Citations de Poésies (Gautier), de Théophile Gautier

14 Citations

Niobé


Sur un quartier de roche, un fantôme de marbre,
Le menton dans la main et le coude au genou,
Les pieds pris dans le sol, ainsi que des pieds d'arbre,
Pleure éternellement sans relever le cou.

Quel chagrin pèse donc sur ta tête abattue?
A quel puits de douleurs tes yeux puisent-ils l'eau?
Et que souffres-tu donc dans ton coeur de statue,
Pour que ton sein sculpté soulève ton manteau?

Tes larmes, en tombant du coin de ta paupière,
Goutte à goutte, sans cesse et sur le même endroit,
Ont fait dans l'épaisseur de ta cuisse de pierre
Un creux où le bouvreuil trempe son aile et boit.

O symbole muet de l'humaine misère,
Niobé sans enfants, mère des sept douleurs,
Assise sur l'Athos ou bien sur le Calvaire,
Quel fleuve d'Amérique est plus grand que tes pleurs?


Par: Théophile Gautier

Ajoutée par Savinien le 17/10/2010

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Watteau


Devers Paris, un soir, dans la campagne,
J'allais suivant l'ornière d'un chemin,
Seul avec moi, n'ayant d'autre compagne
Que ma douleur qui me donnait la main.


Par: Théophile Gautier

Ajoutée par Savinien le 17/10/2010

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Le coin du feu


Que la pluie à déluge au long des toits ruisselle!
Que l'orme du chemin penche, craque et chancelle
Au gré du tourbillon dont il reçoit le choc!
Que du haut des glaciers l'avalanche s'écroule!
Que le torrent aboie au fond du gouffre, et roule
Avec ses flots fangeux de lourds quartiers de roc!

Qu'il gèle! Et qu'à grand bruit, sans relâche, la grêle
De grains rebondissants fouette la vitre frêle!
Que la bise d'hiver se fatigue à gémir!
Qu'importe? N'ai-je pas un feu clair dans mon âtre,
Sur mes genoux un chat qui se joue et folâtre,
Un livre pour veiller, un fauteuil pour dormir?


Par: Théophile Gautier

Ajoutée par Savinien le 15/10/2010

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A mon ami Auguste M.


Par une nuit d'été, quand le ciel est d'azur,
Souvent un feu follet sort du marais impur;
Le passant qui le voit le prend pour la lumière
Qui scintille aux carreaux lointains d'une chaumière;
Vers le fanal perfide il s'avance à grands pas,
Tout joyeux; et bientôt, ne s'apercevant pas
Qu'un abîme est ouvert à ses pieds, il y tombe
Et son corps reste là, sans prière et sans tombe.
Aux lieux où fut Gomorrhe autrefois, et que Dieu
En courroux inonda d'un déluge de feu,
Sur la grève brûlée, asile frais et sombre,
Des orangers touffus s'élèvent en grand nombre,
Chargés de fruits riants dont la tunique d'or
Ne livre que poussière à la dent qui les mord:
Dans ma pensée, ami, je trouve qu'une femme
Qui sous de beaux semblants cache une vilaine âme,
Pour ceux que sa beauté décevante à séduits,
Pareille au feu follet, l'est encore à ces fruits.


Par: Théophile Gautier

Ajoutée par Savinien le 15/10/2010

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Promenade nocturne


Jamais la nuit de plus d'étoiles
N'a semé son manteau d'azur,
Ni du doigt, entrouvrant ses voiles,
Mieux fait voir Dieu dans le ciel pur.


Par: Théophile Gautier

Ajoutée par Savinien le 15/10/2010

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Cauchemar


Et j'aperçois bientôt, non loin d'un vieux manoir,
A l'angle d'un taillis, surgir un gibet noir
Soutenant un pendu; d'effroyables sorcières
Dansent autour, et moi, de fureurs carnassières
Agité, je ressens un immense désir
De broyer sous mes dents sa chair, et de saisir,
Avec quelque lambeau de sa peau bleue et verte,
Son coeur demi pourri dans sa poitrine ouverte.


