Citations de Arthur Rimbaud
12 Citations
A la musique
Moi, je suis, débraillé comme un étudiant,
Sous les marronniers verts les alertes fillettes.
Elles le savent bien et tournent en riant
Vers moi leurs yeux tout pleins de choses indiscrètes.
Je ne dis pas un mot; je regarde toujours
La chair de leur cou blanc brodé de mèches folles;
Je suis, sous le corsage et les frêles atours,
Le dos divin après la courbe des épaules.
Je cherche la bottine et je vais jusqu'aux bas;
Je reconstruis le corps, brûlé de belles fièvres.
Elles me trouvent drôle et se parlent tout bas.
Et je sens des baisers qui me viennent aux lèvres.
Par: Arthur Rimbaud
Ajoutée par Savinien le 15/08/2020
Bal des pendus
Au gibet noir, manchot aimable,
Dansent, dansent les paladins,
Les maigres paladins du diable,
Les squelettes de Saladins.
Messire Belzébuth tire par la cravate
Ses petits pantins noirs grimaçant sur le ciel,
Et, leur claquant au front un revers de savate,
Les fait danser, danser aux sons d'un vieux Noël!
Et les pantins, choqués, enlacent leurs bras grêles.
Comme des orgues noirs, des poitrines à jour,
Que serraient autrefois les gentes damoiselles,
Se heurtent longuement dans un hideux amour.
Par: Arthur Rimbaud
Ajoutée par Savinien le 15/08/2020
Ophélie
O pâle Ophélia! Belle comme la neige!
Oui tu mourus, enfant, par un fleuve emporté!
- C'est que les vents tombant des grand monts de Norwège
T'avaient parlé tout bas de l'âpre liberté;
C'est qu'un souffle du ciel, tordant ta chevelure
À ton esprit rêveur portait d'étranges bruits;
Que ton coeur entendait le coeur de la Nature
Dans les plaintes de l'arbre et les soupirs des nuits;
C'est que la voix des mers, comme un immense râle,
Brisait ton sein d'enfant, trop humain et trop doux;
- C'est qu'un matin d'avril, un beau cavalier pâle,
Un pauvre fou, s'assit muet à tes genoux!
Ciel! Amour! Liberté! Quel rêve, ô pauvre folle!
Tu te fondais à lui comme une neige au feu:
Tes grandes visions étranglaient ta parole:
- Un infini terrible effara ton oeil bleu!...
Et le Poète dit qu'aux rayons des étoiles
Tu viens chercher la nuit les fleurs que tu cueillis,
Et qu'il a vu sur l'eau, couchée en ses longs voiles,
La blanche Ophélia flotter comme un grand lys.
Par: Arthur Rimbaud
Extrait de: Correspondances (Rimbaud) (1870)
Ajoutée par Savinien le 15/08/2020
Par les beaux soirs d'été, j'irai dans les sentiers,
Picoté par les blés, fouler l'herbe menue:
Rêveur, j'en sentirai la fraîcheur à mes pieds
Je laisserai le vent baigner ma tête nue...
Je ne parlerai pas, je ne penserai rien...
Mais un amour immense entrera dans mon âme :
Et j'irai loin, bien loin, comme un bohémien,
Par la Nature, - Heureux comme avec une femme!
Par: Arthur Rimbaud
Extrait de: Correspondances (Rimbaud) (1870)
Ajoutée par Savinien le 15/08/2020
Roman
Le coeur fou robinsonne à travers les romans,
Lorsque, dans la clarté pâle d'un réverbère,
Passe une demoiselle aux petits airs charmants
Sous l'ombre du faux-col effrayant de son père.
Et comme elle vous trouve immensément naïf,
Tout en faisant trotter ses petites bottines,
Elle se tourne alerte et d'un mouvement vif.
Sur vos lèvres, alors, meurent les cavatines.
Vous êtes amoureux, loué jusqu'au mois d'août!
Vous êtes amoureux: vos sonnets la font rire.
Tous vos amis s'en vont, vous êtes mauvais goût.
- Puis l'adorée, un soir, a daigné vous écrire.
Ce soir-là, vous rentrez aux cafés éclatants,
Vous demandez des bocks ou de la limonade...
On n'est pas sérieux quand on a dix-sept ans
Et qu'on a des tilleuls verts sur la promenade.
Par: Arthur Rimbaud
Ajoutée par Savinien le 15/08/2020
Rêvé pour l'hiver
L'hiver, nous irons dans un petit wagon rose
Avec des coussins bleus.
Nous serons bien. Un nid de baisers fous repose
Dans chaque coin moelleux.
Tu fermeras l'oeil, pour ne point voir, par la glace,
Grimacer les ombres des soirs,
Ces monstruosités hargneuses, populace
De démons noirs et de loups noirs.
Puis tu te sentiras la joue égratignée...
Un petit baiser, comme une folle araignée,
Te courra par le cou...
Et tu me diras: « Cherche! » en inclinant la tête,
- Et nous prendrons du temps à trouver cette bête
- Qui voyage beaucoup...
