Citations de Mémoires d'outre-tombe, de François-René de Chateaubriand

88 Citations

Plus le visage est sérieux, plus le sourire est beau.


Par: François-René de Chateaubriand

Ajoutée par Savinien le 07/02/2022

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Personne ne saurait affirmer sans mentir que j'aie raconté ce que la plupart des gens racontent dans un moment de peine, de plaisir ou de vanité. Un nom, une confession de quelque gravité, ne sort point ou ne sort que rarement de ma bouche. Je n'entretiens jamais les passants de mes intérêts, de mes desseins, de mes travaux, de mes idées, de mes attachements, de mes joies, de mes chagrins, persuadé de l'ennui profond que l'on cause aux autres en leur parlant de soi.


Par: François-René de Chateaubriand

Ajoutée par Savinien le 18/11/2020

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La gloire d'un homme ne remonte pas; elle descend. Le Nil à sa source n'est connu que de quelque Ethiopien; à son embouchure, de quel peuple est-il ignoré?


Par: François-René de Chateaubriand

Ajoutée par Savinien le 09/09/2020

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On s'irrite moins en raison de l'offense reçue qu'en raison de l'idée que l'on s'est formée de soi.


Par: François-René de Chateaubriand

Ajoutée par Savinien le 12/01/2019

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Quand je sortis de ce Léthé, je me trouvai entre deux femmes; les odalisques étaient revenues; elles n'avaient pas voulu me réveiller; elles s'étaient assises en silence à mes côtés; soit qu'elles feignissent le sommeil, soit qu'elles fussent réellement assoupies, leurs têtes étaient tombées sur mes épaules. Une brise traversa le bocage et nous inonda d'une pluie de roses de magnolia. Alors la plus jeune des Siminoles se mit à chanter: quiconque n'est pas sûr de sa vie se garde de l'exposer ainsi jamais! On ne peut savoir ce que c'est que la passion infiltrée avec la mélodie dans le sein d'un homme.


Par: François-René de Chateaubriand

Ajoutée par Savinien le 06/01/2019

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Attachée à mes pas par ma pensée, Charlotte, gracieuse, attendrie, me suivait, en les purifiant, par les sentiers de la sylphide. Elle absorbait mes facultés; elle était le centre à travers lequel plongeait mon intelligence, de même que le sang passe par le coeur; elle me dégoûtait de tout, car j'en faisais un objet perpétuel de comparaison à son avantage. Une passion vraie et malheureuse est un levain empoisonné qui reste au fond de l'âme et qui gâterait le pain des anges.


Par: François-René de Chateaubriand

Ajoutée par Savinien le 06/01/2019

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Celui qui s'est longtemps occupé des principes dont la race humaine jouit en communauté, a des amis, des frères et des soeurs dans toutes les familles: car si l'homme est ingrat, l'humanité est reconnaissante.


Par: François-René de Chateaubriand

Ajoutée par Savinien le 06/01/2019

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Tout crime porte en soi une incapacité radicale et un germe de malheur: pratiquons donc le bien pour être heureux, et soyons justes pour être habiles.


Par: François-René de Chateaubriand

Ajoutée par Savinien le 06/01/2019

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On pense tout excuser maintenant lorsqu'on s'est écrié: « Que voulez-vous? C'était ma nature, c'était l'infirmité humaine. »
Quand on a tué son père, on répète: « Je suis fait comme cela! » Et la foule reste là bouche béante, et l'on examine le crâne de cette puissance et l'on reconnaît qu'elle était faite comme cela.
Et que m'importe que vous soyez fait comme cela! Dois-je subir votre façon d'être? Ce serait un beau chaos que le monde, si tous les hommes qui sont faits comme cela, venaient à vouloir s'imposer les uns aux autres. Lorsqu'on ne peut effacer ses erreurs, on les divinise; on fait un dogme de ses torts, on change en religion des sacrilèges, et l'on se croirait apostat de renoncer au culte de ses iniquités.


Par: François-René de Chateaubriand

Ajoutée par Savinien le 06/01/2019

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Une faiblesse naturelle aux gens supérieurs et aux petites gens lorsqu'ils ont commis une faute, est de la vouloir faire passer pour l'oeuvre du génie, pour une vaste combinaison que le vulgaire ne peut comprendre. L'orgueil dit ces choses-là, et la sottise les croit.


Par: François-René de Chateaubriand

Ajoutée par Savinien le 06/01/2019

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Si mes ouvrages me survivent, si je dois laisser un nom, peut-être un jour, guidé par ces Mémoires, quelque voyageur viendra visiter les lieux que j'ai peints. Il pourra reconnaître le château; mais il cherchera vainement le grand bois: le berceau de mes songes a disparu comme les songes. Demeuré seul debout sur son rocher l'antique donjon pleure les chênes, vieux compagnons qui l'environnaient et le protégeaient contre la tempête. Isolé comme lui, j'ai vu comme lui tomber autour de moi la famille qui embellissait mes jours et me prêtait son abri: heureusement ma vie n'est pas bâtie sur la terre aussi solidement que les tours où j'ai passé ma jeunesse et l'homme résiste moins aux orages que les monuments élevés par ses mains.


Par: François-René de Chateaubriand

Ajoutée par Savinien le 06/10/2018

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Il y avait parmi l'équipage des matelots français; un d'entre eux, au défaut d'aumônier, entonna ce cantique à Notre-Dame de Bon-Secours, premier enseignement de mon enfance; je le répétai à la vue des côtes de la Bretagne, presque sous les yeux de ma mère. Les matelots américains protestants se joignaient de coeur aux chants de leurs camarades français catholiques: le danger apprend aux hommes leur faiblesse et unit leurs voeux.


