Citations de Clotilde, de Alphonse Karr

2 Citations

Je n'ai jamais trouvé irréparable le temps qui s'en va, et il est toujours en ma puissance de revoir les jours passés. Nous disons que le temps passe, comme il semble que les arbres s'enfuient en déroute sur les deux rives d'un fleuve dont le courant nous entraîne. Le temps est immobile, et c'est l'homme qui passe; mais il peut, quand cela lui plaît, revenir sur ses pas et parcourir de nouveau la partie de la rive où il a trouvé les plus belles fleurs et les plus doux parfums. Il peut revenir encore entendre cet oiseau qui chantait dans l'aubépine en fleurs quand il a passé la première fois. Cette puissance magique est ce qu'on appelle le souvenir.


Par: Alphonse Karr

Extrait de: Clotilde (1839)

Ajoutée par Savinien le 08/07/2013

Catégories:

J'aime la nuit. A cette heure, l'homme qui veille possède à lui seul tout ce que, le jour, il lui faut partager avec tout le monde.
La lune est à lui avec ses bleuâtres clartés.
C'est pour lui seul que les acacias ouvrent leurs petites cassolettes blanches pleines de parfums.
A lui tout seul est cette belle voûte bleue du ciel avec ses étoiles d'or.
Et les chants mélancoliques du rossignol dans les chèvrefeuilles en fleurs.
Et, comme si ce n'était pas assez encore d'hériter ainsi, pendant plusieurs heures, de tous les gens qui dorment, le poète qui veille voit pour lui la nature se remplir de créations nouvelles.
Les peupliers deviennent une longue file de grands fantômes noirs.
Le vent, dans les feuilles, lui dit des choses plus belles que la poésie et la musique n'en peuvent exprimer.
Les ombres de ses journées lui apparaissent, et ses amours morts se réveillent et viennent peupler avec lui cette terre dont il est le roi - jusqu'au jour.
Les vers luisants s'allument dans l'herbe comme les étoiles dans le ciel.
Tout se pare et s'embellit.
La nature, qui se trouvait suffisante le jour pour tous les hommes réunis, revêt pour le poète seul de plus magnifiques atours. C'est que le monde entier, c'est la foule; le poète, c'est l'amant...


Par: Alphonse Karr

Extrait de: Clotilde (1839)

Ajoutée par Savinien le 08/07/2013