Citations de Théophile Gautier

134 Citations

Au bord de la mer


La lune de ses mains distraites
A laissé choir, du haut de l'air,
Son grand éventail à paillettes
Sur le bleu tapis de la mer.

Pour le ravoir elle se penche
Et tend son beau bras argenté,
Mais l'éventail fuit sa main blanche,
Par le flot qui passe emporté.

Au gouffre amer, pour te le rendre,
Lune, j'irais bien me jeter,
Si tu voulais du ciel descendre,
Au ciel si je pouvais monter!


Par: Théophile Gautier

Extrait de: España (1845)

Ajoutée par Savinien le 06/03/2023

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J’ai laissé de mon sein de neige


J'ai laissé de mon sein de neige
Tomber un oeillet rouge à l'eau.
Hélas! Comment le reprendrai-je
Mouillé par l'onde du ruisseau?
Voilà le courant qui l'entraîne!
Bel oeillet aux vives couleurs,
Pourquoi tomber dans la fontaine?
Pour t'arroser j'avais mes pleurs!


Par: Théophile Gautier

Extrait de: España (1845)

Ajoutée par Savinien le 06/03/2023

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Sérénade


Sur le balcon où tu te penches
Je veux monter... Efforts perdus!
Il est trop haut, et tes mains blanches
N'atteignent pas mes bras tendus.

Pour déjouer ta duègne avare,
Jette un collier, un ruban d'or;
Ou des cordes de ta guitare
Tresse une échelle, ou bien encor...

Ote tes fleurs, défais ton peigne,
Penche sur moi tes cheveux longs,
Torrent de jais dont le flot baigne
Ta jambe ronde et tes talons.

Aidé par cette échelle étrange,
Légèrement je gravirai,
Et jusqu'au ciel, sans être un ange,
Dans les parfums je monterai!


Par: Théophile Gautier

Extrait de: España (1845)

Ajoutée par Savinien le 06/03/2023

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Les trois grâces de Grenade


Douce Martirio, je crois te voir encore,
Fraîche à faire jaunir les roses de l'aurore,
Dans ton éclat vermeil, dans ta fleur de beauté,
Comme une pêche intacte au duvet velouté,
Avec tes yeux nacrés, ciel aux astres d'ébène,
Et ta bouche d'oeillet épanouie à peine,
Si petite vraiment qu'on n'y saurait poser,
Même quand elle rit, que le quart d'un baiser.


Par: Théophile Gautier

Extrait de: España (1845)

Ajoutée par Savinien le 06/03/2023

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Le roi solitaire


Je vis cloîtré dans mon âme profonde,
Sans rien d'humain, sans amour, sans amis,
Seul comme un dieu, n'ayant d'égaux au monde
Que mes aïeux sous la tombe endormis!
Hélas! Grandeur veut dire solitude.
Comme une idole au geste surhumain,
Je reste là, gardant mon attitude,
La pourpre au dos, le monde dans la main.
[...]
Je puis tout faire, et je n'ai plus d'envie.
Ah! Si j'avais seulement un désir!
Si je sentais la chaleur de la vie!
Si je pouvais partager un plaisir!
Mais le soleil va toujours sans cortège;
Les plus hauts monts sont aussi les plus froids;
Et nul été ne peut fondre la neige
Sur les sierras et dans le coeur des rois!


Par: Théophile Gautier

Extrait de: España (1845)

Ajoutée par Savinien le 06/03/2023

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Les yeux bleus de la montagne


On trouve dans les monts des lacs de quelques toises,
Purs comme des cristaux, bleus comme des turquoises,
Joyaux tombés du doigt de l'ange Ithuriel,
Où le chamois craintif, lorsqu'il vient pour y boire,
S'imagine, trompé par l'optique illusoire,
Laper l'azur du ciel.

Ces limpides bassins, quand le jour s'y reflète,
Ont comme la prunelle une humide paillette;
Et ce sont les yeux bleus, au regard calme et doux,
Par lesquels la montagne en extase contemple,
Forgeant quelque soleil dans le fond de son temple,
Dieu, l'ouvrier jaloux!


Par: Théophile Gautier

Extrait de: España (1845)

Ajoutée par Savinien le 06/03/2023

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L'horloge


Oui, c'est bien vrai, la vie est un combat sans trêve,
Un combat inégal contre un lutteur caché
Qui d'aucun de nos coups ne peut être touché;
Et dans nos coeurs criblés, comme dans une cible,
Tremblent les traits lancés par l'archer invisible.
Nous sommes condamnés, nous devons tous périr;
Naître, c'est seulement commencer à mourir.


Par: Théophile Gautier

Extrait de: España (1845)

Ajoutée par Savinien le 06/03/2023

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L'horloge


Mais sur l'humble cadran regardé par hasard,
Comme les mots de flamme aux murs de Balthazar,
Comme l'inscription de la porte maudite,
En caractères noirs une phrase est écrite;
Quatre mots solennels, quatre mots de latin,
Où tout homme en passant peut lire son destin:
« Chaque heure fait sa plaie et la dernière achève! »


Par: Théophile Gautier

Extrait de: España (1845)

Ajoutée par Savinien le 06/03/2023

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Départ


Je suis parti, laissant sur le seuil inquiet,
Comme un manteau trop vieux que l'on quitte à regret,
Cette lente moitié de la nature humaine,
L'habitude au pied sûr qui toujours y ramène,
Les pâles visions, compagnes de mes nuits,
Mes travaux, mes amours et tous mes chers ennuis.


Par: Théophile Gautier

Extrait de: España (1845)

Ajoutée par Savinien le 06/03/2023

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Départ


Je sentais le désir d'être absent de moi-même;
Loin de ceux que je hais et loin de ceux que j'aime,
Sur une terre vierge et sous un ciel nouveau,
Je voulais écouter mon coeur et mon cerveau,
Et savoir, fatigué de stériles études,
Quels baumes contenait l'urne des solitudes,
Quels mots balbutiait, avec ses bruits confus,
Dans la rumeur des flots et des arbres touffus,
La nature, ce livre où la plume divine
Ecrit le grand secret que nul œil ne devine!


Par: Théophile Gautier

Extrait de: España (1845)

Ajoutée par Savinien le 06/03/2023

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Départ


Comme au jour du départ on voit parmi les nues
Tournoyer et crier une troupe de grues,
Mes rêves palpitants, prêts à prendre leur vol,
Tournoyaient dans les airs et dédaignaient le sol;

Au colombier, le soir, ils rentraient à grand'peine,
Et, des hôtes pensifs qui hantent l'âme humaine,
Il ne s'asseyait plus à mon triste foyer
Que l'ennui, ce fâcheux qu'on ne peut renvoyer!


Par: Théophile Gautier

Extrait de: España (1845)

Ajoutée par Savinien le 06/03/2023

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Le pin des landes


On ne voit en passant par les Landes désertes,
Vrai Sahara français, poudré de sable blanc,
Surgir de l'herbe sèche et des flaques d'eaux vertes
D'autre arbre que le pin avec sa plaie au flanc,

Car pour lui dérober ses larmes de résine,
L'homme, avare bourreau de la création,
Qui ne vit qu'aux dépens de ce qu'il assassine
Dans son tronc douloureux ouvre un large sillon.

Sans regretter son sang qui coule goutte à goutte,
Le pin verse son baume et sa sève qui bout,
Et se tient toujours droit sur le bord de la route,
Comme un soldat blessé qui veut mourir debout.

Le poète est ainsi dans les Landes du monde;
Lorsqu'il est sans blessure, il garde son trésor.
Il faut qu'il ait au coeur une entaille profonde
Pour épancher ses vers, divines larmes d'or !


Par: Théophile Gautier

Extrait de: España (1845)

Ajoutée par Savinien le 06/03/2023

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Villanelle rythmique


Quand viendra la saison nouvelle,
Quand auront disparu les froids,
Tous les deux, nous irons, ma belle,
Pour cueillir le muguet au bois;
Sous nos pieds égrenant les perles,
Que l'on voit au matin trembler,
Nous irons écouter les merles
Siffler.

Le printemps est venu, ma belle,
C'est le mois des amants béni,
Et l'oiseau, satinant son aile,
Dit des vers au rebord du nid.
Oh! Viens donc sur le banc de mousse
Pour parler de nos beaux amours,
Et dis-moi de ta voix si douce :
Toujours!

Loin, bien loin, égarant nos courses,
Faisons fuir le lapin caché
Et le daim au miroir des sources
Admirant son grand bois penché;
Puis chez nous tout joyeux, tout aises,
En panier enlaçant nos doigts,
Revenons rapportant des fraises
Des bois.


Par: Théophile Gautier

Ajoutée par Savinien le 20/03/2020

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Le premier rayon de mai


Hier j'étais à table avec ma chère belle,
Ses deux pieds sur les miens, assis en face d'elle,
Dans sa petite chambre; ainsi que dans leur nid
Deux ramiers bienheureux que le bon Dieu bénit.
C'était un bruit charmant de verres de fourchettes,
Comme des becs d'oiseaux, picotant les assiettes;
De sonores baisers et de propos joyeux.
L'enfant, pour être à l'aise, et régaler mes yeux,
Avait ouvert sa robe et sous la toile fine
On voyait les trésors de sa blanche poitrine;
Comme les seins d'Isis, aux contours ronds et purs,
Ses beaux seins se dressaient, étincelants et durs.
Et, comme sur des fleurs des abeilles posées,
Sur leurs pointes tremblaient des lumières rosées.


Par: Théophile Gautier

Ajoutée par Savinien le 20/03/2020

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Romance


Au pays où se fait la guerre,
Mon bel ami s'en est allé;
Il semble à mon cœur désolé
Qu'il ne reste que moi sur terre!
En partant, au baiser d'adieu,
Il m'a pris mon âme à ma bouche.
Qui le tient si longtemps, mon Dieu?
Voilà le soleil qui se couche,
Et moi, toute seule en ma tour,
J'attends encore son retour.