Par: François-René de Chateaubriand

Ajoutée par Savinien le 06/10/2018

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Nous tous qui prétendons vivre, nous sommes déjà morts: lit-on le nom de l'insecte, à la faible lueur qu'il traîne quelquefois après lui en rampant ?


Par: François-René de Chateaubriand

Ajoutée par Savinien le 06/10/2018

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Le succès d'Atala m'avait enchanté, parce que mon âme était encore neuve; celui du Génie du Christianisme me fut pénible: je fus obligé de sacrifier mon temps à des correspondances au moins inutiles et à des politesses étrangères.
Une admiration prétendue ne me dédommageait point des dégoûts qui attendent un homme dont la foule a retenu le nom. Quel bien peut remplacer la paix que vous avez perdue en introduisant le public dans votre intimité?
Joignez à cela les inquiétudes dont les muses se plaisent à affliger ceux qui s'attachent à leur culte, les embarras d'un caractère facile, l'inaptitude à la fortune, la perte des loisirs, une humeur inégale, des affections plus vives, des tristesses sans raison, des joies sans cause: qui voudrait, s'il en était le maître, acheter à de pareilles conditions les avantages incertains d'une réputation qu'on n'est pas sûr d'obtenir, qui vous sera contestée pendant votre vie, que la postérité ne confirmera pas, et à laquelle votre mort vous rendra à jamais étranger ?


Par: François-René de Chateaubriand

Ajoutée par Savinien le 06/10/2018

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Il faut de plus grands efforts de talent pour intéresser en restant dans l'ordre, que pour plaire en passant toute mesure; il est moins facile de régler le coeur que de le troubler.


Par: François-René de Chateaubriand

Ajoutée par Savinien le 01/01/2018

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Dans notre vallée de larmes, ainsi qu'aux enfers, il est je ne sais quelle plainte éternelle, qui fait le fond où la note dominante des lamentations humaines; on l'entend sans cesse, et elle continuerait quand toutes les douleurs créées viendraient à se taire.


Par: François-René de Chateaubriand

Ajoutée par Savinien le 29/12/2017

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L'intelligence courte croit tout voir, parce qu'elle reste les yeux ouverts; l'intelligence supérieure consent à fermer les yeux, parce qu'elle aperçoit tout en dedans.


Par: François-René de Chateaubriand

Ajoutée par Savinien le 28/08/2016

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M. Monet, directeur des mines et sa jeune fille, envoyés par madame Ginguené, venaient quelquefois troubler ma sauvagerie: mademoiselle Monet se plaçait sur le devant de la loge; je m'asseyais moitié content, moitié grognant, derrière elle. Je ne sais si elle me plaisait, si je l'aimais, mais j'en avais bien peur. Quand elle était partie, je la regrettais, en étant plein de joie de ne la voir plus. Cependant j'allais quelquefois, à la sueur de mon front, la chercher chez elle, pour l'accompagner à la promenade: je lui donnais le bras, et je crois que je serrais un peu le sien.


Par: François-René de Chateaubriand

Ajoutée par Savinien le 28/08/2016

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A mesure que ces Mémoires se remplissent de mes années écoulées, ils me représentent le globe inférieur d'un sablier constatant ce qu'il y a de poussière tombée de ma vie: quand tout le sable sera passé, je ne retournerais pas mon horloge de verre, Dieu m'en eût-il donné la puissance.


Par: François-René de Chateaubriand

Ajoutée par Savinien le 26/06/2016

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Notre existence est d'une telle fuite, que si nous n'écrivons pas le soir l'événement du matin, le travail nous encombre et nous n'avons plus le temps de le mettre à jour. Cela ne nous empêche pas de gaspiller nos années, de jeter au vent ces heures qui sont pour l'homme les semences de l'éternité.


Par: François-René de Chateaubriand

Ajoutée par Savinien le 26/06/2016

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En considérant l'être entier, en pesant le bien et le mal, on serait tenté de désirer tout accident qui porte à l'oubli, comme un moyen d'échapper à soi-même: un ivrogne joyeux est une créature heureuse. Religion à part, le bonheur est de s'ignorer et d'arriver à la mort sans avoir senti la vie.


Par: François-René de Chateaubriand

Ajoutée par Savinien le 26/06/2016

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Je fus tiré de mes réflexions par le gazouillement d'une grive perchée sur la plus haute branche d'un bouleau. A l'instant, ce son magique fit reparaître à mes yeux le domaine paternel. J'oubliai les catastrophes dont je venais d'être le témoin, et, transporté subitement dans le passé, je revis ces campagnes où j'entendis si souvent siffler la grive. Quand je l'écoutais alors, j'étais triste de même qu'aujourd'hui. Mais cette première tristesse était celle qui naît d'un désir vague de bonheur, lorsqu'on est sans expérience; la tristesse que j'éprouve actuellement vient de la connaissance des choses appréciées et jugées. Le chant de l'oiseau dans les bois de Combourg m'entretenait d'une félicité que je croyais atteindre; le même chant dans le parc de Montboissier me rappelait des jours perdus à la poursuite de cette félicité insaisissable.


