Citations de L'homme qui rit, de Victor Hugo

32 Citations

Je suis celui qui vient des profondeurs. Milords, vous êtes les grands et les riches. C'est périlleux. Vous profitez de la nuit. Mais prenez garde, il y a une grande puissance, l'aurore. L'aube ne peut être vaincue. Elle arrivera. Elle arrive. Elle a en elle le jet du jour irrésistible. Et qui empêchera cette fronde de jeter le soleil dans le ciel? Le soleil, c'est le droit. Vous, vous êtes le privilège. Ayez peur. Le vrai maître de la maison va frapper à la porte. Quel est le père du privilège? Le hasard. Et quel est son fils? L'abus. Ni le hasard ni l'abus ne sont solides. Ils ont l'un et l'autre un mauvais lendemain. Je viens vous avertir. Je viens vous dénoncer votre bonheur. Il est fait du malheur d'autrui. Vous avez tout, et ce tout se compose du rien des autres.


Par: Victor Hugo

Ajoutée par Savinien le 04/05/2020

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Les privilégiés n'ont pas d'oreille du côté des déshérités. Est-ce la faute des privilégiés? Non, c'est leur loi, hélas! Pardonnez-leur. S'émouvoir, ce serait abdiquer. Où sont les seigneurs et les princes, il ne faut rien attendre. Le satisfait, c'est l'inexorable. Pour l'assouvi, l'affamé n'existe point. Les heureux ignorent, et s'isolent. Au seuil de leur paradis, comme au seuil de l'enfer, il faut écrire: « Laissez toute espérance. »


Par: Victor Hugo

Ajoutée par Savinien le 07/08/2011

 

Tout homme peut avoir dans sa destinée une fin du monde pour lui seul. Cela s'appelle le désespoir. L'âme est pleine d'étoiles tombantes.


Par: Victor Hugo

Ajoutée par Savinien le 07/08/2011

 

On est en pleine tourmente, on se débat dans les invisibles convulsions de l'âme, on ne sait plus si l'on est mort ou vivant, et l'on a pour ceux qu'on aime toutes sortes de délicatesses; c'est à cela que se reconnaissent les vrais coeurs. Dans l'engloutissement de tout, la tendresse surnage.


Par: Victor Hugo

Ajoutée par Savinien le 07/08/2011

 

Les désillusions se détendent comme l'arc, avec une force sinistre, et jettent l'homme, cette flèche, vers le vrai.


Par: Victor Hugo

Ajoutée par Savinien le 07/08/2011

 

Etre comique au dehors, et tragique au dedans, pas de souffrance plus humiliante, pas de colère plus profonde.


Par: Victor Hugo

Ajoutée par Savinien le 07/08/2011

 

Baissez les yeux. Regardez à vos pieds. O grands, il y a des petits! Ayez pitié. Oui! Pitié de vous! Car les multitudes agonisent, et le bas en mourant fait mourir le haut. La mort est une cessation qui n'excepte aucun membre. Quand la nuit vient, personne ne garde son coin de jour. Etes-vous égoïstes? Sauvez les autres. La perdition du navire n'est indifférente à aucun passager. Il n'y a pas de naufrage de ceux-ci sans qu'il y ait engloutissement de ceux-là. Oh! Sachez-le, l'abîme est pour tous.


Par: Victor Hugo

Ajoutée par Savinien le 07/08/2011

 

Il y a dans les crises un instant de porte-à-faux. Quand nous débordons sur le mal plus que nous ne nous appuyons sur le bien, cette quantité de nous-même qui est en suspens sur la faute finit par l'emporter et nous précipite.


Par: Victor Hugo

Ajoutée par Savinien le 30/07/2011

 

La fluctuation humaine est infinie. Un homme peut être désemparé comme un navire. L'ancre, c'est la conscience. Chose lugubre, la conscience peut casser.


Par: Victor Hugo

Ajoutée par Savinien le 30/07/2011

 

Il se taisait. C'est l'instinct des grandes stupeurs qui sont sur la défensive plus qu'on ne croit. Qui ne dit rien fait face à tout. Un mot qui vous échappe, saisi par l'engrenage inconnu, peut vous tirer tout entier sous on ne sait quelles roues.


Par: Victor Hugo

Ajoutée par Savinien le 30/07/2011

 

Dans une destinée, quand l'inattendu commence, préparez-vous à ceci: coup sur coup. Cette farouche porte une fois ouverte, les surprises s'y précipitent. La brèche faite à votre mur, le pêle-mêle des événements s'y engouffre. L'extraordinaire ne vient pas pour une fois. L'extraordinaire, c'est une obscurité.


