Citations de La chute dans le temps, de Emil Cioran

14 Citations

La force d'un être réside dans son incapacité de savoir à quel point il est seul. Ignorance bénie, grâce à laquelle il peut s'agiter et agir. Vient-il d'avoir la révélation de son secret? Son ressort se brise aussitôt, irrémédiablement. C'est ce qui est arrivé au créateur, ou ce qui lui arrivera, peut-être.


Par: Emil Cioran

Ajoutée par Savinien le 17/04/2012

 

Si on penchait à absoudre le créateur, à considérer ce monde comme acceptable et même satisfaisant, il faudrait encore faire des réserves sur l'homme, ce point noir de la création.


Par: Emil Cioran

Ajoutée par Savinien le 15/04/2012

 

Que le dernier des avortons ait la faculté de donner vie, de « mettre au monde », - existe-t'il rien de plus démoralisant? Comment songer sans effroi ou répulsion à ce prodige qui fait du premier venu un démiurge sur les bords? Ce qui devrait être un don aussi exceptionnel que le génie a été conféré indistinctement à tous: libéralité de mauvais aloi qui disqualifie pour toujours la nature.


Par: Emil Cioran

Ajoutée par Savinien le 15/04/2012

 

Tout enfantement est suspect; les anges, par bonheur, y sont impropres, la propagation de la vie étant réservée aux déchus. La lèpre est impatiente et avide, elle aime à se répandre. Il importe de décourager la génération, la crainte de voir l'humanité s'éteindre n'ayant aucun fondement: quoi qu'il arrive, il y aura partout assez de niais qui ne demanderont qu'à se perpétuer, et, si eux-mêmes finissaient par s'y dérober, on trouvera toujours, pour se dévouer, quelque couple hideux.


Par: Emil Cioran

Ajoutée par Savinien le 15/04/2012

 

A mesure que, pour les remuer, nous descendons dans nos secrets, nous passons de l'embarras au malaise et du malaise à l'horreur. La connaissance de soi se paye toujours trop cher. Comme d'ailleurs la connaissance tout court. Quand l'homme en aura atteint le fond, il ne daignera plus vivre. Dans un univers expliqué, rien n'aurait encore un sens, si ce n'est la folie. Une chose dont on a fait le tour cesse de compter.


Par: Emil Cioran

Ajoutée par Savinien le 15/04/2012

 

Si chacun de nous avouait son désir le plus secret, celui qui inspire tous ses projets et tous ses actes, il dirait: « je veux être loué. » Nul ne s'y résoudra, car il est moins déshonorant de commettre une abomination que de proclamer une faiblesse aussi pitoyable et aussi humiliante, surgie d'un sentiment de solitude et d'insécurité dont souffrent, avec une égale intensité, les rejetés et les chanceux.


Par: Emil Cioran

Ajoutée par Savinien le 03/04/2012

 

Plus nous avons le sentiment de notre insignifiance, plus nous méprisons les autres, et ils cessent même d'exister pour nous quand nous illumine l'évidence de notre rien. Nous n'attribuons quelque réalité à autrui que dans la mesure où nous en découvrons en nous-même.


Par: Emil Cioran

Ajoutée par Savinien le 02/04/2012

 

Tout bien considéré, le siècle de la fin ne sera pas le siècle le plus raffiné, ni même le plus compliqué, mais le plus pressé, celui où, l'être dissous en mouvement, la civilisation dans un élan suprême vers le pire, s'effritera dans le tourbillon qu'elle aura suscité.[...] De tant de hâte, de tant d'impatience, les machines sont la conséquence et non la cause. Ce ne sont pas elles qui poussent le civilisé à sa perte; il les a inventées plutôt parce qu'il y marchait déjà; des moyens, des auxiliaires pour y atteindre plus rapidement et plus efficacement. Non content d'y courir, il voulait encore y rouler.


Par: Emil Cioran

Ajoutée par Savinien le 02/04/2012

 

Nous sommes là pour nous débattre avec la vie et la mort, et non pour les esquiver,  ainsi que nous y invite la civilisation, entreprise de dissimulation, de maquillage de l'insoluble.  Faute de contenir en elle-même aucun principe de durée, ses avantages, autant d'impasses, ne nous aident ni à mieux vivre ni à mieux mourir.


Par: Emil Cioran

Ajoutée par Savinien le 02/04/2012

 

Personne ne se remet du mal de naître, plaie capitale s'il en fut. C'est pourtant avec l'espoir de nous en guérir un jour que nous acceptons la vie et en supportons les épreuves. Les années passent, la plaie demeure.


Par: Emil Cioran

Ajoutée par Savinien le 02/04/2012

 

L'esprit qui s'élève au-dessus des autres, est moins libre qu'eux: rivé à ses facultés et à ses ambitions, prisonnier de ses talents, il les cultive à ses dépens, il les fait valoir au prix de son salut. Nul ne s'affranchit s'il s'astreint à devenir quelqu'un ou quelque chose.


Par: Emil Cioran

Ajoutée par Savinien le 02/04/2012

 

La civilisation nous enseigne comment nous saisir des choses, alors que c'est à l'art de nous en dessaisir qu'elle devrait nous initier, car il n'y a pas de liberté ni de « vraie vie » sans l'apprentissage de la dépossession. Je m'empare d'un objet, je m'en estime le maître; en fait j'en suis l'esclave.


Par: Emil Cioran

Ajoutée par Savinien le 01/04/2012

 

Travaillez-vous à la conversion d'un autre? Ce ne sera jamais pour opérer en lui le salut, mais pour l'obliger à pâtir comme vous, pour qu'il s'expose aux mêmes épreuves et les traverse avec la même impatience. Vous veillez, vous priez, vous vous tourmentez? Que l'autre justement en fasse autant, qu'il soupire, qu'il hurle, qu'il se débatte au milieu des mêmes tortures que vous. L'intolérance est le fait d'esprits ravagés dont la foi se ramène à un supplice plus ou moins voulu qu'ils aimeraient voir généralisé, institué.


Par: Emil Cioran

Ajoutée par Savinien le 01/04/2012

 

On n'est jamais autant homme que lorsqu'on regrette de l'être.


Par: Emil Cioran

Ajoutée par Savinien le 01/04/2012