ailes funèbres
Me couvrent comme un noir manteau;
De mes douleurs ses bras avides
M'enlacent; et ses mains livides
Sur mon coeur tiennent le couteau.


Par: Alfred de Vigny

Ajoutée par Savinien le 24/08/2010

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La Dryade


Vois-tu ce vieux tronc d'arbre aux immenses racines?
Jadis il s'anima de paroles divines;
Mais par les noirs hivers le chêne fut vaincu,
Et la Dryade aussi, comme l'arbre, a vécu.
Car tu le sais, berger, ces Déesses fragiles,
Envieuses des jeux et des danses agiles,
Sous l'écorce d'un bois où les fixa le sort,
Reçoivent avec lui la naissance et la mort.


Par: Alfred de Vigny

Ajoutée par Savinien le 24/08/2010

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La femme adultère


Et, la pierre à la main, la foule sanguinaire
S'appelait, la montrait: C'est la femme adultère!
Lapidez-la: déjà le séducteur est mort!
Et la femme pleura. - Mais le juge d'abord:
Qu'un homme d'entre vous, dit-il, jette une pierre
S'il se croit sans péché, qu'il jette la première.
Il dit, et s'écartant des mobiles Hébreux,
Apaisés par ces mots et déjà moins nombreux,
Son doigt mystérieux, sur l'arène légère,
Écrivait une langue aux hommes étrangère,
En caractères saints dans le ciel retracés...
Quand il se releva, tous s'étaient dispersés.


Par: Alfred de Vigny

Ajoutée par Savinien le 24/08/2010

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Eloa


Où me conduisez-vous, bel Ange? - Viens toujours.
- Que votre voix est triste, et quel sombre discours!
N'est-ce pas Eloa qui soulève ta chaîne?
J'ai cru t'avoir sauvé. - Non, c'est moi qui t'entraîne.
- Si nous sommes unis, peu m'importe en quel lieu!
Nomme-moi donc encore ou ta Soeur ou ton Dieu!
- J'enlève mon esclave et je tiens ma victime.
- Tu paraissais si bon! Oh! Qu'ai-je fait? - Un crime.
- Seras-tu plus heureux, du moins, es-tu content?
- Plus triste que jamais. - Qui donc es-tu? - Satan.


Par: Alfred de Vigny

Ajoutée par Savinien le 24/08/2010

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Eloa


Et comme, tous nourris de l'essence première,
Les anges ont au coeur des sources de lumière,
Tandis qu'elle parlait, ses ailes à l'entour,
Et son sein et son bras répandirent le jour:
Ainsi le diamant luit au milieu des ombres.
L'Archange s'en effraie, et sous ses cheveux sombres
Cherche un épais refuge à ses yeux éblouis;
Il pense qu'à la fin des temps évanouis,
Il lui faudra de même envisager son Maître,
Et qu'un regard de Dieu le brisera peut-être.


Par: Alfred de Vigny

Ajoutée par Savinien le 24/08/2010

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Eloa


Toi seule m'apparus comme une jeune étoile
Qui de la vaste nuit perce à l'écart le voile;
Toi seule me parus ce qu'on cherche toujours,
Ce que l'homme poursuit dans l'ombre de ses jours,
Le Dieu qui du bonheur connait seul le mystère,
Et la Reine qu'attend mon trône solitaire.
Enfin, par ta présence habile à me charmer,
Il me fut révélé que je pouvais aimer.


Par: Alfred de Vigny

Ajoutée par Savinien le 24/08/2010

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Le cor


Turpin, n'as tu rien vu dans le fond du torrent?

J'y vois deux chevaliers: l'un mort, l'autre expirant
Tous deux sont écrasés sous une roche noire;
Le plus fort, dans sa main, élève un cor d'ivoire,
Son âme en s'exhalant nous appela deux fois.

Dieu! Que le son du cor est triste au fond des bois!


Par: Alfred de Vigny

Ajoutée par Savinien le 25/07/2010

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Le cor


Âmes des chevaliers, revenez-vous encore?
Est-ce vous qui parlez avec la voix du cor?
Roncevaux! Roncevaux! Dans ta sombre vallée
L'ombre du grand Roland n'est donc pas consolée!


Par: Alfred de Vigny

Ajoutée par Savinien le 25/07/2010

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Eloa


Je le laisse, orgueilleux des bruits du jour vermeil
Cacher des astres d'or sous l'éclat d'un soleil;
Moi, j'ai l'ombre muette, et je donne à la terre
La volupté des soirs et les biens du mystère.


Par: Alfred de Vigny

Ajoutée par Savinien le 25/07/2010

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Eloa


Je suis celui qu'on aime et qu'on ne connaît pas.
Sur l'homme j'ai fondé mon empire de flamme
Dans les désirs du coeur, dans les rêves de l'âme,
Dans les liens des corps, attraits mystérieux,
Dans les trésors du sang, dans les regards des yeux.
C'est moi qui fait parler l'épouse dans ses songes;
La jeune fille heureuse apprend d'heureux mensonges;
Je leur donne des nuits qui consolent des jours,
Je suis le roi secret des secrètes amours.


Par: Alfred de Vigny

Ajoutée par Savinien le 25/07/2010

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Eloa


Eloa, disaient-ils, oh! Veillez bien sur vous:
Un ange peut tomber; le plus beau de nous tous
N'est plus ici: pourtant dans sa vertu première
On le nommait 'celui qui porte la lumière';
Car il portait l'amour et la vie en tout lieu,
Aux astres il portait tous les ordres de Dieu;
La terre consacrait sa beauté sans égale,
Appelant Lucifer l'étoile matinale,
Diamant radieux que sur son front vermeil
Parmi ses cheveux d'or a posé le soleil.
Mais on dit qu'à présent il est sans diadème,
Qu'il gémit, qu'il est seul, que personne ne l'aime,
Que la noirceur d'un crime appesantit ses yeux,
Qu'il ne sait plus parler le langage des cieux;
La mort est dans les mots que prononce sa bouche;
Il brûle ce qu'il voit, il flétrit ce qu'il touche;
Il ne peut plus sentir le mal ni les bienfaits;
Il est même sans joie aux malheurs qu'il a faits.


Par: Alfred de Vigny

Ajoutée par Savinien le 25/07/2010

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