Citations de Contes et poésies, de François Edouard Joachim Coppée

6 Citations

Le corset


Vraiment, je lui trouvais l'air honnête et gentil,
A ce petit corset, simple et svelte, en coutil;
Mais, hier, je ne l'ai plus revu dans la boutique.
Une enfant du faubourg, jolie et chlorotique,
L'a sans doute lacé sur ses mignons appâts.
Et c'est attendrissant de penser, n'est-ce pas?
Qu'il enferme à présent le sein pur d'une vierge,
Ouvrière en journée ou fille de concierge,
Et que, songeant tout bas: « L'amour? Qu'est-ce que c'est? »
Un coeur battra bientôt sous le petit corset.


Par: François Edouard Joachim Coppée

Extrait de: Contes et poésies

Ajoutée par Savinien le 13/01/2011

Catégories:

Caprice attendri


Au paradis d'amour, mon enfant, je le sais,
On ne mord qu'une fois la pomme tentatrice;
Et nous portons tous deux l'ardente cicatrice
Du coup qui pour jamais jadis nous a blessés.

Mais pour ne plus avoir les espoirs insensés,
Il ne faut pourtant pas que tout bonheur périsse;
Nous savons le saisir encore dans un caprice,
Nous nous attendrissons une heure, et c'est assez.

Renouvelons, veux-tu? L'illusion charmante;
Jette-moi tes deux bras au cou, comme une amante,
Baise-moi sur la bouche et dis moi: « M'aimes-tu? »

Mon enfant, oublions l'éden et notre chute,
Et bénissons l'amour, si, pour une minute,
Nos yeux se sont mouillés et nos coeurs ont battu.


Par: François Edouard Joachim Coppée

Extrait de: Contes et poésies

Ajoutée par Savinien le 13/01/2011

Catégories:

Brune


Sur le terrain de foire au grand soleil brûlé,
Le cirque des chevaux de bois s'est ébranlé
Et l'orgue attaque l'air connu: « Tant mieux pour elle! »
Mais la brune grisette a fermé son ombrelle,
Et, bien en selle, avec un petit air vainqueur,
Elle va se payer deux sous de mal de coeur.
Elle rit, car déjà le mouvement rapide
Colle ses frisons noirs sur son front intrépide,
Et le vent fait flotter sa jupe et laisse voir
Un gai petit mollet, en bas rouge à coin noir.


Par: François Edouard Joachim Coppée

Extrait de: Contes et poésies

Ajoutée par Savinien le 11/01/2011

Catégories:

Sur une tombe au printemps


La vieille croix s'effrite au fond du cimetière,
Mais avril embellit le signe des douleurs;
La fauvette y fait halte, et de ses douces fleurs
Un sauvage églantier la couvre toute entière.

La voix du rossignol vaut bien une prière,
Et moins que la rosée un regret a de pleurs.
Dans ces parfums, dans ces chansons, dans ces couleurs,
On sent revivre ici l'immortelle matière.

O vieux mort oublié! De qui l'orgueil humain
A sans doute rêvé l'éternel lendemain
Au sein du paradis, dans les apothéoses,

Aujourd'hui n'as-tu pas un destin aussi beau,
Si ton esprit épars autour de ce tombeau
Chante avec les oiseaux et fleurit dans les roses?


Par: François Edouard Joachim Coppée

Extrait de: Contes et poésies

Ajoutée par Savinien le 11/01/2011

Catégories:

Vieux brouillon de lettre


Adieu! J'ai peur d'aimer. Quittons-nous ce soir même.
Je te ferais souffrir et tu me rendrais fou.
Ainsi qu'une coquette ôte un collier qu'elle aime,
Je détache à regret tes bras blancs de mon cou.

Adieu! L'amour viendrait. Bornons-nous au caprice.
Ne nous torturons pas des larmes du départ.
Adieu! Mon coeur blessé saigne à sa cicatrice.
J'ai tant souffert, vois-tu, pour avoir fui trop tard.

[...]

Mais puis-je, pauvre et fier, te garder, toi, trop belle?
C'est impossible, hélas! Epargnons-nous des pleurs.
Si nous tardions encore, - la vie est si cruelle! -
Nos soupirs d'aujourd'hui deviendraient des douleurs.

Ayons pitié de nous! Fuyons-nous, mon amie!
Mais souffre qu'en un rêve où sont mouillés mes yeux,
Je te revoie encore dans mes bras endormie
Et pose entre tes seins le baiser des adieux!


Par: François Edouard Joachim Coppée

Extrait de: Contes et poésies

Ajoutée par Savinien le 11/01/2011

Catégories:

Une aumône


Fumant à ma fenêtre, en été, chaque soir,
Je voyais cette femme, à l'angle d'un trottoir,
S'offrir à tous ainsi qu'une chose à l'enchère.
Non loin de là s'ouvrait une porte cochère
Où l'on entendait geindre, en s'abritant dessous,
Une fillette avec des bouquets de deux sous.
Et celle qui traînait la soie et l'infamie
Attendait que l'enfant se fût bien endormie,
Et lui faisait alors l'aumône seulement.
- Tu lui pardonneras, n'est-ce pas? Dieu clément!


Par: François Edouard Joachim Coppée

Extrait de: Contes et poésies

Ajoutée par Savinien le 11/01/2011

Catégories: