Thématique citations : Les alexandrins

879 Citations

Pg 1/18

Le genre

Il semble que l'alexandrin soit apparu, en littérature française, au moyen age: la traduction des légendes du "Roman d'Alexandre" vit l'apparition des premiers poèmes sous forme de vers à douze syllabes, et prit le terme d'alexandrin.

L'alexandrin est articulé en deux parties (appelées hémistiches) séparées par la césure (l'endroit qui délimite ces deux parties), chaque partie faisant six syllabes chacune.

Rappelez-vous à ce sujet la formulation de Ragueneau, le pâtissier, dans Cyrano:

Vous avez mal placé la fente de ces miches:
Au milieu la césure, - entre les hémistiches!

Cette rythmique apporte à l'alexandrin une régularité rendant sa lecture presque chantante. Elle apporte également une contrainte à l'auteur, lui demandant d'articuler sa pensée autour de cette rythmique.

Variations

L'alexandrin peut être rythmé de façon différente, les principales étant:

  •     La forme binaire: chaque hémistiche fait deux fois trois syllabes. Exemple: "Il dort dans le soleil, la main sur sa poitrine (Arthur Rimbaud)"
  •     La forme tertiaire: l'alexandrin fait trois fois quatre syllabes. Exemple: "Toujours aimer, toujours souffrir, toujours mourir (Corneille)".

On n'observe pas dans la forme tertiaire ce repos entre les deux hémistiches qu'on peut sentir dans la forme binaire, elle semble donc moins gracieuse à l'oreille, et c'est à juste titre que la forme la plus répandue est la forme binaire, autrement nommée forme classique.

Les tricheries

L'alexandrin étant un art difficile, on notera parfois de-ci de-là dans certains ouvrages des facilités ou raccourcis pris par les auteurs pour cadrer aux douzes syllabes par phrase. Dans certains cas, le décompte des syllabes joue allègrement sur la prise en compte ou non de syllabes muettes - c'est le jeu.

De même, et c'est surtout vrai dans le domaine du théâtre, où il est parfois particulièrement difficile de rendre un dialogue naturel sous forme d'alexandrins, l'auteur pourra jouer avec des alexandrins sur plusieurs lignes: l'alexandrin commençant dans les paroles d'un personnage et se terminant dans les paroles d'un autre, à la ligne suivante, comme par exemple, dans Cyrano de Bergerac:

- Un poète est un luxe, aujourd'hui, qu'on se donne.
 Voulez-vous être à moi ?
- Non, Monsieur, à personne.

En recomptant bien, on s'apercevra parfois qu'une syllabe ou deux peuvent même être adroitement oubliées pour satisfaire à la fluidité des dialogues.

Les champions de l'alexandrin

Même si le style est largement présent dans la littérature classique, on notera quelques champions toutes catégories de l'alexandrin:

Parmi ceux-ci, bien sûr, tous les dramaturges: Racine, Corneille, bien sûr
Ainsi que les auteurs de comédie: Molière en tête
Mais également nos poètes romantiques: Hugo, Lamartine, Musset, Vigny

Et bien d'autres encore, ceux-ci  n'étant que les plus connus (à juste titre, on peut même dire les plus adroits dans cet art).

En conclusion

A notre époque moderne, on suppose souvent que la poésie est un art en désuétude. C'est faux, on pourrait plus justement dire que peu de gens lisent encore de la poésie. Nos poètes modernes produisent toujours de la poésie (toutefois, il n'est plus vraiment de mise de produire de grandes pièces en alexandrins), même s'ils ont tendance à explorer des formes différentes de celles de l'alexandrin.

La poésie a également pris des formes plus populaires et des fois moins visibles:  tendez l'oreille, et vous retrouverez parfois dans les paroles de nos chansons modernes des alexandrins du plus bel effet, voire des reprises de poèmes classiques (Julien Clerc a ainsi déjà chanté du Marceline Desbordes-Valmore quasiment mot pour mot).

Le premier regret


Sur la plage sonore où la mer de Sorrente
Déroule ses flots bleus au pied de l'oranger,
Il est, près du sentier sous la haie odorante,
Une pierre petite, étroite, indifférente
Aux pieds distraits de l'étranger.

La giroflée y cache un seul nom sous ses gerbes,
Un nom que nul écho n'a jamais répété!
Quelquefois cependant le passant arrêté,
Lisant l'âge et la date en écartant les herbes,
Et sentant dans ses yeux quelques larmes courir
Dit : « Elle avait seize ans! C'est bien tôt pour mourir! »


Par: Alphonse de Lamartine

Extrait de: Graziella (1849)

Ajoutée par Savinien le 11/04/2023

Catégories:

Les trois grâces de Grenade


Douce Martirio, je crois te voir encore,
Fraîche à faire jaunir les roses de l'aurore,
Dans ton éclat vermeil, dans ta fleur de beauté,
Comme une pêche intacte au duvet velouté,
Avec tes yeux nacrés, ciel aux astres d'ébène,
Et ta bouche d'oeillet épanouie à peine,
Si petite vraiment qu'on n'y saurait poser,
Même quand elle rit, que le quart d'un baiser.