Par: François-René de Chateaubriand

Ajoutée par Savinien le 22/04/2016

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Le livre précédent fut écrit sous la tyrannie expirante de Bonaparte et à la lueur des derniers éclairs de sa gloire: je commence le livre actuel sous le règne de Louis XVIII. J'ai vu de près les rois, et mes illusions politiques se sont évanouies, comme ces chimères plus douces dont je continue le récit. Disons d'abord ce qui me fait reprendre la plume: le coeur humain est le jouet de tout, et l'on ne saurait prévoir quelle circonstance frivole cause ses joies et ses douleurs. Montaigne l'a remarqué: « Il ne faut point de cause, dit-il, pour agiter notre âme: une resverie sans cause et sans subject la régente et l'agite. »


Par: François-René de Chateaubriand

Ajoutée par Savinien le 22/04/2016

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Les mathématiques, le grec et le latin occupèrent tout mon hiver au collège. Ce qui n'était pas consacré à l'étude était donné à ces jeux du commencement de la vie, pareils en tous lieux. Le petit Anglais, le petit Allemand, le petit Italien, le petit Espagnol, le petit Iroquois, le petit Bédouin roulent le cerceau et lancent la balle. Frères d'une grande famille, les enfants ne perdent leurs traits de ressemblance qu'en perdant l'innocence, la même partout. Alors les passions modifiées par les climats, les gouvernements et les moeurs font les nations diverses ; le genre humain cesse de s'entendre et de parler le même langage: c'est la société qui est la véritable tour de Babel.


Par: François-René de Chateaubriand

Ajoutée par Savinien le 22/04/2016

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J'étais presque mort quand je vins au jour. Le mugissement des vagues, soulevées par une bourrasque annonçant l'équinoxe d'automne, empêchait d'entendre mes cris: on m'a souvent conté ces détails; leur tristesse ne s'est jamais effacée de ma mémoire. Il n'y a pas de jour où, rêvant à ce que j'ai été, je ne revoie en pensée le rocher sur lequel je suis né, la chambre où ma mère m'infligea la vie, la tempête dont le bruit berça mon premier sommeil, le frère infortuné qui me donna un nom que j'ai presque toujours traîné dans le malheur. Le Ciel sembla réunir ces diverses circonstances pour placer dans mon berceau une image de mes destinées.


Par: François-René de Chateaubriand

Ajoutée par Savinien le 19/04/2016

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Je suis attaché à mes arbres; je leur ai adressé des élégies, des sonnets, des odes. Il n'y a pas un seul d'entre eux que je n'aie soigné de mes propres mains, que je n'aie délivré du ver attaché à sa racine, de la chenille collée à sa feuille; je les connais tous par leurs noms, comme mes enfants: c'est ma famille, je n'en ai pas d'autre, j'espère mourir au milieu d'elle.


Par: François-René de Chateaubriand

Ajoutée par Savinien le 19/04/2016

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Je n'ai eu de repos que durant les neuf mois où j'ai dormi la vie dans le sein de ma mère: il est probable que je ne retrouverai ce repos avant-naître, que dans les entrailles de notre mère commune après-mourir.


Par: François-René de Chateaubriand

Ajoutée par Savinien le 19/04/2016

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Du reste, rien de mon passé à Saint-Malo: dans le port, je cherchais en vain les navires aux cordes desquels je me jouais; ils étaient partis ou dépecés; dans la ville, l'hôtel où j'étais né avait été transformé en auberge. je touchais presque à mon berceau et déjà tout un monde s'était écoulé. Etranger aux lieux de mon enfance, en me rencontrant on demandait qui j'étais, par l'unique raison que ma tête s'élevait de quelques lignes de plus au-dessus du sol vers lequel elle s'inclinera de nouveau dans peu d'années. Combien rapidement et que de fois nous changeons d'existence et de chimère! Des amis nous quittent, d'autres leur succèdent; nos liaisons varient: il y a toujours un temps où nous ne possédions rien de ce que nous possédons, un temps où nous n'avons rien de ce que nous eûmes. L'homme n'a pas une seule et même vie; il en a plusieurs mises bout à bout, et c'est sa misère.


Par: François-René de Chateaubriand

Ajoutée par Savinien le 06/06/2015

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Dans la plupart des villages des la Bretagne, c'est ordinairement à la pointe du jour que l'on sonne pour les trépassés. Cette sonnerie compose, de trois notes répétées, un petit air monotone, mélancolique et champêtre. Rien ne convenait mieux à mon âme malade et blessée, que d'être rendue aux tribulations de l'existence par la cloche qui en annonçait la fin. Je me représentais le pâtre expiré dans sa cabane inconnue, ensuite déposé dans un cimetière non moins ignoré. Qu'était-il venu faire sur la terre? Moi-même, que faisais-je dans ce monde? Puisqu'enfin je devais passer, ne valait-il pas mieux partir à la fraîcheur du matin, arriver de bonne heure que d'achever le voyage sous le poids et pendant la chaleur du jour? Le rouge du désir me montait au visage. L'idée de n'être plus me saisissait le coeur à la façon d'une joie subite. Au temps des erreurs de ma jeunesse, j'ai souvent souhaité ne pas survivre au bonheur: il y avait dans le premier succès un degré de félicité qui me faisait aspirer à la destruction.


Par: François-René de Chateaubriand

Ajoutée par Savinien le 06/06/2015

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Je ne verrai plus le magnolia qui promettait sa rose à la tombe de ma Floridienne, le pin de Jérusalem et le cèdre du Liban consacrés à la mémoire de Jérôme, le laurier de Grenade, le platane de la Grèce, le chêne de l'Armorique, au pied desquels je peignis Blanca, chantai Cymodocée, inventai Velléda. Ces arbres naquirent et crûrent avec mes rêveries; elles en étaient les Hamadryades. Ils vont passer sous un autre empire: leur nouveau maître les aimera-t-il comme je les aimais? Il les laissera dépérir, il les abattra peut-être: je ne dois rien conserver sur la terre. C'est en disant adieu aux bois d'Aulnay que je vais rappeler l'adieu que je dis autrefois aux bois de Combourg: tous mes jours sont des adieux.


