Citations de Les confessions, de Jean-Jacques Rousseau

80 Citations

Leurs amours avaient commencé presque avec leur vie: dès l'âge de huit à neuf ans ils se promenaient ensemble tous les soirs sur la Treille; à dix ans ils ne pouvaient plus se quitter. La sympathie, l'accord des âmes affermit en eux le sentiment qu'avait produit l'habitude. Tous deux, nés tendres et sensibles, n'attendaient que le moment de trouver dans un autre la même disposition, ou plutôt ce moment les attendait eux-mêmes, et chacun d'eux jeta son coeur dans le premier qui s'ouvrit pour le recevoir.


Par: Jean-Jacques Rousseau

Ajoutée par Savinien le 23/01/2012

 

J'ai toujours aimé l'eau passionnément, et sa vue me jette dans une rêverie délicieuse, quoique souvent sans objet déterminé.
Je ne manquais point à mon lever, lorsqu'il faisait beau, de courir sur la terrasse humer l'air salubre et frais du matin, et planer des yeux sur l'horizon de ce beau lac, dont les rives et les montagnes qui le bordent enchantaient ma vue.
Je ne trouve point de plus digne hommage à la Divinité que cette admiration muette qu'excite la contemplation de ses oeuvres, et qui ne s'exprime point par des actes développés.
Je comprends comment les habitants des villes, qui ne voient que des murs, des rues et des crimes, ont peu de foi; mais je ne puis comprendre comment des campagnards, et surtout des solitaires, peuvent n'en point avoir. Comment leur âme ne s'élève-t-elle pas cent fois le jour avec extase à l'auteur des merveilles qui les frappent?


Par: Jean-Jacques Rousseau

Ajoutée par Savinien le 15/11/2010

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L'oisiveté des cercles est tuante, parce qu'elle est de nécessité; celle de la solitude est charmante, parce qu'elle est libre et de volonté.
Dans une compagnie il m'est cruel de ne rien faire, parce que j'y suis forcé. Il faut que je reste là cloué sur une chaise ou debout, planté comme un piquet, sans remuer ni pied ni patte, n'osant ni courir, ni sauter, ni chanter, ni crier, ni gesticuler quand j'en ai envie, n'osant pas même rêver; ayant à la fois tout l'ennui de l'oisiveté et tout le tourment de la contrainte; obligé d'être attentif à toutes les sottises qui se disent et à tous les compliments qui se font, et de fatiguer incessamment ma Minerve, pour ne pas manquer de placer à mon tour mon rébus et mon mensonge. Et vous appelez cela de l'oisiveté! C'est un travail de forçat.


Par: Jean-Jacques Rousseau

Ajoutée par Savinien le 15/11/2010

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Cette île allait devenir pour moi celle de Papimanie, ce bienheureux pays où l'on dort: on y fait plus, on n'y fait nulle chose.
Ce plus était tout pour moi, car j'ai toujours peu regretté le sommeil; l'oisiveté me suffit; et pourvu que je ne fasse rien, j'aime encore mieux rêver éveillé qu'en songe.
L'âge des projets romanesques étant passé, et la fumée de la gloriole m'ayant plus étourdi que flatté, il ne me restait, pour dernière espérance, que celle de vivre sans gêne, dans un loisir éternel.
C'est la vie des bienheureux dans l'autre monde, et j'en faisais désormais mon bonheur suprême dans celui-ci.


Par: Jean-Jacques Rousseau

Ajoutée par Savinien le 15/11/2010

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Durant la dernière maladie de notre ami Mussard, Lenieps me proposa de profiter de la sensibilité qu'il marquait à nos soins, pour lui insinuer quelques dispositions en notre faveur.
« Ah! Cher Lenieps, lui dis-je, ne souillons pas par des idées d'intérêt les tristes mais sacrés devoirs que nous rendons à notre ami mourant. J'espère n'être jamais dans le testament de personne, et jamais du moins dans celui d'aucun de mes amis. »


Par: Jean-Jacques Rousseau

Ajoutée par Savinien le 15/11/2010

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Ayant quitté tout à fait la littérature, je ne songeai plus qu'à mener une vie tranquille et douce, autant qu'il dépendrait de moi.
Seul je n'ai jamais connu l'ennui, même dans le plus parfait désoeuvrement: mon imagination, remplissant tous les vides, suffit seule pour m'occuper.
Il n'y a que le bavardage inactif de chambre, assis les uns vis-à-vis des autres à ne mouvoir que la langue, que jamais je n'ai pu supporter. Quand on marche, qu'on se promène, encore passe; les pieds et les yeux font au moins quelque chose; mais rester là, les bras croisés, à parler du temps qu'il fait et des mouches qui volent, ou, qui pis est, à s'entre-faire des compliments, cela m'est un supplice insupportable.


Par: Jean-Jacques Rousseau

Ajoutée par Savinien le 15/11/2010

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On nous prêche beaucoup le pardon des offenses: c'est une fort belle vertu sans doute, mais qui n'est pas à mon usage. J'ignore si mon coeur saurait dominer sa haine, car il n'en a jamais senti; et je pense trop peu à mes ennemis, pour avoir le mérite de leur pardonner.
Je ne dirai pas à quel point, pour me tourmenter, ils se tourmentent eux-mêmes. Je suis à leur merci, ils ont tout pouvoir, ils en usent. Il n'y a qu'une seule chose au-dessus de leur puissance, et dont je les défie: c'est, en se tourmentant de moi, de me forcer à me tourmenter d'eux.


Par: Jean-Jacques Rousseau

Ajoutée par Savinien le 14/11/2010

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Mon talent était de dire aux hommes des vérités utiles, mais dures, avec assez d'énergie et de courage; il fallait m'y tenir.
Je n'étais point né, je ne dis pas pour flatter, mais pour louer. La maladresse des louanges que j'ai voulu donner m'a fait plus de mal que l'âpreté de mes censures.


