Citations de Jean d' Ormesson

40 Citations

Je ne regrette ni d'être venu ni de devoir repartir vers quelque chose d'inconnu dont personne, grâce à Dieu, n'a jamais pu rien savoir. J'ai trouvé la vie très belle et assez longue à mon goût. J'ai eu de la chance. Merci. J'ai commis des fautes et des erreurs. Pardon. Pensez à moi de temps en temps. Saluez le monde pour moi quand je ne serai plus là. C'est une drôle de machine à faire verser des larmes de sang et à rendre fou de bonheur. Je me retourne encore une fois sur ce temps perdu et gagné et je me dis, je me trompe peut-être, qu'il m'a donné - comme ça, pour rien, avec beaucoup de grâce et de bonne volonté - ce qu'il y a eu de meilleur de toute éternité: la vie d'un homme parmi les autres.


Par: Jean d' Ormesson

Ajoutée par Savinien le 25/08/2014

 

J'écrirais volontiers un éloge de la paresse et de l'ennui. La paresse, rien de plus clair, est la mère des chefs-d'oeuvre. Très loin de l'abrutissement qui naît des grands postes et des hautes fonctions, l'ennui est cet état béni où l'esprit désoccupé aspire à faire sortir du néant quelque chose d'informe et déjà d'idéal qui n'existe pas encore. L'ennui est la marque en creux du talent, le tâtonnement du génie. Dieu s'ennuyait avant de créer le monde. Newton était couché dans l'herbe et bayait aux corneilles quand il a vu tomber de l'arbre sous lequel il s'ennuyait la pomme de la gravitation universelle. Les petits esprits s'énervent au milieu de foules de choses, la plupart du temps inutiles. Les grands esprits ne font rien et s'ennuient comme Descartes « enfermé seul dans un poêle en Allemagne » avant de découvrir des cieux. Chateaubriand bâillait sa vie avant d'écrire Atala, et René, et les mémoires d'outre-tombe.


Par: Jean d' Ormesson

Ajoutée par Savinien le 24/08/2014

 

Les voyages ont longtemps constitué une aventure solitaire, malcommode et délicieuse. Avec le progrès foudroyant des transports, ils sont devenus une corvée collective et confortable. Ils tendent à se rapprocher de la définition de Céline: « Un petit vertige pour couillons. » Au point que le meilleur du voyage est désormais, d'un côté, dans le projet et, de l'autre, dans le souvenir. Entre les deux, une routine de masse. Et une nouvelle servitude volontaire. Peut-être faudra-t-il finir, selon le voeu de Baudelaire, par nous contenter du projet, sans plus chercher jamais à le réaliser? Depuis toujours, le projet est aussi beau - et parfois plus beau encore - que la réalité. C'est vrai pour l'amour, c'est souvent vrai, hélas! pour la littérature. Et c'est vrai pour les voyages.


Par: Jean d' Ormesson

Ajoutée par Savinien le 24/08/2014

 

Si l'univers est le fruit du hasard, si nous ne sommes rien d'autre qu'un assemblage à la va-comme-je-te-pousse de particules périssables, nous n'avons pas la moindre chance d'espérer quoique ce soit après la mort inéluctable. Si Dieu, en revanche, et ce que nous appelons - à tort - son esprit et sa volonté sont à l'origine de l'univers, tout est possible. Même l'invraisemblable. D'un côté, la certitude de l'absurde. De l'autre, la chance du mystère. Beaucoup, tout au long de l'histoire, et surtout de notre temps, ont choisi l'absurde. Avec ses conséquences. Il y a de la grandeur dans ce choix. Du désespoir. De l'orgueil. De la grandeur. Peut-être par tempérament, parce que j'ai aimé le bonheur, parce que je déteste le désespoir, j'ai choisi le mystère.