Par: François-René de Chateaubriand

Ajoutée par Savinien le 06/06/2015

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Depuis que j'ai perdu cette personne, je n'ai cessé, en la pleurant, de me reprocher les inégalités dont j'ai pu affliger quelquefois des coeurs qui m'étaient dévoués. Veillons bien sur notre caractère! Songeons que nous pouvons, avec un attachement profond, n'en pas moins empoisonner des jours que nous rachèterions au prix de notre sang. Quand nos amis sont descendus dans la tombe, quel moyen avons-nous de réparer nos torts? Nos inutiles regrets, nos vains repentirs sont-ils un remède aux peines que nous leur avons faites? Ils auraient mieux aimé de nous un sourire pendant leur vie, que toutes nos larmes après leur mort.


Par: François-René de Chateaubriand

Ajoutée par Savinien le 03/09/2014

 

Les choses qui me sont échappées sur la terre, qui m'ont fui, que je regrette, me tueraient si je ne touchais à ma tombe; mais, si près de l'oubli éternel, vérités et songes sont également vains; au bout de la vie tout est jour perdu.


Par: François-René de Chateaubriand

Ajoutée par Savinien le 11/11/2011

 

Le talent qui expire saisit d'avantage que l'individu qui meurt: c'est une désolation générale dont la société est frappée; chacun au même moment fait la même perte.


Par: François-René de Chateaubriand

Ajoutée par Savinien le 11/11/2011

 

Le temps fait pour les hommes ce que l'espace fait pour les monuments; on ne juge bien des uns et des autres qu'à distance et au point de la perspective; trop près on ne les voit pas, trop loin on ne les voit plus.


Par: François-René de Chateaubriand

Ajoutée par Savinien le 27/10/2011

 

Un moyen de succès auprès des hommes, c'est de sauver leur amour-propre, de leur fournir une raison de dégager leur parole et de sortir d'un mauvais pas avec honneur.


Par: François-René de Chateaubriand

Ajoutée par Savinien le 26/10/2011

 

Les ennemis n'aiment aucune espèce de succès, même les plus misérables, et c'est les punir que de réussir dans un genre où ils se croient eux-mêmes sans égal.


Par: François-René de Chateaubriand

Ajoutée par Savinien le 26/10/2011

 

Le passé ressemble à un musée d'antiques; on y visite les heures écoulées; chacun peut y reconnaître les siennes. Un jour, me promenant dans une église déserte, j'entendis des pas se traînant sur les dalles, comme ceux d'un vieillard qui cherchait sa tombe. Je regardai et n'aperçus personne; c'était moi qui m'était révélé à moi.


Par: François-René de Chateaubriand

Ajoutée par Savinien le 26/10/2011

 

Il n'y avait pas de rossignol dans mon jardin, mais il y avait beaucoup de moineaux fringants, effrontés et querelleurs, que l'on trouve partout, à la campagne, à la ville, dans les palais, dans les prisons, et qui se perchent tout aussi gaiement sur l'instrument de mort que sur un rosier: à qui peut s'envoler, qu'importent les souffrances de la terre!


Par: François-René de Chateaubriand

Ajoutée par Savinien le 26/10/2011

 

Entrez dans un reliquaire, toutes les têtes de mort semblent ricaner, parce qu'elles découvrent les dents; c'est le rire. De quoi ricanent-elles? Du néant ou de la vie?


Par: François-René de Chateaubriand

Ajoutée par Savinien le 26/10/2011

 

Je lus à madame Récamier ma description du Saint-Gothard; elle me pria d'écrire quelque chose sur ses tablettes, déjà à demi remplies des détails de la mort de Jean-Jacques Rousseau. Au-dessous de ces dernières paroles de l'auteur d'Héloïse: « ma femme, ouvrez la fenêtre, que je voie encore le soleil, » je traçai ces mots écrits au crayon: ce que je voulais sur le lac de Lucerne, je l'ai trouvé sur le lac de Constance, le charme et l'intelligence de la beauté. Je ne veux point mourir comme Rousseau; je veux encore voir longtemps le soleil, si c'est près de vous que je dois achever ma vie. Que mes jours expirent à vos pieds, comme ces vagues dont vous aimez le murmure.


Par: François-René de Chateaubriand

Ajoutée par Savinien le 24/10/2011

 

Qu'ils sont doux, mais qu'ils sont rapides les moments que les frères et les soeurs passent dans leurs jeunes années, réunis sous l'aile de leurs vieux parents! La famille de l'homme n'est que d'un jour; le souffle de Dieu la disperse comme une fumée. A peine le fils connaît-il le père, le père le fils, le frère la soeur, la soeur le frère! Le chêne voit germer ses glands autour de lui, il n'en est pas ainsi des enfants des hommes.


Par: François-René de Chateaubriand

Ajoutée par Savinien le 24/10/2011

 

On se range du côté des succès; le moyen d'avoir des alliés, c'est de vaincre.


Par: François-René de Chateaubriand

Ajoutée par Savinien le 04/07/2011

 

Les nuits passées au milieu des vagues, sur un vaisseau battu de la tempête, ne sont pas stériles; l'incertitude de notre avenir donne aux objets leur véritable prix: la terre, contemplée du milieu d'une mer orageuse, ressemble à la vie considérée par un homme qui va mourir.


Par: François-René de Chateaubriand

Ajoutée par Savinien le 04/07/2011

 

Notre vie ressemble à ces bâtisses fragiles, étayées dans le ciel par des arc-boutants: ils ne s'écroulent pas à la foi, mais se détachent successivement; ils appuient encore quelques galeries, quand déjà ils manquent au sanctuaire ou au berceau de l'édifice.


Par: François-René de Chateaubriand

Ajoutée par Savinien le 04/07/2011

 

Il est fâcheux d'être atteint d'un mal dont la foule n'a pas l'intelligence. Au reste, ce mal n'en est que plus vif: on ne l'affaiblit point en le confrontant avec d'autres maux, on n'est pas juge de la peine d'autrui; ce qui afflige l'un fait la joie de l'autre; les coeurs ont des secrets divers, incompréhensibles à d'autres coeurs.
Ne disputons à personnes ses souffrances; il en est des douleurs comme des patries, chacun a la sienne.