Par: Jean-Jacques Rousseau

Ajoutée par Savinien le 14/11/2010

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L'amitié, l'amour, la vertu, règnent-ils donc à Paris plus qu'ailleurs? Non, sans doute; mais il y règne encore ce sens exquis qui transporte le coeur à leur image, et qui nous fait chérir dans les autres les sentiments purs, tendres, honnêtes, que nous n'avons plus.
La corruption désormais est partout la même: il n'existe plus ni moeurs ni vertus en Europe; mais s'il existe encore quelque amour pour elles, c'est à Paris qu'on doit le chercher.


Par: Jean-Jacques Rousseau

Ajoutée par Savinien le 14/11/2010

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Madame de Boufflers, s'étant aperçue de l'émotion qu'elle m'avait donnée, put s'apercevoir aussi que j'en avais triomphé.
Je ne suis ni assez fou ni assez vain pour croire avoir pu lui inspirer du goût à mon âge; mais, sur certains propos qu'elle tint à Thérèse, j'ai cru lui avoir inspiré de la curiosité; si cela est, et qu'elle ne m'ait pas pardonné cette curiosité frustrée, il faut avouer que j'étais bien né pour être victime de mes faiblesses, puisque l'amour vainqueur me fut si funeste, et que l'amour vaincu me le fut encore plus.


Par: Jean-Jacques Rousseau

Ajoutée par Savinien le 11/11/2010

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Cependant, à force de la voir, je finis par m'attacher à elle. Elle avait ses chagrins, ainsi que moi. Les confidences réciproques nous rendirent intéressants nos tête-à-tête.
Rien ne lie tant les coeurs que la douceur de pleurer ensemble. Nous nous cherchions pour nous consoler, et ce besoin m'a souvent fait passer sur beaucoup de choses.


Par: Jean-Jacques Rousseau

Ajoutée par Savinien le 11/11/2010

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Mademoiselle d'Ars, fille du comte d'Ars, homme de condition, mais pauvre, avait épousé M. de Verdelin, vieux, laid, sourd, dur, brutal, jaloux, balafré, borgne, au demeurant bon homme quand on savait le prendre, et possesseur de quinze à vingt mille livres de rentes, auxquelles on la maria.
Ce mignon, jurant, criant, grondant, tempêtant, et faisant pleurer sa femme toute la journée, finissait par faire toujours ce qu'elle voulait, et cela pour la faire enrager, attendu qu'elle savait lui persuader que c'était lui qui le voulait, et que c'était elle qui ne le voulait pas.


Par: Jean-Jacques Rousseau

Ajoutée par Savinien le 11/11/2010

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Avec quel empressement je courais tous les matins, au lever du soleil, respirer un air embaumé sur le péristyle! Quel bon café au lait j'y prenais tête à tête avec ma Thérèse! Ma chatte et mon chien nous faisaient compagnie.
Ce seul cortège m'eût suffi pour toute ma vie, sans éprouver jamais un moment d'ennui. J'étais là dans le paradis terrestre; j'y vivais avec autant d'innocence, et j'y goûtais le même bonheur.


Par: Jean-Jacques Rousseau

Ajoutée par Savinien le 11/11/2010

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Je ne sais par quelle fantaisie Rey me pressait depuis longtemps d'écrire les Mémoires de ma vie.
Quoiqu'ils ne fussent pas jusqu'alors fort intéressants par les faits, je sentis qu'ils pouvaient le devenir par la franchise que j'étais capable d'y mettre; et je résolus d'en faire un ouvrage unique, par une véracité sans exemple, afin qu'au moins une fois on pût voir un homme tel qu'il était en dedans.
J'avais toujours ri de la fausse naïveté de Montaigne, qui, faisant semblant d'avouer ses défauts, a grand soin de ne s'en donner que d'aimables; tandis que je sentais, moi qui me suis cru toujours, et qui me crois encore, à tout prendre, le meilleur des hommes, qu'il n'y a point d'intérieur humain, si pur qu'il puisse être, qui ne recèle quelque vice odieux.


Par: Jean-Jacques Rousseau

Ajoutée par Savinien le 11/11/2010

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Tout ce qui venait de m'arriver m'avait absolument dégoûté des gens de lettres, et j'avais éprouvé qu'il était impossible de courir la même carrière, sans avoir quelques liaisons avec eux.
Je ne l'étais guère moins des gens du monde, et en général de la vie mixte que je venais de mener, moitié à moi-même, et moitié à des sociétés pour lesquelles je n'étais point fait.
Je sentais plus que jamais, et par une constante expérience, que toute association inégale est toujours désavantageuse au parti faible.


Par: Jean-Jacques Rousseau

Ajoutée par Savinien le 11/11/2010

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Depuis que j'avais secoué le joug de mes tyrans, je menais une vie assez égale et paisible: privé du charme des attachements trop vifs, j'étais libre aussi du poids de leurs chaînes.


Par: Jean-Jacques Rousseau

Ajoutée par Savinien le 11/11/2010

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Si un seul homme généreux me fût venu dire: Vous faites le vertueux, cependant voilà comme on vous traite, et voilà sur quoi l'on vous juge: qu'avez-vous à dire? La vérité triomphait, et Grimm était perdu.
Il le savait; mais il a sondé son propre cœur, et n'a estimé les hommes que ce qu'ils valent.
Je suis fâché, pour l'honneur de l'humanité, qu'il ait calculé si juste.


Par: Jean-Jacques Rousseau

Ajoutée par Savinien le 11/11/2010

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Enfin, quand il eut mis à son gré, entre lui et moi, toute la distance qui pouvait donner du prix à la grâce qu'il m'allait faire, il m'accorda le baiser de paix dans un léger embrassement qui ressemblait à l'accolade que le roi donne aux nouveaux chevaliers.
Je tombais des nues, j'étais ébahi, je ne savais que dire, je ne trouvais pas un mot. Toute cette scène eut l'air de la réprimande qu'un précepteur fait à son disciple, en lui faisant grâce du fouet.
Je n'y pense jamais sans sentir combien sont trompeurs les jugements fondés sur l'apparence, auxquels le vulgaire donne tant de poids, combien souvent l'audace et la fierté sont du côté du coupable, la honte et l'embarras du côté de l'innocent.