Par: Victor Hugo

Ajoutée par Savinien le 30/07/2011

 

On ne prend pas tout de suite pied dans l'inconnu. Il y a des déroutes d'idées comme il y a des déroutes d'armées; le ralliement ne se fait point immédiatement. On se sent en quelque sorte épars. On assiste à une bizarre dissipation de soi-même. Dieu est le bras, le hasard est la fronde, l'homme est le caillou. Résistez donc, une fois lancé.


Par: Victor Hugo

Ajoutée par Savinien le 30/07/2011

 

Ah! Vous êtes heureux! Alors, tâchez qu'on ne vous voie pas. Tenez le moins de place possible. Ca doit se fourrer dans des trous, le bonheur. Faites-vous encore plus petits que vous n'êtes, si vous pouvez. Dieu mesure la grandeur du bonheur à la petitesse des heureux. Les gens contents doivent se cacher comme des malfaiteurs.


Par: Victor Hugo

Ajoutée par Savinien le 25/07/2011

 

Deux coeurs qui s'aiment, n'allez pas chercher plus loin la poésie; et deux baisers qui dialoguent, n'allez pas chercher plus loin la musique.


Par: Victor Hugo

Ajoutée par Savinien le 25/07/2011

 

Il y a une certaine fumée du mal qui précède la faute, et qui n'est pas respirable à la conscience. L'honnêteté tentée a la nausée obscure de l'enfer. Ce qui s'entrouvre dégage une exhalaison qui avertit les forts et étourdit les faibles.


Par: Victor Hugo

Ajoutée par Savinien le 25/07/2011

 

Il est des moments dans la vie où ce qui vous arrive ne vous arrive pas; la stupeur vous maintient quelque temps à une certaine distance du fait.


Par: Victor Hugo

Ajoutée par Savinien le 25/07/2011

 

Pourquoi dit-on un amoureux? On devrait dire un possédé. Être possédé du diable, c'est l'exception; être possédé de la femme, c'est la règle. Tout homme subit cette aliénation de soi-même. Quelle sorcière qu'une jolie femme! Le vrai nom de l'amour, c'est captivité.


Par: Victor Hugo

Ajoutée par Savinien le 21/07/2011

 

En amour, rien n'est tel qu'une habitude. Toute la vie s'y concentre. La réapparition de l'astre est une habitude de l'univers. La création n'est pas autre chose qu'une amoureuse, et le soleil est un amant. La lumière est une cariatide éblouissante qui porte le monde. Tous les jours, pendant une minute sublime, la terre couverte de nuit s'appuie sur le soleil levant.


Par: Victor Hugo

Ajoutée par Savinien le 21/07/2011

 

La destinée a de ces sérénités subites. La splendide félicité de Gwynplaine et de Dea était, pour l'instant, absolument sans ombre. Elle était peu à peu montée jusqu'à ce point où rien ne peut plus croître. Il y a un mot qui exprime ces situations là: l'apogée. Le bonheur, comme la mer, arrive à faire son plein. Ce qui est inquiétant pour les parfaitement heureux, c'est que la mer redescend.


Par: Victor Hugo

Ajoutée par Savinien le 21/07/2011

 

Ursus, qui avait vécu, savait quelles cuissons donnent les curiosités téméraires. La curiosité doit toujours être proportionnée au curieux. A écouter, on risque l'oreille; guetter, on risque l'oeil. Ne rien entendre et ne rien voir est prudent.


Par: Victor Hugo

Ajoutée par Savinien le 21/07/2011

 

Il est presque impossible d'exprimer dans leurs limites exactes les évolutions abstruses qui se font dans le cerveau. L'inconvénient des mots, c'est d'avoir plus de contour que les idées. Toutes les idées se mêlent par les bords; les mots, non. Un certain côté diffus de l'âme leur échappe toujours. L'expression a des frontières, la pensée n'en a pas.


Par: Victor Hugo

Ajoutée par Savinien le 21/07/2011

 

Nous sommes tous des aveugles. L'avare est un aveugle; il voit l'or et ne voit pas la richesse. Le prodigue est un aveugle; il voit le commencement et ne voit pas la fin. La coquette est une aveugle; elle ne voit pas ses rides. Le savant est un aveugle; il ne voit pas son ignorance. L'honnête homme est un aveugle; il ne voit pas le coquin. Le coquin est un aveugle; il ne voit pas Dieu. Dieu est un aveugle; le jour où il a créé le monde, il n'a pas vu que le diable se fourrait dedans.