Par: Arthur Rimbaud
Ajoutée par Savinien le 11/04/2011
Le dormeur du Val
C'est un trou de verdure où chante une rivière
Accrochant follement aux herbes des haillons
D'argent: où le soleil, de la montagne fière,
Luit: c'est un petit val qui mousse de rayons.
Un soldat jeune, bouche ouverte, tête nue,
Et la nuque baignant dans le frais cresson bleu,
Dort: il est étendu dans l'herbe, sous la nue,
Pâle dans son lit vert où la lumière pleut.
Les pieds dans les glaïeuls, il dort. Souriant comme
Sourirait un enfant malade, il fait un somme:
Nature, berce-le chaudement: il a froid.
Les parfums ne font pas frisonner sa narine;
Il dort dans le soleil, la main sur sa poitrine
Tranquille. Il a deux trous rouges au côté droit.
Par: Arthur Rimbaud
Ajoutée par Savinien le 11/04/2011
Première soirée
- Elle était fort déshabillée
Et de grands arbres indiscrets
Aux vitres jetaient leur feuillée
Malinement, tout près, tout près.
Assise sur ma grande chaise,
Mi-nue, elle joignait les mains.
Sur le plancher frissonnaient d'aise
Ses petits pieds si fins, si fins.
- Je regardai, couleur de cire
Un petit rayon buissonnier
Papillonner dans son sourire
Et sur son sein, - mouche au rosier.
- Je baisais ses fines chevilles.
Elle eut un doux rire brutal
Qui s'égrenait en claires trilles,
Un joli rire de cristal.
Les petits pieds sous la chemise
Se sauvèrent: « veux-tu finir! »
- La première audace permise,
Le rire feignait de punir!
- Pauvrets palpitants sous ma lèvre,
Je baisais doucement ses yeux:
- Elle jeta sa tête mièvre
En arrière: « Oh! c'est encore mieux!...
Monsieur, j'ai deux mots à te dire... »
- Je lui jetai le reste au sein
Dans un baiser, qui la fit rire
D'un bon rire qui voulait bien...
- Elle était fort déshabillée
Et de grands arbres indiscrets
Aux vitres jetaient leur feuillée
Malinement, tout près, tout près.
Par: Arthur Rimbaud
Ajoutée par Savinien le 10/04/2011
Credo in unam
Par la lune d'été vaguement éclairée,
Debout, nue et rêvant dans sa pâleur dorée
Que tache le flot lourd de ses longs cheveux bleus,
Dans la clairière sombre où la mousse s'étoile,
La dryade regarde au ciel mystérieux...
- La blanche Selenè laisse flotter son voile,
Craintive, sur les pieds du bel Endymion,
Et lui jette un baiser dans un pâle rayon...
- La source pleure au loin dans une longue extase;
C'est la nymphe qui rêve, un coude sur son vase
Au beau jeune homme fort que son onde a pressé...
- Une brise d'amour dans la nuit a passé...
Et dans les bois sacrés, sous l'horreur des grands arbres,
Majestueusement debout, les sombres marbres,
Les dieux au front desquels le bouvreuil fait son nid,
- Les dieux écoutent l'homme et le monde infini!...
Par: Arthur Rimbaud
Ajoutée par Savinien le 10/04/2011
Credo in unam
Parce qu'il était fort, l'Homme était chaste et doux!
Misère! Maintenant, il dit: je sais les choses,
Et va les yeux fermés et les oreilles closes!
S'il accepte des dieux, il est au moins un roi!
C'est qu'il n'a plus l'amour, s'il a perdu la foi!
- Oh! S'il savait encore puiser à ta mamelle,
Grand-mère des dieux et des hommes, Cybèle!
S'il n'avait pas laissé l'immortelle Astarté
Qui jadis, émergeant dans l'immense clarté
Des flots bleus, fleur de chair que la vague parfume,
Montra son nombril rose où vint neiger l'écume,
Et fit chanter partout, déesse aux yeux vainqueurs,
Le rossignol aux bois et l'amour dans les coeurs!
Par: Arthur Rimbaud
Ajoutée par Savinien le 10/04/2011
Par les beaux soirs d'été, j'irai dans les sentiers,
Picoré par les blés, fouler l'herbe menue;
Rêveur, j'en sentirai la fraîcheur à mes pieds;
Je laisserai le vent baigner ma tête nue...
Je ne parlerai pas, je ne penserai rien...
Mais un amour immense entrera dans mon âme:
Et j'irai loin, bien loin, comme un bohémien,
Par la nature, - heureux comme avec une femme!
Par: Arthur Rimbaud
Ajoutée par Savinien le 10/04/2011
Les étrennes des orphelins
La chambre est pleine d'ombre; on entend vaguement
De deux enfants le triste et doux chuchotement.
Leur front se penche, encore, alourdi par le rêve;
Sous le long rideau blanc qui tremble et se soulève...
- Au dehors les oiseaux se rapprochent frileux;
Leur aile s'engourdit sous le ton gris des cieux;
Et la nouvelle année, à la suite brumeuse,
Laissant traîner les plis de sa robe neigeuse,
Sourit avec des pleurs, et chante en grelottant...
Par: Arthur Rimbaud
Ajoutée par Savinien le 10/04/2011