Les pigeons sur le toit roucoulent,
Roucoulent amoureusement;
Avec un son triste et charmant
Les eaux sous les grands saules coulent.
Je me sens tout près de pleurer;
Mon cœur comme un lis plein s'épanche,
Et je n'ose plus espérer.
Voici briller la lune blanche,
Et moi, toute seule en ma tour,
J'attends encore son retour.


Par: Théophile Gautier

Ajoutée par Savinien le 20/03/2020

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Le sphinx


Dans le Jardin Royal où l'on voit les statues,
Une chimère antique entre toutes me plaît;
Elle pousse en avant deux mamelles pointues.
Dont le marbre veiné semble gonflé de lait.

Son visage de femme est le plus beau du monde;
Son col est si charnu que vous l'embrasseriez;
Mais quand on fait le tour, on voit sa croupe ronde,
On s'aperçoit qu'elle a des griffes à ses pieds.

Les jeunes nourrissons qui passent devant elle,
Tendent leurs petits bras et veulent avec cris
Coller leur bouche ronde à sa dure mamelle;
Mais, quand ils l'ont touchée, ils reculent surpris.

C'est ainsi qu'il en est de toutes nos chimères:
La face en est charmante et le revers bien laid.
Nous leur prenons le sein, mais ces mauvaises mères
N'ont pas pour notre lèvre une goutte de lait.


Par: Théophile Gautier

Ajoutée par Savinien le 20/03/2020

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Après le bal


Adieu, puisqu'il le faut; adieu, belle nuit blanche,
Nuit d'argent, plus sereine et plus douce qu'un jour!
Ton page noir est là, qui, le poing sur la hanche,
Tient ton cheval en bride et t'attend dans la cour.

Aurora, dans le ciel que brunissaient tes voiles,
Entr'ouvre ses rideaux avec ses doigts rosés;
O nuit, sous ton manteau tout parsemé d'étoiles,
Cache tes bras de nacre au vent froid exposés.


Par: Théophile Gautier

Ajoutée par Savinien le 20/03/2020

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La chimère


Une jeune chimère, aux lèvres de ma coupe,
Dans l'orgie, a donné le baiser le plus doux
Elle avait les yeux verts, et jusque sur sa croupe
Ondoyait en torrent l'or de ses cheveux roux.

Des ailes d'épervier tremblaient à son épaule;
La voyant s'envoler, je sautai sur ses reins;
Et, faisant jusqu'à moi ployer son cou de saule,
J'enfonçai comme un peigne une main dans ses crins.

Elle se démenait, hurlante et furieuse,
Mais en vain. Je broyais ses flancs dans mes genoux;
Alors elle me dit d'une voix gracieuse,
Plus claire que l'argent : « Maître, où donc allons-nous? »


Par: Théophile Gautier

Ajoutée par Savinien le 20/03/2020

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Melancholia


J'aime les vieux tableaux de l'école allemande;
Les vierges sur fond d'or aux doux yeux en amande,
Pâles comme le lis, blondes comme le miel,
Les genoux sur la terre, et le regard au ciel


Par: Théophile Gautier

Ajoutée par Savinien le 20/03/2020

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Pastel


J'aime à vous voir en vos cadres ovales,
Portraits jaunis des belles du vieux temps,
Tenant en main des roses un peu pâles,
Comme il convient a des fleurs de cent ans.

Le vent d'hiver, en vous touchant la joue,
A fait mourir vos oeillets et vos lis,
Vous n'avez plus que des mouches de boue
Et sur les quais vous gisez tout salis.

Il est passé le doux règne des belles;
La Parabère avec la Pompadour
Ne trouveraient que des sujets rebelles,
Et sous leur tombe est enterré l'amour.

Vous, cependant, vieux portraits qu'on oublie,
Vous respirez vos bouquets sans parfums,
Et souriez avec mélancolie
Au souvenir de vos galants défunts.


Par: Théophile Gautier

Ajoutée par Savinien le 20/03/2020

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Pantoum


Les papillons couleur de neige
Volent par essaims sur la mer;
Beaux papillons blancs, quand pourrai-je
Prendre le bleu chemin de l'air?

Savez-vous, ô belle des belles,
Ma bayadère aux yeux de jais,
S'ils me pouvaient prêter leurs ailes,
Dites, savez-vous où j'irais?

Sans prendre un seul baiser aux roses,
À travers vallons et forêts,
J'irais à vos lèvres mi-closes,
Fleur de mon âme, et j'y mourrais.


Par: Théophile Gautier

Ajoutée par Savinien le 20/03/2020

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La mort dans la vie


Avril, pour m'y coucher, m'a fait un tapis d'herbe;
Le lilas sur mon front s'épanouit en gerbe,
Nous sommes au printemps.
Prenez-moi dans vos bras, doux rêves du poète,
Entre vos seins polis, posez ma pauvre tête
Et bercez-moi longtemps.

Loin de moi, cauchemars, spectres des nuits! Les roses,
Les femmes, les chansons, toutes les belles choses
Et tous les beaux amours,
Voilà ce qu'il me faut. Salut, ô muse antique,
Muse au frais laurier vert, à la blanche tunique
Plus jeune tous les jours!

Brune aux yeux de lotus, blonde à paupière noire,
O Grecque de Milet, sur l'escabeau d'ivoire
Pose tes beaux pieds nus,
Que d'un nectar vermeil la coupe se couronne!
Je bois à ta beauté d'abord, blanche Théone,
Puis aux dieux inconnus.

Ta gorge est plus lascive et plus souple que l'onde;
Le lait n'est pas si pur et la pomme est moins ronde.
Allons, un beau baiser,
Hâtons-nous, hâtons-nous. Notre vie, ô Théone,
Est un cheval ailé que le temps éperonne;
Hâtons-nous d'en user.


Par: Théophile Gautier

Ajoutée par Savinien le 20/03/2020

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La vie dans la mort


Cette nuit sera longue, ô blanche trépassée,
Avec moi, pour toujours, la mort t'a fiancée;
Ton lit c'est le tombeau.
Voici l'heure où le chien contre la lune aboie,
Où le pâle vampire erre et cherche sa proie,
Où descend le corbeau.

Mon bien-aimé, viens donc! l'heure est déjà passée
Oh! Tiens-moi sur ton cœur, entre tes bras pressée.
J'ai bien peur, j'ai bien froid.
Réchauffe à tes baisers ma bouche qui se glace.
Oh! Viens, je tâcherai de te faire une place
Car le lit est étroit!


Par: Théophile Gautier

Ajoutée par Savinien le 20/03/2020

Catégories:

La vie dans la mort


Ces morts abandonnés sans doute avaient des femmes,
Quelque chose de cher et d'intime; des âmes
Pour y verser la leur;
S'ils étaient éveillés au fond de cette tombe,
Où jamais une larme avec des fleurs ne tombe,
Quelle affreuse douleur!

Sentir qu'on a passé sans laisser plus de marque
Qu'au dos de l'océan le sillon d'une barque;
Que l'on est mort pour tous;
Voir que vos mieux aimés si vite vous oublient,
Et qu'un saule pleureur aux longs bras qui se plient
Seul se plaigne sur vous.


Par: Théophile Gautier

Ajoutée par Savinien le 20/03/2020

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Portail


Mes vers sont les tombeaux tout brodés de sculptures,
Ils cachent un cadavre, et sous leurs fioritures
Ils pleurent bien souvent en paraissant chanter.

Chacun est le cercueil d'une illusion morte;
J'enterre là les corps que la houle m'apporte
Quand un de mes vaisseaux a sombré dans la mer;

Beaux rêves avortés, ambitions déçues,
Souterraines ardeurs, passions sans issues,
Tout ce que l'existence a d'intime et d'amer.

L'océan tous les jours me dévore un navire,
Un récif, près du bord, de sa pointe déchire
Leurs flancs doublés de cuivre et leur quille de fer.


Par: Théophile Gautier

Ajoutée par Savinien le 20/03/2020

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- Par saint Alipantin! Ceci est bien la scélératesse la plus machiavélique qui ait jamais été ourdie par un homme ou par une femme. Certainement c'est un moyen nouveau, et je ne pense pas qu'il ait encore été employé. O ter, quaterque! Avoir fait du nouveau sous ce soleil où rien n'est nouveau, et cela avec la chose la plus usée du monde, une lettre anonyme, le pont aux ânes, la ressource de tous les petits intrigailleurs et machinateurs subalternes. Vraiment, je me respecte infiniment moi-même, et, si je le pouvais, je me mettrais à genoux devant moi.
Se dénoncer soi-même au mari, cela est parfaitement inédit! S'il ne devient pas jaloux à ce coup, c'est qu'il est créé pour ne pas l'être, et je veux le proclamer comme le plus indifférent en matière de mariage qu'il y ait eu depuis Adam, le premier marié, et le seul de tous qui soit à peu près certain de n'avoir pas été cocu, attendu qu'il était le seul homme. Ce qui n'est toutefois pas une raison, car l'histoire du serpent et de la pomme me paraît terriblement louche, et doit nécessairement cacher quelque allégorie cornue.


Par: Théophile Gautier

Ajoutée par Savinien le 19/03/2020

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Somme toute, il est bien plus aisé d'être amoureux en expectative qu'amoureux en fonction. Dire: J'aime! Est beaucoup moins pénible que de le prouver, avec cela que chaque preuve que l'on en donne rend la suivante plus difficile.


Par: Théophile Gautier

Ajoutée par Savinien le 19/03/2020

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O Rodolphe! O Rodolphe!! O Rodolphe!!! Tu te vautres dans la prose comme un porc dans un bourbier.
Tu as fait un calembour et plusieurs madrigaux, tu as eu une bonne fortune, et tu as joué aux cartes, et, pour mettre le comble à ces monstruosités, tu as dit du mal d'une pièce romantique!
Repasse dans ta tête toute la soirée, et rougis, si tu peux rougir encore!
Tu es entré par la porte comme un homme, tu t'es assis sur la causeuse comme un bourgeois, et tu as triomphé comme un second clerc d'huissier.
Pourtant c'était là une belle occasion de te servir de ton échelle de soie, et de casser un carreau avec ta main enveloppée d'un foulard. Et tu n'as pas pris l'occasion aux cheveux, passionné Rodolphe! Tu n'aurais eu ensuite qu'à pousser ta belle dans un cabinet, où tu l'aurais violée avec tout l'agrément possible. Tu n'avais qu'à vouloir pour faire de l'Antonysme première qualité, mais tu n'as pas voulu: c'est pourquoi je te méprise et te condamne à peser du sucre, pendant l'éternité!