Par: Jean d' Ormesson

Ajoutée par Savinien le 19/08/2014

 

« Dieu, nous dit Paul Valery, a fait le monde de rien. Le rien perce. » Le rien perce tout au long de nos vies misérables et brillantes. Et, à la fin, après avoir joué avec nous comme le chat avec la souris, il se jette sur nous et il nous dévore. L'histoire est une parenthèse au coeur de l'éternité. Les hommes sont une parenthèse au coeur de l'histoire. Chacun de nous est une parenthèse au coeur de la foule des hommes. Tout cela fait un cortège d'exceptions qui courent vers le désastre, un feu de paille qui ne pense qu'à s'éteindre. Tu es poussière et tu retourneras en poussière.


Par: Jean d' Ormesson

Ajoutée par Savinien le 16/08/2014

 

Chacun d'entre nous a eu au moins une chance: celle d'être né. Comme toutes les chances, cette chance originelle aussi peut se retourner. Pour des raisons différentes et à peu près innombrables - l'argent, l'humour, la santé, l'orgueil, la vanité, toutes les passions, des plus hautes aux plus basses, tous les froissements de l'esprit et du corps - , il y a des gens malheureux. Beaucoup maudissent le hasard qui les a fait sortir de ce néant où personne ne souffre jamais. « Les enfants que je n'ai pas eus, disait Cioran, ne savent pas tout ce qu'ils me doivent. » Et déjà l'Ecclésiaste: « J'ai préféré l'état des morts à celui des vivants; et j'ai estimé plus heureux celui qui n'est pas né encore et n'a pas vu les maux qui sont sous le soleil. »


Par: Jean d' Ormesson

Ajoutée par Savinien le 16/08/2014

 

Nous autres les hommes, nous autres les femmes, nous sommes le sommet et le chef-d'oeuvre de la création. Les dinosaures l'ont été aussi, il y a cent millions d'années, son chef-d'oeuvre et son sommet. On les trouve maintenant, avec beaucoup de gaieté, sous la terre, dans les musées, dans des films entre Katharine Hepburn et Cary Grant. En dépit de leur pensée et malgré leur orgueil, je doute un peu que le sort lointain des hommes soit beaucoup plus enchanteur que celui des dinosaures. C'est drôle: s'il fallait parier, je parierais plutôt sur Dieu, tombé si bas dans nos sondages, que sur les hommes si contents d'eux.


Par: Jean d' Ormesson

Ajoutée par Savinien le 16/08/2014

 

Plusieurs milliards d'années depuis le rien. Quelque chose comme cinq milliards d'années depuis la mise en place, dans un coin reculé du ciel en expansion, du Soleil et de cette Terre où il va se mettre à habiter. Trois milliards et demi d'années, un peu plus, un peu moins, depuis les débuts hasardeux et encore timides de la vie d'où il sort. Et puis la marche triomphale vers la station debout, vers le chant, vers le rire, vers l'amour, vers l'homme et sa pensée, il y a quelques dizaines de milliers d'années à peine, un clin d'oeil, un fétu de paille. De quoi lui tourner la tête et le rendre ivre d'orgueil au lieu de l'accabler, comme il faudrait, d'un sentiment d'humilité parmi tant de grandeur.


Par: Jean d' Ormesson

Ajoutée par Savinien le 14/08/2014

 

Parce que toute chose commence avec le temps meurtrier, la naissance de tout ce qui nous paraît éternel avec son soleil et sa lune, avec ses étoiles, avec ses jours et ses nuits qui se succèdent sans se lasser, avec sa longue histoire, avec ses drames et ses bonheurs, n'est rien d'autre que l'annonce de la mort. Dieu lache le temps sur le monde pour le créer et le détruire. Alpha et Omega. Vishnu et Siva. Le début appelle la fin. La mort est l'autre nom de la vie.


Par: Jean d' Ormesson

Ajoutée par Savinien le 14/08/2014

 

Les hommes se sont souvent interrogés sur le néant. Celui d'après la mort, d'abord; celui d'avant le monde, ensuite. Est-ce le même? Qui le sait? Et surtout, dans un cas comme dans l'autre: est-ce vraiment un néant? N'y a-t-il vraiment rien dans ce que nous appelons le néant? Il n'est pas exclu qu'il y ait quelque chose. Il est certain que rien n'est sûr.


Par: Jean d' Ormesson

Ajoutée par Savinien le 14/08/2014

 

Ne vous laissez pas abuser. Souvenez-vous de vous méfier. Et même de l'évidence: elle passe son temps à changer. Ne mettez trop haut ni les gens ni les choses. Ne les mettez pas trop bas. Non, ne les mettez pas trop bas. Montez. Renoncez à la haine: elle fait plus de mal à ceux qui l'éprouvent qu'à ceux qui en sont l'objet. Ne cherchez pas à être sage à tout prix. La folie aussi est une sagesse. Et la sagesse, une folie. Fuyez les préceptes et les donneurs de leçons. Jetez ce livre. Faites ce que vous voulez. Et ce que vous pouvez. Pleurez quand il le faut. Riez.
J'ai beaucoup ri. J'ai ri du monde et des autres et de moi. Rien n'est très important. Tout est tragique. Tout ce que nous aimons mourra. Et je mourrai moi aussi. La vie est belle.


Par: Jean d' Ormesson

Ajoutée par Savinien le 18/10/2013

 

Il y a quelque chose de pire que de mourir: c'est de ne pas mourir. J'ai tant aimé la vie que j'accepte la mort comme son accomplissement. Le charme de la vie, sa grâce, son bonheur viennent de sa précarité. Il lui suffirait de durer un peu trop pour devenir lassante et peut-être atroce. Les dieux, pensaient les anciens, en guise sans doute de consolation, aiment ceux qui meurent jeunes. Si un génie, bienveillant ou malin, me proposait de prolonger ou de recommencer mon parcours dans le système implacable de l'espace et du temps, je déclinerais son offre. Nous vivons déjà bien plus longtemps que nos grands-parents. Une fois suffit. La messe est dite et la farce est jouée. Dieu sait si le voyage m'a plu. Je ne le referais pas volontiers. Merci beaucoup. Merci pour le séjour et merci pour le retour.


Par: Jean d' Ormesson

Ajoutée par Savinien le 18/10/2013

 

Rien ne nous est plus proche que le temps. Pour chacun d'entre nous, le temps est aussi proche que la vie, aussi proche que le monde, aussi proche que nous-mêmes. Il est au plus intime de ce que je suis et de ce que vous êtes. Nous pouvons, avec de plus en plus de facilité, nous déplacer dans l'espace. Nous sommes rivés au temps et à notre temps. L'espace est la forme de notre puissance. Le temps est la forme de notre impuissance. Nous sommes les maîtres de l'espace. Le temps est notre maître.


Par: Jean d' Ormesson

Ajoutée par Savinien le 15/10/2013

 

Nous sommes la proie depuis toujours de deux tentations symétriques et funestes: l'angélisme et le désespoir. Au-delà d'un optimisme et d'un pessimisme également sans fondement, la vie a toujours été et sera toujours une souffrance - et elle est un miracle: elle est une fête en larmes.


Par: Jean d' Ormesson

Ajoutée par Savinien le 15/10/2013

 

Beaucoup se plaignent du présent: l'avenir est au moins aussi rongé de doutes que le présent. Qu'est-ce qui reste? Pas grand-chose. Malgré la science ou à cause d'elle, malgré le progrès ou à cause de lui, nous sommes guettés par une absence d'espoir. Par trop de choses qui se réduisent à rien. Par un néant surpeuplé. On peut s'y faire. On a du mal. Regardez autour de vous.


Par: Jean d' Ormesson

Ajoutée par Savinien le 15/10/2013

 

Le monde change, bien sûr, mais un de ses traits ne varie pas: tant qu'il y aura des hommes, ils aspireront à autre chose. Autre chose que ce qu'ils ont déjà, autre chose que la vie de chaque jour, autre chose que la vie tout court. Ils ne vivent, chacun le sait et l'éprouve, que de rêves et d'espoir. Ils n'ont pas fini de rêver.