Par: Jean-Jacques Rousseau

Ajoutée par Savinien le 11/11/2010

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C'est à la campagne qu'on apprend à aimer et à servir l'humanité; on n'apprend qu'à la mépriser dans les villes.


Par: Jean-Jacques Rousseau

Ajoutée par Savinien le 08/11/2010

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Enfin, dans un transport involontaire, elle s'écria: Non, jamais homme ne fut si aimable; et jamais amant n'aima comme vous! Mais votre ami Saint-Lambert nous écoute, et mon cœur ne saurait aimer deux fois.
Je me tus en soupirant; je l'embrassai... Quel embrassement! Mais ce fut tout. Il y avait six mois qu'elle vivait seule, c'est-à-dire loin de son amant et de son mari; il y en avait trois que je la voyais presque tous les jours, et toujours l'amour en tiers entre elle et moi.
Nous avions soupé tête-à-tête, nous étions seuls, dans un bosquet au clair de lune; et après deux heures de l'entretien le plus vif et le plus tendre, elle sortit au milieu de la nuit de ce bosquet et des bras de son ami, aussi intacte, aussi pure de corps et de coeur qu'elle y était entrée.
Lecteur, pesez toutes ces circonstances, je n'ajouterai rien de plus.


Par: Jean-Jacques Rousseau

Ajoutée par Savinien le 08/11/2010

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Grande leçon pour les âmes honnêtes, que le vice n'attaque jamais à découvert, mais qu'il trouve le moyen de surprendre, en se masquant toujours de quelque sophisme, et souvent de quelque vertu.


Par: Jean-Jacques Rousseau

Ajoutée par Savinien le 08/11/2010

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Le retour du printemps avait redoublé mon tendre délire, et dans mes érotiques transports j'avais composé pour les dernières parties de la Julie plusieurs lettres qui se sentent du ravissement dans lequel je les écrivis.
Je puis citer entre autres celle de l'Élysée, et de la promenade sur le lac, qui, si je m'en souviens bien, sont à la fin de la quatrième partie.
Quiconque en lisant ces deux lettres ne sent pas amollir et fondre son coeur dans l'attendrissement qui me les dicta, doit fermer le livre: il n'est pas fait pour juger des choses de sentiment.


Par: Jean-Jacques Rousseau

Ajoutée par Savinien le 08/11/2010

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Une fille faible est un objet de pitié que l'amour peut rendre intéressant, et qui souvent n'est pas moins aimable: mais qui peut supporter sans indignation le spectacle des moeurs à la mode? et qu'y a-t-il de plus révoltant que l'orgueil d'une femme infidèle, qui, foulant ouvertement aux pieds tous ses devoirs, prétend que son mari soit pénétré de reconnaissance de la grâce qu'elle lui accorde de vouloir bien ne pas se laisser prendre sur le fait?
Les êtres parfaits ne sont pas dans la nature, et leurs leçons ne sont pas assez près de nous.


Par: Jean-Jacques Rousseau

Ajoutée par Savinien le 08/11/2010

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Voltaire, en paraissant toujours croire en Dieu, n'a réellement jamais cru qu'au diable, puisque son dieu prétendu n'est qu'un être malfaisant qui, selon lui, ne prend plaisir qu'à nuire.


Par: Jean-Jacques Rousseau

Ajoutée par Savinien le 08/11/2010

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Comment se pouvait-il qu'avec une âme naturellement expansive, pour qui vivre c'était aimer, je n'eusse pas trouvé jusqu'alors un ami tout à moi, un véritable ami, moi qui me sentais si bien fait pour l'être?
Comment se pouvait-il qu'avec des sens si combustibles, avec un coeur tout pétri d'amour, je n'eusse pas du moins une fois brûlé de sa flamme pour un objet déterminé?
Dévoré du besoin d'aimer sans jamais l'avoir pu bien satisfaire, je me voyais atteindre aux portes de la vieillesse, et mourir sans avoir vécu.


Par: Jean-Jacques Rousseau

Ajoutée par Savinien le 08/11/2010

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La distance où j'étais de Paris n'empêchait pas qu'il ne me vînt journellement des tas de désoeuvrés qui, ne sachant que faire de leur temps, prodiguaient le mien sans aucun scrupule.
Quand j'y pensais le moins, j'étais impitoyablement assailli; et rarement j'ai fait un joli projet pour ma journée, sans le voir renverser par quelque arrivant.


Par: Jean-Jacques Rousseau

Ajoutée par Savinien le 08/11/2010

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La haute opinion qu'il avait des connaissances modernes lui avait fait adopter ce faux principe de la raison perfectionnée, base de tous les établissements qu'il proposait, et source de tous ses sophismes politiques.
Cet homme rare, l'honneur de son siècle et de son espèce, et le seul peut-être, depuis l'existence du genre humain, qui n'eut d'autre passion que celle de la raison, ne fit cependant que marcher d'erreur en erreur dans tous ses systèmes, pour avoir voulu rendre les hommes semblables à lui, au lieu de les prendre tels qu'ils sont, et qu'ils continueront d'être.
Il n'a travaillé que pour des êtres imaginaires, en pensant travailler pour ses contemporains.


Par: Jean-Jacques Rousseau

Ajoutée par Savinien le 08/11/2010

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Ce fut alors que je sentis vivement le tort que j'avais eu durant nos premières liaisons, de ne pas profiter de la docilité que lui donnait son amour, pour l'orner de talents et de connaissances qui, nous tenant plus rapprochés dans notre retraite, aurait agréablement rempli son temps et le mien, sans jamais nous laisser sentir la longueur du tête-à-tête.
Ce n'était pas que l'entretien tarît entre nous, et qu'elle parût s'ennuyer dans nos promenades; mais enfin nous n'avions pas assez d'idées communes pour nous faire un grand magasin: nous ne pouvions plus parler sans cesse de nos projets, bornés désormais à celui de jouir. Les objets qui se présentaient m'inspiraient des réflexions qui n'étaient pas à sa portée.
Un attachement de douze ans n'avait plus besoin de paroles; nous nous connaissions trop pour avoir plus rien à nous apprendre.


Par: Jean-Jacques Rousseau

Ajoutée par Savinien le 08/11/2010

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Jusque-là j'avais été bon; dès lors je devins vertueux, ou du moins enivré de la vertu. Cette ivresse avait commencé dans ma tête, mais elle avait passé dans mon coeur. Le plus noble orgueil y germa sur les débris de la vanité déracinée.
Je ne jouai rien; je devins en effet tel que je parus; et pendant quatre ans au moins que dura cette effervescence dans toute sa force, rien de grand et de beau ne peut entrer dans un coeur d'homme, dont je ne fusse capable entre le ciel et moi.
Voilà d'où naquit ma subite éloquence, voilà d'où se répandit dans mes premiers livres ce feu vraiment céleste qui m'embrasait, et dont pendant quarante ans il ne s'était pas échappé la moindre étincelle, parce qu'il n'était pas encore allumé.


Par: Jean-Jacques Rousseau

Ajoutée par Savinien le 08/11/2010

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J'étais fort aise de lui rendre de petits soins, de lui donner de petits baisers bien fraternels, qui ne me paraissaient pas plus sensuels pour elle: c'était là tout.
Elle était fort maigre, fort blanche, de la gorge comme sur ma main. Ce défaut seul eût suffi pour me glacer: jamais mon coeur ni mes sens n'ont su voir une femme dans quelqu'un qui n'eût pas des tétons; et d'autres causes inutiles à dire m'ont toujours fait oublier son sexe auprès d'elle.


Par: Jean-Jacques Rousseau

Ajoutée par Savinien le 08/11/2010

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Quelle est la nature du gouvernement propre à former le peuple le plus vertueux, le plus éclairé, le plus sage, le meilleur enfin, à prendre ce mot dans son plus grand sens?
J'avais cru voir que cette question tenait de bien près à cette autre-ci, si même elle en était différente: quel est le gouvernement qui, par sa nature, se tient toujours le plus près de la loi?


Par: Jean-Jacques Rousseau

Ajoutée par Savinien le 08/11/2010

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Non, non: j'ai toujours senti que l'état d'auteur n'était, ne pouvait être illustre et respectable, qu'autant qu'il n'était pas un métier.
Il est trop difficile de penser noblement, quand on ne pense que pour vivre. Pour pouvoir, pour oser dire de grandes vérités, il ne faut pas dépendre de son succès.


Par: Jean-Jacques Rousseau

Ajoutée par Savinien le 08/11/2010

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J'aurais pu me jeter tout à fait du côté le plus lucratif; et au lieu d'asservir ma plume à la copie, la dévouer entière à des écrits qui, du vol que j'avais pris et que je me sentais en état de soutenir, pouvaient me faire vivre dans l'abondance et même dans l'opulence, pour peu que j'eusse voulu joindre des manoeuvres d'auteur au soin de publier de bons livres.
Mais je sentais qu'écrire pour avoir du pain eût bientôt étouffé mon génie et tué mon talent, qui était moins dans ma plume que dans mon cœur, et né uniquement d'une façon de penser élevée et fière, qui seul pouvait le nourrir. Rien de vigoureux, rien de grand ne peut partir d'une plume toute vénale.


Par: Jean-Jacques Rousseau

Ajoutée par Savinien le 08/11/2010

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Je n'avais pas un sou de rente: mais j'avais un nom, des talents; j'étais sobre, et je m'étais ôté les besoins les plus dispendieux, tous ceux de l'opinion.
Outre cela, quoique paresseux, j'étais laborieux cependant quand je voulais l'être; et ma paresse était moins celle d'un fainéant, que celle d'un homme indépendant, qui n'aime à travailler qu'à son heure.


Par: Jean-Jacques Rousseau

Ajoutée par Savinien le 08/11/2010

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On dirait qu'il n'y a que les noirs complots des méchants qui réussissent; les projets innocents des bons n'ont presque jamais d'accomplissement.


Par: Jean-Jacques Rousseau

Ajoutée par Savinien le 07/11/2010

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Ce sage de coeur ainsi que de tête se connaissait en hommes, et fut mon ami. C'est toute ma réponse à quiconque ne l'est pas.


Par: Jean-Jacques Rousseau

Ajoutée par Savinien le 07/11/2010

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M. le président de Lamoignon, grand ami de la maison, y dîna aussi. Il avait, ainsi que madame de Broglie, ce petit jargon de Paris, tout en petits mots, tout en petites allusions fines. Il n'y avait pas là de quoi briller pour le pauvre Jean-Jacques.
J'eus le bon sens de ne vouloir pas faire le gentil malgré Minerve, et je me tus. Heureux si j'eusse été toujours aussi sage! Je ne serais pas dans l'abîme où je suis aujourd'hui.


Par: Jean-Jacques Rousseau

Ajoutée par Savinien le 07/11/2010

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On ne fait rien dans Paris que par les femmes: ce sont comme des courbes dont les sages sont les asymptotes; ils s'en approchent sans cesse, mais ils n'y touchent jamais.


Par: Jean-Jacques Rousseau

Ajoutée par Savinien le 07/11/2010

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De quelque folie que je m'engouasse, j'y portais toujours la même manière de raisonner. Je me disais: Quiconque prime en quelque chose est toujours sûr d'être recherché. Primons donc, n'importe en quoi; je serai recherché, les occasions se présenteront, et mon mérite fera le reste.
Cet enfantillage n'était pas le sophisme de ma raison, c'était celui de mon indolence. Effrayé des grands et rapides efforts qu'il aurait fallu faire pour m'évertuer, je tâchais de flatter ma paresse, et je m'en voilais la honte par des arguments dignes d'elle.