Par: Théophile Gautier

Ajoutée par Savinien le 19/03/2020

 

Devinez de quoi il lui parlait? Il lui parlait du nez d'une de ses amies intimes qui devenait plus rouge de jour en jour, et s'empourprait d'une façon toute bachique; de la robe ridicule qu'avait madame une telle à la dernière soirée; de l'improvisation de M. Eugène de Pradel, et de mille autres choses également intéressantes, à quoi madame de M*** prenait un singulier plaisir.
De passion et d'amour, pas un mot. Il ne voulait pas l'avertir et la mettre sur ses gardes. Cela eût été par trop naïf. Parler d'amour à une femme qu'on veut avoir avant d'avoir engagé le combat, c'est à peu près agir comme un bravo qui vous dirait, avant de tirer son stylet : - Monsieur, si vous voulez avoir la bonté de le permettre, je vais prendre la liberté grande de vous assassiner.


Par: Théophile Gautier

Ajoutée par Savinien le 19/03/2020

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Un imperceptible demi-sourire passa sur les lèvres de madame de M***, puis elle ouvrit l'œil encore plus, et gonfla dédaigneusement ses narines en roidissant sa main dans la main de Rodolphe sans toutefois la retirer; de temps en temps elle jetait une oeillade vers la porte. Traduction: Oui, monsieur, ma main est très-jolie mais ce n'est pas une raison pour la prendre, quoique ce soit de votre part une preuve de goût que de l'avoir fait; je suis vertueuse, oui, monsieur, très-vertueuse; ma main est vertueuse, mon bras l'est aussi, ma jambe aussi, ma bouche encore plus; ainsi vous ne gagnerez rien; dirigez vos attaques d'un autre côté. D'ailleurs tout cela appartient à mon mari, attendu qu'il a reçu de mon père cent mille francs pour coucher avec moi, ce dont il s'acquitte assez mal, comme un vrai mari qu'il est et qu'il sera toujours; donc laissez-moi, ou au moins ayez l'esprit d'aller fermer cette porte, qui est toute grande ouverte; après, nous verrons.


Par: Théophile Gautier

Ajoutée par Savinien le 19/03/2020

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Un espace de quatre pouces environ séparait les deux mains; Rodolphe poussa légèrement avec son coude le coude de madame de M***: ce mouvement fit glisser sa main sur sa robe, qui heureusement était de soie; il ne restait plus que deux pouces.
Rodolphe fabriqua une phrase passionnée qui nécessitait un geste véhément, il la débita avec une chaleur très-confortable, et, le geste fait, il laissa retomber sa main non sur sa cuisse, mais dans la main même de madame de M***, qui était tournée la paume en l'air, comme nous avons déjà eu l'agrément de vous le dire plus haut.
Voilà de la tactique ou je ne m'y connais pas, et, à mon avis, notre Rodolphe avait l'étoffe d'un excellent général d'armée. Il serra légèrement les doigts de madame de M*** entre ses doigts, de manière à lui faire comprendre que ce n'était pas un effet du hasard qui réunissait ainsi leurs deux mains, mais de manière aussi à se pouvoir rétracter si elle s'avisait d'être immodérément vertueuse, ce qui eût pu arriver: les femmes sont quelquefois si étranges!
Madame de M***, qui était de profil, se mit de trois quarts, redressa un peu la tête, ouvrit l'œil un peu plus que de coutume, et arrêta sur Rodolphe un regard dont la traduction littérale se réduisait à ceci:
- Monsieur, vous me tenez la main.


Par: Théophile Gautier

Ajoutée par Savinien le 19/03/2020

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Rodolphe reprit sa respiration comme quelqu'un de soulagé d'un grand poids, comme une femme dont le mari s'en va et qui peut enfin aller ouvrir à son amant qui étouffe dans une armoire ou comme un mari dont la femme monte en diligence pour aller passer quinze jours à la campagne.


Par: Théophile Gautier

Ajoutée par Savinien le 19/03/2020

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La superbe manière dont il avait écouté et applaudi un nocturne chanté par des amateurs lui avait concilié l'estime générale, et lui avait fait faire un pas énorme dans l'esprit de madame de M***. Mais son calembour lui en avait fait faire deux ou même trois, infiniment plus énormes que le premier; car, dans l'esprit et le coeur d'une femme (est-ce la même chose ou sont-ce deux choses ?), le premier pas n'est absolument qu'un pas et ne vous conduit qu'au seuil de son âme; le second, déjà plus allongé, vous met au plein milieu, et le troisième, véritable pas fait avec des bottes de sept lieues, vous conduit tout au bout et vous fait toucher le fond.


Par: Théophile Gautier

Ajoutée par Savinien le 19/03/2020

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Retiens ceci, et serre-le dans un des tiroirs de ton jugement, pour t'en servir à l'occasion: Toute femme en vaut une autre, pourvu qu'elle soit aussi jolie: la duchesse et la couturière sont semblables à de certains moments, et la seule aristocratie possible maintenant chez les femmes, c'est la beauté; chez les hommes, c'est le génie. Aie du génie et une belle femme, et je t'appellerai monsieur le comte, et ta femme madame la comtesse.


Par: Théophile Gautier

Ajoutée par Savinien le 19/03/2020

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Lecteur, mon doux ami, je t'ai donné ici, en te donnant l'histoire de Daniel Jovard, la manière de devenir illustre, et la recette pour avoir du génie, ou du moins pour s'en passer fort commodément. J'espère que tu m'en auras une reconnaissance égale au service. Il ne tient qu'à toi d'être un grand homme, tu sais comment cela se fait en vérité, ce n'est pas difficile, et si je ne le suis pas, moi qui te parle, c'est que je ne l'ai pas voulu: j'ai trop d'orgueil pour cela.


Par: Théophile Gautier

Ajoutée par Savinien le 19/03/2020

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Jusqu'à ce jour, Daniel Jovard avait eu un front; mais, à peu près comme monsieur Jourdain parlait en prose, sans s'en douter; il n'y avait pas fait la moindre attention. Ce front n'était ni très-haut ni très-bas; c'était tout naïvement un honnête homme de front qui ne pensait pas à autre chose. Daniel résolut de s'en faire un front incommensurable, un front de génie, à l'instar des grands hommes d'alors. Pour cela, il se rasa un pouce ou deux de cheveux, ce qui l'agrandit d'autant, et se dégarnit tout à fait les tempes; au moyen de quoi il se procura un haut de tête aussi gigantesque que l'on pût raisonnablement l'exiger.


Par: Théophile Gautier

Ajoutée par Savinien le 19/03/2020

 

Il lui fit voir aussi comment on s'y prenait pour trouver la rime riche; il cassa plusieurs vers devant lui, il lui apprit à jeter galamment la jambe d'un alexandrin à la figure de l'alexandrin qui vient après, comme une danseuse d'opéra qui achève sa pirouette dans le nez de la danseuse qui se trémousse derrière elle; il lui monta une palette flamboyante: noir, rouge, bleu, toutes les couleurs de l'arc-en-ciel, une véritable queue de paon; il lui fit aussi apprendre par cœur quelques termes d'anatomie, pour parler cadavre un peu proprement, et le renvoya maître passé en la gaie science du romantisme.


Par: Théophile Gautier

Ajoutée par Savinien le 19/03/2020

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C'était un gros garçon joufflu, bon enfant dans la plus large étendue du mot, que ses ennemis auraient été embarrassés de calomnier, et dont ses amis auraient eu grand'peine à faire l'éloge. Il n'était ni laid ni beau, il avait deux yeux avec des sourcils par-dessus, le nez au milieu de la figure, la bouche dessous et le menton ensuite; il avait deux oreilles ni plus ni moins, des cheveux d'une couleur quelconque. Dire qu'il avait bonne tournure, ce serait mentir; dire qu'il avait mauvaise tournure, ce serait mentir aussi. Il n'avait pas de tournure à lui, il avait celle de tout le monde: c'était le représentant de la foule, le type du non-type, et rien n'était plus facile que de le prendre pour un autre.


Par: Théophile Gautier

Ajoutée par Savinien le 19/03/2020

 

Mon pauvre Théodore, tu ne sais pas combien on est malheureux d'aimer quelqu'un qui n'a pas de vice; ce sont les vices de nos amis et de nos maîtresses qui nous attachent à eux, car il nous donnent le moyen de les flatter et de leur être agréable; vous vous faites le valet et le pourvoyeur d'un de leurs vices, vous vous rendez nécessaire, et c'est ainsi que se nouent les amitiés les plus solides.


Par: Théophile Gautier

Ajoutée par Savinien le 19/03/2020

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Je trouve que c'est une excellente méthode d'éprouver les caractères par le vin; c'est une coupelle qui ne trompe guère: je n'y manque jamais. Je ne voudrais pas prendre pour maîtresse une femme que je n'aurais pas vu soûle: avec une bouteille ou deux, on entre plus avant dans une âme que par dix ans de fréquentation. La brute apparaît alors dans toute sa candeur, le fard tombe au vice; on oublie de cacher l'ulcère sous le manteau, on jette le manteau, on ôte le corset, on ôte tout. Je ne conçois pas comment les scélérats osent boire une goutte de vin.