Par: Jean d' Ormesson

Ajoutée par Savinien le 14/10/2013

 

A mesure que se gonfle, dans l'océan de ce que nous ne savons pas, la sphère de ce que nous savons, le nombre de points de contact entre savoir et ignorance croît proportionnellement. Le savoir avance de plus en plus vite vers une question ultime qui recule plus vite encore. C'est une course éblouissante et perdue d'avance, une guerre toute faite de victoires qui s'achève en défaite et en aveu d'impuissance. Le ver de l'échec est dans le fruit du savoir. La science ne cerne jamais qu'une illusion de réponse. Elle démonte tous les « comment? » qui s'emboîtent en abîme. Elle échoue devant le « pourquoi? » qui parviendrait seul à mettre fin au manège.


Par: Jean d' Ormesson

Ajoutée par Savinien le 14/10/2013

 

Peut-être Bach et Mozart composaient-ils des cantates et des airs d'opéra pour exprimer leur joie. Peut-être les peintres peignent-ils parce que le monde est beau. Je crois que les écrivains écrivent parce qu'ils éprouvent du chagrin. Je crois qu'il y a des livres parce qu'il y a du mal dans le monde et dans le coeur des hommes. Personne n'écrirait s'il n'y avait pas d'histoire. Et le moteur de l'histoire, c'est le mal.


Par: Jean d' Ormesson

Ajoutée par Savinien le 14/10/2013

 

Ma vie a fini par se confondre avec les livres que j'ai écrits. Il y a eu quelques amours qui ont compté plus que tout. Il y a eu, sur terre et sur mer, sur la neige, dans l'imagination et en songe, un tourbillon de plaisirs. Il y a eu les livres. Et puis, rien. Aime et fais ce que tu veux. Ecris des mots: c'est tout.


Par: Jean d' Ormesson

Ajoutée par Savinien le 12/10/2013

 

Qu'ai-je aimé dans cette vie que j'aurai tant aimée? C'est une question que chacun de nous, à moins de se résigner à passer pour un veau, doit bien finir par se poser. Il y a dans toute existence au moins deux interrogations auxquelles se mêle un peu d'angoisse. L'une au début: « que faire? » Elle m'a tourmenté jusqu'aux larmes. L'autre à la fin: « qu'ai-je donc fait? »


Par: Jean d' Ormesson

Ajoutée par Savinien le 12/10/2013

 

Je crois qu'il faut savoir vivre, et quelquefois mourir, pour des choses - comment dire?... Choisies presque au hasard. Non pas tant parce qu'elles sont vraies - qu'est-ce que la vérité? - mais parce qu'elles vous paraissent, à vous qui ne savez rien, plus belles, plus justes, plus grandes. Non pas tant parce qu'elles sont vraies, mais parce que vous les avez choisies.


Par: Jean d' Ormesson

Ajoutée par Savinien le 12/10/2013

 

Tout secret est un miracle. « Il n'y a pas, écrit Aragon, de vin plus soûl que le secret. Il n'y a pas plus grand'merveille qu'à savoir sans partage. » Peut-être le monde entier n'est-il qu'un grand secret. Et quand il n'y aura plus personne pour se souvenir de nous, tout ce que nous aurons fait et pensé sur cette Terre sera un secret englouti.


Par: Jean d' Ormesson

Ajoutée par Savinien le 05/10/2013

 

Je traverse le monde, je l'admire, il m'amuse, il me fait pitié. Je ne sais pas où il va. Vers son terme, bien entendu. Beaucoup vous diront vers la raison, vers la justice, vers un peu plus de conscience. Vers l'intelligence? J'en doute un peu. Sûrement pas vers la sagesse. Sûrement pas vers la beauté. Et pourtant vers la science et vers le savoir. Les plus ignares d'aujourd'hui en savent plus sur l'univers que les plus savants d'autrefois. Nous souffrons moins, nous vivons plus, nous partons vers d'autres mondes, nous travaillons à notre bonheur, à notre puissance et à de grandes catastrophes. Et peut-être à notre perte. Il n'y a rien d'impossible au pouvoir de l'esprit. Mais ce qu'il voudra, je l'ignore. Et je crains qu'il n'ignore lui-même ce qu'il est en train de nous préparer. On ne sait le sens de l'histoire que lorsqu'elle est finie.