Par: Victor Hugo

Ajoutée par Savinien le 13/07/2011

 

C'est de l'enfer des pauvres qu'est fait le paradis des riches.


Par: Victor Hugo

Ajoutée par Savinien le 13/07/2011

 

Ursus avait fait spécialement pour Gwynplaine un interlude, dont il était content. C'était son oeuvre capitale. Il s'y était mis tout entier.
Donner sa somme dans son produit, c'est le triomphe de quiconque crée. La crapaude qui fait un crapaud fait un chef-d'oeuvre. Vous en doutez? Essayez d'en faire autant.


Par: Victor Hugo

Ajoutée par Savinien le 13/07/2011

 

Haïr indistinctement est doux et suffit quelque temps; mais il faut finir par avoir un objet. Une animosité diffuse sur la création épuise, comme toute jouissance solitaire. La haine sans objet ressemble au tir sans cible. Ce qui intéresse le jeu, c'est un coeur à percer.


Par: Victor Hugo

Ajoutée par Savinien le 13/07/2011

 

L'esprit, comme la nature, a horreur du vide. Dans le vide, la nature met l'amour; l'esprit, souvent, y met la haine. La haine occupe.


Par: Victor Hugo

Ajoutée par Savinien le 13/07/2011

 

Nous vivons entourés de glissements sinistres. Pourquoi les malfaisants? Question poignante. Le rêveur se la pose sans-cesse, et le penseur ne la résout jamais. De là l'oeil triste des philosophes toujours fixé sur cette montagne de ténèbres qui est la destinée, et du haut de laquelle le colossal spectre du mal laisse tomber des poignées de serpents sur la terre.


Par: Victor Hugo

Ajoutée par Savinien le 12/07/2011

 

Sa grande affaire était de haïr le genre humain. Il était implacable dans cette haine. Ayant tiré à clair ceci que la vie humaine est une chose affreuse, ayant remarqué la superposition des fléaux, les rois sur le peuple, la guerre sur les rois, la peste sur la guerre, la famine sur la peste, la bêtise sur le tout, ayant constaté une certaine quantité de châtiment dans le seul fait d'exister, ayant reconnu que la mort est une délivrance, quand on lui amenait un malade, il le guérissait. « Te voilà sur tes pattes. Puisses-tu marcher longtemps dans la vallée de larmes! »
Quand il voyait un pauvre mourant de faim, il lui donnait tous les liards qu'il avait sur lui en grommelant: « Vis, misérable! Dure longtemps! Ce n'est pas moi qui abrégerai ton bagne. » Après quoi, il se frottait les mains, et disait: « Je fais aux hommes tout le mal que je peux. »


Par: Victor Hugo

Ajoutée par Savinien le 12/07/2011

 

Il ne souriait pas, nous l'avons dit, mais il riait; parfois, fréquemment même, d'un rire amer. Il y a du consentement dans le sourire, tandis que le rire est souvent un refus.


Par: Victor Hugo

Ajoutée par Savinien le 12/07/2011

 

On est d'autant plus seul qu'on est errant. De là son déplacement perpétuel. Rester quelque part lui semblait de l'apprivoisement. Il passait sa vie à passer son chemin. La vue des villes redoublait en lui le goût des broussailles, des halliers, des épines, et des trous dans les rochers. Son chez-lui était la forêt. Il ne se sentait pas très dépaysé dans le murmure des places publiques assez pareil au brouhaha des arbres. La foule satisfait dans une certaine mesure le goût qu'on a du désert.


Par: Victor Hugo

Ajoutée par Savinien le 12/07/2011

 

Ursus n'était d'aucune bande. Ursus vivait avec Ursus; tête-à-tête de lui-même avec lui-même dans lequel un loup fourrait gentiment son museau. L'ambition d'Ursus eût été d'être caraïbe; ne le pouvant, il était celui qui est seul. Le solitaire est un diminutif du sauvage, accepté par la civilisation.


Par: Victor Hugo

Ajoutée par Savinien le 12/07/2011

 

Ursus était remarquable dans le soliloque. D'une complexion farouche et bavarde, ayant le désir de ne voir personne et le besoin de parler à quelqu'un, il se tirait d'affaire en se parlant à lui-même. Quiconque a vécu solitaire sait à quel point le monologue est dans la nature. La parole intérieure démange. Haranguer l'espace est un exutoire. Parler tout haut et tout seul, cela fait l'effet d'un dialogue avec le dieu qu'on a en soi.


Par: Victor Hugo

Ajoutée par Savinien le 12/07/2011