Par: Théophile Gautier

Extrait de: España (1845)

Ajoutée par Savinien le 06/03/2023

Catégories:

Les yeux bleus de la montagne


On trouve dans les monts des lacs de quelques toises,
Purs comme des cristaux, bleus comme des turquoises,
Joyaux tombés du doigt de l'ange Ithuriel,
Où le chamois craintif, lorsqu'il vient pour y boire,
S'imagine, trompé par l'optique illusoire,
Laper l'azur du ciel.

Ces limpides bassins, quand le jour s'y reflète,
Ont comme la prunelle une humide paillette;
Et ce sont les yeux bleus, au regard calme et doux,
Par lesquels la montagne en extase contemple,
Forgeant quelque soleil dans le fond de son temple,
Dieu, l'ouvrier jaloux!


Par: Théophile Gautier

Extrait de: España (1845)

Ajoutée par Savinien le 06/03/2023

Catégories:

L'horloge


Oui, c'est bien vrai, la vie est un combat sans trêve,
Un combat inégal contre un lutteur caché
Qui d'aucun de nos coups ne peut être touché;
Et dans nos coeurs criblés, comme dans une cible,
Tremblent les traits lancés par l'archer invisible.
Nous sommes condamnés, nous devons tous périr;
Naître, c'est seulement commencer à mourir.


Par: Théophile Gautier

Extrait de: España (1845)

Ajoutée par Savinien le 06/03/2023

Catégories:

L'horloge


Mais sur l'humble cadran regardé par hasard,
Comme les mots de flamme aux murs de Balthazar,
Comme l'inscription de la porte maudite,
En caractères noirs une phrase est écrite;
Quatre mots solennels, quatre mots de latin,
Où tout homme en passant peut lire son destin:
« Chaque heure fait sa plaie et la dernière achève! »


Par: Théophile Gautier

Extrait de: España (1845)

Ajoutée par Savinien le 06/03/2023

Catégories:

Départ


Je suis parti, laissant sur le seuil inquiet,
Comme un manteau trop vieux que l'on quitte à regret,
Cette lente moitié de la nature humaine,
L'habitude au pied sûr qui toujours y ramène,
Les pâles visions, compagnes de mes nuits,
Mes travaux, mes amours et tous mes chers ennuis.


Par: Théophile Gautier

Extrait de: España (1845)

Ajoutée par Savinien le 06/03/2023

Catégories:

Départ


Je sentais le désir d'être absent de moi-même;
Loin de ceux que je hais et loin de ceux que j'aime,
Sur une terre vierge et sous un ciel nouveau,
Je voulais écouter mon coeur et mon cerveau,
Et savoir, fatigué de stériles études,
Quels baumes contenait l'urne des solitudes,
Quels mots balbutiait, avec ses bruits confus,
Dans la rumeur des flots et des arbres touffus,
La nature, ce livre où la plume divine
Ecrit le grand secret que nul œil ne devine!


Par: Théophile Gautier

Extrait de: España (1845)

Ajoutée par Savinien le 06/03/2023

Catégories:

Le pin des landes


On ne voit en passant par les Landes désertes,
Vrai Sahara français, poudré de sable blanc,
Surgir de l'herbe sèche et des flaques d'eaux vertes
D'autre arbre que le pin avec sa plaie au flanc,

Car pour lui dérober ses larmes de résine,
L'homme, avare bourreau de la création,
Qui ne vit qu'aux dépens de ce qu'il assassine
Dans son tronc douloureux ouvre un large sillon.

Sans regretter son sang qui coule goutte à goutte,
Le pin verse son baume et sa sève qui bout,
Et se tient toujours droit sur le bord de la route,
Comme un soldat blessé qui veut mourir debout.

Le poète est ainsi dans les Landes du monde;
Lorsqu'il est sans blessure, il garde son trésor.
Il faut qu'il ait au coeur une entaille profonde
Pour épancher ses vers, divines larmes d'or !


Par: Théophile Gautier

Extrait de: España (1845)

Ajoutée par Savinien le 06/03/2023

Catégories:

Souvent je ne sais quoi qu'on ne peut exprimer
Nous surprend, nous emporte, et nous force d'aimer;
Et souvent, sans raison, les objets de nos flammes
Frappent nos yeux ensemble et saisissent nos âmes.


Par: Pierre Corneille

Extrait de: Médée (1635)

Ajoutée par Savinien le 20/06/2022

Catégories:

Acte V, Scène 9


Je devine à peu près quel est votre supplice;
Mais le sort en cela ne vous est que propice.
Si n'être point cocu vous semble un si grand bien,
Ne vous point marier en est le vrai moyen.