Par: François-René de Chateaubriand

Ajoutée par Savinien le 29/06/2011

 

L'indigence de notre nature est si profonde, que dans nos infirmités volages, pour exprimer nos affections récentes, nous ne pouvons employer que des mots déjà usés par nous dans nos anciens attachements. Il est cependant des paroles qui ne devraient servir qu'une fois: on les profane en les répétant. Nos amitiés trahies et délaissées nous reprochent les nouvelles sociétés où nous sommes engagés; nos heures s'accusent: notre vie est une perpétuelle rougeur, parce qu'elle est une faute continuelle.


Par: François-René de Chateaubriand

Ajoutée par Savinien le 29/06/2011

 

On n'a pas su ce que c'est que la désolation du coeur, quand on n'est point demeuré seul à errer dans les lieux naguère habités d'une personne qui avait agréé votre vie: on la cherche et on ne la trouve plus; elle vous parle, vous sourit, vous accompagne; tout ce qu'elle a porté ou touché reproduit son image; il n'y a entre elle et vous qu'un rideau transparent, mais si lourd que vous ne pouvez le lever.
Le souvenir du premier ami qui vous a laissé sur la route est cruel; car, si vos jours se sont prolongés, vous avez nécessairement fait d'autres pertes: ces morts qui se sont suivies se rattachent à la première, et vous pleurez à la fois dans une seule personne toutes celles que vous avez successivement perdues.


Par: François-René de Chateaubriand

Ajoutée par Savinien le 29/06/2011

 

Nous ne sentons le prix de nos amis qu'au moment où nous sommes menacés de les perdre. Nous sommes même assez insensés, quand tout va bien, pour croire que nous pouvons impunément nous éloigner d'eux: le ciel nous en punit; il nous les enlève, et nous sommes épouvantés de la solitude qu'ils laissent autour de nous.


Par: François-René de Chateaubriand

Ajoutée par Savinien le 29/06/2011

 

Dans la nature, hormis le ciel, l'océan et le soleil, ce ne sont pas les immenses objets dont je suis inspiré; ils me donnent seulement une sensation de grandeur, qui jette ma petitesse éperdue et non consolée aux pieds de Dieu.
Mais une fleur que je cueille, un courant d'eau qui se dérobe parmi des joncs, un oiseau qui va s'envolant et se reposant devant moi, m'entraînent à toutes sortes de rêves.
Ne vaut-il pas mieux s'attendrir sans savoir pourquoi, que de chercher dans la vie des intérêts émoussés, refroidis par leur répétition et leur multitude? Tout est usé aujourd'hui, même le malheur.


Par: François-René de Chateaubriand

Ajoutée par Savinien le 26/06/2011

 

La nuit quand les fenêtres de notre salon champêtre étaient ouvertes, madame de Beaumont remarquait diverses constellations, en me disant que je me rappellerais un jour qu'elle m'avait appris à les connaître: depuis que je l'ai perdue, non loin de son tombeau, à Rome, j'ai plusieurs fois, du milieu de la campagne, cherché au firmament les étoiles qu'elle m'avait nommées; je les ai aperçues brillant au dessus des montagnes de la Sabine; le rayon prolongé de ces astres venait frapper la surface du Tibre. Le lieu où je les ai vues sur les bois de Savigny, et les lieux où je les revoyais, la mobilité de mes destinées, ce signe qu'une femme m'avait laissé dans le ciel pour me souvenir d'elle, tout cela brisait mon coeur.
Par quel miracle l'homme consent-il à faire ce qu'il fait sur cette terre, lui qui doit mourir?


Par: François-René de Chateaubriand

Ajoutée par Savinien le 26/06/2011

 

La vie nous oblige sans cesse à pleurer par anticipation ou par souvenir.


Par: François-René de Chateaubriand

Ajoutée par Savinien le 26/06/2011

 

Qui ne s'est attendri au souvenir des jeux, des études, des amours de ses premières années? Mais peut-on leur rendre la vie? Les plaisirs de la jeunesse reproduits par la mémoire sont des ruines vues au flambeau.


Par: François-René de Chateaubriand

Ajoutée par Savinien le 26/06/2011

 

La gloire est pour un vieil homme ce que sont les diamants pour une vieille femme; ils la parent et ne peuvent l'embellir.


Par: François-René de Chateaubriand

Ajoutée par Savinien le 26/06/2011

 

Dans les liaisons qui ne se forment qu'au milieu de votre carrière, il entre quelque mélancolie; Y a-t-il disproportion d'âge, les inconvénients augmentent: le plus vieux a commencé la vie avant que le plus jeune fût au monde; le plus jeune est destiné à demeurer seul à son tour: l'un a marché dans une solitude en deçà du berceau, l'autre traversera une solitude au delà d'une tombe; le passé fut un désert pour le premier, l'avenir sera un désert pour le second.
Il est difficile d'aimer avec toutes les conditions de bonheur, jeunesse, beauté, temps opportun, harmonie de coeur, de goût, de caractère, de grâces et d'années.


Par: François-René de Chateaubriand

Ajoutée par Savinien le 26/06/2011

 

Je me félicite aujourd'hui d'avoir essayé du naufrage, entrevu la guerre, partagé les souffrances des classes les plus humbles de la société, comme je m'applaudis d'avoir rencontré, dans les temps de prospérité, l'injustice et la calomnie. J'ai profité à ces leçons: la vie, sans les maux qui la rendent grave, est un hochet d'enfant.