Par: Jean-Jacques Rousseau

Ajoutée par Savinien le 07/11/2010

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Durant mes conférences avec ces messieurs je me convainquis, avec autant de certitude que de surprise, que si quelquefois les savants ont moins de préjugés que les autres hommes, ils tiennent, en revanche, encore plus fortement à ceux qu'ils ont.


Par: Jean-Jacques Rousseau

Ajoutée par Savinien le 07/11/2010

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Persuadé qu'elle serait heureuse avec lui, je désirai qu'il l'épousât, comme il a fait dans la suite; et, pour ne pas troubler leurs innocentes amours, je me hâtai de partir, faisant pour le bonheur de cette charmante personne des voeux qui n'ont été exaucés ici-bas que pour un temps, hélas! Bien court; car j'appris dans la suite qu'elle était morte au bout de deux ou trois ans de mariage.
Occupé de mes tendres regrets durant toute ma route, je sentis et j'ai souvent senti depuis lors, en y repensant, que si les sacrifices qu'on fait au devoir et à la vertu coûtent à faire, on en est bien payé par les doux souvenirs qu'ils laissent au fond du coeur.


Par: Jean-Jacques Rousseau

Ajoutée par Savinien le 07/11/2010

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Je revis le chirurgien Parisot, le meilleur et le mieux faisant des hommes; je revis sa chère Godefroi, qu'il entretenait depuis dix ans, et dont la douceur de caractère et la bonté de coeur faisaient à peu près tout le mérite, mais qu'on ne pouvait aborder sans intérêt ni quitter sans attendrissement; car elle était au dernier terme d'une étisie dont elle mourut peu après.
Rien ne montre mieux les vrais penchants d'un homme que l'espèce de ses attachements. Quand on avait vu la douce Godefroi, on connaissait le bon Parisot.


Par: Jean-Jacques Rousseau

Ajoutée par Savinien le 07/11/2010

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Lire en mangeant fut toujours ma fantaisie, au défaut d'un tête-à-tête: c'est le supplément de la société qui me manque.
Je dévore alternativement une page et un morceau: c'est comme si mon livre dînait avec moi.


Par: Jean-Jacques Rousseau

Ajoutée par Savinien le 05/11/2010

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La privation que je m'étais imposée et qu'elle avait fait semblant d'approuver est une de ces choses que les femmes ne pardonnent point, quelque mine qu'elles fassent, moins par la privation qui en résulte pour elles-mêmes, que par l'indifférence qu'elles y voient pour leur possession.
Prenez la femme la plus sensée, la plus philosophe, la moins attachée à ses sens; le crime le plus irrémissible que l'homme, dont au reste elle se soucie le moins, puisse commettre envers elle, est d'en pouvoir jouir et de n'en rien faire.


Par: Jean-Jacques Rousseau

Ajoutée par Savinien le 05/11/2010

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L'un des avantages des bonnes actions est d'élever l'âme, et de la disposer à en faire de meilleures: car telle est la faiblesse humaine, qu'on doit mettre au nombre des bonnes actions l'abstinence du mal qu'on est tenté de commettre.


Par: Jean-Jacques Rousseau

Ajoutée par Savinien le 05/11/2010

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Cette vie délicieuse dura quatre ou cinq jours, pendant lesquels je m'enivrai des plus douces voluptés. Je les goûtai pures, vives, sans aucun mélange de peines: ce sont les premières et les seules que j'aie ainsi goûtées; et je puis dire que je dois à madame de Larnage de ne pas mourir sans avoir connu le plaisir.


Par: Jean-Jacques Rousseau

Ajoutée par Savinien le 05/11/2010

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Quand je vivrais cent ans, je ne me rappellerais jamais sans plaisir le souvenir de cette charmante femme.
Je dis charmante, quoiqu'elle ne fût ni belle ni jeune; mais, n'étant non plus ni laide ni vieille, elle n'avait rien dans sa figure qui empêchât son esprit et ses grâces de faire tout leur effet. Tout au contraire des autres femmes, ce qu'elle avait de moins frais était le visage, et je crois que le rouge le lui avait gâté.
Elle avait ses raisons pour être facile, c'était le moyen de valoir tout son prix. On pouvait la voir sans l'aimer, mais non pas la posséder sans l'adorer.


Par: Jean-Jacques Rousseau

Ajoutée par Savinien le 05/11/2010

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Madame du Colombier, trop entourée de ses jeunes roquets, n'avait guère le temps de m'agacer, et d'ailleurs ce n'en était pas la peine, puisque nous allions nous quitter; mais madame de Larnage, moins obsédée, avait des provisions à faire pour sa route: voilà madame de Larnage qui m'entreprend; et adieu le pauvre Jean-Jacques, ou plutôt adieu la fièvre, les vapeurs, le polype; tout part auprès d'elle, hors certaines palpitations qui me restèrent et dont elle ne voulait pas me guérir.


Par: Jean-Jacques Rousseau

Ajoutée par Savinien le 05/11/2010

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Nous sommes si peu faits pour être heureux ici-bas, qu'il faut nécessairement que l'âme ou le corps souffre quand ils ne souffrent pas tous les deux, et que le bon état de l'un fait presque toujours tort à l'autre.


Par: Jean-Jacques Rousseau

Ajoutée par Savinien le 05/11/2010

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Je viens de retrouver parmi de vieux papiers une espèce d'exhortation que je me faisais à moi-même, et où je me félicitais de mourir à l'âge où l'on trouve assez de courage en soi pour envisager la mort, et sans avoir éprouvé de grands maux ni de corps ni d'esprit durant ma vie. Que j'avais bien raison! un pressentiment me faisait craindre de vivre pour souffrir. Il semblait que je prévoyais le sort qui m'attendait sur mes vieux jours.
Je n'ai jamais été si près de la sagesse que durant cette heureuse époque. Sans grands remords sur le passé, délivré des soucis de l'avenir, le sentiment qui dominait constamment dans mon âme était de jouir du présent.
Les dévots ont pour l'ordinaire une petite sensualité très vive qui leur fait savourer avec délices les plaisirs innocents qui leur sont permis. Les mondains leur en font un crime, je ne sais pourquoi; ou plutôt je le sais bien: c'est qu'ils envient aux autres la jouissance des plaisirs simples dont eux-mêmes ont perdu le goût.