Par: Jean-Baptiste Poquelin (Molière)

Ajoutée par Savinien le 07/02/2022

Catégories:

Acte V, Scène 4


Chose étrange d'aimer, et que pour ces traîtresses
Les hommes soient sujets à de telles faiblesses!
Tout le monde connaît leur imperfection:
Ce n'est qu'extravagance et qu'indiscrétion;
Leur esprit est méchant, et leur âme fragile;
Il n'est rien de plus faible et de plus imbécile,
Rien de plus infidèle: et malgré tout cela,
Dans le monde on fait tout pour ces animaux-là.


Par: Jean-Baptiste Poquelin (Molière)

Ajoutée par Savinien le 07/02/2022

Catégories:

Acte V, Scène 4


Votre simplicité, qui semble sans pareille,
Demande si l'on fait les enfants par l'oreille;
Et vous savez donner des rendez-vous la nuit,
Et pour suivre un galant vous évader sans bruit!
Tudieu! Comme avec lui votre langue cajole!
Il faut qu'on vous ait mise à quelque bonne école.
Qui diantre tout d'un coup vous en a tant appris?
Vous ne craignez donc plus de trouver des esprits?
Et ce galant, la nuit, vous a donc enhardie?
Ah! Coquine, en venir à cette perfidie!
Malgré tous mes bienfaits former un tel dessein!
Petit serpent que j'ai réchauffé dans mon sein,
Et qui, dès qu'il se sent, par une humeur ingrate,
Cherche à faire du mal à celui qui le flatte!


Par: Jean-Baptiste Poquelin (Molière)

Ajoutée par Savinien le 07/02/2022

Catégories:

Acte IV, Scène 1


De quel oeil la traîtresse a soutenu ma vue!
De tout ce qu'elle a fait elle n'est point émue;
Et, bien qu'elle me mette à deux doigts du trépas,
On dirait, à la voir, qu'elle n'y touche pas.
Plus, en la regardant, je la voyais tranquille,
Plus je sentais en moi s'échauffer une bile;
Et ces bouillants transports dont s'enflammait mon coeur
Y semblaient redoubler mon amoureuse ardeur.
J'étais aigri, fâché, désespéré contre elle,
Et cependant jamais je ne la vis si belle,
Jamais ses yeux aux miens n'ont paru si perçants,
Jamais je n'eus pour eux des désirs si pressants.


Par: Jean-Baptiste Poquelin (Molière)

Ajoutée par Savinien le 07/02/2022

Catégories:

Acte III, Scène 4


Mais ce qui m'a surpris, et qui va vous surprendre,
C'est un autre incident que vous allez entendre;
Un trait hardi qu'a fait cette jeune beauté,
Et qu'on n'attendrait point de sa simplicité.
Il le faut avouer, l'amour est un grand maître.
Ce qu'on ne fut jamais il nous enseigne à l'être;


Par: Jean-Baptiste Poquelin (Molière)

Ajoutée par Savinien le 07/02/2022

Catégories:

Acte I, Scène 7


Mais, ayant tant souffert, je devais me contraindre
Jusques à m'éclaircir de ce que je dois craindre,
A pousser jusqu'au bout son caquet indiscret,
Et savoir pleinement leur commerce secret.
Tâchons de le rejoindre; il n'est pas loin, je pense:
Tirons-en de ce fait l'entière confidence.
Je tremble du malheur qui m'en peut arriver,
Et l'on cherche souvent plus qu'on ne veut trouver.


Par: Jean-Baptiste Poquelin (Molière)

Ajoutée par Savinien le 07/02/2022

Catégories:

Acte I, Scène 1


Epouser une sotte est pour n'être point sot.
Je crois, en bon chrétien, votre moitié fort sage;
Mais une femme habile est un mauvais présage;
Et je sais ce qu'il coûte à de certaines gens
Pour avoir pris les leurs avec trop de talents.
[...]
Non, non, je ne veux point d'un esprit qui soit haut;
Et femme qui compose en sait plus qu'il ne faut.
Je prétends que la mienne, en clartés peu sublime,
Même ne sache pas ce que c'est qu'une rime;
Et s'il faut qu'avec elle on joue au corbillon,
Et qu'on vienne à lui dire à son tour: Qu'y met-on?
Je veux qu'elle réponde une tarte à la crème;
En un mot, qu'elle soit d'une ignorance extrême.