Par: François-René de Chateaubriand

Ajoutée par Savinien le 23/06/2011

 

Dans le coeur humain les plaisirs ne gardent pas entre eux les relations que les chagrins y conservent: les joies nouvelles ne rendent point le printemps aux anciennes joies, mais les douleurs récentes font reverdir les vieilles douleurs.


Par: François-René de Chateaubriand

Ajoutée par Savinien le 23/06/2011

 

Mes regards affaiblis me permettaient à peine de distinguer les traits de mon frère; je croyais que ces ténèbres émanaient de moi, et c'étaient les ombres que l'Eternité répandait autour de lui: sans le savoir, nous nous voyions pour la dernière fois.
Tous, tant que nous sommes, nous n'avons à nous que la minute présente; celle qui la suit est à Dieu: il y a toujours deux chances pour ne pas retrouver l'ami que l'on quitte: notre mort ou la sienne. Combien d'hommes n'ont jamais remonté l'escalier qu'ils avaient descendu!


Par: François-René de Chateaubriand

Ajoutée par Savinien le 23/06/2011

 

Jean Roseau, bourreau de Paris sous la ligue, pendu pour avoir prêté son ministère aux assassins du président Brisson, ne se pouvait résoudre à la corde. Il paraît qu'on n'apprend pas à mourir en tuant les autres.


Par: François-René de Chateaubriand

Ajoutée par Savinien le 23/06/2011

 

La menace du plus fort me fait toujours passer du côté du plus faible: l'orgueil de la victoire m'est insupportable.


Par: François-René de Chateaubriand

Ajoutée par Savinien le 23/06/2011

 

Je ne sais profiter d'aucune fortune; je ne m'intéresse à quoi que ce soit qui intéresse les autres. Hors en religion, je n'ai aucune croyance. Pasteur ou roi, qu'aurais-je fait de mon sceptre ou de ma houlette? Je me serais également fatigué de la gloire et du génie, du travail et du loisir, de la propriété et de l'infortune. Tout me lasse: je remorque avec peine mon ennui avec mes jours, et je vais partout bâillant ma vie.


Par: François-René de Chateaubriand

Ajoutée par Savinien le 18/06/2011

 

Je n'avais rien à offrir à cette créature de Dieu. Nous nous quittâmes, mon hôtesse me dit beaucoup de choses que je ne compris point; c'étaient sans doute des souhaits de prospérité; s'ils n'ont pas été entendus du ciel, ce n'est pas la faute de celle qui priait, mais l'infirmité de celui pour qui la prière était offerte.
Toutes les âmes n'ont pas une égale aptitude au bonheur, comme toutes les terres ne portent pas également des moissons.


Par: François-René de Chateaubriand

Ajoutée par Savinien le 18/06/2011

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Combien d'autres amis je ne rencontrerai plus! L'homme, chaque soir en se couchant, peut compter ses pertes: il n'y a que ses ans qui ne le quittent point, bien qu'ils passent; lorsqu'il en fait la revue et qu'il les nomme, ils répondent: « Présents! ». Aucun ne manque à l'appel.


Par: François-René de Chateaubriand

Ajoutée par Savinien le 18/06/2011

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Si nous en croyons les voyageurs, il est un charme à ces régions: le soir, le soleil, touchant la terre semble rester immobile, et remonte ensuite dans le ciel au lieu de descendre sous l'horizon. Les monts revêtus de neige, les vallées tapissées de la mousse blanche que broutent les rennes, les mers couvertes de baleines et semées de glaces flottantes, toute cette scène brille, éclairée comme à la fois par les feux du couchant et la lumière de l'aurore: on ne sait si l'on assiste à la création ou à la fin du monde.


Par: François-René de Chateaubriand

Ajoutée par Savinien le 18/06/2011

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Le vaisseau roulait au gré des larmes sourdes et lentes, tandis que des étincelles de feu couraient avec une blanche écume le long de ses flancs. Des milliers d'étoiles rayonnant dans le sombre azur du dôme céleste, une mer sans rivage, l'infini dans le ciel et sur les flots!
Jamais Dieu ne m'a plus troublé de sa grandeur que dans ces nuits où j'avais l'immensité sur ma tête et l'immensité sous mes pieds.


Par: François-René de Chateaubriand

Ajoutée par Savinien le 18/06/2011

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Le temps emporte et sépare les voyageurs sur la terre, plus promptement encore que le vent ne les emporte et ne les sépare sur l'océan; on se fait un signe de loin: à Dieu, va! Le port commun est l'Eternité.


Par: François-René de Chateaubriand

Ajoutée par Savinien le 16/06/2011

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Il est difficile aux personnes qui n'ont jamais navigué de se faire une idée des sentiments qu'on éprouve, lorsque du bord d'un vaisseau on n'aperçoit de toutes parts que la face sérieuse de l'abîme.
Il y a dans la vie périlleuse du marin une indépendance qui tient de l'absence de la terre: on laisse sur le rivage les passions des hommes; entre le monde que l'on quitte et celui que l'on cherche, on n'a pour amour et pour patrie que l'élément sur lequel on est porté.


Par: François-René de Chateaubriand

Ajoutée par Savinien le 16/06/2011

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Epitaphe


Au ciel elle a rendu sa vie,
Et doucement s'est rendormie,
Sans murmurer contre ses lois:
Ainsi le sourire s'efface,
Ainsi meurt sans laisser de trace
Le chant d'un oiseau dans les bois.


Par: François-René de Chateaubriand

Ajoutée par Savinien le 16/06/2011

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Il y a un plaisir triste à rencontrer des personnes que l'on a connues à diverses époques de la vie, et à considérer le changement opéré dans leur existence et dans la nôtre. Comme des jalons laissés en arrière, ils nous tracent le chemin que nous avons suivi dans le désert du passé.