Par: Jean-Jacques Rousseau

Ajoutée par Savinien le 05/11/2010

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Il faut passer sur ces essais, qui tous étaient pour moi des jouissances, mais trop simples pour pouvoir être expliquées. Encore un coup, le vrai bonheur ne se décrit pas, il se sent, et se sent d'autant mieux qu'il peut le moins se décrire, parce qu'il ne résulte pas d'un recueil de faits, mais qu'il est un état permanent.


Par: Jean-Jacques Rousseau

Ajoutée par Savinien le 05/11/2010

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A peine les neiges commençaient à fondre, que nous quittâmes notre cachot; et nous fûmes assez tôt aux Charmettes pour y avoir les prémices du rossignol. Dès lors je ne crus plus mourir; et réellement il est singulier que je n'aie jamais fait de grandes maladies à la campagne. J'y ai beaucoup souffert, mais je n'y ai jamais été alité. Souvent j'ai dit, me sentant plus mal qu'à l'ordinaire: quand vous me verrez prêt à mourir, portez-moi à l'ombre d'un chêne, je vous promets que j'en reviendrai.


Par: Jean-Jacques Rousseau

Ajoutée par Savinien le 05/11/2010

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En général, les croyants font Dieu comme ils sont eux-mêmes; les bons le font bon, les méchants le font méchant; les dévots, haineux et bilieux, ne voient que l'enfer, parce qu'ils voudraient damner tout le monde; les âmes aimantes et douces n'y croient guère.


Par: Jean-Jacques Rousseau

Ajoutée par Savinien le 05/11/2010

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Cet accident, qui devait tuer mon corps, ne tua que mes passions; et j'en bénis le ciel chaque jour, par l'heureux effet qu'il produisit sur mon âme. Je puis bien dire que je ne commençai de vivre que quand je me regardai comme un homme mort.
Donnant leur véritable prix aux choses que j'allais quitter, je commençai de m'occuper de soins plus nobles, comme par anticipation sur ceux que j'aurais bientôt à remplir et que j'avais fort négligés jusqu'alors.


Par: Jean-Jacques Rousseau

Ajoutée par Savinien le 05/11/2010

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Elle me soigna comme jamais mère n'a soigné son enfant; et cela lui fit du bien à elle-même, en faisant diversion aux projets et tenant écartés les projeteurs.
Quelle douce mort, si alors elle fût venue! Si j'avais peu goûté les biens de la vie, j'en avais peu senti les malheurs. Mon âme paisible pouvait partir sans le sentiment cruel de l'injustice des hommes, qui empoisonne la vie et la mort. J'avais la consolation de me survivre dans la meilleure moitié de moi-même; c'était à peine mourir.


Par: Jean-Jacques Rousseau

Ajoutée par Savinien le 04/11/2010

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Si je retournais dans le monde, j'aurais toujours dans ma poche un bilboquet, et j'en jouerais toute la journée pour me dispenser de parler quand je n'aurais rien à dire. Si chacun en faisait autant, les hommes deviendraient moins méchants, leur commerce deviendrait plus sûr, et je pense, plus agréable.
Enfin, que les plaisants rient s'ils veulent, mais je soutiens que la seule morale à la portée du présent siècle est la morale du bilboquet.


Par: Jean-Jacques Rousseau

Ajoutée par Savinien le 04/11/2010

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Je ne crains rien tant dans le monde qu'une jolie personne en déshabillé; je la redouterais cent fois moins parée.


Par: Jean-Jacques Rousseau

Ajoutée par Savinien le 04/11/2010

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L'accueil aisé, l'esprit liant, l'humeur facile des habitants du pays me rendit le commerce du monde aimable; et le goût que j'y pris alors m'a bien prouvé que si je n'aime pas à vivre parmi les hommes, c'est moins ma faute que la leur.


Par: Jean-Jacques Rousseau

Ajoutée par Savinien le 04/11/2010

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Une des preuves de l'excellence du caractère de cette aimable femme est que tous ceux qui l'aimaient s'aimaient entre eux. La jalousie, la rivalité même cédait au sentiment dominant qu'elle inspirait, et je n'ai vu jamais aucun de ceux qui l'entouraient se vouloir du mal l'un à l'autre.
Que ceux qui me lisent suspendent un moment leur lecture à cet éloge; et s'ils trouvent en y pensant quelque autre femme dont ils puissent en dire autant, qu'ils s'attachent à elle pour le repos de leur vie (fût-elle au reste la dernière des catins).


Par: Jean-Jacques Rousseau

Ajoutée par Savinien le 04/11/2010

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Pourquoi faut-il qu'ayant trouvé tant de bonnes gens dans ma jeunesse, j'en trouve si peu dans un âge avancé? Leur race est-elle épuisée? Non; mais l'ordre où j'ai besoin de les chercher aujourd'hui n'est plus le même où je les trouvais alors.
Parmi le peuple, où les grandes passions ne parlent que par intervalles, les sentiments de la nature se font plus souvent entendre. Dans les états plus élevés ils sont étouffés absolument, et, sous le masque du sentiment, il n'y a jamais que l'intérêt ou la vanité qui parle.


Par: Jean-Jacques Rousseau

Ajoutée par Savinien le 02/11/2010

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Voilà encore une circonstance de ma vie où la Providence m'offrait précisément ce qu'il me fallait pour couler des jours heureux.
La Merceret était une très bonne fille, point brillante, point belle, mais point laide non plus; peu vive, fort raisonnable, à quelques petites humeurs près, qui se passaient à pleurer, et qui n'avaient jamais de suite orageuse. Elle avait un vrai goût pour moi; j'aurais pu l'épouser sans peine, et suivre le métier de son père. Mon goût pour la musique me l'aurait fait aimer. Je me serais établi à Fribourg, petite ville peu jolie, mais peuplée de bonnes gens.
J'aurais perdu sans doute de grands plaisirs, mais j'aurais vécu en paix jusqu'à ma dernière heure; et je dois savoir mieux que personne qu'il n'y avait pas à balancer sur ce marché.