Par: Jean-Baptiste Poquelin (Molière)

Ajoutée par Savinien le 07/02/2022

Catégories:

Acte IV, Scène 3


Seigneur, que par ma mort, ta volonté soit faite,
Car je ne suis qu'un lâche à pousser au tombeau.
Il fallait, il fallait, pour que cela fût beau,
Tandis que tout dormait encor dans la nuit sombre,
M'élancer d'un seul bond vers le château plein d'ombre,
Et franchir les fossés, et dans le granit dur
Planter mes dents, briser mes ongles sur le mur,
Monter, monter toujours jusqu'au balcon de pierre
Qui m'eût attiré l'âme à sa douce lumière,
Jusqu'au réduit charmant et de tous inconnu,
Où sur les blancs coussins palpitait son sein nu;
Et là, sanglant encor, pâle, meurtri, farouche,
Me dressant comme un spectre au chevet de sa couche,
Lui crier d'une voix qui la fasse pâlir:
« Reine, un baiser de toi, puisque je vais mourir! »


Par: Louis Bouilhet

Ajoutée par Savinien le 27/01/2022

Catégories:

Acte IV, Scène 2


Plus un mot! A son bonheur fidèle,
Si ce n'est pas pour vous, faites cela pour elle.
Oh! Vous l'aimez, monsieur, d'un amour large et fort!
Sauvez-la. Tout amant ose affronter la mort!
Mourir, donner son sang, c'est peu: donnez votre åme,
A l'honneur de la reine, au salut de la femme,
Et, pareil au soldat blessé, quoique vainqueur,
Gardez le calme au front avec la plaie au coeur.
Dieu qui lit dans notre âme au jour de sa justice
Epèlera du doigt la sainte cicatrice,
Et rien ne sera pur, éblouissant et beau,
Comme ce grand amour sorti de son tombeau!


Par: Louis Bouilhet

Ajoutée par Savinien le 27/01/2022

Catégories:

Acte III, Scène 10


Oui, c'est payer trop cher l'éclat d'une couronne,
Si dans son cercle d'or, mon âme, on t'emprisonne,
Et si le lourd manteau semé de fleurs de lys
Doit, comme un grand linceul, m'étouffer sous ses plis!
Qu'importe à cet État, mon Dieu, qu'importe au monde,
Qu'aux soupirs du malheur ma charité réponde?
Croyez-vous tout perdu pour un mot de pitié
Dont quelque valet ivre a saisi la moitié,
Et craignez-vous vraiment que la France se noie
S'il tombe de mes yeux une larme de joie?
Les froideurs de la cour ne me sauraient charmer.
Ah! Laissez-moi mourir, s'il ne faut plus l'aimer.


Par: Louis Bouilhet

Ajoutée par Savinien le 27/01/2022

Catégories:

Acte III, Scène 9


Ah! Madame!
Puisque j'ai tout perdu, vous connaîtrez mon âme;
Et ce coeur ignoré qui s'ouvre au dernier jour,
Goutte à goutte, à vos pieds, saignera son amour!
La fortune et le rang, tout s'enfuit, tout s'efface.
Je vous ai bien aimée, et vous le dis en face;
Ma passion profonde était digne de vous!
J'aurais passé ma vie, esclave à vos genoux,
Laissant errer mes yeux dans un charmant délire
De votre doux regard à votre doux sourire!


Par: Louis Bouilhet

Ajoutée par Savinien le 27/01/2022

Catégories:

Acte II, Scène 1


Oh! Parfois, il me prend comme un désir immense
De me plonger bien loin dans l'ombre et le silence,
Et de fuir à jamais vers quelque région
Plus haute que l'envie et que l'ambition!
Certe, ils ignorent tous, et ne voudraient pas croire
Ce qu'il faut de sanglots pour faire un peu de gloire,
Et sur combien d'autels mon bonheur s'immola!
Un jour toi qui le sais, tu leur diras cela!


Par: Louis Bouilhet

Ajoutée par Savinien le 27/01/2022

Catégories:

Acte I, Scène 3


C'est là, mon d'Aubigné, loin des bruits de la cour,
Que je pourrai l'entendre et la voir chaque jour;
Entendre sa voix douce et voir par intervalle
L'amour comme un soleil monter à son front pâle!
Tu comprends, n'est-ce pas, qu'il me faut ce bonheur
De la sentir tout près, dût se rompre mon coeur!
Et que j'ai bien le droit, quand sous l'amour je tombe,
D'emporter, pour mourir, un regard dans ma tombe!


Par: Louis Bouilhet

Ajoutée par Savinien le 27/01/2022

Catégories:

Acte I, Scène 3


Oh! J'ai marché longtemps dans le doute et l'effroi,
Traînant ma passion comme une ombre après moi,
Et n'osant regarder au fond du gouffre immense
Où mon coeur éperdu tombait sans espérance!


Par: Louis Bouilhet

Ajoutée par Savinien le 27/01/2022

Catégories:

Jasmin


J'ai cueilli pour vous seule, à sa branche flétrie,
Ce jasmin par l'hiver oublié dans la tour.
J'ai baisé sa corolle, et mon âme attendrie
Dans la dernière fleur met son dernier amour.