Par: Théophile Gautier

Ajoutée par Savinien le 15/10/2010

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Cauchemar


Avec ses nerfs rompus, une main écorchée
Qui marche sans le corps dont elle est arrachée,
Crispe ses doigts crochus armés d'ongles de fer
Pour me saisir: des feux pareils aux feux d'enfer
Se croisent devant moi; dans l'ombre des yeux fauves
Rayonnent; des vautours à cous rouges et chauves,
Battent mon front de l'aile en poussant des cris sourds.


Par: Théophile Gautier

Ajoutée par Savinien le 15/10/2010

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Le sentier


Il est un sentier creux dans la vallée étroite,
Qui ne sait trop s'il marche à gauche ou bien à droite.
- C'est plaisir d'y passer, lorsque Mai sur ses bords,
Comme un jeune prodigue, égrène ses trésors.


Par: Théophile Gautier

Ajoutée par Savinien le 15/10/2010

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Méditation


Le monde est fait ainsi: loi suprême et funeste!
Comme l'ombre d'un songe au bout de peu d'instants
Ce qui charme s'en va, ce qui fait peine reste:
La rose vit une heure et le cyprès cent ans.


Par: Théophile Gautier

Ajoutée par Savinien le 15/10/2010

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Si ces études franches et consciencieuses peuvent ouvrir la voie à quelques jeunes gens et aider quelques inexpériences, l'auteur ne regrettera pas la peine qu'il a prise. - Si le livre passe inaperçu, il ne la regrettera pas encore; ces vers lui auront usé innocemment quelques heures, et l'art est ce qui console le mieux de vivre.


Par: Théophile Gautier

Ajoutée par Savinien le 15/10/2010

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Le bonheur ne consiste pas à avoir ce qui est indispensable; ne pas souffrir n'est pas jouir, et les objets dont on a le moins besoin sont ceux qui charment le plus.


Par: Théophile Gautier

Ajoutée par Savinien le 15/10/2010

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Quant aux utilitaires, utopistes, économistes, saint-simonistes et autres qui lui demanderont à quoi cela rime, - il répondra: le premier vers rime avec le second quand la rime n'est pas mauvaise, et ainsi de suite.
A quoi cela sert-il? - Cela sert à être beau. - N'est-ce pas assez? Comme les fleurs, comme les parfums, comme les oiseaux, comme tout ce que l'homme n'a pu détourner et dépraver à son usage.
En général dès qu'une chose devient utile, elle cesse d'être belle.


Par: Théophile Gautier

Ajoutée par Savinien le 15/10/2010

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L'auteur du présent livre est un jeune homme frileux et maladif qui use sa vie en famille avec deux ou trois amis et à peu près autant de chats.
Il n'a vu du monde que ce que l'on en voit par la fenêtre, et il n'a pas eu envie d'en voir davantage. Il n'a aucune couleur politique; il n'est ni rouge, ni blanc, ni tricolore; il n'est rien, il ne s'aperçoit des révolutions que lorsque les balles cassent les vitres. Il aime mieux être assis que debout, couché qu'assis. - C'est une habitude toute prise quand la mort vient nous coucher pour toujours. - Il fait des vers pour avoir un prétexte de ne rien faire, et ne fait rien sous prétexte qu'il fait des vers.


Par: Théophile Gautier

Ajoutée par Savinien le 15/10/2010

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La dernière feuille


Dans la forêt chauve et rouillée
Il ne reste plus au rameau
Qu'une pauvre feuille oubliée,
Rien qu'une feuille et qu'un oiseau.

Il ne reste plus dans mon âme
Qu'un seul amour pour y chanter,
Mais le vent d'automne qui brame
Ne permet pas de l'écouter.

L'oiseau s'en va, la feuille tombe
L'amour s'éteint, car c'est l'hiver
Petit oiseau vient sur ma tombe
Chanter quand l'arbre sera vert.


Par: Théophile Gautier

Ajoutée par Savinien le 26/09/2010

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