Par: François-René de Chateaubriand

Ajoutée par Savinien le 16/06/2011

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Rien ne remplace l'attachement, la délicatesse et le dévouement d'une femme; on est oublié de ses frères et de ses amis; on est méconnu de ses compagnons: on ne l'est jamais de sa mère, de sa soeur ou de sa femme.


Par: François-René de Chateaubriand

Ajoutée par Savinien le 16/06/2011

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Une seule chose a attiré mon attention: l'aiguille d'une pendule fixée sur la minute où Frédéric expira; j'étais trompé par l'immobilité de l'image: les heures ne suspendent point leur fuite; ce n'est pas l'homme qui arrête le temps, c'est le temps qui arrête l'homme.
Au surplus, peu importe le rôle que nous avons joué dans la vie; l'éclat ou l'obscurité de nos doctrines, nos richesses ou nos misères, nos joies ou nos douleurs, ne changent rien à la mesure de nos jours. Que l'aiguille circule sur un cadran d'or ou de bois, que le cadran plus ou moins large remplisse le chaton d'une bague ou la rosace d'une basilique, l'heure n'a que la même durée.


Par: François-René de Chateaubriand

Ajoutée par Savinien le 14/06/2011

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Plus la saison était triste, plus elle était en rapport avec moi; le temps des frimas, en rendant les communications moins faciles, isole les habitants des campagnes: on se sent mieux à l'abri des hommes.
Un caractère moral s'attache aux scènes de l'automne: ces feuilles qui tombent comme nos ans, ces fleurs qui se fanent comme nos heures, ces nuages qui fuient comme nos illusions, cette lumière qui s'affaiblit comme notre intelligence, ce soleil qui se refroidit comme nos amours, ces fleuves qui se glacent comme notre vie, ont des rapports secrets avec nos destinées.


Par: François-René de Chateaubriand

Ajoutée par Savinien le 14/06/2011

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A qui ne les compte pas, peu importent les événements; quelques années échappées des mains de l'Eternel feront justice de tous ces bruits par un silence sans fin.


Par: François-René de Chateaubriand

Ajoutée par Savinien le 14/06/2011

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On voit comment mon caractère se formait, quel tour prenaient mes idées, quelles furent les premières atteintes de mon génie, car j'en puis parler comme d'un mal, quel qu'ait été ce génie, rare ou vulgaire, méritant ou ne méritant pas le nom que je lui donne, faute d'un autre mot pour m'exprimer.
Plus semblable au reste des hommes, j'eusse été plus heureux: celui qui, sans m'ôter l'esprit, fût parvenu à tuer ce qu'on appelle mon talent, m'aurait traité en ami.


Par: François-René de Chateaubriand

Ajoutée par Savinien le 14/06/2011

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J'aime à rappeler ces félicités qui précédèrent de peu d'instants dans mon âme les tribulations du monde. En comparant ces ardeurs aux transports que je vais peindre; en voyant le même coeur éprouver, dans l'intervalle de trois ou quatre années, tout ce que l'innocence et la religion ont de plus doux et de plus salutaire, et tout ce que les passions ont de plus séduisant et de plus funeste, on choisira des deux joies; on verra de quel côté il faut chercher le bonheur et surtout le repos.


Par: François-René de Chateaubriand

Ajoutée par Savinien le 14/06/2011

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Toute notre vie se passe à errer autour de notre tombe; nos diverses maladies sont des souffles qui nous approchent plus ou moins du port.
Le premier mort que j'aie vu était un chanoine de Saint-Malo; il gisait expiré sur son lit, le visage distors par les dernières convulsions.
La mort est belle, elle est notre amie: néanmoins, nous ne la reconnaissons pas, parce qu'elle se présente à nous masquée et que son masque nous épouvante.


Par: François-René de Chateaubriand

Ajoutée par Savinien le 13/06/2011

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Une chose m'humilie: la mémoire est souvent la qualité de la sottise; elle appartient généralement aux esprits lourds, qu'elle rend plus pesants par le bagage dont elle les surcharge.
Et néanmoins, sans la mémoire, que serions-nous? Nous oublierions nos amitiés, nos amours, nos plaisirs, nos affaires; le génie ne pourrait rassembler ses idées; le coeur le plus affectueux perdrait sa tendresse s'il ne se souvenait plus; notre existence se réduirait aux moments successifs d'un présent qui s'écoule sans-cesse: il n'y aurait plus de passé.
O misère de nous! Notre vie est si vaine qu'elle n'est qu'un reflet de notre mémoire.


Par: François-René de Chateaubriand

Ajoutée par Savinien le 13/06/2011

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Etablie par Dieu gouvernante de l'abîme, la lune a ses nuages, ses vapeurs, ses rayons, ses ombres portées comme le soleil; mais comme lui elle ne se retire pas solitaire: un cortège d'étoiles l'accompagne.


Par: François-René de Chateaubriand

Ajoutée par Savinien le 13/06/2011

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A peine étais-je né, que j'ouïs parler de mourir: le soir, un homme allait avec une sonnette de rue en rue, avertissant les chrétiens de prier pour un de leurs frères décédé. Presque tous les ans, des vaisseaux se perdaient sous mes yeux, et, lorsque je m'ébattais le long des grèves, la mer roulait à mes pieds les cadavres d'hommes étrangers, expirés loin de leur patrie.
Madame de Chateaubriand me disait, comme sainte Monique disait à son fils: nihil longe est a Deo: « rien n'est loin de Dieu. » On avait confié mon éducation à la Providence: elle ne m'épargnait pas les leçons.