Par: Louis Bouilhet

Ajoutée par Savinien le 27/01/2022

Catégories:

Confiance


Quoi! Sans te soucier de l'océan qui gronde,
Tu veux ta place à bord, sur mon vaisseau perdu;
Et pour dire à Colomb qu'il a trouvé son monde,
Tu n'attends pas, enfant, qu'il en soit revenu!

Dans tes bras frémissants j'ai mis ma tête blonde.
J'ai bu ton souffle en feu, dans mon sein répandu;
Et, comme le pêcheur voit la perle sous l'onde,
Dans ton regard charmant j'ai vu ton coeur à nu.

Sois bénie, à jamais, pour cette foi sublime!
Sans redouter les flots je braverai l'abîme,
Puisque j'ai ton amour, comme une étoile, aux cieux.

Et mon nom restera, triomphant et sonore,
Afin que, dans mille ans, la terre sache encore,
Ô mon ange adoré, la couleur de tes yeux!


Par: Louis Bouilhet

Ajoutée par Savinien le 27/01/2022

Catégories:

Vestigia Flammæ


Où donc es-tu partie, ô belle jeune fille?
Toi dont le doux regard et dont la voix, un jour,
Comme un oiseau qu'éveille un bruit sous la charmille,
A l'ombre de mon coeur ont fait chanter l'amour.

Ange, te souvient-il que je t'aimai sur terre?
Que j'aurais tout donné pour un baiser de toi!
Lorsqu'au fond de ton coeur tu descends solitaire,
N'est-il aucun écho qui te parle de moi?

Que fais-tu, maintenant que je suis seul dans l'ombre,
Quand dix ans sont passés depuis ton tendre aveu,
Et que, sur mes deux mains inclinant mon front sombre,
Je regarde briller, comme des yeux sans nombre,
Les étincelles de mon feu!


Par: Louis Bouilhet

Ajoutée par Savinien le 27/01/2022

Catégories:

Portrait


Je ne sais pas ton nom, comtesse ou bien marquise,
Dont le portrait charmant rit dans ce cadre d'or;
Mais nulle, en sa beauté, n'eut plus de grâce exquise,
Au temps qu'on était jeune et qu'on aimait encor.

Tes cheveux à frimas, où le zéphyr se joue,
Effleurent mollement ton visage vermeil,
Car le pastel du maître a semé sur ta joue
L'incarnat velouté d'une pèche au soleil.

Mille amours sont nichés sous tes narines roses,
Mille autres sont blottis dans tes yeux irisés,
Tandis que Cupidon, sur tes lèvres mi-closes,
Appelle au pâturage un troupeau de baisers.

Et le ruban bleu-ciel, dont ta robe est fermée,
Semble, au long du corsage, étaler à plaisir,
De ta taille divine à ta gorge embaumée,
Une échelle d'azur où monte le désir !...


Par: Louis Bouilhet

Ajoutée par Savinien le 27/01/2022

Catégories:

A une femme


Ta lampe n'a brûlé qu'en empruntant ma flamme.
Comme le grand convive aux noces de Cana,
Je changeais en vin pur les fadeurs de ton âme,
Et ce fut un festin dont plus d'un s'étonna.

Tu n'as jamais été, dans tes jours les plus rares,
Qu'un banal instrument sous mon archet vainqueur,
Et, comme un air qui sonne, au bois creux des guitares,
J'ai fait chanter mon rêve au vide de ton coeur.

S'il fut sublime et doux, ce n'est point ton affaire.
Je peux le dire au monde et ne te pas nommer;
Pour tirer du néant sa splendeur éphémère,
Il m'a suffi de croire. Il m'a suffi d'aimer.


Par: Louis Bouilhet

Ajoutée par Savinien le 27/01/2022

Catégories:

Printemps


Du côté des lilas aux touffes violettes,
Mouches et papillons bruissent à la fois;
Et le muguet sauvage, ébranlant ses clochettes,
A réveillé l'amour endormi dans les bois.

Puisque avril a semé ses marguerites blanches,
Laisse ta mante lourde et ton manchon frileux;
Déjà l'oiseau t'appelle, et tes soeurs les pervenches
Te souriront dans l'herbe en voyant tes yeux bleus.

Viens, partons! Au matin, la source est plus limpide;
N'attendons pas du jour les brûlantes chaleurs;
Je veux mouiller mes pieds dans la rosée humide,
Et te parler d'amour sous les poiriers en fleurs!


Par: Louis Bouilhet

Ajoutée par Savinien le 27/01/2022

Catégories:

Acte I, Scène 1


Je languis nuit et jour, et mon mal est extrême,
Depuis qu'à vos rigueurs vos beaux yeux m'ont soumis;
Si vous traitez ainsi, belle Iris, qui vous aime,
Hélas! Que pourriez-vous faire à vos ennemis?