Par: Théophile Gautier

Ajoutée par Savinien le 19/03/2020

 

Il y a des femmes qui restent vertueuses pour se donner le plaisir de déchirer celles qui ne le sont pas: celles-ci par la crainte qu'elles ont de celles-là; d'autres par nonchalance ou faute d'occasions; d'autres enfin par impuissance ou froideur naturelle, parce qu'elles n'ont ni cœur, ni entrailles, parce qu'elles ne sentent ni ne comprennent rien: ce sont les pires de toutes et les plus communes.
Au fond, il n'y a guère que le moyen de corruption qui varie; elles sont toutes corruptibles. Une cède parce que son orgueil est flatté, parce que vous êtes pair de France, que vous êtes duc, que vous avez une célébrité quelconque; une parce qu'elle aime les parures, les diamants et les plumes; l'autre, pour tout autre motif, pour avoir quelqu'un à qui parler, à qui donner le bras; c'est un grand hasard quand il y en a une qui cède par amour: ce sont là les vertueuses, à mon sens.


Par: Théophile Gautier

Ajoutée par Savinien le 19/03/2020

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- Pourtant, répliqua timidement Théodore, j'ai fait cet hiver la cour à une femme pendant quinze jours, et je ne l'ai pas eue.
- Si tu lui avais fait la cour seize jours au lieu de quinze, le résultat eût peut-être été tout différent. Tu t'es en allé au moment où elle t'allait céder par amour ou par ennui; car l'ennui est au moins de moitié dans les conquêtes que nous faisons.


Par: Théophile Gautier

Ajoutée par Savinien le 19/03/2020

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« Que la nature est bizarre dans ses jeux », pensa Candale en remontant l'escalier, lorsque la vision fut évanouie: « elle s'amuse à jeter deux visages dans le même moule, et à tirer une double épreuve d'une marquise ou d'une grisette! Comme elles se ressemblent! Mais comme Jeannette est plus jolie! »
Non, cher vicomte, Jeannette n'est pas plus jolie, et tu t'en convaincras bientôt. Seulement, tu fais ton devoir d'amoureux en trouvant ta maîtresse la plus belle du monde - plus belle qu'elle-même.
Il n'y a que la foi qui sauve, et la foi de l'amoureux vaut la foi du charbonnier, c'est la bonne.


Par: Théophile Gautier

Ajoutée par Savinien le 19/03/2020

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Dans ce moment, le soleil se couchait et teignait les cimes neigeuses d'un rose à qui rien ne peut se comparer: un rose tendre et frais, lumineux et vivant, un rose idéal, divin, d'une nuance introuvable ailleurs qu'au paradis ou à Grenade; un rose de vierge écoutant pour la première fois un aveu d'amour.


Par: Théophile Gautier

Extrait de: Militona (1847)

Ajoutée par Savinien le 18/03/2020

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Tout homme, en passant par cette rue et en jetant l'oeil dans cet intérieur, quelque mauvais observateur qu'il fût n'eût pu manquer de dire: « Là vivent des gens heureux. » Le bonheur illumine les maisons et leur donne une physionomie que n'ont pas les autres. Les murailles savent sourire et pleurer; elles s'amusent ou elles s'ennuient; elles sont revêches ou hospitalières, selon le caractère de l'habitant qui leur sert d'âme.


Par: Théophile Gautier

Extrait de: Militona (1847)

Ajoutée par Savinien le 18/03/2020

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Les deux mariages se firent en même temps et à la même église. Militona avait voulu faire elle-même sa robe de mariée: c'était son chef d'oeuvre; on l'aurait dite taillée dans les feuilles d'un lis; elle était si bien faite, que personne ne la remarqua.
Feliciana avait une toilette extravagante de richesse.
En sortant de l'église, tout le monde disait de Feliciana: « Quelle belle robe! » et de Militona: « Quelle charmante personne! »


Par: Théophile Gautier

Extrait de: Militona (1847)

Ajoutée par Savinien le 18/03/2020

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Arrivé à la posada de San Agustin, il demanda un lit et se coucha. Il dormit d'un sommeil de plomb, de ce sommeil invincible qui s'empare des prisonniers indiens au milieu des tortures que leur inflige l'ingénieuse cruauté des vainqueurs, et dont s'endorment les condamnés à mort le matin du jour de leur exécution. Les organes brisés refusent à l'âme de lui donner les moyens de souffrir.


Par: Théophile Gautier

Extrait de: Militona (1847)

Ajoutée par Savinien le 18/03/2020

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Elle ne m'aime pas, elle en aime un autre, se répétait Juancho, pour se démontrer cette vérité fatale que son coeur refusait d'admettre. Est-ce possible? Est-ce croyable? Elle si fière, si sauvage, avoir pris tout à coup une passion pour un inconnu, tandis que moi, qui ne vivais que pour elle, qui la suivais depuis deux ans comme son ombre, je n'ai pu obtenir un mot de pitié, un sourire indulgent! Je me trouvais à plaindre alors, mais c'était le paradis à côté de ce que je souffre aujourd'hui. Si elle ne m'aimait pas, au moins elle n'aimait personne.


Par: Théophile Gautier

Extrait de: Militona (1847)

Ajoutée par Savinien le 18/03/2020

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Toutes les couturières et toutes les femmes de chambre du monde lui eussent dit: « Mademoiselle, vous êtes mise à ravir! »
Aussi, lorsqu'elle donna un dernier coup d'oeil à la glace de sa psyché, sourit-elle d'un air fort satisfait; jamais elle n'avait ressemblé davantage à la poupée d'un journal de modes sans abonnés.


Par: Théophile Gautier

Extrait de: Militona (1847)

Ajoutée par Savinien le 18/03/2020

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Mlle Vasquez, quelque bien élevée qu'elle fût, n'en était pas moins femme, et l'idée de savoir son fiancé, pour lequel elle n'avait du reste qu'une passion très modérée, chez une manola qu'on disait jolie, l'inquiétait plus qu'elle n'aurait voulu en convenir vis-à-vis d'elle-même. L'âme féminine la plus sèche a toujours quelque fibre qui palpite, pincée par l'amour-propre et la jalousie.


Par: Théophile Gautier

Extrait de: Militona (1847)

Ajoutée par Savinien le 18/03/2020

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- J'espère, monsieur, que je ne vous ai pas laissé longtemps seul. Quatre-vingts marches à descendre et surtout à monter!
- Vous êtes vive et preste comme un oiseau. Tout à l'heure, ce noir escalier devait ressembler à l'échelle de Jacob.
- Pourquoi? Demanda Militona avec la plus parfaite naïveté, ne se doutant pas qu'on lui tendait un madrigal.
- Parce qu'il en descendait un ange, répondit Andrès en attirant à ses lèvres une des mains de Militona, qui venait de faire deux parts du lait.


Par: Théophile Gautier

Extrait de: Militona (1847)

Ajoutée par Savinien le 18/03/2020

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Elle était là, debout, une main appuyée sur le bord du lit d'Andrès, qu'elle semblait vouloir défendre, et l'autre étendue vers la porte avec un geste de suprême majesté:
Que venez-vous faire ici, meurtrier? Dit-elle à Juancho d'une voix vibrante; il n'y a qu'un blessé dans cette chambre où vous cherchez un amant! Retirez-vous sur le champ. N'avez-vous pas peur que la plaie ne se mette à saigner en votre présence? N'est-ce pas assez de tuer? Faut-il encore assassiner?


Par: Théophile Gautier

Extrait de: Militona (1847)

Ajoutée par Savinien le 18/03/2020

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Le coup était si bref, si fort, si impératif, qu'il n'y avait pas moyen de ne pas ouvrir. Un autre coup pareil à celui là et la porte tombait en dedans. C'est ainsi que frappent les convives de marbre, les spectres qu'on ne peut chasser, tous les êtres fatals qui surviennent aux dénouements: la Vengeance avec son poignard, la Justice avec son glaive.


Par: Théophile Gautier

Extrait de: Militona (1847)

Ajoutée par Savinien le 18/03/2020

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Cette fenêtre, c'était celle de la chambre de Militona. De la rue un observateur eût deviné tout de suite que ce nid était habité par un jeune oiseau; la jeunesse et la beauté exercent leur empire même sur les choses inanimées, et y posent involontairement leur cachet.


Par: Théophile Gautier

Extrait de: Militona (1847)

Ajoutée par Savinien le 18/03/2020

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La chose devenait grave: un vicomte de vingt-cinq ans, beau, riche... et sage. Cela n'était pas naturel. Il devait y avoir quelque passion là-dessous; le bonheur peut seul distraire du plaisir.


Par: Théophile Gautier

Ajoutée par Savinien le 18/03/2020

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C'est ainsi qu'une marquise et un vicomte, déguisés l'une en grisette, l'autre en commis, mangèrent des fraises dans les bois, sans que la vertu eût à gémir que de quelques serrements de mains et de quelques baisers sur le front ou les cheveux, dont la bergère la plus prude se serait à peine formalisée. - S'il semble étrange à quelque lecteur que M. Jean, qui avait paru plus vif et plus délibéré à son début, se soit alangui de la sorte, nous répondrons qu'alors il était pris de goût seulement, et que maintenant il est pris d'amour.


Par: Théophile Gautier

Ajoutée par Savinien le 18/03/2020

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Sa maîtresse tenait en main un livre plutôt par contenance que pour s'occuper l'esprit, qu'elle avait suffisamment en éveil comme cela car, pour une femme, les romans qu'elle fait sont plus amusants que ceux qu'elle lit, fussent-ils du citoyen de Genève, de M. Arouet de Voltaire ou de M. de Crébillon le fils.


Par: Théophile Gautier

Ajoutée par Savinien le 18/03/2020

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- Justine est une compagne agréable, mais être deux femmes ensemble c'est être seule. N'avez-vous pas désiré d'avoir un ami ?
- Oh! Si, mais ma tante Ursule m'a dit que tous les hommes étaient des enjôleurs et qu'il n'y avait pas d'amitié entre une jeune fille et un jeune homme.
- D'amitié, non; mais de l'amour.
- L'amour est un péché.
- Le plus charmant péché du monde et celui qui se pardonne le plus facilement dans le ciel.