Par: Jean-Jacques Rousseau

Ajoutée par Savinien le 02/11/2010

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Ceux qui liront ceci ne manqueront pas de rire de mes aventures galantes, en remarquant qu'après beaucoup de préliminaires, les plus avancées finissent par baiser la main.
O mes lecteurs, ne vous y trompez pas. J'ai peut-être eu plus de plaisir dans mes amours en finissant par cette main baisée, que vous n'en aurez jamais dans les vôtres en commençant tout au moins par là.


Par: Jean-Jacques Rousseau

Ajoutée par Savinien le 02/11/2010

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J'aimerais la société comme un autre, si je n'étais sûr de m'y montrer non seulement à mon désavantage, mais tout autre que je ne suis.
Le parti que j'ai pris d'écrire et de me cacher est précisément celui qui me convenait. Moi présent, on n'aurait jamais su ce que je valais, on ne l'aurait pas soupçonné même.


Par: Jean-Jacques Rousseau

Ajoutée par Savinien le 01/11/2010

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Dans le tête-à-tête il y a un autre inconvénient que je trouve pire, la nécessité de parler toujours: quand on vous parle, il faut répondre; et si l'on ne dit mot, il faut relever la conversation.
Cette insupportable contrainte m'eût seule dégoûté de la société.
Je ne trouve point de gêne plus terrible que l'obligation de parler sur-le-champ et toujours. Je ne sais si ceci tient à ma mortelle aversion pour tout assujettissement; mais c'est assez qu'il faille absolument que je parle, pour que je dise une sottise infailliblement.


Par: Jean-Jacques Rousseau

Ajoutée par Savinien le 01/11/2010

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Mes commencements furent admirables; j'étais d'une assiduité, d'une attention, d'un zèle qui charmaient tout le monde. L'abbé Gaime m'avait sagement averti de modérer cette première ferveur, de peur qu'elle ne vînt à se relâcher et qu'on n'y prît garde.
Votre début, me dit-il, est la règle de ce qu'on exigera de vous: tâchez de vous ménager de quoi faire plus dans la suite, mais gardez-vous de faire jamais moins.


Par: Jean-Jacques Rousseau

Ajoutée par Savinien le 01/11/2010

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J'ai l'âme aimante, et je me suis toujours attaché aux gens moins à proportion du bien qu'ils m'ont fait que de celui qu'ils m'ont voulu.


Par: Jean-Jacques Rousseau

Ajoutée par Savinien le 01/11/2010

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Il me fit sentir que l'enthousiasme des vertus sublimes était peu d'usage dans la société; qu'en s'élançant trop haut on était sujet aux chutes; que la continuité des petits devoirs toujours bien remplis ne demandait pas moins de force que les actions héroïques; qu'on en tirait meilleur parti pour l'honneur et pour le bonheur; et qu'il valait infiniment mieux avoir toujours l'estime des hommes, que quelquefois leur admiration.


Par: Jean-Jacques Rousseau

Ajoutée par Savinien le 01/11/2010

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Il me fit un tableau vrai de la vie humaine, dont je n'avais que de fausses idées; il me montra comment, dans un destin contraire, l'homme sage peut toujours tendre au bonheur et courir au plus près du vent pour y parvenir; comment il n'y a point de vrai bonheur sans sagesse, et comment la sagesse est de tous les états.
Il amortit beaucoup mon admiration pour la grandeur, en me prouvant que ceux qui dominaient les autres n'étaient ni plus sages ni plus heureux qu'eux.
Il me dit une chose qui m'est souvent revenue à la mémoire: c'est que si chaque homme pouvait lire dans les coeurs de tous les autres, il y aurait plus de gens qui voudraient descendre que de ceux qui voudraient monter.


Par: Jean-Jacques Rousseau

Ajoutée par Savinien le 01/11/2010

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Ce souvenir cruel me trouble quelquefois, et me bouleverse au point de voir dans mes insomnies cette pauvre fille venir me reprocher mon crime comme s'il n'était commis que d'hier.
Tant que j'ai vécu tranquille il m'a moins tourmenté, mais au milieu d'une vie orageuse il m'ôte la plus douce consolation des innocents persécutés: il me fait bien sentir ce que je crois avoir dit dans quelque ouvrage, que le remords s'endort durant un destin prospère, et s'aigrit dans l'adversité.


Par: Jean-Jacques Rousseau

Ajoutée par Savinien le 01/11/2010

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Moi, avec une impudence infernale, je confirme ma déclaration, et lui soutiens en face qu'elle m'a donné le ruban. La pauvre fille se mit à pleurer, et ne me dit que ces mots: Ah! Rousseau, je vous croyais un bon caractère. Vous me rendez bien malheureuse, mais je ne voudrais pas être à votre place. Voilà tout.
[...]
Dans le tracas où l'on était, on ne se donna pas le temps d'approfondir la chose; et le comte de la Roque, en nous renvoyant tous deux, se contenta de dire que la conscience du coupable vengerait assez l'innocent. Sa prédiction n'a pas été vaine; elle ne cesse pas un seul jour de s'accomplir.
[...]
Je ne regarde pas même la misère et l'abandon comme le plus grand danger auquel je l'ai exposée. Qui sait, à son âge, où le découragement de l'innocence avilie a pu la porter! Eh! Si le remords d'avoir pu la rendre malheureuse est insupportable, qu'on juge de celui d'avoir pu la rendre pire que moi!


Par: Jean-Jacques Rousseau

Ajoutée par Savinien le 01/11/2010

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J'ai remarqué depuis que cette manière sèche d'interroger les gens pour les connaître est un tic assez commun chez les femmes qui se piquent d'esprit.
Elles s'imaginent qu'en ne laissant point paraître leur sentiment elles parviendront à mieux pénétrer le vôtre: mais elles ne voient pas qu'elles ôtent par là le courage de le montrer.
Un homme qu'on interroge commence par cela seul à se mettre en garde; et s'il croit que, sans prendre à lui un véritable intérêt, on ne veut que le faire jaser, il ment, ou se tait, ou redouble d'attention sur lui-même, et aime encore mieux passer pour un sot que d'être dupe de votre curiosité. Enfin c'est toujours un mauvais moyen de lire dans le coeur des autres que d'affecter de cacher le sien.