Par: Jean d' Ormesson

Ajoutée par Savinien le 05/10/2013

 

J'ai beaucoup vu mourir. Il y a une définition assez célèbre de la vie: « C'est l'ensemble des forces qui résistent à la mort. » Ma définition à moi serait plutôt l'inverse: la vie, c'est ce qui meurt. La vie et la mort sont unies si étroitement qu'elles n'ont de sens que l'une par l'autre.


Par: Jean d' Ormesson

Ajoutée par Savinien le 30/09/2013

 

- Vous aimez les femmes? Dit Marie.
- Vous me plaisez beaucoup, dit Simon.
- Ah! Dit Marie, je veux dire les autres femmes, les femmes en général.
- Qu'est-ce que les hommes feraient sans elles? Dit Simon Fussgänger. Et que feraient les femmes sans les hommes? Le monde avance et survit parce qu'il y a des hommes et des femmes et parce qu'ils font des enfants. Il n'y aurait plus de monde s'il n'y avait plus d'enfants. Pour vous, qui n'êtes pas immortels, l'amour remplace l'éternité.


Par: Jean d' Ormesson

Ajoutée par Savinien le 30/09/2013

 

J'aime beaucoup les soirs, vous savez. J'aime aussi beaucoup les matins. Pour moi qui ne change jamais, rien n'est plus beau que ces instants où, à la différence du grand jour ou de la nuit déjà close, quelque chose enfin, quelque chose déjà, est en train de changer. Comme c'est plaisant, ces matins où la journée s'annonce, où elle est contenue toute entière! Tous les plaisirs du jour sont dans les matinées. Le monde n'est fait que de matins.


Par: Jean d' Ormesson

Ajoutée par Savinien le 30/09/2013

 

Les rêves des hommes sont pleins de grandeur - et ils sont dérisoires. A commencer par les miens. Les plaisirs nous enchantent - et ils sont l'ombre d'une ombre. Le seul sort du bonheur est de se changer en souvenir. La meilleure attitude à l'égard de ce monde et de son histoire, et d'abord et avant tout des réussites sociales et des grandeurs d'établissement si ardemment poursuivies, est de les tenir à distance. Sortir de la poussière et retourner à la poussière ne mérite en aucun cas un excès de révérence. La vie est un songe et le mieux est d'en rire. Je ne cesse de me moquer de moi-même et des autres. J'ai toujours essayé de m'amuser de la brièveté de la vie.


Par: Jean d' Ormesson

Ajoutée par Savinien le 22/09/2013

 

Tout ce qui est né mourra. Tout ce qui est apparu dans le temps disparaîtra dans le temps. Au commencement des choses, il y a un peu moins de quatorze milliards d'années, il n'y avait que l'avenir. A la fin de ce monde et du temps, il n'y aura plus que du passé. Toute l'espérance des hommes se sera changée en souvenir. En souvenir pour qui? Il n'y aura plus que ce rien éternel qui se confond avec tout, dont le monde est sorti, où il retournera, et que nous appelons Dieu.


Par: Jean d' Ormesson

Ajoutée par Savinien le 22/09/2013

 

Je suis un bon garçon. Au-delà même des mots et de leur musique, leur servant de source et de but, quelque chose de très obscur m'attache aux autres hommes. Je préfère qu'on ne les torture pas, qu'on ne les massacre pas, qu'on ne les méprise pas, qu'on ne les détruise pas, qu'on ne les humilie pas d'une façon ou d'une autre. Je crois que la vie - et pas seulement la vie des hommes - doit être respectée. Parce qu'une même espérance nous unit les uns aux autres et nous soutient tous ensemble. C'est cette espérance que les pédants, je crois, appellent la transcendance.