Par: Théophile Gautier

Ajoutée par Savinien le 18/03/2020

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- Le cœur me bat bien fort, car il y a plus d'une heure que je fais semblant de regarder les enseignes des boutiques.
- Je n'étais cependant pas en retard, répliqua Jeannette en levant son doigt effilé vers le cadran de l'église, devant laquelle le couple passait en ce moment.
- L'amour avance toujours, et pour lui les horloges les mieux réglées retardent quand elles ont à sonner les rendez-vous.


Par: Théophile Gautier

Ajoutée par Savinien le 18/03/2020

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Sa solitude ne fut pas de longue durée. M. Jean, bien que l'heure indiquée par le rendez-vous n'eût pas sonné encore à l'horloge de la paroisse, faisait depuis longtemps pied de grue, car si l'exactitude est la politesse des rois, la politesse des amoureux consiste à devancer le temps; si l'on n'arrive pas trop tôt, l'on arrive trop tard.


Par: Théophile Gautier

Ajoutée par Savinien le 18/03/2020

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Parmi ces groupes, la plupart d'amants et de fiancés, quelques baisers, grâce aux détours des allées, avaient été pris et rendus, car ces choses-là ne se gardent pas.


Par: Théophile Gautier

Ajoutée par Savinien le 18/03/2020

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Jeannette devint tout de suite l'héroïne du bal; à peine pouvait-elle s'asseoir sur la banquette appuyée à la muraille, à côté de Justine, qu'elle était aussitôt invitée: un galant avait été lui chercher un gros bouquet de roses du roi, qu'elle tenait en dansant, et dont elle avait placé un bouton sur son sein, à l'endroit où les pointes de son fichu se rejoignaient. Dorat, le poète mousquetaire, eût dit que c'était pour parfumer la fleur.


Par: Théophile Gautier

Ajoutée par Savinien le 18/03/2020

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Je ne t'ai pas écoutée, ma chère Graciosa, je m'en repens; mais on n'écoute pas toujours la raison, surtout quand elle sort d'une aussi jolie bouche que la tienne, car je ne sais pourquoi on ne peut se figurer qu'un conseil soit sage, à moins qu'il ne soit donné par quelque vieille tête toute chenue et toute grise, comme si avoir été bête soixante ans pouvait vous rendre spirituel.


Par: Théophile Gautier

Ajoutée par Savinien le 12/03/2020

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Poètes, peintres, sculpteurs, musiciens, pourquoi nous avez-vous menti? Poètes, pourquoi nous avez-vous raconté vos rêves? Peintres, pourquoi avez-vous fixé sur la toile ce fantôme insaisissable qui montait et descendait de votre coeur à votre tête avec les bouillons de votre sang, et nous avez-vous dit: ceci est une femme? Sculpteurs, pourquoi avez-vous tiré le marbre des profondeurs de Carrare pour lui faire exprimer éternellement, et aux yeux de tous, votre plus secret et plus fugitif désir? Musiciens, pourquoi avez-vous écouté, pendant la nuit, le chant des étoiles et des fleurs, et l'avez-vous noté? Pourquoi avez-vous fait de si belles chansons que la voix la plus douce qui nous dit: - Je t'aime! - Nous paraît rauque comme le grincement d'une scie ou le croassement d'un corbeau? - Soyez maudits, imposteurs!... Et puisse le feu du ciel brûler et détruire tous les tableaux, toutes les statues, et toutes les partitions...


Par: Théophile Gautier

Ajoutée par Savinien le 12/03/2020

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Rien de ce qui est beau n'est indispensable à la vie. - On supprimerait les fleurs, le monde n'en souffrirait pas matériellement; qui voudrait cependant qu'il n'y eût plus de fleurs? Je renoncerais plutôt aux pommes de terres qu'aux roses, et je crois qu'il n'y a qu'un utilitaire au monde capable d'arracher une plate-bande de tulipes pour y planter des choux.


Par: Théophile Gautier

Ajoutée par Savinien le 12/03/2020

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Je ne suis pas méchant, je n'ai jamais fait de mal à qui que ce soit au monde, et n'en ferai probablement jamais; mais cela tient plutôt à ma nonchalance et au mépris souverain que j'ai pour toutes les personnes qui me déplaisent, et qui ne me permet pas de m'en occuper, même pour leur nuire. - J'abhorre tout le monde en masse, et, parmi tout ce tas, j'en juge à peine un ou deux dignes d'être haïs spécialement. - Haïr quelqu'un, c'est s'en inquiéter autant que si on l'aimait; - C'est le distinguer, l'isoler de la foule; c'est être dans un état violent à cause de lui; c'est y penser le jour et y rêver la nuit; c'est mordre son oreiller et grincer des dents en songeant qu'il existe; que fait-on de plus pour quelqu'un qu'on aime? Les peines et les mouvements qu'on se donne pour perdre un ennemi, se les donnerait-on pour plaire à une maîtresse? - J'en doute. - Pour haïr bien quelqu'un, il faut en aimer un autre. Toute grande haine sert de contrepoids à un grand amour: et qui pourrais-je haïr, moi qui n'aime rien?


Par: Théophile Gautier

Ajoutée par Savinien le 12/03/2020

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Ses grands cheveux bruns, entremêlés de cordons de grosses perles, tombaient en boucles naturelles au long de ses belles joues! Ses épaules et sa poitrine étaient découvertes, et jamais je n'ai rien vu de si beau au monde; le marbre le plus élevé n'approche pas de cette exquise perfection. - Comme on voit la vie courir sous cette transparence d'ombre! Comme cette chair est blanche et colorée à la fois! Et que ces teintes harmonieusement blondissantes ménagent avec bonheur la transition de la peau aux cheveux! Quels ravissants poèmes dans les moelleuses ondulations de ces contours plus souples et plus veloutés que le cou des cygnes! - S'il y avait des mots pour rendre ce que je sens, je te ferais une description de cinquante pages; mais les langues ont été faites par je ne sais quels goujats qui n'avaient jamais regardé avec attention le dos ou le sein d'une femme, et l'on n'a pas la moitié des termes les plus indispensables.


Par: Théophile Gautier

Ajoutée par Savinien le 12/03/2020

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Quoi qu'il en soit, - malgré l'interruption ou à cause de l'interruption, jamais volupté pareille n'a passé sur ma tête: Je me sentais réellement un autre. L'âme de Rosette était entrée toute entière dans mon corps. - Mon âme m'avait quitté et remplissait son coeur comme son âme à elle remplissait le mien. - Sans doute, elles s'étaient rencontrées au passage dans ce long baiser équestre, comme Rosette l'a appelé depuis (ce qui m'a fâché par parenthèse), et s'étaient traversées et confondues aussi intimement que le peuvent faire les âmes de deux créatures mortelles sur un grain de boue périssable.


Par: Théophile Gautier

Ajoutée par Savinien le 12/03/2020

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C'est là le revers de la médaille de toute civilisation; les fortunes monstrueuses s'expliquent par des misères effroyables: pour que quelques-uns dévorent tant, il faut que beaucoup jeûnent; plus le palais est élevé, plus la carrière est profonde.


Par: Théophile Gautier

Ajoutée par Savinien le 30/01/2013

 

Somme toute, l'impression d'un voyage est douloureuse. On voit combien facilement l'on se passe de gens que l'on croyait le plus aimer, et comme de cette absence temporaire à l'absence absolue la transition serait simple et naturelle; on sent instinctivement que le coin que l'on occupait dans quelques existences est déjà rempli, ou va l'être. On comprend qu'on peut vivre ailleurs que dans son pays, sa ville, sa rue, avec d'autres que ses parents, ses amis, son chien et sa maîtresse; et je suis persuadé que c'est une pensée mauvaise. La fable du Juif errant est plus profonde qu'on ne le pense. Rien n'est plus triste que de voir tous les jours des choses qu'on ne verra plus.
Un homme qui voyage beaucoup est nécessairement un égoïste.


Par: Théophile Gautier

Ajoutée par Savinien le 30/01/2013

 

L'humanité grandit; mais, par une loi fatale, l'homme diminue; il faut être d'une bien haute taille pour dépasser le niveau.


Par: Théophile Gautier

Ajoutée par Savinien le 30/01/2013

 

L'amour est comme la fortune, il n'aime pas que l'on coure après lui. Il visite de préférence ceux qui dorment au bord des puits, et souvent les baisers des reines et des dieux descendent sur des yeux fermés.


Par: Théophile Gautier

Ajoutée par Savinien le 29/01/2013

 

Il en est de certaines idées comme de l'horizon qui existe bien certainement, puisqu'on le voit en face de soi de quelque côté que l'on se tourne, mais qui fuit obstinément devant vous et qui, soit que vous alliez au pas, soit que vous couriez au galop, se tient toujours à la même distance; car il ne peut se manifester qu'avec une condition d'éloignement déterminée; il se détruit à mesure que l'on avance, pour se former plus loin avec son azur fuyard et insaisissable, et c'est en vain que l'on essaye de l'arrêter par le bord de son manteau flottant.


Par: Théophile Gautier

Ajoutée par Savinien le 29/01/2013

 

La fortune aime assez à donner des pantoufles à ceux qui ont des jambes de bois, et des gants à ceux qui n'ont pas de mains.


Par: Théophile Gautier

Ajoutée par Savinien le 29/01/2013

 

J'ai été aimée, ô Graciosa! Et c'est une douce chose [...] Quand on s'éveille la nuit et qu'on se relève sur son coude, se dire: - Quelqu'un pense ou rêve à moi; on s'occupe de ma vie; un mouvement de mes yeux ou de ma bouche fait la joie ou la tristesse d'une autre créature; une parole que j'ai laissée tomber au hasard est recueillie avec soin, commentée et retournée des heures entières; je suis le pôle où se dirige un aimant inquiet; ma prunelle est un ciel, ma bouche est un paradis plus souhaité que le véritable; je mourrais, une pluie tiède de larmes réchaufferait ma cendre, mon tombeau serait plus fleuri qu'une corbeille de noce; si j'étais en danger, quelqu'un se jetterait entre la pointe de l'épée et ma poitrine; on se sacrifierait pour moi! - C'est beau; et je ne sais pas ce que l'on peut souhaiter de plus au monde.