Par: François-René de Chateaubriand

Ajoutée par Savinien le 13/06/2011

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Je suis peut-être le seul homme au monde qui sache que ces personnes ont existé. Vingt fois depuis cette époque, j'ai fait la même observation; vingt fois des sociétés se sont formées et dissoutes autour de moi. Cette impossibilité de durée et de longueur dans les liaisons humaines, cet oubli profond qui nous suit, cet invincible silence qui s'empare de notre tombe et s'étend de là sur notre maison, me ramènent sans-cesse à la nécessité de l'isolement.
Toute main est bonne pour nous donner le verre d'eau dont nous pouvons avoir besoin dans la fièvre de la mort. Ah! Qu'elle ne nous soit pas trop chère! Car comment abandonner sans désespoir la main que l'on a couverte de baisers et que l'on voudrait tenir éternellement sur son coeur?


Par: François-René de Chateaubriand

Ajoutée par Savinien le 13/06/2011

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Ma grand-mère se reposait sur sa soeur des soins de la maison. Elle dînait à onze heures du matin, faisait la sieste; à une heure elle se réveillait; on la portait au bas des terrasses du jardin, sous les saules de la fontaine, où elle tricotait, entourée de sa soeur, de ses enfants et petits-enfants. En ce temps-là, la vieillesses était une dignité; aujourd'hui elle est une charge.


Par: François-René de Chateaubriand

Ajoutée par Savinien le 11/06/2011

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Je reposerai donc au bord de la mer que j'ai tant aimée. Si je décède hors de France, je souhaite que mon corps ne soit rapporté dans ma patrie qu'après cinquante ans révolus d'une première inhumation. Qu'on sauve mes restes d'une sacrilège autopsie: qu'on s'épargne le soin de chercher dans mon cerveau glacé et dans mon coeur éteint le mystère de mon être. La mort ne révèle point le secret de la vie. Un cadavre courant la poste me fait horreur; des os blanchis et légers se transportent facilement: ils seront moins fatigués dans ce dernier voyage que quand je les traînais çà et là chargés de mes ennuis.


Par: François-René de Chateaubriand

Ajoutée par Savinien le 11/06/2011

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On m'a pressé de faire paraître de mon vivant quelques morceaux de ces Mémoires; je préfère parler du fond de mon cercueil; ma narration sera alors accompagnée des ces voix qui ont quelque chose de sacré, parce qu'elles sortent du sépulcre. Si j'ai assez souffert en ce monde pour être dans l'autre une ombre heureuse, un rayon échappé des Champs-Elysées répandra sur mes derniers tableaux une lumière protectrice: la vie me sied mal; la mort m'ira peut-être mieux.


Par: François-René de Chateaubriand

Ajoutée par Savinien le 11/06/2011

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Elles pleuraient, ma mère pleurait; je fus étonné de cette douleur: je la comprends aujourd'hui. Je n'assiste pas à un baptême ou à un mariage sans sourire amèrement ou sans éprouver un serrement de coeur. Après le malheur de naître, je n'en connais pas de plus grand que celui de donner le jour à un homme.


Par: François-René de Chateaubriand

Ajoutée par Savinien le 27/10/2010

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Notre vanité met trop d'importance au rôle que nous jouons dans le monde. Le bourgeois de Paris rit du bourgeois d'une petite ville; le noble de cour se moque du noble de province; l'homme connu dédaigne l'homme ignoré, sans songer que le temps fait également justice de leurs prétentions, et qu'ils sont tous également ridicules ou indifférents aux yeux des générations qui se succèdent.


Par: François-René de Chateaubriand

Ajoutée par Savinien le 27/10/2010

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Le vrai bonheur coûte peu; s'il est cher, il n'est pas d'une bonne espèce.


Par: François-René de Chateaubriand

Ajoutée par Savinien le 27/10/2010

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Aurait-on mieux développé mon intelligence en me jetant plus tôt dans l'étude? J'en doute: ces flots, ces vents, cette solitude qui furent mes premiers maîtres, convenaient peut-être mieux à mes dispositions natives; peut-être dois-je à ces instituteurs sauvages quelques vertus que j'aurais ignorées. La vérité est qu'aucun système d'éducation n'est en soi préférable à un autre système: les enfants aiment-ils mieux leurs parents aujourd'hui qu'ils les tutoient et ne les craignent plus? Gesril était gâté dans la maison où j'étais gourmand: nous avons été tous deux d'honnêtes gens et des fils tendres et respectueux. Telle chose que vous croyez mauvaise, met en valeur les talents de votre enfant; telle chose qui vous semble bonne, étoufferait ces mêmes talents. Dieu fait bien ce qu'il fait: c'est la Providence qui nous dirige, lorsqu'elle nous destine à jouer un rôle sur la scène du monde.


Par: François-René de Chateaubriand

Ajoutée par Savinien le 27/10/2010

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C'est sur la grève de la pleine mer, entre le château et le Fort-Royal, que se rassemblent les enfants; c'est là que j'ai été élevé, compagnon des flots et des vents. Un des premiers plaisirs que j'aie goûtés était de lutter contre les orages, de me jouer avec les vagues qui se retiraient devant moi, ou couraient après moi sur la rive. Un autre divertissement était de construire, avec l'arène de la plage, des monuments que mes camarades appelaient des tours. Depuis cette époque, j'ai souvent vu bâtir pour l'éternité des châteaux plus vite écroulés que mes palais de sable.


Par: François-René de Chateaubriand

Ajoutée par Savinien le 27/10/2010

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Je suis né gentilhomme. Selon moi, j'ai profité du hasard de mon berceau, j'ai gardé cet amour plus ferme de la liberté qui appartient principalement à l'aristocratie dont la dernière heure est sonnée. L'aristocratie a trois âges successifs: l'âge des supériorités, l'âge des privilèges, l'âge des vanités; sortie du premier, elle dégénère dans le second et s'éteint dans le dernier.


Par: François-René de Chateaubriand

Ajoutée par Savinien le 27/10/2010

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