Par: Jean d' Ormesson

Ajoutée par Savinien le 22/09/2013

 

Ceux qui ne croient pas à Dieu font preuve d'une crédulité qui n'a rien à envier à celle qu'ils reprochent aux croyants. Ils croient à une foule de choses aussi peu vraisemblables que ce Dieu qu'ils rejettent: tantôt au hasard et à la nécessité, tantôt à l'éternité de l'univers ou à ce mythe qu'ils avalent tout cru d'un temps dont l'origine ne poserait pas de problèmes. A l'homme surtout, à l'homme, sommet et gloire de la création, chef-d'oeuvre d'orgueil et trésor pour toujours, et à l'humanisme. J'ai le regret de l'avouer: je ne crois à rien de tout cela. Si je croyais à quelque-chose, ce serait plutôt à Dieu - s'il existe. Existe-t-il? Je n'en sais rien. J'aimerai y croire. Souvent, j'en doute. Je doute de Dieu parce que j'y crois. Je crois à Dieu parce que j'en doute. Je doute en Dieu.


Par: Jean d' Ormesson

Ajoutée par Savinien le 21/09/2013

 

Je ne crois pas à grand-chose. Je me dis souvent, avec une ombre de regret, avec un peu d'inquiétude, que je ne crois presque à rien. Je ne crois ni aux honneurs, ni aux grandeurs d'établissement, ni aux distinctions sociales, ni au sérieux de l'existence, ni aux institutions, ni à l'Etat, ni à l'économie politique, ni à la vertu, ni à la vérité, ni à la justice des hommes, ni à nos fameuses valeurs. Je m'en arrange. Mais je n'y crois pas. Les mots ont remplacé pour moi la patrie et la religion. C'est vrai: j'ai beaucoup aimé les mots. Ils sont la forme, la couleur et la musique du monde. Ils m'ont tenu lieu de patrie, ils m'ont tenu lieu de religion.


Par: Jean d' Ormesson

Ajoutée par Savinien le 21/09/2013

 

Il y a bien quelque chose qui s'appelle le monde. Il disparaîtra tout entier comme nous disparaissons nous-mêmes. Il y a bien quelque chose qui s'appelle l'histoire. Elle a sa logique propre, mais elle n'a pas de sens. Quand les hommes auront disparu comme disparaissent toutes choses, il n'y aura personne pour se souvenir d'eux. Le monde est beau. L'histoire existe. Cette beauté et cette existence sortent du néant pour retourner dans le néant. Il y a un grand rêve qui est le monde. Et dans ce grand rêve, un autre rêve qui est la vie. Et dans ce rêve, encore un rêve qui est notre existence. Et tous ces rêves n'ont pas de sens et ils sont absurdes.


Par: Jean d' Ormesson

Ajoutée par Savinien le 21/09/2013

 

Nous ne savons rien de l'avenir. Sauf une chose: nous mourrons tous. Les nombres, les mathématiques, la science sont irréfutables. Notre mort aussi. Elle est une des rares certitudes dont nous puissions nous targuer. De l'Ecclésiaste et de Pyrrhon, le maître du scepticisme, à Montaigne, à Descartes et au désespéré qui va se jeter par la fenêtre parce qu'il ne croit plus à rien, les hommes peuvent tout mettre en doute - sauf leur mort inéluctable. Même les fous, même les sages, même les puissants, même les rois, même le Fils de Dieu puisqu'il s'était fait homme, savent qu'un jour ils mourront. Tous le savent dur comme fer, mais, pour pouvoir continuer à vivre, ils font semblant de l'oublier. Les hommes ont peur de la mort et ils ensevelissent sa pensée comme ils ensevelissent leurs semblables. « On n'entend dans les funérailles, écrit Bossuet avec une espèce de sauvagerie, que des paroles d'étonnement de ce que ce mortel est mort. »


Par: Jean d' Ormesson

Ajoutée par Savinien le 20/09/2013

 

Je ne sais pas si Dieu existe mais, depuis toujours, je l'espère avec force. Parce qu'il faudrait qu'existe tout de même ailleurs quelque chose qui ressemble d'un peu plus près que chez nous à une justice et à une vérité que nous ne cessons de rechercher, que nous devons poursuivre et que nous n'atteindrons jamais.
De temps en temps, je l'avoue, le doute l'emporte sur l'espérance. Et, de temps en temps, l'espérance l'emporte sur le doute. Ce cruel état d'incertitude, cette « fluctuatio animi » pour parler comme Spinoza, ne durera pas toujours. Grâce à Dieu, je mourrai.