Par: Théophile Gautier

Ajoutée par Savinien le 24/01/2013

 

Je vous dois de connaître l'amour, l'amour malheureux, il est vrai; mais il y a à aimer sans être aimé un charme mélancolique et profond, et il est beau de se ressouvenir de ceux qui nous oublient. - C'est déjà un bonheur que de pouvoir aimer même quand on est seul à aimer, et beaucoup meurent sans l'avoir eu, et souvent les plus à plaindre ne sont pas ceux qui aiment.


Par: Théophile Gautier

Ajoutée par Savinien le 24/01/2013

 

La meilleure partie de nous est celle qui reste en nous, et que nous ne pouvons produire. - Les poètes sont ainsi. - Leur plus beau poème est celui qu'ils n'ont pas écrit.


Par: Théophile Gautier

Ajoutée par Savinien le 24/01/2013

 

Au lieu de faire un prix Monthyon pour la récompense de la vertu, j'aimerais mieux donner, comme Sardanapale, ce grand philosophe que l'on a si mal compris, une forte prime à celui qui inventerait un nouveau plaisir; - car la jouissance me paraît le but de la vie, et la seule chose utile au monde. Dieu l'a voulu ainsi, lui qui a fait les femmes, les parfums, la lumière, les belles fleurs, les bons vins, les chevaux fringants, les levrettes et les chats angoras; lui qui n'a pas dit à ses anges: ayez de la vertu, mais: ayez de l'amour...


Par: Théophile Gautier

Ajoutée par Savinien le 14/01/2013

 

Il n'y a de vraiment beau que ce qui ne peut servir à rien; tout ce qui est utile est laid, car c'est l'expression de quelque besoin, et ceux de l'homme sont ignobles et dégoûtants, comme sa pauvre et infirme nature. - L'endroit le plus utile d'une maison, ce sont les latrines.


Par: Théophile Gautier

Ajoutée par Savinien le 14/01/2013

 

Penser une chose, en écrire une autre, cela arrive tous les jours, surtout aux gens vertueux.


Par: Théophile Gautier

Ajoutée par Savinien le 14/01/2013

 

Lamento


Ma belle amie est morte:
Je pleurerai toujours;
Sous la tombe elle emporte
Mon âme et mes amours.
Dans le ciel, sans m'attendre,
Elle s'en retourna;
L'ange qui l'emmena
Ne voulut pas me prendre.
Que mon sort est amer!
Ah! Sans amour, s'en aller sur la mer!

La blanche créature
Est couchée au cercueil.
Comme dans la nature
Tout me paraît en deuil!
La colombe oubliée
Pleure et songe à l'absent;
Mon âme pleure et sent
Qu'elle est dépareillée.
Que mon sort est amer!
Ah! Sans amour, s'en aller sur la mer!

Sur moi la nuit immense
S'étend comme un linceul;
Je chante ma romance
Que le ciel entend seul.
Ah! Comme elle était belle
Et comme je l'aimais!
Je n'aimerai jamais
Une femme autant qu'elle.
Que mon sort est amer!
Ah! Sans amour, s'en aller sur la mer!


Par: Théophile Gautier

 

Ajoutée par Savinien le 21/02/2011

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Plaintive tourterelle


Plaintive tourterelle,
Qui roucoule toujours,
Veux-tu prêter ton aile
Pour servir mes amours!

Comme toi, pauvre amante,
Bien loin de mon ramier,
Je pleure et me lamente
Sans pouvoir l'oublier.

Vole, et que ton pied rose
Sur l'arbre ou sur la tour
Jamais ne se repose,
Car je languis d'amour.

Evite, ô ma colombe,
La halte des palmiers
Et tous les toits où tombe
La neige des ramiers.

Va droit sur sa fenêtre,
Près du palais du roi;
Donne-lui cette lettre
Et deux baisers pour moi.

Puis sur mon sein en flamme,
Qui ne peut s'apaiser,
Reviens, avec son âme,
Reviens te reposer.


Par: Théophile Gautier

Ajoutée par Savinien le 14/11/2010

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Dernier voeu


Voilà longtemps que je vous aime:
- L'aveu remonte à dix-huit ans! -
Vous êtes rose, je suis blême;
J'ai les hivers, vous les printemps.

Des lilas blancs de cimetière
Près de mes tempes ont fleuri;
J'aurai bientôt la touffe entière
Pour ombrager mon front flétri.

Mon soleil pâli qui décline
Va disparaître à l'horizon,
Et sur la funèbre colline
Je vois ma dernière maison.

Oh! Que de votre lèvre il tombe
Sur ma lèvre un tardif baiser,
Pour que je puisse dans ma tombe,
Le coeur tranquille, reposer!


Par: Théophile Gautier

Ajoutée par Savinien le 14/11/2010

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La fleur qui fait le printemps


Il me faut retourner encore
Au cercle d'enfer où je vis;
Marronniers, pressez-vous d'éclore
Et d'éblouir mes yeux ravis.

Vous pouvez sortir pour la fête
Vos girandoles sans péril.
Un ciel bleu luit sur votre faîte
Et déjà mai talonne avril.

Par pitié, donnez cette joie
Au poète dans ses douleurs,
Qu'avant de s'en aller, il voie
Vos feux d'artifice de fleurs.


Par: Théophile Gautier

Ajoutée par Savinien le 14/11/2010

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La raison dit?: « Vague fumée,
Où l'on croit voir ce qu'on rêva,
Ombre au gré du vent déformée,
Bulle qui crève et qui s'en va! »

Le sentiment répond: « Qu'importe!
Qu'est-ce après tout que la beauté,
Spectre charmant qu'un souffle emporte,
Et qui n'est rien, ayant été!

A l'Idéal ouvre ton âme;
Mets dans ton cœur beaucoup de ciel,
Aime une nue, aime une femme,
Mais aime! - C'est l'essentiel! »


Par: Théophile Gautier

Ajoutée par Savinien le 14/11/2010

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La nue


A l'horizon monte une nue,
Sculptant sa forme dans l'azur:
On dirait une vierge nue
Émergeant d'un lac au flot pur.

Debout dans sa conque nacrée,
Elle vogue sur le bleu clair,
Comme une Aphrodite éthérée,
Faite de l'écume de l'air.

On voit onder en molles poses
Son torse au contour incertain,
Et l'aurore répand des roses
Sur son épaule de satin.


Par: Théophile Gautier

Ajoutée par Savinien le 14/11/2010

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La fellah


Caprice d'un pinceau fantasque
Et d'un impérial loisir,
Votre fellah, sphinx qui se masque,
Propose une énigme au désir.

C'est une mode bien austère
Que ce masque et cet habit long;
Elle intrigue par son mystère
Tous les Oedipes du Salon.

L'antique Isis légua ses voiles
Aux modernes filles du Nil;
Mais, sous le bandeau, deux étoiles
Brillent d'un feu pur et subtil.

Ces yeux, qui sont tout un poème
De langueur et de volupté,
Disent, résolvant le problème,
« Sois l'amour, je suis la beauté. »


Par: Théophile Gautier

Ajoutée par Savinien le 14/11/2010

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La rose-thé


La plus délicate des roses
Est, à coup sûr, la rose-thé.
Son bouton aux feuilles mi-closes
De carmin à peine est teinté.

On dirait une rose blanche
Qu'aurait fait rougir de pudeur,
En la lutinant sur la branche,
Un papillon trop plein d'ardeur.


Par: Théophile Gautier

Ajoutée par Savinien le 14/11/2010

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Les accroche-coeurs


Ravivant les langueurs nacrées
De tes yeux battus et vainqueurs,
En mèches de parfum lustrées
Se courbent deux accroche-coeurs.

A voir s'arrondir sur tes joues
Leurs orbes tournés par tes doigts,
On dirait les petites roues
Du char de Mab fait d'une noix;

Ou l'arc de l'Amour, dont les pointes,
Pour une flèche à décocher,
En cercle d'or se sont rejointes
À la tempe du jeune archer.

Pourtant un scrupule me trouble:
Je n'ai qu'un coeur, alors pourquoi,
Coquette, un accroche-coeur double?
Qui donc y pends-tu près de moi?


Par: Théophile Gautier

Ajoutée par Savinien le 14/11/2010

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Bûchers et tombeaux


Mais voile-toi, masque sans joues,
Comédien que le ver mord,
Depuis assez longtemps tu joues
Le mélodrame de la Mort.

Reviens, reviens, bel Art antique,
De ton paros étincelant
Couvrir ce squelette gothique;
Dévore-le, bûcher brûlant!

Si nous sommes une statue
Sculptée à l'image de Dieu,
Quand cette image est abattue,
Jetons-en les débris au feu.

Toi, forme immortelle, remonte
Dans la flamme aux sources du Beau,
Sans que ton argile ait la honte
Et les misères du tombeau!


Par: Théophile Gautier

Ajoutée par Savinien le 14/11/2010

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Odelette anacréontique


Pour que je t'aime, ô mon poète,
Ne fais pas fuir par trop d'ardeur
Mon amour, colombe inquiète,
Au ciel rose de la pudeur.

L'oiseau qui marche dans l'allée
S'effraye et part au moindre bruit;
Ma passion est chose ailée
Et s'envole quand on la suit.


Par: Théophile Gautier

Ajoutée par Savinien le 14/11/2010

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Tristesse en mer


A la mer, spectres de mes rêves,
Regrets aux mortelles pâleurs
Dans un cœur rouge ayant sept glaives,
Comme la Mère des douleurs!

Chaque fantôme plonge et lutte
Quelques instants avec le flot
Qui sur lui ferme sa volute
Et l'engloutit dans un sanglot.

Lest de l'âme, pesant bagage,
Trésors misérables et chers,
Sombrez, et dans votre naufrage
Je vais vous suivre au fond des mers!