Par: Jean-Baptiste Poquelin (Molière)

Ajoutée par Savinien le 24/01/2022

Catégories:

Acte IV, Scène 3


Mon père s'exilait; nous partirons ensemble;
Il sied que le destin jusqu'au bout nous rassemble.
- Que mon malheur du moins serve à tous de leçon:
Pour mieux vaincre à jamais l'esprit de trahison,
Songez à vos enfants! Songez que d'un tel crime
Votre race serait l'éternelle victime,
Et que tous les remords, tous les pleurs d'ici-bas,
Toutes les eaux du ciel ne l'effaceraient pas!


Par: Henri de Bornier

Ajoutée par Savinien le 25/08/2021

Catégories:

Acte IV, Scène 3


Oui, sire, ce bienfait, cette faveur insigne,
C'est en les refusant que j'en puis être digne!
J'entends là cette voix qui ne saurait mentir:
Je suis le fils du crime, et non du repentir!
Afin qu'aux yeux de tous la leçon soit plus haute,
Je veux que le malheur soit plus grand que la faute!
Et le père sera d'autant mieux pardonné
Que le fils innocent se sera condamné!


Par: Henri de Bornier

Ajoutée par Savinien le 25/08/2021

Catégories:

Acte IV, Scène 3


J'aime sire Gérald, autant que je l'honore;
Je l'aime maintenant d'un coeur plus attendri,
Car ce qui l'a frappé ne l'a pas amoindri;
Son honneur reste pur dans la cruelle épreuve,
Et la source n'a pas empoisonné le fleuve.
Je lui donnai mon âme, ici comme à Montblois,
Pour sa jeune vertu, pour ses nouveaux exploits,
Et je ne saurais pas de trahison plus noire
D'aimer moins son affront que je n'aimais sa gloire!


Par: Henri de Bornier

Ajoutée par Savinien le 25/08/2021

Catégories:

Acte III, Scène 4


Sire, ces armes-là,
Je les laisse aux vassaux, aux ribauds, aux esclaves,
Et m'en tiens à l'épée, à l'arme des vrais braves!
Maudit soit le premier soldat qui fut archer;
C'était un lâche, au fond: il n'osait approcher!


Par: Henri de Bornier

Ajoutée par Savinien le 25/08/2021

Catégories:

Acte III, Scène 2


Enfant! Tu pleures? Eh pourquoi?
Juges en mieux, et sois plus forte; écoute-moi:
Ce qui tourmente une âme au déclin de la vie,
Ce n'est plus ou l'orgueil, ou la crainte, ou l'envie:
C'est un désir ardent et plein d'anxiété
De se juger soi-même en toute vérité;
Aucun homme, aucun roi jusqu'au fond de son être
Ne descend tant qu'il vit... Mourir, c'est se connaitre!


Par: Henri de Bornier

Ajoutée par Savinien le 25/08/2021

Catégories:

Acte II, scène 8


Je vous ai deviné, j'ai vu de jour en jour
Naitre comme le mien et grandir votre amour;
En vain vous vous taisiez; j'écoutais ce silence,
Le coeur entend le coeur qui se fait violence.


Par: Henri de Bornier

Ajoutée par Savinien le 25/08/2021

Catégories:

Acte II, Scène 2


Oui, je l'aime! Et ce mot
Semble élargir mon coeur à le dire tout haut!
Oui, mon père, je l'aime autant que je l'admire:
Ses yeux où l'on dirait qu'un coin du ciel se mire,
Son âme qui rayonne à travers la beauté,
Sa voix... Quel homme au monde aurait donc résisté?
Je l'aime! Est-ce folie ou raison? Je l'ignore.
Je l'aime! Tout est là; que vous dirais je encore?


Par: Henri de Bornier

Ajoutée par Savinien le 25/08/2021

Catégories:

Acte I, Scène 1


Notre âme en vain se voile et se retire,
Le regard d'un enfant saura toujours y lire!


Par: Henri de Bornier

Ajoutée par Savinien le 25/08/2021

Catégories:

Lettre


Je suis très loin de vous, très loin, ma chère Aimée.
Comme la vie est dure aux pauvres amoureux!...
Trouvez-vous pas qu'ensemble on était bien heureux?
Ah! La chambre bien close, et tiède, et parfumée!

Écrivez-moi souvent. Dites-moi s'il fait beau,
Si vous m'aimez toujours, si nul ne me dérobe
Votre coeur?... Contez-moi votre nouvelle robe
Et si vous avez mis votre joli chapeau.

C'est affreux de songer le soir, petite amie,
Que loin, si loin de moi, vous êtes endormie.
Et je pense aux frisons serrés de votre cou,

A votre bouche, à vos yeux clairs, à votre rire...
Adieu, mon cher trésor. Je voulais vous écrire
Ceci, tout simplement: je vous aime beaucoup.