Par: Jean d' Ormesson

Ajoutée par Savinien le 20/09/2013

 

Le big bang et le mur de Planck marquent les limites entre le domaine des phénomènes et de l'expérimentation qui nous est familier et un no man's land inconnu dont nous ne pouvons rien savoir et qui n'existe peut-être même pas. Nos sens n'y ont pas accès. Nos lois n'y fonctionnent plus. Si bien adaptée au monde autour de nous, l'intelligence humaine ne peut pas le concevoir. C'est le règne de la fiction, du roman non écrit, de la poésie sans paroles. C'est le royaume de l'espérance. C'est le royaume de la foi. Chacun peut y mettre ce qu'il veut. Et même le refuser et n'y voir qu'une illusion, une mystification, une imposture. C'est cette nuit obscure que les hommes appellent Dieu.


Par: Jean d' Ormesson

Ajoutée par Savinien le 20/09/2013

 

Le présent est une prison sans barreaux, un filet invisible, sans odeur et sans masse, qui nous enveloppe de partout. Il n'a ni apparence ni existence, et nous n'en sortons jamais. Aucun corps, jamais, n'a vécu ailleurs que dans le présent, aucun esprit, jamais, n'a rien pensé qu'au présent. C'est dans le présent que nous nous souvenons du passé, c'est dans le présent que nous nous projetons dans l'avenir. Le présent change tout le temps et il ne cesse jamais d'être là. Et nous en sommes prisonniers. Passagère et précaire, affreusement temporaire, coincée entre un avenir qui l'envahit et un passé qui la ronge, notre vie ne cesse jamais de se dérouler dans un présent éternel - ou quasi éternel - toujours en train de s'évanouir et toujours en train de renaître.


Par: Jean d' Ormesson

Ajoutée par Savinien le 17/09/2013

 

Jamais rêve de gloire ou d'amour n'a occupé les esprits avec tant de force et de constance que la folie de Dieu. Sous les noms les plus divers, sous les formes les plus invraisemblables, il y a quelque chose qui court de génération en génération: c'est moi. Que feraient les hommes s'il ne me cherchaient pas? Ils me cherchent - et ils ne me trouvent pas. S'ils me trouvaient, ils ne penseraient plus à moi. Parce qu'ils me cherchent sans me trouver, parce qu'ils me nient, parce qu'ils m'espèrent, la seule pensée de Dieu ne cesse jamais de les occuper tout entiers. Je suis un Dieu caché. Dieu vit à jamais parce que les hommes doutent de lui.


Par: Jean d' Ormesson

Ajoutée par Savinien le 17/09/2013

 

Ce qu'il y a de mieux dans ce monde, de plus beau, de plus excitant, ce sont les commencements. L'enfance et les matins ont la splendeur des choses neuves. L'existence est souvent terne. Naître est toujours un bonheur. Il y a dans tout début une surprise et une attente qui seront peut-être déçues mais qui donnent au temps qui passe sa couleur et sa vigueur.


Par: Jean d' Ormesson

Ajoutée par Savinien le 17/09/2013

 

Malgré ce que soutiennent les riches, l'argent suffit à faire le bonheur des pauvres; malgré ce que s'imaginent les pauvres, l'argent ne suffit pas à faire le bonheur des riches.


Par: Jean d' Ormesson

Ajoutée par jlm le 13/05/2013

 

De toutes les questions posées par la race meurtrière des biographes et des journalistes en quête, hélas toujours vaine, d'une originalité impossible, il en est une qui revient avec une régularité de métronome: « Qu'aviez-vous envie de faire plus tard quand vous étiez enfant? » Ce que je voulais faire? Je m'en souviens très clairement, avec une troublante précision. C'était: rien. J'avais envie de vivre et qu'on me fichât la paix.


Par: Jean d' Ormesson

Ajoutée par jlm le 03/01/2013