Par: Théophile Gautier

Ajoutée par Savinien le 14/11/2010

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Tristesse en mer


Les mouettes volent et jouent;
Et les blancs coursiers de la mer,
Cabrés sur les vagues, secouent
Leurs crins échevelés dans l'air.


Par: Théophile Gautier

Ajoutée par Savinien le 14/11/2010

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Rondalla


Pour te prouver combien je t'aime,
Dis?! Je tuerai qui tu voudras:
J'attaquerai Satan lui-même,
Si pour linceul j'ai tes deux draps.

Porte sourde! ... Fenêtre aveugle! ...
Tu dois pourtant ouïr ma voix;
Comme un taureau blessé je beugle,
Des chiens excitant les abois!

Au moins plante un clou dans ta porte,
Un clou pour accrocher mon coeur.
À quoi sert que je le remporte
Fou de rage, mort de langueur?


Par: Théophile Gautier

Ajoutée par Savinien le 14/11/2010

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Caerulei oculi


Montrant son sein, cachant sa queue,
La sirène amoureusement
Fait ondoyer sa blancheur bleue
Sous l'émail vert du flot dormant.

L'eau s'enfle comme une poitrine
Aux soupirs de la passion;
Le vent, dans sa conque marine,
Murmure une incantation.

« Oh?! Viens dans ma couche de nacre,
Mes bras d'onde t'enlaceront;
Les flots, perdant leur saveur âcre,
Sur ta bouche en miel couleront.

Laissant bruire sur nos têtes
La mer qui ne peut s'apaiser,
Nous boirons l'oubli des tempêtes
Dans la coupe de mon baiser. »


Par: Théophile Gautier

Ajoutée par Savinien le 14/11/2010

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Symphonie en blanc majeur


De ces femmes il en est une,
Qui chez nous descend quelquefois,
Blanche comme le clair de lune
Sur les glaciers dans les cieux froids;

Conviant la vue enivrée
De sa boréale fraîcheur
À des régals de chair nacrée,
À des débauches de blancheur!

Son sein, neige moulée en globe,
Contre les camélias blancs
Et le blanc satin de sa robe
Soutient des combats insolents.


Par: Théophile Gautier

Ajoutée par Savinien le 14/11/2010

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Variations sur le carnaval de Venise


Au loin, dans la brume sonore,
Comme un rêve presque effacé,
J'ai revu, pâle et triste encore,
Mon vieil amour de l'an passé.

Mon âme en pleurs s'est souvenue
De l'avril où, guettant au bois
La violette à sa venue,
Sous l'herbe nous mêlions nos doigts...

Cette note de chanterelle,
Vibrant comme l'harmonica,
C'est la voix enfantine et grêle,
Flèche d'argent qui me piqua.

Le son en est si faux, si tendre,
Si moqueur, si doux, si cruel,
Si froid, si brûlant, qu'à l'entendre
On ressent un plaisir mortel,

Et que mon cœur, comme la voûte
Dont l'eau pleure dans un bassin,
Laisse tomber goutte par goutte
Ses larmes rouges dans mon sein.


Par: Théophile Gautier

Ajoutée par Savinien le 14/11/2010

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Le poème de la femme


Ses paupières battent des ailes
Sur leurs globes d'argent bruni,
Et l'on voit monter ses prunelles
Dans la nacre de l'infini.

D'un linceul de point d'Angleterre
Que l'on recouvre sa beauté:
L'extase l'a prise à la terre;
Elle est morte de volupté!

Que les violettes de Parme,
Au lieu des tristes fleurs des morts
Où chaque perle est une larme,
Pleurent en bouquets sur son corps!

Et que mollement on la pose
Sur son lit, tombeau blanc et doux,
Où le poète, à la nuit close,
Ira prier à deux genoux!


Par: Théophile Gautier

Ajoutée par Savinien le 14/11/2010

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Affinités secrètes


Sur les coupoles de Venise
Deux ramiers blancs aux pieds rosés,
Au nid où l'amour s'éternise,
Un soir de mai se sont posés.

Marbre, perle, rose, colombe,
Tout se dissout, tout se détruit;
La perle fond, le marbre tombe,
La fleur se fane et l'oiseau fuit.


Par: Théophile Gautier

Ajoutée par Savinien le 14/11/2010

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Le hasard, c'est peut-être le pseudonyme de Dieu quand il ne veut pas signer.


Par: Théophile Gautier

 

Ajoutée par Savinien le 18/10/2010

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Dieu s'est réservé la distribution de deux ou trois petites choses sur lesquelles ne peut rien l'or des puissants de la terre: le génie, la beauté et le bonheur.


Par: Théophile Gautier

Ajoutée par Savinien le 18/10/2010

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Niobé


Sur un quartier de roche, un fantôme de marbre,
Le menton dans la main et le coude au genou,
Les pieds pris dans le sol, ainsi que des pieds d'arbre,
Pleure éternellement sans relever le cou.

Quel chagrin pèse donc sur ta tête abattue?
A quel puits de douleurs tes yeux puisent-ils l'eau?
Et que souffres-tu donc dans ton coeur de statue,
Pour que ton sein sculpté soulève ton manteau?

Tes larmes, en tombant du coin de ta paupière,
Goutte à goutte, sans cesse et sur le même endroit,
Ont fait dans l'épaisseur de ta cuisse de pierre
Un creux où le bouvreuil trempe son aile et boit.

O symbole muet de l'humaine misère,
Niobé sans enfants, mère des sept douleurs,
Assise sur l'Athos ou bien sur le Calvaire,
Quel fleuve d'Amérique est plus grand que tes pleurs?


Par: Théophile Gautier

Ajoutée par Savinien le 17/10/2010

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Watteau


Devers Paris, un soir, dans la campagne,
J'allais suivant l'ornière d'un chemin,
Seul avec moi, n'ayant d'autre compagne
Que ma douleur qui me donnait la main.


Par: Théophile Gautier

Ajoutée par Savinien le 17/10/2010

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Les larmes de Gretchen coulaient silencieusement le long de ses joues, sans contraction, sans efforts, comme des perles qui débordaient du calice trop plein de ses yeux, délicieuses fleurs d'azur d'une limpidité céleste: la douleur ne pouvait troubler l'harmonie de son visage, et ses larmes étaient plus gracieuses que le sourire des autres.


Par: Théophile Gautier

Ajoutée par Savinien le 16/10/2010

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Tiburce n'éprouva pas une grande résistance de la part de Gretchen. Elle était si pure qu'elle ne se défendit pas, faute de savoir qu'on l'attaquait, et d'ailleurs elle aimait Tiburce; - car, bien qu'il parlât fort gaiement et qu'il s'exprimât sur toutes choses avec une légèreté ironique, elle le devinait malheureux, et l'instinct de la femme, c'est d'être consolatrice: la douleur les attire comme le miroir les alouettes.


Par: Théophile Gautier

Ajoutée par Savinien le 16/10/2010

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Dîtes-nous pourquoi les amants s'obstinent à ne pas détruire les lettres qui, plus tard, peuvent les faire découvrir et causer leur perte?
C'est qu'une lettre est une âme visible; c'est que la passion a traversé de son fluide électrique cette vaine feuille et lui a communiqué la vie. Brûler une lettre, c'est faire un meurtre moral; dans les cendres d'une correspondance anéantie il y a toujours quelques parcelles de deux âmes.


Par: Théophile Gautier

Ajoutée par Savinien le 16/10/2010

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Il alluma son cigare de la façon la plus résolue, croisa ses jambes et se mit à faire danser sa pantoufle au bout de son pied avec la superbe nonchalance d'un mortel qui méprise parfaitement la création et qui sait des bonheurs inconnus au vulgaire des hommes.


Par: Théophile Gautier

Ajoutée par Savinien le 16/10/2010

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Il délirait, il était fou: vous voyez bien qu'il était amoureux.


Par: Théophile Gautier

Ajoutée par Savinien le 16/10/2010

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L'amant le plus timide auprès de la femme la plus vertueuse garde toujours dans un coin de son coeur une furtive espérance: pour Tiburce, il était sûr de la résistance de sa maîtresse et savait parfaitement qu'il ne serait jamais heureux; aussi sa passion était-elle une vraie passion, une passion extravagante, insensée et capable de tout; - elle brillait surtout par le désintéressement.


Par: Théophile Gautier

Ajoutée par Savinien le 16/10/2010

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Il n'avait pas le moindre amour-propre; il ne se croyait pas le pivot de la création, et comprenait fort bien que la terre pouvait tourner sans qu'il s'en mêlât; il ne s'estimait pas beaucoup plus que l'acarus du fromage ou les anguilles du vinaigre; en face de l'éternité et de l'infini, il ne se sentait pas le courage d'être vaniteux.


Par: Théophile Gautier

Ajoutée par Savinien le 16/10/2010

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Ses idées sur toutes choses étaient fort simples: il aimait mieux ne rien faire que de travailler; Il préférait le bon vin à la piquette, et une belle femme à une laide; en histoire naturelle, il avait une classification on ne peut plus succincte: ce qui se mange et ce qui ne se mange pas. - Il était d'ailleurs parfaitement détaché de toute chose humaine, et tellement raisonnable qu'il paraissait fou.


Par: Théophile Gautier

Ajoutée par Savinien le 16/10/2010

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Le coin du feu


Que la pluie à déluge au long des toits ruisselle!
Que l'orme du chemin penche, craque et chancelle
Au gré du tourbillon dont il reçoit le choc!
Que du haut des glaciers l'avalanche s'écroule!
Que le torrent aboie au fond du gouffre, et roule
Avec ses flots fangeux de lourds quartiers de roc!

Qu'il gèle! Et qu'à grand bruit, sans relâche, la grêle
De grains rebondissants fouette la vitre frêle!
Que la bise d'hiver se fatigue à gémir!
Qu'importe? N'ai-je pas un feu clair dans mon âtre,
Sur mes genoux un chat qui se joue et folâtre,
Un livre pour veiller, un fauteuil pour dormir?