Par: Jean-Jacques Rousseau

Ajoutée par Savinien le 01/11/2010

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J'aimais trop sincèrement, trop parfaitement, j'ose dire, pour pouvoir aisément être heureux. Jamais passions ne furent en même temps plus vives et plus pures que les miennes; jamais amour ne fut plus tendre, plus vrai, plus désintéressé.
J'aurais mille fois sacrifié mon bonheur à celui de la personne que j'aimais; sa réputation m'était plus chère que ma vie, et jamais, pour tous les plaisirs de la jouissance, je n'aurais voulu compromettre un moment son repos.
Cela m'a fait apporter tant de soins, tant de secret, tant de précaution dans mes entreprises, que jamais aucune n'a pu réussir. Mon peu de succès près des femmes est toujours venu de les trop aimer.


Par: Jean-Jacques Rousseau

Ajoutée par Savinien le 01/11/2010

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Le sophisme qui me perdit est celui de la plupart des hommes, qui se plaignent de manquer de force quand il est déjà trop tard pour en user. La vertu ne nous coûte que par notre faute; et si nous voulions être toujours sages, rarement aurions-nous besoin d'être vertueux.
Mais des penchants faciles à surmonter nous entraînent sans résistance; nous cédons à des tentations légères dont nous méprisons le danger. Insensiblement nous tombons dans des situations périlleuses, dont nous pouvions aisément nous garantir, mais dont nous ne pouvons plus nous tirer sans des efforts héroïques qui nous effrayent; et nous tombons enfin dans l'abîme, en disant à Dieu: Pourquoi m'as-tu fait si faible?
Mais malgré nous il répond à nos consciences: Je t'ai fait trop faible pour sortir du gouffre, parce que je t'ai fait assez fort pour n'y pas tomber.


Par: Jean-Jacques Rousseau

Ajoutée par Savinien le 01/11/2010

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Je n'ai voyagé à pied que dans mes beaux jours, et toujours avec délices. Bientôt les devoirs, les affaires, un bagage à porter, m'ont forcé de faire le monsieur et de prendre des voitures; les soucis rongeants, les embarras, la gêne y sont montés avec moi; et dès lors, au lieu qu'auparavant dans mes voyages je ne sentais que le plaisir d'aller, je n'ai plus senti que le besoin d'arriver.


Par: Jean-Jacques Rousseau

Ajoutée par Savinien le 01/11/2010

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Cette conduite d'un père dont j'ai si bien connu la tendresse et la vertu m'a fait faire des réflexions sur moi-même qui n'ont pas peu contribué à me maintenir le coeur sain.
J'en ai tiré cette grande maxime de morale, la seule peut-être d'usage dans la pratique, d'éviter les situations qui mettent nos devoirs en opposition avec nos intérêts, et qui nous montrent notre bien dans le mal d'autrui, sûr que, dans de telles situations, quelque sincère amour de la vertu qu'on y porte, on faiblit tôt ou tard sans s'en apercevoir; et l'on devient injuste et méchant dans le fait, sans avoir cessé d'être juste et bon dans l'âme.


Par: Jean-Jacques Rousseau

Ajoutée par Savinien le 01/11/2010

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Je suis moins tenté de l'argent que des choses, parce qu'entre l'argent et la possession désirée il y a toujours un intermédiaire; au lieu qu'entre la chose même et sa jouissance il n'y en a point. Je vois la chose, elle me tente; si je ne vois que le moyen de l'acquérir, il ne me tente pas.


Par: Jean-Jacques Rousseau

Ajoutée par Savinien le 01/11/2010

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Si j'avais eu jamais un revenu suffisant pour vivre commodément, je n'aurais point été tenté d'être avare, j'en suis très sûr; je dépenserais tout mon revenu sans chercher à l'augmenter: mais ma situation précaire me tient en crainte.
J'adore la liberté; j'abhorre la gêne, la peine, l'assujettissement. Tant que dure l'argent que j'ai dans ma bourse, il assure mon indépendance; il me dispense de m'intriguer pour en trouver d'autre, nécessité que j'eus toujours en horreur; mais de peur de le voir finir, je le choie.
L'argent qu'on possède est l'instrument de la liberté; celui qu'on pourchasse est celui de la servitude. Voilà pourquoi je serre bien et ne convoite rien.


Par: Jean-Jacques Rousseau

Ajoutée par Savinien le 01/11/2010

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Si mon sang allumé me demande des femmes, mon cœur ému me demande encore plus de l'amour. Des femmes à prix d'argent perdraient pour moi tous leurs charmes; je doute même s'il serait en moi d'en profiter. Il en est ainsi de tous les plaisirs à ma portée; s'ils ne sont gratuits, je les trouve insipides. J'aime les seuls biens qui ne sont à personne qu'au premier qui sait les goûter.


Par: Jean-Jacques Rousseau

Ajoutée par Savinien le 01/11/2010

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Bientôt, à force d'essuyer de mauvais traitements, j'y devins moins sensible; ils me parurent enfin une sorte de compensation du vol, qui me mettait en droit de le continuer. Au lieu de retourner les yeux en arrière et de regarder la punition, je les portais en avant et je regardais la vengeance. Je jugeais que me battre comme fripon, c'était m'autoriser à l'être.


Par: Jean-Jacques Rousseau

Ajoutée par Savinien le 01/11/2010

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J'ai fait le premier pas et le plus pénible dans le labyrinthe obscur et fangeux de mes confessions. Ce n'est pas ce qui est criminel qui coûte le plus à dire, c'est ce qui est ridicule et honteux.


Par: Jean-Jacques Rousseau

Ajoutée par Savinien le 01/11/2010

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