Par: Edmond Rostand

Ajoutée par Savinien le 19/05/2021

Catégories:

Acte I, Scène 4


O rage! O désespoir! O vieillesse ennemie!
N'ai-je donc tant vécu que pour cette infamie?
Et ne suis-je blanchi dans les travaux guerriers
Que pour voir en un jour flétrir tant de lauriers?
Mon bras qu'avec respect toute l'Espagne admire,
Mon bras, qui tant de fois a sauvé cet empire,
Tant de fois affermi le trône de son roi,
Trahit donc ma querelle, et ne fait rien pour moi?


Par: Pierre Corneille

Extrait de: Le Cid (1636)

Ajoutée par Savinien le 17/05/2021

Catégories:

Acte IV, Scène 2


Chacun peut la vanter avec quelque justice,
Mais pour moi sa louange est un nouveau supplice.
On aigrit ma douleur en l'élevant si haut:
Je vois ce que je perds quand je vois ce qu'il vaut.
Ah! Cruels déplaisirs à l'esprit d'une amante!
Plus j'apprends son mérite, et plus mon feu s'augmente:
Cependant mon devoir est toujours le plus fort,
Et malgré mon amour va poursuivre sa mort.


Par: Pierre Corneille

Extrait de: Le Cid (1636)

Ajoutée par Savinien le 17/05/2021

Catégories:

Acte I, Scène 4


Ah! Non! C'est un peu court, jeune homme!
On pouvait dire... Oh! Dieu!... Bien des choses en somme...
En variant le ton, — par exemple, tenez:
Agressif: « Moi, monsieur, si j'avais un tel nez,
Il faudrait sur-le-champ que je me l'amputasse! »
Amical: « Mais il doit tremper dans votre tasse!
Pour boire, faites-vous fabriquer un hanap! »
Descriptif: « C'est un roc!... C'est un pic!... C'est un cap!
Que dis-je, c'est un cap?... C'est une péninsule! »
Curieux: « De quoi sert cette oblongue capsule?
D'écritoire, monsieur, ou de boîte à ciseaux? »
Gracieux: « Aimez-vous à ce point les oiseaux
Que paternellement vous vous préoccupâtes
De tendre ce perchoir à leurs petites pattes? »
Truculent: « Çà, monsieur, lorsque vous pétunez,
La vapeur du tabac vous sort-elle du nez
Sans qu'un voisin ne crie au feu de cheminée? »
Prévenant: « Gardez-vous, votre tête entraînée
Par ce poids, de tomber en avant sur le sol! »
Tendre: « Faites-lui faire un petit parasol
De peur que sa couleur au soleil ne se fane! »
Pédant: « L'animal seul, monsieur, qu'Aristophane
Appelle Hippocampelephantocamélos
Dut avoir sous le front tant de chair sur tant d'os! »
Cavalier: « Quoi, l'ami, ce croc est à la mode?
Pour pendre son chapeau, c'est vraiment très commode! »
Emphatique: « Aucun vent ne peut, nez magistral,
T'enrhumer tout entier, excepté le mistral! »
Dramatique: « C'est la Mer Rouge quand il saigne! »
Admiratif: « Pour un parfumeur, quelle enseigne! »
Lyrique: « Est-ce une conque, êtes-vous un triton? »
Naïf: « Ce monument, quand le visite-t-on? »
Respectueux: « Souffrez, monsieur, qu'on vous salue,
C'est là ce qui s'appelle avoir pignon sur rue! »
Campagnard: « Hé, ardé! C'est-y un nez? Nanain!
C'est queuqu'navet géant ou ben queuqu'melon nain! »
Militaire: « Pointez contre cavalerie! »
Pratique: « Voulez-vous le mettre en loterie?
Assurément, monsieur, ce sera le gros lot! »
Enfin parodiant Pyrame en un sanglot:

« Le voilà donc ce nez qui des traits de son maître
A détruit l'harmonie! Il en rougit, le traître! »
- Voilà ce qu'à peu près, mon cher, vous m'auriez dit
Si vous aviez un peu de lettres et d'esprit:
Mais d'esprit, ô le plus lamentable des êtres,
Vous n'en eûtes jamais un atome, et de lettres
Vous n'avez que les trois qui forment le mot: sot!
Eussiez-vous eu, d'ailleurs, l'invention qu'il faut
Pour pouvoir là, devant ces nobles galeries,
Me servir toutes ces folles plaisanteries,
Que vous n'en eussiez pas articulé le quart
De la moitié du commencement d'une, car
Je me les sers moi-même, avec assez de verve,
Mais je ne permets pas qu'un autre me les serve.


Par: Edmond Rostand

Ajoutée par Cyrano-Savinien-Hercule De Bergerac le 10/05/2021

Catégories:

Acte I, Scène 4


La ballade, donc, se compose de trois
Couplets de huit vers. . .