Par: Théophile Gautier

Ajoutée par Savinien le 15/10/2010

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A mon ami Auguste M.


Par une nuit d'été, quand le ciel est d'azur,
Souvent un feu follet sort du marais impur;
Le passant qui le voit le prend pour la lumière
Qui scintille aux carreaux lointains d'une chaumière;
Vers le fanal perfide il s'avance à grands pas,
Tout joyeux; et bientôt, ne s'apercevant pas
Qu'un abîme est ouvert à ses pieds, il y tombe
Et son corps reste là, sans prière et sans tombe.
Aux lieux où fut Gomorrhe autrefois, et que Dieu
En courroux inonda d'un déluge de feu,
Sur la grève brûlée, asile frais et sombre,
Des orangers touffus s'élèvent en grand nombre,
Chargés de fruits riants dont la tunique d'or
Ne livre que poussière à la dent qui les mord:
Dans ma pensée, ami, je trouve qu'une femme
Qui sous de beaux semblants cache une vilaine âme,
Pour ceux que sa beauté décevante à séduits,
Pareille au feu follet, l'est encore à ces fruits.


Par: Théophile Gautier

Ajoutée par Savinien le 15/10/2010

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Promenade nocturne


Jamais la nuit de plus d'étoiles
N'a semé son manteau d'azur,
Ni du doigt, entrouvrant ses voiles,
Mieux fait voir Dieu dans le ciel pur.


Par: Théophile Gautier

Ajoutée par Savinien le 15/10/2010

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Cauchemar


Et j'aperçois bientôt, non loin d'un vieux manoir,
A l'angle d'un taillis, surgir un gibet noir
Soutenant un pendu; d'effroyables sorcières
Dansent autour, et moi, de fureurs carnassières
Agité, je ressens un immense désir
De broyer sous mes dents sa chair, et de saisir,
Avec quelque lambeau de sa peau bleue et verte,
Son coeur demi pourri dans sa poitrine ouverte.


Par: Théophile Gautier

Ajoutée par Savinien le 15/10/2010

Catégories:

Cauchemar


Avec ses nerfs rompus, une main écorchée
Qui marche sans le corps dont elle est arrachée,
Crispe ses doigts crochus armés d'ongles de fer
Pour me saisir: des feux pareils aux feux d'enfer
Se croisent devant moi; dans l'ombre des yeux fauves
Rayonnent; des vautours à cous rouges et chauves,
Battent mon front de l'aile en poussant des cris sourds.


Par: Théophile Gautier

Ajoutée par Savinien le 15/10/2010

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Le sentier


Il est un sentier creux dans la vallée étroite,
Qui ne sait trop s'il marche à gauche ou bien à droite.
- C'est plaisir d'y passer, lorsque Mai sur ses bords,
Comme un jeune prodigue, égrène ses trésors.


Par: Théophile Gautier

Ajoutée par Savinien le 15/10/2010

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Méditation


Le monde est fait ainsi: loi suprême et funeste!
Comme l'ombre d'un songe au bout de peu d'instants
Ce qui charme s'en va, ce qui fait peine reste:
La rose vit une heure et le cyprès cent ans.


Par: Théophile Gautier

Ajoutée par Savinien le 15/10/2010

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Si ces études franches et consciencieuses peuvent ouvrir la voie à quelques jeunes gens et aider quelques inexpériences, l'auteur ne regrettera pas la peine qu'il a prise. - Si le livre passe inaperçu, il ne la regrettera pas encore; ces vers lui auront usé innocemment quelques heures, et l'art est ce qui console le mieux de vivre.


Par: Théophile Gautier

Ajoutée par Savinien le 15/10/2010

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Le bonheur ne consiste pas à avoir ce qui est indispensable; ne pas souffrir n'est pas jouir, et les objets dont on a le moins besoin sont ceux qui charment le plus.


Par: Théophile Gautier

Ajoutée par Savinien le 15/10/2010

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Quant aux utilitaires, utopistes, économistes, saint-simonistes et autres qui lui demanderont à quoi cela rime, - il répondra: le premier vers rime avec le second quand la rime n'est pas mauvaise, et ainsi de suite.
A quoi cela sert-il? - Cela sert à être beau. - N'est-ce pas assez? Comme les fleurs, comme les parfums, comme les oiseaux, comme tout ce que l'homme n'a pu détourner et dépraver à son usage.
En général dès qu'une chose devient utile, elle cesse d'être belle.


Par: Théophile Gautier

Ajoutée par Savinien le 15/10/2010

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L'auteur du présent livre est un jeune homme frileux et maladif qui use sa vie en famille avec deux ou trois amis et à peu près autant de chats.
Il n'a vu du monde que ce que l'on en voit par la fenêtre, et il n'a pas eu envie d'en voir davantage. Il n'a aucune couleur politique; il n'est ni rouge, ni blanc, ni tricolore; il n'est rien, il ne s'aperçoit des révolutions que lorsque les balles cassent les vitres. Il aime mieux être assis que debout, couché qu'assis. - C'est une habitude toute prise quand la mort vient nous coucher pour toujours. - Il fait des vers pour avoir un prétexte de ne rien faire, et ne fait rien sous prétexte qu'il fait des vers.


Par: Théophile Gautier

Ajoutée par Savinien le 15/10/2010

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La pudeur des femmes n'est autre chose que la crainte de n'être pas trouvées assez belles. C'est ce qui fait que les belles filles se donnent plus facilement que les laides. Il n'y a pas de résistance plus furieuse que celle d'une femme qui a le genou mal tourné.


Par: Théophile Gautier

Extrait de: Fortunio (1837)

Ajoutée par Savinien le 14/10/2010

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J'aime mieux les vers que la prose, j'aime mieux la musique que les vers, et je ne préfère rien au monde à une peinture de Titien, si ce n'est une belle femme. - Je n'ai pas d'autre opinion politique. - Je ne hais que mes amis et me sentirais assez porté à la philanthropie si les hommes étaient des singes. Je croirais volontiers en Dieu, s'il ne ressemblait pas tant à un marguillier de paroisse, et je pense que les roses sont plus utiles que les choux. - Vous me connaissez maintenant comme si vous aviez dormi dix ans sur mon oreiller.


Par: Théophile Gautier

Extrait de: Fortunio (1837)

Ajoutée par Savinien le 14/10/2010

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Nous ferons remarquer que le coeur de la femme est un labyrinthe si plein de détours, de faux-fuyants et de recoins obscurs, que les grands poètes eux-mêmes qui s'y sont aventurés, la lampe d'or du génie à la main, n'ont pas toujours su s'y reconnaître, et que personne ne peut se vanter de posséder le peloton conducteur qui mène à la sortie de ce dédale. - De la part d'une femme on peut s'attendre à tout, et principalement à l'absurde.


Par: Théophile Gautier

Extrait de: Fortunio (1837)

Ajoutée par Savinien le 14/10/2010

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A cela nous répondrons que rien n'a ordinairement l'air plus faux que le vrai, et que le faux a toujours des apparences très grandes de probabilité, attendu qu'il est arrangé, travaillé, combiné d'avance pour produire l'effet du vrai: - le clinquant a plus l'air d'or que l'or lui-même.


Par: Théophile Gautier

Extrait de: Fortunio (1837)

Ajoutée par Savinien le 14/10/2010

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Comme à toutes les femmes qui en ont beaucoup vu, les hommes lui inspiraient un dégoût profond. - Une courtisane connaît mieux un homme en une nuit qu'une honnête femme ne le connaît en dix ans; car l'on n'est vrai qu'avec elles.


Par: Théophile Gautier

Extrait de: Fortunio (1837)

Ajoutée par Savinien le 13/10/2010

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- C'est donc un démon, votre Fortunio? N'importe, je parie le rendre amoureux de moi à en perdre la tête, et cela avant six semaines.
- Si ce n'était qu'un démon, ce serait peu de choses, et tu en viendrais aisément à bout; tromper le diable n'est qu'un jeu pour une femme.


Par: Théophile Gautier

Extrait de: Fortunio (1837)

Ajoutée par Savinien le 13/10/2010

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Je lui donnai beaucoup d'argent; mais cette consciencieuse canaille, qui avait peut-être peur que je ne lui reprisse ses louis, ne put cependant rien me dire, attendu qu'il ne savait rien; excellente raison d'être discret.


Par: Théophile Gautier

Extrait de: Fortunio (1837)

Ajoutée par Savinien le 13/10/2010

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Elle s'ennuie de cet ennui incommensurable que connaissent seuls les gens qui de bonne heure ont abusé de tout, et il n'y a plus guère de nouveau pour Musidora que la vertu.


Par: Théophile Gautier

Extrait de: Fortunio (1837)

Ajoutée par Savinien le 13/10/2010

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Un siège vide indiquait un absent qui avait manqué de parole. Le souper avait donc commencé sous l'impression désagréable d'une attente trompée et de mets qui n'étaient plus aussi au point; car il est en cuisine comme en amour une minute qui ne revient pas et qui est extrêmement difficile à saisir.


Par: Théophile Gautier

Extrait de: Fortunio (1837)

Ajoutée par Savinien le 13/10/2010

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Espagna


Naître, c'est seulement commencer à mourir.


Par: Théophile Gautier

 

Ajoutée par Savinien le 09/10/2010

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Espagna


Chaque heure fait sa plaie et la dernière achève.


Par: Théophile Gautier

 

Ajoutée par Savinien le 09/10/2010

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La dernière feuille


Dans la forêt chauve et rouillée
Il ne reste plus au rameau
Qu'une pauvre feuille oubliée,
Rien qu'une feuille et qu'un oiseau.

Il ne reste plus dans mon âme
Qu'un seul amour pour y chanter,
Mais le vent d'automne qui brame
Ne permet pas de l'écouter.

L'oiseau s'en va, la feuille tombe
L'amour s'éteint, car c'est l'hiver
Petit oiseau vient sur ma tombe
Chanter quand l'arbre sera vert.


Par: Théophile Gautier

Ajoutée par Savinien le 26/09/2010

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