Oh!

Et d'un envoi de quatre...

Vous...

Je vais tout ensemble en faire une et me battre,
Et vous toucher, monsieur, au dernier vers.

Non!

Non?
(Déclamant.)
« Ballade du duel qu'en l'hôtel bourguignon
Monsieur de Bergerac eut avec un bélître ! »

Qu'est-ce que c'est que ça, s'il vous plaît ?

C'est le titre.


Par: Edmond Rostand

Ajoutée par Cyrano-Savinien-Hercule De Bergerac le 10/05/2021

Catégories:

Iris, vos yeux malins ne disent pas toujours
Ce que votre pensée à votre coeur confie ;
Iris, pourquoi faut-il que je passe ma vie
A plus aimer vos yeux qui m'ont joué ces tours?


Par: Alexandre Dumas (père)

Ajoutée par Savinien le 06/04/2021

Catégories:

La fête chez Thérèse


La nuit vint; tout se tut; les flambeaux s'éteignirent;
Dans les bois assombris les sources se plaignirent;
Le rossignol, caché dans son nid ténébreux,
Chanta comme un poète et comme un amoureux.
Chacun se dispersa sous les profonds feuillages;
Les folles en riant entraînèrent les sages;
L'amante s'en alla dans l'ombre avec l'amant;
Et, troublés comme on l'est en songe, vaguement,
Ils sentaient par degrés se mêler à leur âme,
A leurs discours secrets, à leurs regards de flamme,
A leur coeur, à leurs sens, à leur molle raison,
Le clair de lune bleu qui baignait l'horizon.


Par: Victor Hugo

Ajoutée par Savinien le 22/03/2021

Catégories:

Vere novo


Comme le matin rit sur les roses en pleurs!
Oh! Les charmants petits amoureux qu'ont les fleurs!
Ce n'est dans les jasmins, ce n'est dans les pervenches
Qu'un éblouissement de folles ailes blanches
Qui vont, viennent, s'en vont, reviennent, se fermant,
Se rouvrant, dans un vaste et doux frémissement.
O printemps! Quand on songe à toutes les missives
Qui des amants rêveurs vont aux belles pensives,
A ces coeurs confiés au papier, à ce tas
De lettres que le feutre écrit au taffetas,
Aux messages d'amour, d'ivresse et de délire
Qu'on reçoit en avril et qu'en mai l'on déchire,
On croit voir s'envoler, au gré du vent joyeux,
Dans les prés, dans les bois, sur les eaux, dans les cieux,
Et rôder en tous lieux, cherchant partout une âme,
Et courir à la fleur en sortant de la femme,
Les petits morceaux blancs, chassés en tourbillons,
De tous les billets doux, devenus papillons.


Par: Victor Hugo

Ajoutée par Savinien le 22/03/2021

Catégories:

A un poète aveugle


Merci, poète ! - Au seuil de mes lares pieux,
Comme un hôte divin, tu viens et te dévoiles;
Et l'auréole d'or de tes vers radieux
Brille autour de mon nom comme un cercle d'étoiles.

Chante! Milton chantait; chante! Homère a chanté.
Le poète des sens perce la triste brume;
L'aveugle voit dans l'ombre un monde de clarté.
Quand l'oeil du corps s'éteint, l'oeil de l'esprit s'allume.


Par: Victor Hugo

Ajoutée par Savinien le 22/03/2021

Catégories:

Acte V, Scène 5


Frère! Allons d'un pas ferme au-devant de leurs coups.
Que ce soit l'échafaud qui tremble et non pas nous.
On veut notre tête! Eh! Pour n'être pas en faute,
Au bourreau qui l'attend il faut la porter haute.


Par: Victor Hugo

Ajoutée par Savinien le 08/03/2021

Catégories:

Acte IV, Scène 8


Attendez, sire! - Un jour, un mois, l'an révolu,
Lorsque nous aurons bien, durant le temps voulu,
Fait tous trois, moi le fou, vous le roi, lui le maître,
Nous nous endormirons, et, si fier qu'on puisse être,
Si grand que soit un homme au compte de l'orgueil,
Nul n'a plus de six pieds de haut dans le cercueil!


Par: Victor Hugo

Ajoutée par Savinien le 08/03/2021

Catégories:

Acte III, Scène 6


Mais je dois t'avertir, oui, mon astre est mauvais:
J'ignore d'où je viens et j'ignore où je vais.
Mon ciel est noir. - Marie, écoute une prière: -
Il en est temps encore, toi, retourne en arrière;
Laisse-moi suivre seul ma sombre route; hélas!
Après ce dur voyage, et quand je serai las,
La couche qui m'attend, froide d'un froid de glace,
Est étroite, et pour deux n'a pas assez de place.


Par: Victor Hugo

Ajoutée par Savinien le 08/03/2021

Catégories:

Pg 1/18